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Au moment de la légalisation du SPD, certains militants refusent de faire un tournant dans la façon de militer et de se concentrer sur la bataille électorale, le groupe dit des Jeunes ([[Die Jungen]]). Formé au printemps et à l'été 1890, il était dirigé par d'anciens étudiants universitaires: jeunes lettrés et éditeurs de journaux du parti, ainsi que des dirigeants de syndicats et de partis d'organisations locales. Leurs dirigeants étaient [[Paul Ernst]], [[Paul Kampffmeyer]], [[Hans Müller]], [[Bruno Wille]], [[Wilhelm Werner]], [[Carl Wildberger]] et d'autres. Ils se lancèrent dans une campagne de dénonciation du Conseil exécutif (Vorstand) du parti, qu'ils accusaient d'être corrompu, [[opportuniste]] et [[Démocratie interne|anti-démocratique]]. En octobre 1891, les dirigeants des Jeunes sont expulsés du Parti.
 
Au moment de la légalisation du SPD, certains militants refusent de faire un tournant dans la façon de militer et de se concentrer sur la bataille électorale, le groupe dit des Jeunes ([[Die Jungen]]). Formé au printemps et à l'été 1890, il était dirigé par d'anciens étudiants universitaires: jeunes lettrés et éditeurs de journaux du parti, ainsi que des dirigeants de syndicats et de partis d'organisations locales. Leurs dirigeants étaient [[Paul Ernst]], [[Paul Kampffmeyer]], [[Hans Müller]], [[Bruno Wille]], [[Wilhelm Werner]], [[Carl Wildberger]] et d'autres. Ils se lancèrent dans une campagne de dénonciation du Conseil exécutif (Vorstand) du parti, qu'ils accusaient d'être corrompu, [[opportuniste]] et [[Démocratie interne|anti-démocratique]]. En octobre 1891, les dirigeants des Jeunes sont expulsés du Parti.
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Vers la fin de sa vie, [[Friedrich Engels|Engels]] voyait les progrès croissants du parti social-démocrate allemand, devenu un parti ouvrier de masse et prétendant au pouvoir. Il voyait aussi les risques de guerre en Europe (qui a finalement [[Guerre de 1914-1918|éclaté en 1914]]). Il considérait que le choc de la guerre précipiterait le pouvoir dans les mains des socialistes, mais qu'une telle situation était plus risquée, notamment parce que le parti n'étant pas suffisamment prêt, il devrait prendre des mesures de terreur :
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Vers la fin de sa vie, [[Friedrich Engels|Engels]] voyait les progrès croissants du parti social-démocrate allemand, devenu un parti ouvrier de masse et prétendant au pouvoir. Il voyait aussi les risques de guerre en Europe (qui a finalement [[Guerre de 1914-1918|éclaté en 1914]]). Il considérait que le choc de la guerre précipiterait le pouvoir dans les mains des socialistes, mais qu'une telle situation était plus risquée, notamment parce que le parti n'étant pas suffisamment prêt, il devrait prendre des mesures de [[Terreur rouge|terreur]] :
 
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« Afin de prendre possession et de mettre en marche les moyens de production, nous avons besoin de personnes ayant une formation technique, et en masse. Nous ne les avons pas et jusqu'à présent, nous avons même été plutôt heureux d'avoir été largement épargnés par les personnes "instruites". Maintenant, les choses sont différentes. Maintenant, nous sommes assez forts pour supporter n'importe quelle quantité de racailles instruites et pour les digérer, et je prévois qu'au cours des huit ou dix prochaines années, nous recruterons suffisamment de jeunes techniciens, médecins, avocats et maîtres d'école pour nous permettre d'administrer les usines et les grands domaines  au nom de la nation par des camarades du Parti. Alors, notre arrivée au pouvoir sera tout à fait naturelle et s'installera rapidement - en comparaison, si en revanche, une guerre nous amène au pouvoir prématurément, les techniciens seront nos principaux ennemis; ils nous tromperont et nous trahiront partout où ils le pourront et nous devrons user de terreur contre eux, mais nous serons tout de même trompés. C'est ce qui arrivait ''toujours'', à petite échelle, aux révolutionnaires français; même dans l'administration ordinaire, ils devaient laisser les postes subalternes, où le vrai travail est fait, aux mains de vieux réactionnaires qui obstruaient et paralysaient tout. »<ref>[[:en:Letter to August Bebel, October 24, 1891|Letter to August Bebel, October 24, 1891]]</ref>
 
