Modifications

Aller à la navigation Aller à la recherche
21 256 octets ajoutés ,  1 juillet 2022 à 22:45
aucun résumé des modifications
Ligne 16 : Ligne 16 :  
*Le jacobinisme conservateur de [[w:Antoine Barnave|Barnave]] en 1790,
 
*Le jacobinisme conservateur de [[w:Antoine Barnave|Barnave]] en 1790,
 
*le jacobinisme ''mixte'' de 1792 où dominèrent [[w:Jacques Pierre Brissot|Brissot]] et les [[Girondins]],
 
*le jacobinisme ''mixte'' de 1792 où dominèrent [[w:Jacques Pierre Brissot|Brissot]] et les [[Girondins]],
*le jacobinisme de 1793, celui des Montagnards (Danton, Marat, Robespierre...).
+
*le « jacobinisme de 1793 »<ref>L'expression « jacobinisme de 1793 » est de [[w:Jules Michelet|Jules Michelet]].</ref>, celui des Montagnards (Danton, Marat, Robespierre...).
 
Les événements historiques ont fait que le terme de Jacobins est devenu associé à la période de la Montagne, et plus particulièrement à celle du leadership de Robespierre, le paroxysme de la radicalité atteinte par l'[[État]] révolutionnaire avant la [[réaction thermidorienne]].
 
Les événements historiques ont fait que le terme de Jacobins est devenu associé à la période de la Montagne, et plus particulièrement à celle du leadership de Robespierre, le paroxysme de la radicalité atteinte par l'[[État]] révolutionnaire avant la [[réaction thermidorienne]].
   Ligne 37 : Ligne 37 :     
Dans le même temps montait la suspicion de trahison contre le roi et la haute noblesse, notamment les généraux. Une ambiance [[Insurrection|insurrectionnelle]] gagne Paris. Les Montagnards s'appuient alors sur la radicalité spontanée des [[sans-culottes]] (ceux de Paris et ceux de province venus comme volontaires), organisés dans la [[Commune de Paris (1789-1795)|Commune de Paris]]. Cette radicalité était exacerbée par la situation de disette, car le prix du pain atteignait des sommets.
 
Dans le même temps montait la suspicion de trahison contre le roi et la haute noblesse, notamment les généraux. Une ambiance [[Insurrection|insurrectionnelle]] gagne Paris. Les Montagnards s'appuient alors sur la radicalité spontanée des [[sans-culottes]] (ceux de Paris et ceux de province venus comme volontaires), organisés dans la [[Commune de Paris (1789-1795)|Commune de Paris]]. Cette radicalité était exacerbée par la situation de disette, car le prix du pain atteignait des sommets.
[[Fichier:Assemblée législative 1792.svg|vignette|{{legend|#FF0000|Montagnards: 200 sièges}} {{legend|#CC706E|Girondins: 160 sièges}} {{legend|#BFBFBF|Marais: 389 sièges}}]]
+
[[Fichier:Assemblée législative 1792.svg|vignette|Élections législatives  de 1792{{legend|#FF0000|Montagnards: 200 sièges}} {{legend|#CC706E|Girondins: 160 sièges}} {{legend|#BFBFBF|Marais: 389 sièges}}]]
 
Cela éclate dans l'[[w:Journée du 10 août 1792|insurrection du 10 août 1792]], qui oblige les Girondins à suspendre le roi (remplacé par un [[w:Conseil exécutif (Révolution française)|Conseil exécutif provisoire]]), et qui sera bientôt suivie des [[w:Massacres de septembre|massacres de septembre]], durant laquelle la foule tue massivement des suspects dans les prisons. Les [[w:Élections législatives françaises de 1792|élections législatives de septembre 1792]] se font pour la première fois au [[suffrage universel]] masculin (malgré de nombreuses limitations). Les Montagnards passent devant les Girondins.
 
Cela éclate dans l'[[w:Journée du 10 août 1792|insurrection du 10 août 1792]], qui oblige les Girondins à suspendre le roi (remplacé par un [[w:Conseil exécutif (Révolution française)|Conseil exécutif provisoire]]), et qui sera bientôt suivie des [[w:Massacres de septembre|massacres de septembre]], durant laquelle la foule tue massivement des suspects dans les prisons. Les [[w:Élections législatives françaises de 1792|élections législatives de septembre 1792]] se font pour la première fois au [[suffrage universel]] masculin (malgré de nombreuses limitations). Les Montagnards passent devant les Girondins.
    
Le 21 septembre 1792, les députés de la nouvelle [[w:Convention nationale|Convention]] décrètent [[w:Proclamation de l'abolition de la royauté|abolition la royauté]].
 
