Ligne 1 : |
Ligne 1 : |
− | | + | [[Fichier:Aleksandra Kollontai.jpg|vignette|[[Alexandra Kollontaï]], une des figures centrales de l'Opposition ouvrière]] |
− | L''''Opposition ouvrière''' se constitue au sein du [[Parti_bolchévik|parti bolchévique]] russe en 1919. Elle se manifeste surtout au cours de l'hiver 1920-21, lors du débat consacré au [[Syndicats_en_Russie|problème des syndicats]]. | + | L''''Opposition ouvrière''' se constitue au sein du [[Parti_bolchévik|parti bolchévique]] russe en 1919. Elle se manifeste surtout au cours de l'hiver 1920-21, lors du débat consacré au [[Syndicats_en_Russie|problème des syndicats]]. La plupart de ses membres acceptent de se soumettre à l'interdiction des [[Droit de tendance et de fraction|fractions]] décidée lors du 10<sup>e</sup> congrès du parti, en mars 1921. |
| | | |
| ==Historique== | | ==Historique== |
Ligne 43 : |
Ligne 43 : |
| Malgré la tempête politique que souleva l'Opposition Ouvrière, on dispose de peu de documents sur cette tendance. Le peu d'information qui existe provient essentiellement de sources léninistes<ref>Par exemple Rabochaya oppozitsiya [L'Opposition Ouvrière] de K. Shelavin, Moscou, 1930.</ref>. La violence des attaques contre l'Opposition Ouvrière laisse supposer qu'elle jouissait d'une assez grande influence dans les usines parmi les ouvriers de la base, au point d'inquiéter sérieusement la direction du parti. [[Alexandre Chliapnikov|Chliapnikov]] (qui fut le premier Commissaire au Travail), [[Loutovinov]] et Medvedev, leaders métallurgistes, en furent les principaux représentants. Géographiquement, elle semble s'être concentrée dans certains secteurs du sud-est de la Russie d'Europe : le bassin du Donetz, les régions du Don et du Kouban et la province de Samara sur la Volga. À Samara, en 1921, l'Opposition Ouvrière contrôlait de fait l'organisation du Parti. Avant la crise du Parti en Ukraine, fin 1920, les membres de l'Opposition avaient une majorité de sympathisants dans l'ensemble de la république. Les autres points forts de l'Opposition étaient dans la province de Moscou, où elle réunissait approximativement le quart des voix du Parti, et le syndicat des métallurgistes dans tout le pays. Lorsque [[Mikhaïl Tomski|Tomsky]] abandonna les syndicalistes pour passer dans le camp léniniste, vers la fin de 1921, il voulut «expliquer» l'influence de l'Opposition Ouvrière par la popularité des idées de « démocratie industrielle » et des idées « anarcho-syndicalistes » chez les métallurgistes. Il ne faut du reste pas oublier que ces mêmes métallurgistes avaient constitué, en 1917, le fer de lance du mouvement des [[Comité d’usine|Comités d'usine]]. | | Malgré la tempête politique que souleva l'Opposition Ouvrière, on dispose de peu de documents sur cette tendance. Le peu d'information qui existe provient essentiellement de sources léninistes<ref>Par exemple Rabochaya oppozitsiya [L'Opposition Ouvrière] de K. Shelavin, Moscou, 1930.</ref>. La violence des attaques contre l'Opposition Ouvrière laisse supposer qu'elle jouissait d'une assez grande influence dans les usines parmi les ouvriers de la base, au point d'inquiéter sérieusement la direction du parti. [[Alexandre Chliapnikov|Chliapnikov]] (qui fut le premier Commissaire au Travail), [[Loutovinov]] et Medvedev, leaders métallurgistes, en furent les principaux représentants. Géographiquement, elle semble s'être concentrée dans certains secteurs du sud-est de la Russie d'Europe : le bassin du Donetz, les régions du Don et du Kouban et la province de Samara sur la Volga. À Samara, en 1921, l'Opposition Ouvrière