« Afin de prendre possession et de mettre en marche les moyens de production, nous avons besoin de personnes ayant une formation technique, et en masse. Nous ne les avons pas et jusqu'à présent, nous avons même été plutôt heureux d'avoir été largement épargnés par les personnes "instruites". Maintenant, les choses sont différentes. Maintenant, nous sommes assez forts pour supporter n'importe quelle quantité de racailles instruites et pour les digérer, et je prévois qu'au cours des huit ou dix prochaines années, nous recruterons suffisamment de jeunes techniciens, médecins, avocats et maîtres d'école pour nous permettre d'administrer les usines et les grands domaines  au nom de la nation par des camarades du Parti. Alors, notre arrivée au pouvoir sera tout à fait naturelle et s'installera rapidement - en comparaison, si en revanche, une guerre nous amène au pouvoir prématurément, les techniciens seront nos principaux ennemis; ils nous tromperont et nous trahiront partout où ils le pourront et nous devrons user de terreur contre eux, mais nous serons tout de même trompés. C'est ce qui arrivait ''toujours'', à petite échelle, aux révolutionnaires français; même dans l'administration ordinaire, ils devaient laisser les postes subalternes, où le vrai travail est fait, aux mains de vieux réactionnaires qui obstruaient et paralysaient tout. »<ref>[[:en:Letter to August Bebel, October 24, 1891|Letter to August Bebel, October 24, 1891]]</ref>
 
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===Impérialisme et révisionnisme===
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===Impérialisme et révisionnisme===
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À partir des années 1890, le SPD et ses alliés syndicaux acquièrent une puissance sans précédent. Le capitalisme de la [[Belle_Époque|Belle Époque]] est florissant, et les luttes des travailleurs sont fructueuses, en parallèle d'une plus grande liberté politique pour le travail parlementaire. Beaucoup de social-démocrates veulent alors croire à une progression graduelle vers le [[Socialisme|socialisme]], d'autant plus qu'une [[Bureaucratie ouvrière|bureaucratie]] se forme à la tête des syndicats et du SPD, qui a de plus en plus d'intérêts à composer avec la [[Bourgeoisie|bourgeoisie]].
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L'analyse faite par beaucoup de marxistes, dont [[Lénine]], est que ce phénomène de bureaucratisation était structurel, car à cette époque le capitalisme serait entré dans une nouvelle époque, son « [[Stade impérialiste|stade suprême]], l'impérialisme ». Selon cette analyse, les bourgeoisies des [[Pays impérialistes et pays dominés|pays impérialistes]] dégageraient assez de [[surprofits]] pour corrompre les couches supérieures de la classe ouvrière (« [[aristocratie ouvrière]] »).
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Pour mettre en accord la théorie, qui reste révolutionnaire, avec la pratique [[Réformisme|réformiste]] centrée sur les syndicats et le parlement, une forte tendance à « réviser le marxisme » (on parlait de [[Révisionnisme_(années_1890)|révisionnisme]]) apparaît autour de la figure d'[[Eduard Bernstein]]. Dans les congrès et dans les organes théoriques (tenus par [[Karl Kautsky]] qui fait figure de gardien du marxisme orthodoxe), cette ligne est mise en minorité et réfutée. Mais sans que cela enraye la dérive rampante.
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À partir des années 1890 on peut considérer que s'ouvre une nouvelle époque du capitalisme, avec son "stade suprême", l'[[Impérialisme|impérialisme]]. Dans cette période, le SPD et ses alliés syndicaux acquièrent une puissance sans précédent. Le capitalisme de la [[Belle_Époque|Belle Époque]] est florissant, et les luttes des travailleurs sont fructueuses, en parallèle d'une plus grande liberté politique pour le travail parlementaire. Beaucoup de social-démocrates veulent alors croire à une progression graduelle vers le [[Socialisme|socialisme]], d'autant plus qu'une "[[Aristocratie_ouvrière|aristocratie ouvrière]]" se forme à la tête des syndicats et du SPD, qui a de plus en plus d'intérêts à composer avec la [[Bourgeoisie|bourgeoisie]]. Pour mettre en accord la théorie, qui reste révolutionnaire, avec la pratique [[Réformisme|réformiste]] centrée sur les syndicats et le parlement, une forte tendance [[Révisionnisme_(années_1890)|révisionniste]] apparaît autour de la figure d'[[Eduard_Bernstein|Eduard Bernstein]].
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Parallèlement, alors que la menace [[Militarisme|militariste]] gronde en Europe, le SPD en tête de l'[[Internationale_ouvrière|Internationale ouvrière]] se porte garant du pacifisme. Néanmoins, en 1907, au congrès de Stuttgart, le SPD s’oppose à l’idée d’une [[Grève_générale|grève générale]] en cas de déclaration de [[Guerre|guerre]] et se prononce seulement en faveur de la [[Propagande|propagande]] pacifique et de l’action politique.
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Alors que la menace [[Militarisme|militariste]] gronde en Europe, le SPD en tête de l'[[Internationale ouvrière]] se porte garant du pacifisme. Néanmoins, en 1907, au congrès de Stuttgart, le SPD s’oppose à l’idée d’une [[grève générale]] en cas de déclaration de [[guerre]] et se prononce seulement en faveur de la [[propagande]] pacifique et de l’action politique.
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Au congrès d'Iéna de 1911, sur la proposition de [[Karl_Liebknecht|Karl Liebknecht]], on proposa à Trotski (qui était alors en exil en Europe) de de parler des actes de violence commis par le gouvernement [[tsariste|tsariste]] en Finlande. Mais [[August_Bebel|Bebel]] demanda à Trotski de ne pas intervenir pour éviter d’attirer des ennuis… Trotski accepta, et Liebnecht indigné, fit lui un discours véhément contre le tsar.<ref>Léon Trotski, ''[https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/mavie/mv18.htm Ma vie, 16. Deuxième émigration - le socialisme allemand]'', 1930</ref>
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Au congrès d'Iéna de 1911, sur une idée de [[Karl Liebknecht]], on proposa à [[Léon Trotski|Trotski]] (qui était alors en exil en Europe) de parler des actes de violence commis par le gouvernement [[tsariste]] en Finlande. Mais [[August_Bebel|Bebel]] demanda à Trotski de ne pas intervenir pour éviter d’attirer des ennuis… Trotski accepta, et Liebknecht indigné, fit lui un discours véhément contre le tsar.<ref>Léon Trotski, ''[https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/mavie/mv18.htm Ma vie, 16. Deuxième émigration - le socialisme allemand]'', 1930</ref> Liebknecht, et surtout [[Rosa Luxemburg]], représentaient l'aile gauche du parti.
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La minorité de gauche est battue au congrès d'Iéna, mais continue sa propagande révolutionnaire. Dans les cercles dirigeants du SPD, on méprise et on craint cette aile gauche. Les "''Rosaleute" ''sont une obsession constante chez Kautsky dans les années 1913-1914.
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La gauche est battue au congrès d'Iéna, mais continue sa propagande révolutionnaire. Dans les cercles dirigeants du SPD, on méprise et on craint cette aile gauche. Les "''Rosaleute" ''sont une obsession constante chez Kautsky dans les années 1913-1914. Pourtant c'est vers la droite du parti que le centre de gravité se déplace. En 1913 après la mort de Bebel, [[Friedrich Ebert]], qui représente l'aile droite du parti, devient co-président du parti avec [[Hugo Haase]], qui était proche de Bebel.
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La [[Première_guerre_mondiale|Première guerre mondiale]] fut un test douloureux pour le [[Mouvement_ouvrier|mouvement ouvrier]]...
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Si la gauche du parti n'était pas dupe de la dérive droitière, elle ne s'attendait certainement pas à une trahison de l'ampleur de ce que fut le ''[[Burgfrieden]]''.
    