Le 21 septembre 1792, les députés de la nouvelle [[w:Convention nationale|Convention]] décrètent [[w:Proclamation de l'abolition de la royauté|abolition la royauté]].
   −
== Idées politiques ==
+
Le tournant social de Robespierre et de Saint-Just a lieu à l’automne 1792, lorsque la crise des subsistances mobilisa les masses, au plus fort de l’opposition entre Girondins et Montagnards à propos du procès du roi. Une politique sociale devient le plus sûr moyen de rallier les masses à la Montagne. Robespierre commence alors (2 décembre) à subordonner le droit de propriété au droit à l’existence. « Le premier droit est celui d’exister, la première loi sociale est donc celle qui garantit à tous les membres de la société les moyens d’exister ; toutes les autres sont subordonnées à celle-là. » Puis dans son discours sur la ''Déclaration des droits'', le 24 avril 1793 :
 
  −
=== Républicains intransigeants  ===
  −
 
  −
Personnifiés par des personnages comme Danton, Marat et [[Robespierre|Robespierre]], les Montagnards sont des républicains convaincus. Comme la majorité des révolutionnaires, ils étaient influencés par [[Les Lumières|les Lumières]], mais aussi par [[w:Jean-Jacques Rousseau|Rousseau]]. Ils se voyaient en [[Démocratie|démocrates]] et en amis du peuple, et pensaient avoir la tâche d'ériger une [[République|République]] à l'image de la [[Luttes de classes en Rome antique|République romaine]].  
  −
<blockquote>
  −
«&nbsp;On appelle ainsi, depuis les premiers temps de la Révolution, une partie de le salle où se plaçait, dans l'Assemblée constituante, un petit nombre de députés qui défendirent la cause du peuple jusqu'au bout, avec le plus de constance et de fidélité.&nbsp;» Maximilien de Robespierre<ref name="robes">[[Robespierre]], dans une de ses Lettres à ses commettants (fin novembre ou début décembre 1792)</ref>
  −
</blockquote>
  −
  −
Ils sont initialement des éléments disparates et sans programme réellement défini. Robespierre les "discernait" parmi la Constituante, mais rien ne les unissait alors formellement, même si beaucoup étaient au [[Club des Jacobins|Club des Jacobins]].
   
<blockquote>
 
<blockquote>
«&nbsp;Dans l'Assemblée actuelle [...] Il y a, dans la plaine et dans le pays aquatique, de très braves gens et des Montagnards, et, sur la Montagne, on entend bourdonner quelquefois des insectes feuillantins et de petites mouches girondines échappées du Marais.&nbsp;» <ref name="robes" />
+
« En définissant la liberté le premier des biens de l’homme, le plus sacré des droits qu’il tient de la nature, vous avez dit avec raison qu’elle avait pour borne les droits d’autrui ; pourquoi n’avez-vous pas appliqué ce principe à la propriété qui est une institution sociale ?... Vous avez multiplié les articles pour assurer la plus grande liberté à l’exercice de la propriété et vous n’avez pas dit un seul mot pour en déterminer le caractère légitime ; de manière que votre Déclaration paraît faite, non pour les hommes, mais pour les riches, pour les accapareurs et pour les tyrans. »
 
</blockquote>
 
</blockquote>
   
+
Suite à quoi il proposait donc quatre articles, dont le premier : « La propriété est le droit qu’a chaque citoyen de jouir et de disposer de la portion de biens qui lui est garantie par la loi. » Il prenait soin de préciser que « L’égalité des biens est une chimère », repoussant l'idée de partage des propriétés. Il soutient seulement que « l’extrême disproportion de fortunes est la source de bien des maux et de bien des crimes ».
Il représentaient en réalité la [[Petite-bourgeoisie|petite-bourgeoisie]], face aux [[Girondins|Girondins]] qui avaient plutôt l'appui de la grande [[Bourgeoisie commerçante|bourgeoisie commerçante]]. Contrairement à ces derniers, ils n'étaient pas liés avec l'ancienne [[Classe dominante|classe dominante]] et la [[Monarchie|monarchie]]. En s'appuyant sur l'énergie des masses et principalement des [[Sans-culottes|sans-culottes]], ils étaient les plus à même de provoquer une rupture révolutionnaire avec la monarchie.
  −
 
