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[[Fichier:Espropria graffiti in Turin October 2016.jpg|vignette|Un tag à Turin]]
 
[[Fichier:Espropria graffiti in Turin October 2016.jpg|vignette|Un tag à Turin]]
L''''expropriation '''est le fait, pour un [[Etat|Etat]], de prendre de force la [[Propriété_privée|propriété privée]] d'autrui. Il peut s'agir d'une propriété terrienne, de [[Moyens_de_production|moyens de production]] (usines...). L'expropriation des capitalistes est l'élément central de la [[révolution socialiste]].
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L''''expropriation '''est le fait de s'emparer d'une propriété.
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Une expropriation peut aussi (même si c'est rare) être faite par un État sans [[auto-organisation]] ouvrière, auquel cas il s'agit d'une nationalisation sans rachat mais pas d'une socialisation.
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Au cours de la période de la naissance du [[capitalisme]], des [[aristocrates]] et la [[Bourgeoisie|classe bourgeoise]] en plein essor exproprient massivement des petits [[paysans]] et [[artisans]], de diverses façons ([[accumulation primitive du capital]]).
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==Débats sur l'expropriation==
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Une fois enclenché, ce processus a conduit à une immense polarisation entre les capitalistes, possédant toujours plus, et les non possédants, les [[Prolétariat|prolétaires]]. C'est pourquoi un objectif central du [[socialisme]] [[Collectivisme|collectiviste]] est de saisir cette propriété ultra concentrée afin de la gérer démocratiquement. Ce que [[Karl Marx|Marx]] appelait ''« l'expropriation des expropriateurs »''<ref>Karl Marx, ''[[:fr:Le Capital, Livre I/40/Ch. 32 : Tendance historique de l’accumulation capitaliste|Le Capital, Livre I - Chapitre 32 : Tendance historique de l’accumulation capitaliste]]'', 1867</ref>.
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Le terme d'expropriation a souvent une connotation plus radicale que d'autres termes comme [[nationalisation]], qui évoquent la prise de contrôle relativement pacifique de quelques [[Entreprise|entreprises]] par un [[État bourgeois]].
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==Accumulation primitive capitaliste==
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La notion d'expropriation a été employée pour décrire les processus de dépossession de nombreux paysans ou artisans à l'époque moderne, en plein essor du [[capitalisme]]  ([[accumulation primitive du capital]]).
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Par exemple en Angleterre, avec le mouvement des [[Mouvement des enclosures|enclosures]]. A la fin du 16<sup>e</sup> siècle, il y avait 12 fois plus de non propriétaires qu'un siècle plus tôt.<ref>Marcus Rediker, Peter Linebaugh, ''L'hydre aux mille têtes - L'histoire cachée de l'Atlantique révolutionnaire'', Editions Amsterdam, 2008</ref>
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Ou encore dans les colonies, lorsque des terres sont volées par les [[Colonialisme|colonisateurs]].
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==Expropriations socialistes==
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=== Idée générale ===
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L'expropriation des [[capitalistes]] est le critère clé du passage du [[capitalisme]] au socialisme (pour les socialistes [[Collectivisme|collectivistes]]), et l'élément central de la [[révolution socialiste]] pour les [[Socialisme révolutionnaire|socialistes révolutionnaires]].
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Plus précisément elle consiste en la saisie des [[moyens de production]] ([[usines]] et autres locaux des [[grandes entreprises]]...), d'[[Commerce|échange]] (grandes surfaces...) et autres grandes  [[Propriétaire terrien|propriétés foncières]]. Une saisie effectuée par la population travailleuse [[Auto-organisation|auto-organisée]], qui se coordonne pour réorganiser en profondeur l'utilisation de ces propriétés et [[Planification économique|planifier]] la production en fonction des besoins. Les [[Syndicalisme révolutionnaire|syndicalistes révolutionnaires]] parlent par exemple de « [[grève générale expropriatrice]] ». L'expropriation dans ce cadre est équivalente à une « [[Socialisation (économie)|socialisation]] ».
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Pour les [[communistes]] [[marxistes]] (par opposition à l'[[anarchisme]]), cette socialisation, pour être efficace et victorieuse, doit être coordonnée avec un minimum de [[centralisation]], ce qui suppose un État. Mais cet État (souvent appelé ''[[État ouvrier]]'') doit être d'une nature qualitativement différente de l'''[[État bourgeois]]'', avec un lien organique avec la classe majoritaire, sans quoi il n'y aura pas de marche vers le socialisme. C'est pourquoi on ne peut pas résumer le communisme à une « expropriation des capitalistes par l'État », sans préciser à quel point on parle d'un État différent de la conception ordinaire.
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===Débats sur l'expropriation===
 