contrôlait de fait l'organisation du Parti. Avant la crise du Parti en Ukraine, fin 1920, les membres de l'Opposition avaient une majorité de sympathisants dans l'ensemble de la république. Les autres points forts de l'Opposition étaient dans la province de Moscou, où elle réunissait approximativement le quart des voix du Parti, et le syndicat des métallurgistes dans tout le pays. Lorsque [[Mikhaïl Tomski|Tomsky]] abandonna les syndicalistes pour passer dans le camp léniniste, vers la fin de 1921, il voulut «expliquer» l'influence de l'Opposition Ouvrière par la popularité des idées de « démocratie industrielle » et des idées « anarcho-syndicalistes » chez les métallurgistes. Il ne faut du reste pas oublier que ces mêmes métallurgistes avaient constitué, en 1917, le fer de lance du mouvement des [[Comité d’usine|Comités d'usine]]. |
| | | |
− | ===Le 10<sup>e</sup> congrès=== | + | ===Le 10<sup>e</sup> congrès (mars 1921)=== |
| | | |
| {{Article détaillé|10e Congrès du parti bolchévik}} | | {{Article détaillé|10e Congrès du parti bolchévik}} |
Ligne 51 : |
Ligne 51 : |
| L’Opposition Ouvrière était à la fois accusée d'être « authentiquement contre-révolutionnaire », « objectivement contre-révolutionnaire », mais également… « trop révolutionnaire ». Ses revendications étaient « trop avancées », étant donné que le gouvernement soviétique devait encore consacrer tous ses efforts à liquider le retard culturel des masses. D’après [[Ivan_Smilga|Smilga]], ce que demandait l’Opposition Ouvrière était si excessif que cela gênait les efforts du Parti en faisant naître chez les ouvriers des espoirs qui ne pouvaient être que déçus. Ou encore, l’Opposition Ouvrière était accusée d'[[Anarcho-syndicalisme|anarcho-syndicalisme]]. | | L’Opposition Ouvrière était à la fois accusée d'être « authentiquement contre-révolutionnaire », « objectivement contre-révolutionnaire », mais également… « trop révolutionnaire ». Ses revendications étaient « trop avancées », étant donné que le gouvernement soviétique devait encore consacrer tous ses efforts à liquider le retard culturel des masses. D’après [[Ivan_Smilga|Smilga]], ce que demandait l’Opposition Ouvrière était si excessif que cela gênait les efforts du Parti en faisant naître chez les ouvriers des espoirs qui ne pouvaient être que déçus. Ou encore, l’Opposition Ouvrière était accusée d'[[Anarcho-syndicalisme|anarcho-syndicalisme]]. |
| | | |
− | Lénine théorisa l'association entre dictature du prolétariat et parti communiste unique : | + | Lénine théorisa l'association entre dictature du prolétariat et [[Parti unique|parti communiste unique]] : |
| <blockquote> | | <blockquote> |
| « Le marxisme enseigne que le parti politique de la classe ouvrière, c’est-à-dire le parti communiste, est le seul capable de grouper, d’éduquer et d’organiser l’avant-garde du prolétariat et de toutes les masses laborieuses, qui est seule capable (…) de diriger toutes les activités unifiées de l’ensemble du prolétariat, c’est-à-dire le diriger politiquement et, par son intermédiaire, guider toutes les masses laborieuses. Autrement, la dictature du prolétariat est impossible » | | « Le marxisme enseigne que le parti politique de la classe ouvrière, c’est-à-dire le parti communiste, est le seul capable de grouper, d’éduquer et d’organiser l’avant-garde du prolétariat et de toutes les masses laborieuses, qui est seule capable (…) de diriger toutes les activités unifiées de l’ensemble du prolétariat, c’est-à-dire le diriger politiquement et, par son intermédiaire, guider toutes les masses laborieuses. Autrement, la dictature du prolétariat est impossible » |