===La trahison du Burgfrieden===
 
===La trahison du Burgfrieden===
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La [[Première guerre mondiale]] fut un test douloureux pour le [[mouvement ouvrier]], révélant à quel point les dirigeants socialistes étaient loin de vouloir s'engager dans une politique révolutionnaire si une [[Situation révolutionnaire|situation de crise]] survenait.
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Si la gauche du parti, avec [[Rosa_Luxemburg|Rosa Luxemburg]] comme meilleure représentante, n'était pas dupe de la dérive droitière, elle ne s'attendait certainement pas à une trahison de l'ampleur de ce que fut le "[[Burgfrieden|burgfrieden]]", l'unité avec la bourgeoisie pour la "défense de la patrie".
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La propagande pacifiste des socialistes était encore forte en juillet 1914, ce qui d'ailleurs irritait le Kaiser Guillaume II, qui écrivit le 29 juillet&nbsp;:
 
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La propagande pacifiste des socialiste était encore forte en juillet 1914, ce qui d'ailleurs irritait le Kaiser Guillaume II, qui écrivit le 29 juillet&nbsp;:
   
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''«Les socialistes se livrent dans les rues à des manœuvres antimilitaristes, il ne faut pas le supporter, surtout pas ''à présent. ''Si ces troubles se répètent, je proclamerai l’état de siège et je ferai enfermer les dirigeants et tutti quanti. Nous ne pouvons permettre à l’heure actuelle aucune propagande socialiste.»''
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''« Les socialistes se livrent dans les rues à des manœuvres antimilitaristes, il ne faut pas le supporter, surtout pas ''à présent. ''Si ces troubles se répètent, je proclamerai l’état de siège et je ferai enfermer les dirigeants et tutti quanti. Nous ne pouvons permettre à l’heure actuelle aucune propagande socialiste. »''
 