Dans un texte de 1879, [[Jules Guesde]] discute des différentes façons de socialiser les moyens de production, et soutient qu'il est impossible de rembourser les bourgeois, et que la [[Socialisation (économie)|socialisation]] ne peut être faite que de façon révolutionnaire.<ref>Jules Guesde, [[:fr:Collectivisme et Révolution|Collectivisme et Révolution]], mai 1879</ref>
 
Dans un texte de 1879, [[Jules Guesde]] discute des différentes façons de socialiser les moyens de production, et soutient qu'il est impossible de rembourser les bourgeois, et que la [[Socialisation (économie)|socialisation]] ne peut être faite que de façon révolutionnaire.<ref>Jules Guesde, [[:fr:Collectivisme et Révolution|Collectivisme et Révolution]], mai 1879</ref>
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«&nbsp;En même temps que l'expropriation sans indemnité, nous devons mettre en avant le mot d'ordre du ''contrôle ouvrier. [...]'' Même si le gouvernement était tout à fait à gauche et animé des meilleures intentions, nous serions pour le contrôle des ouvriers sur l'industrie et le commerce&nbsp;; nous ne voulons pas d'une administration bureaucratique de l'industrie nationalisée&nbsp;; nous exigeons la participation directe des ouvriers eux-mêmes au contrôle et à l'administration par les comités d'entreprise, les syndicats, etc.&nbsp;»
 
«&nbsp;En même temps que l'expropriation sans indemnité, nous devons mettre en avant le mot d'ordre du ''contrôle ouvrier. [...]'' Même si le gouvernement était tout à fait à gauche et animé des meilleures intentions, nous serions pour le contrôle des ouvriers sur l'industrie et le commerce&nbsp;; nous ne voulons pas d'une administration bureaucratique de l'industrie nationalisée&nbsp;; nous exigeons la participation directe des ouvriers eux-mêmes au contrôle et à l'administration par les comités d'entreprise, les syndicats, etc.&nbsp;»
 
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Des débats ont parfois lieu au sein des [[Parti révolutionnaire|partis révolutionnaires]] sur les termes à utiliser dans les revendications, chacun ayant des défauts :
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* « socialisation » et « expropriation » sont moins connus du grand public,
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* « réquisition » a une connotation plus légitime mais aussi de temporaire,
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* « nationalisation » sous-entend souvent rachat et indemnités, et véhicule l'idée de passage de la propriété à « la Nation » (ce qui cache souvent les intérêts de la bourgeoisie) plus qu'à la société.
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===Exemples historiques===
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====Commune de Paris de 1871====
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Après le soulèvement du 18 mars 1871 qui établit la [[Commune de Paris (1871)|Commune de Paris]], un grand nombre de bourgeois fuient Paris, dont certains patrons qui laissent derrière eux des ateliers d'artisanat. Le [[Conseil de la Commune]] se penche alors sur ce problème, étant donné qu'il s'efforçait de faire fonctionner la ville au mieux.
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==Exemples historiques==
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[[w:Augustin Avrial|Avrial]], ouvrier membre de la commission du Travail, de l’Industrie et de l’Echange, propose d'établir une liste de ces ateliers abandonnés dans le but de les remettre en exploitation sous forme d'[[Associationnisme|associations ouvrières]]. Il s’inspirait d’un projet d’octobre 1870 qui stipulait que les ateliers pouvant servir à la fabrication d’armement devaient être [[Réquisition|réquisitionnés]]. L’initiative d’Avrial, revue par [[Léo Frankel|Frankel]] (qui dirigeait la commission du Travail), fit l’objet du décret du 16 avril 1871, appelant les syndicats à discuter des modalités, et de ce qu'il conviendrait de faire si plus tard les [[Patronat|patrons]] revenaient (indemnités...).
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===La révolution russe de 1917===
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Cette initiative traîna un mois avant d’être suivie d’effet. Il y avait une réticence à toucher à la [[Propriété privée|propriété]]. Lorsque le 4 mai, [[Pierre Vésinier|Vésinier]] dépose un projet de décret tendant à réquisitionner les grands ateliers, il n'est pas discuté.<ref>Patrick Le Moal, ''[https://www.contretemps.eu/journal-commune-4-mai-1871/ La Commune au jour le jour. Jeudi 4 mai 1871]'', 4 mai 2021</ref> L'usine Cail, une des seules grandes usines, n'est pas nationalisée. Finalement, le 15 mai, une liste est établie avec 42 associations ouvrières de production et 34 chambres syndicales.&nbsp;Frankel avait pour objectif à terme que [[Gestion ouvrière|les travailleur·ses prennent en main la gestion des entreprises]], tout en se fédérant, à l'image de la Garde nationale. Mais la Commune n'avait plus que 8 jours à vivre. ll n’y eut que quelques dizaines d’ateliers confisqués en comprenant les établissements d’Etat.
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====Révolution russe de 1917====
 