  −
<gallery>
  −
Fichier:Georges Danton.jpg|[[w:Georges Jacques Danton|Georges Danton]]
  −
Fichier:Robespierre.jpg|[[Maximilien de Robespierre]]
  −
Fichier:Jean-Paul Marat portre.jpg|[[Jean-Paul Marat]]
  −
Fichier:Saint Just.jpg|[[Louis Antoine de Saint-Just]]
  −
Fichier:Billaud-Varenne.jpg|[[Jacques-Nicolas Billaud-Varenne]]
  −
Fichier:Lazare-Carnot-par-Boilly.jpg|[[Lazare Carnot]]
  −
Fichier:Prieur de la Marne IMG 2320.JPG|[[Pierre-Louis Prieur]], dit « Prieur de la Marne »
  −
</gallery>
      
== La dictature révolutionnaire montagnarde ==
 
== La dictature révolutionnaire montagnarde ==
Ligne 78 : Ligne 58 :     
Le gouvernement révolutionnaire écarta sans ménagement une grande partie de l'ancien [[appareil d'État]] (dont des généraux de l'armée), des individus suspectés de trahison ou pas assez convaincus par la révolution pour être énergiques. Il sut édifier à la place une nouvelle administration plus [[Centralisme|centralisée]] et efficace que celle héritée de la [[monarchie absolue]]. Pour écraser la résistance intérieure et mener la guerre, les Montagnards s'appuyèrent largement sur l'énergie des masses [[sans-culottes]], qui tendaient souvent à agir spontanément, et qu'ils s’efforçaient ensuite de canaliser.   
 
Le gouvernement révolutionnaire écarta sans ménagement une grande partie de l'ancien [[appareil d'État]] (dont des généraux de l'armée), des individus suspectés de trahison ou pas assez convaincus par la révolution pour être énergiques. Il sut édifier à la place une nouvelle administration plus [[Centralisme|centralisée]] et efficace que celle héritée de la [[monarchie absolue]]. Pour écraser la résistance intérieure et mener la guerre, les Montagnards s'appuyèrent largement sur l'énergie des masses [[sans-culottes]], qui tendaient souvent à agir spontanément, et qu'ils s’efforçaient ensuite de canaliser.   
 +
 +
Le 3 juin 1793, il est décidé que les biens des émigrés seront vendus par petits lots, pour favoriser la petite propriété (ce sera étendu à l’ensemble des biens nationaux le 22 novembre 1793). La loi du 19 décembre 1793  crée des [[Éducation|écoles]] primaires, obligatoires, gratuites et laïques. Le partage égal des successions fut institué, y compris en faveur des enfants adultérins, de façon à assurer la fragmentation des fortunes, par les lois 26 octobre 1793 et 6 janvier 1794. 
    
=== Succès militaires, divisions internes ===
 
=== Succès militaires, divisions internes ===
Ligne 84 : Ligne 66 :  
Mais aussitôt émergent des divisions internes, notamment autour de deux pôles :  
 
Mais aussitôt émergent des divisions internes, notamment autour de deux pôles :  
   −
* Les [[w:Indulgents|Indulgents]] autour de [[w:Georges Jacques Danton|Danton]] voulaient mettre rapidement fin à la Terreur, en signant la paix avec les monarchies coalisées.  
+
* Les [[w:Indulgents|Indulgents]] autour de [[w:Georges Jacques Danton|Danton]] voulaient mettre rapidement fin à la Terreur, en signant la paix avec les monarchies coalisées.
* Les partisans de [[Robespierre]] voulaient approfondir la transformation politique en prolongeant la Terreur, prêts pour cela à faire plus de compromis avec les mouvements populaires.  
+
* Les partisans de [[Robespierre]] voulaient approfondir la transformation politique en prolongeant la Terreur, prêts pour cela à faire plus de compromis avec les mouvements populaires.
    
Par ailleurs, quelques députés montagnards étaient proches des [[Enragés]] de [[Jacques Roux]] ou des [[hébertistes]]. Cette [[extrême gauche]] poussait radicalement dans le sens de la Terreur, mais était plus proche de la [[Commune de Paris (1789-1795)|Commune de Paris]] et des sans-culottes. Les [[Enragés]] poussaient dans le sens de plus de [[démocratie directe]] et de [[Réformes sociales|mesures sociales]] en faveur des pauvres : [[Loi du Maximum|limitation des prix]], lutte contre les « [[accapareurs]] » et [[nationalisation]] de la [[distribution]]... La crise économique était à son comble, notamment parce que les troubles révolutionnaires désorganisaient le commerce, et qu'une partie des gros [[paysans]] et [[marchands]] [[Spéculation|spéculaient]] sur le prix des denrées (puisque les prix montaient en flèche, autant attendre un peu avant de vendre, ce qui diminuait l'offre, accentuant encore l'augmentation des prix...).  
 