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Mais le gouvernement choisit plutôt de jouer finement. Par le biais notamment d'échanges entre le chancelier Bethmann Hollweg et le "socialiste" Albert Südeküm, il connaissait assez bien l'état d'esprit des dirigeants du SPD. Le 30 juillet,&nbsp;à la réunion du ministère d’État de Prusse, le chancelier disait&nbsp;: ''«Il n’y avait plus trop à craindre [du SPD]&nbsp;»''
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Mais le gouvernement choisit plutôt de jouer finement. Par le biais notamment d'échanges entre le chancelier [[w:Bethmann Hollweg|Bethmann Hollweg]] et le "socialiste" [[Albert Südeküm]], il connaissait assez bien l'état d'esprit des dirigeants du SPD. Le 30 juillet,&nbsp;à la réunion du ministère d’État de Prusse, le chancelier disait&nbsp;: ''« Il n’y avait plus trop à craindre [du SPD]&nbsp;»''
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Ebert, le second président du parti écrivait le 27 juillet 1914 au comité directeur qu’au cas où une catastrophe surviendrait ''«&nbsp;il y aurait aussi des difficultés à l’intérieur de notre parti. La guerre et la puissante renaissance du mouvement ouvrier en Russie inspireront au groupe de Rosa de nouveaux plans…»''
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Ebert, le second président du parti écrivait le 27 juillet 1914 au comité directeur qu’au cas où une catastrophe surviendrait ''«&nbsp;il y aurait aussi des difficultés à l’intérieur de notre parti. La guerre et la puissante renaissance du mouvement ouvrier en Russie inspireront au groupe de Rosa de nouveaux plans… »''
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Le 4 août 1914, les 110 députés du groupe social-démocrate au Reichstag votent unanimement les [[Crédits_de_guerre|crédits de guerre]] demandés par le chancelier impérial Bethmann Hollweg. Sur les 92 députés présents, 14 étaient contre, et 4 l'ont exprimé dans la discussion interne du groupe, mais tous ont appliqué la [[Discipline_de_parti|discipline de parti]]. Le plus farouchement contre était [[Karl_Liebknecht|Karl Liebknecht]], qui regretta vite de pas avoir désobéi. Le président du groupe social-démocrate, [[Hugo_Haase|Hugo Haase]], était contre également, mais il faisait partie des proches de [[Kaustky|Kaustky]], que l'on allait appeler "[[Centristes|centristes]]". En tant que président, ce fut lui qui lut la déclaration au Reichstag<ref>[http://www.stahlgewitter.com/14_08_04.htm Intervention du député social-démocrate Hugo Haase au Reichstag], 4 août 1914.</ref>.
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Le 4 août 1914, les 110 députés du groupe social-démocrate au Reichstag votent unanimement les [[Crédits_de_guerre|crédits de guerre]] demandés par le chancelier impérial Bethmann Hollweg. Sur les 92 députés présents, 14 étaient contre, et 4 l'ont exprimé dans la discussion interne du groupe, mais tous ont appliqué la [[Discipline_de_parti|discipline de parti]]. Le plus farouchement contre était [[Karl_Liebknecht|Karl Liebknecht]], qui regretta vite de pas avoir désobéi. Le président du groupe social-démocrate, [[Hugo_Haase|Hugo Haase]], était contre également, mais il faisait partie des proches de [[Karl Kautsky|Kautsky]], que l'on allait appeler "[[Centristes|centristes]]". En tant que président, ce fut lui qui lut la déclaration au Reichstag<ref>[http://www.stahlgewitter.com/14_08_04.htm Intervention du député social-démocrate Hugo Haase au Reichstag], 4 août 1914.</ref>.
    
Rosa Luxemburg impulse le soir même chez elle le [[Gruppe_Internationale|Gruppe Internationale]], un regroupement d'opposants (dont [[Franz_Mehring|Franz Mehring]], [[Marchlewski|Marchlewski]], [[Hermann_Duncker|Hermann Duncker]], [[Wilhelm_Pieck|Wilhelm Pieck]] et [[Ernst_Meyer|Ernst Meyer]]).
 
Rosa Luxemburg impulse le soir même chez elle le [[Gruppe_Internationale|Gruppe Internationale]], un regroupement d'opposants (dont [[Franz_Mehring|Franz Mehring]], [[Marchlewski|Marchlewski]], [[Hermann_Duncker|Hermann Duncker]], [[Wilhelm_Pieck|Wilhelm Pieck]] et [[Ernst_Meyer|Ernst Meyer]]).

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