Historiquement en Russie, les [[POSDR|marxistes]] pensaient que seule une [[révolution démocratique-bourgeoise]] était à l'ordre du jour, et que le [[Programme_maximum|programme maximum]] ([[Socialisme|socialisme]]) était pour plus tard.
 
Historiquement en Russie, les [[POSDR|marxistes]] pensaient que seule une [[révolution démocratique-bourgeoise]] était à l'ordre du jour, et que le [[Programme_maximum|programme maximum]] ([[Socialisme|socialisme]]) était pour plus tard.
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A la conférence de Gênes d’Avril 1922, la Grande-Bretagne exigea une dénationalisation de l'économie russe et le paiement des [[Emprunts_russes|dettes tsaristes]] (qui avaient été répudiées). Lénine poussa la délégation à rompre les négociations.
 
A la conférence de Gênes d’Avril 1922, la Grande-Bretagne exigea une dénationalisation de l'économie russe et le paiement des [[Emprunts_russes|dettes tsaristes]] (qui avaient été répudiées). Lénine poussa la délégation à rompre les négociations.
===1945&nbsp;: Nationalisations gaullistes===
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Pour toutes les nationalisations qui ont été faites à la Libération en France, des indemnités ont été versées aux anciens propriétaires, à l’exception de Louis Renault, accusé de collaboration avec l’ennemi.  
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== Nationalisations par des États bourgeois ==
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Les États bourgeois ou même des États révolutionnaires momentanément dirigés par la petite-bourgeoisie, s'en prennent très rarement à la [[propriété privée]].
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Néanmoins, il a pu arriver que certains secteurs du grand capital soient visés par des [[réquisitions]] (temporaires), par exemple en temps de [[guerre]], ou des [[nationalisations]]. L'immense majorité du temps, ces nationalisations sont des rachats par l'État avec des sommes importantes versés aux capitalistes. Par exemple en France à la [[Libération de la France|Libération]] (1944), plusieurs nationalisations ont eu lieu, toutes avec des indemnités versées aux anciens propriétaires, à l’exception de [[w:Régie Renault|Renault]], car [[w:Louis Renault (industriel)|Louis Renault]] était discrédité par sa collaboration avec le [[nazisme]].
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La revendication de « nationalisation sans indemnité ni rachat » est parfois utilisée comme [[revendication transitoire]] par des socialistes. Elle reviendrait à une expropriation, mais en l'absence d'[[auto-organisation]] ouvrière, on ne pourrait parler de [[Socialisation (économie)|socialisation]] (parler de socialisation à l'échelle d'une seule entreprise n'a de toute façon pas de sens). Quoi qu'il en soit, même une nationalisation insatisfaisante peut constituer un [[progrès social]] pour les salarié·es en question qui sont partiellement protégés des effets du [[marché du travail]], et plus largement pour la société si elle débouche sur la mise en place d'un [[service public]]. La bataille pour la transformation globale de la société et pour la démocratie dans l'entreprise (la [[hiérarchie]] peut être tyrannique également dans une entreprise publique) ne doit cependant jamais être perdue de vue.
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Dans le droit français il existe la notion « d'[[w:Expropriation pour cause d'utilité publique|expropriation pour cause d'utilité publique]] ». Celle-ci concerne quasi exclusivement de la propriété foncière, et prévoit toujours une indemnisation du propriétaire. La plupart du temps, cela concerne des projets d'aménagement d'infrastructures (une autoroute, etc.) qui conduisent l'État à exproprier des terrains agricoles.
    
==Notes et sources==
 
==Notes et sources==
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<references />
[[Catégorie:Ébauche]]
   
[[Catégorie:Économie]]
 
[[Catégorie:Économie]]
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[[Catégorie:Révolution]]
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[[Catégorie:Socialisme]]

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