Ligne 65 : |
Ligne 65 : |
| Mais, en soulignant que le Parti et l’État se trouvaient dans une situation dangereuse, Radek concluait : ''« laissons donc le Comité Central, dans ce moment de danger, prendre les mesures les plus sévères, même si c’est contre les meilleurs camarades, s’il le juge nécessaire»'' | | Mais, en soulignant que le Parti et l’État se trouvaient dans une situation dangereuse, Radek concluait : ''« laissons donc le Comité Central, dans ce moment de danger, prendre les mesures les plus sévères, même si c’est contre les meilleurs camarades, s’il le juge nécessaire»'' |
| | | |
− | Après cela, l'enjeu des discussions du Congrès fut plus limité. Elles furent d'ailleurs laissées pour la fin. Des critiques virulentes se firent néanmoins entendre. Perepechko, membre de l’Opposition Ouvrière, accusa le « bureaucratisme » au sein du parti de causer une coupure entre l’appareil [[Soviets|soviétique]] et les grandes masses des travailleurs. Medvedev attaqua le [[Comité_Central_bolchévik|Comité Central]] pour sa « déviation qui consistait à se méfier des forces créatrices de la classe ouvrière et ses concessions à la petite bourgeoisie et aux couches de fonctionnaires d’origine bourgeoise ». Pour lutter contre cette tendance et préserver l’esprit prolétarien du Parti, l’Opposition Ouvrière proposa que chaque membre du Parti soit obligé de vivre et de travailler trois mois par an comme « un ouvrier ou un paysan ordinaires, effectuant un travail manuel ». Ignatov, dans ses thèses, demanda que tous les comités du Parti soient composés d’au moins deux tiers d’ouvriers. | + | Après cela, l'enjeu des discussions du Congrès fut plus limité. Elles furent d'ailleurs laissées pour la fin. Des critiques virulentes se firent néanmoins entendre. Perepechko, membre de l’Opposition Ouvrière, accusa le « bureaucratisme » au sein du parti de causer une coupure entre l’appareil [[Soviets|soviétique]] et les grandes masses des travailleurs. [[Serge Medvedev|Medvedev]] attaqua le [[Comité_Central_bolchévik|Comité Central]] pour sa « déviation qui consistait à se méfier des forces créatrices de la classe ouvrière et ses concessions à la petite bourgeoisie et aux couches de fonctionnaires d’origine bourgeoise ». Pour lutter contre cette tendance et préserver l’esprit prolétarien du Parti, l’Opposition Ouvrière proposa que chaque membre du Parti soit obligé de vivre et de travailler trois mois par an comme « un ouvrier ou un paysan ordinaires, effectuant un travail manuel ». Ignatov, dans ses thèses, demanda que tous les comités du Parti soient composés d’au moins deux tiers d’ouvriers. |
| | | |
| Le débat sur les syndicats fut clôt par une victoire écrasante de la position majoritaire : | | Le débat sur les syndicats fut clôt par une victoire écrasante de la position majoritaire : |
Ligne 86 : |
Ligne 86 : |
| </blockquote> | | </blockquote> |
| | | |
− | La différence fondamentale entre les cronstadiens et l'Opposition était que ces derniers ne remettaient pas en cause le monopole bolchévique du pouvoir. Les porte-paroles de l'Opposition multiplièrent les gestes pour se dissocier des mutins. | + | La différence fondamentale entre les cronstadiens et l'Opposition était que ces derniers ne remettaient pas en cause le monopole bolchévique du pouvoir. Les porte-paroles de l'Opposition multiplièrent les gestes pour se dissocier des mutins. Le seul membre de l'Opposition ouvrière à se prononcer contre la répression de Cronstadt fut [[Gavril Miasnikov|Miasnikov]]. |
| | | |
| ===Postérité=== | | ===Postérité=== |