Par ailleurs, quelques députés montagnards étaient proches des [[Enragés]] de [[Jacques Roux]] ou des [[hébertistes]]. Cette [[extrême gauche]] poussait radicalement dans le sens de la Terreur, mais était plus proche de la [[Commune de Paris (1789-1795)|Commune de Paris]] et des sans-culottes. Les [[Enragés]] poussaient dans le sens de plus de [[démocratie directe]] et de [[Réformes sociales|mesures sociales]] en faveur des pauvres : [[Loi du Maximum|limitation des prix]], lutte contre les « [[accapareurs]] » et [[nationalisation]] de la [[distribution]]... La crise économique était à son comble, notamment parce que les troubles révolutionnaires désorganisaient le commerce, et qu'une partie des gros [[paysans]] et [[marchands]] [[Spéculation|spéculaient]] sur le prix des denrées (puisque les prix montaient en flèche, autant attendre un peu avant de vendre, ce qui diminuait l'offre, accentuant encore l'augmentation des prix...).  
   −
Le 4 mai 1793 une « [[Loi du Maximum|loi du maximum]] » est votée, pour limiter les prix du grain. C'était à la fois une concession à la pression populaire, et une nécessité pour nourrir les soldats. Le 29 septembre 1793, le gouvernement va plus loin avec la [[loi du maximum général]] qui concerne aussi les biens de consommation courante et les [[salaires]].  
+
=== Concessions et répressions ===
 +
Le 4 mai 1793 une « [[Loi du Maximum|loi du maximum]] » est votée, pour limiter les prix du grain. C'était à la fois une concession à la pression populaire, et une nécessité pour nourrir les soldats. Le 29 septembre 1793, le gouvernement va plus loin avec la [[loi du maximum général]] qui concerne aussi les biens de consommation courante et les [[salaires]].
   −
Mais au même moment commence la répression contre les [[Enragés]], pour qui cela n'était pas suffisant. La Terreur commence à frapper à gauche du gouvernement.  
+
Ces mesures n'étaient pas en contradiction avec l'idéologie des montagnards, mais ils savaient qu'elles étaient de nature à énerver les possédants et donc risquées, c'est pourquoi ils étaient réticents à les mettre en pratique.
   −
En février 1794, les Montagnards se réconcilient temporairement autour du [[w:Décret d'abolition de l'esclavage du 4 février 1794|vote de l'abolition de l'esclavage colonial]].
+
Mais au même moment commence la répression contre les [[Enragés]], pour qui cela n'était pas suffisant. La Terreur commence à frapper à gauche du gouvernement. Puis en septembre 1793, sur la recommandation de Danton, la Convention limite le nombre de réunions des sections de la [[Commune de Paris (1789-1795)|Commune]] à deux par semaine. C’est la première attaque contre la démocratie des sections.  
   −
Les hébertistes appelant à une nouvelle [[insurrection]] et les tentatives d'apaisement ayant échoué, le gouvernement révolutionnaire fit arrêter, dans la nuit du <time datetime="1794-03-13" class="date-lien">13</time> au <time class="nowrap date-lien" datetime="1794-03-14">14 mars 1794</time>, Hébert et les principales figures du [[w:Club des cordeliers|Club des cordeliers]]. Tous furent condamnés à mort et exécutés dix jours plus tard.Tout cela contribua à démobiliser la base sans-culotte.  
+
En février 1794, les Montagnards se réconcilient temporairement autour du [[w:Décret d'abolition de l'esclavage du 4 février 1794|vote de l'abolition de l'esclavage colonial]]. Ils font aussi passer les [[w:Décrets de Ventôse|décrets de Ventôse]], qui prévoient le transfert en masse de propriétés confisquées aux ennemis de la révolutions (surtout des possédants) vers les « patriotes indigents ». [[w:Louis Antoine de Saint-Just|Saint-Just]] indique que ces mesures sont une nécessité pour garantir la base sociale à la révolution politique : 
 +
<blockquote>
 +
« L’opulence est entre les mains d’un assez grand nombre d’ennemis de la Révolution ; les besoins mettent le peuple qui travaille dans la dépendance de ses ennemis. Concevez-vous qu’un empire puisse exister, si les rapports civils aboutissent à ceux qui sont contraires à la forme du gouvernement ? »
 +
 
 +
« Abolissez la mendicité qui déshonore un État libre ; les propriétés des patriotes sont sacrées, mais les biens des conspirateurs sont là pour les malheureux. Les malheureux sont les puissants de la terre ; ils ont le droit de parler en maître aux gouvernements qui les négligent. »
 +
 
 +
« Ne souffrez point qu’il y ait un malheureux ni un pauvre dans l’État : ce n’est qu’à ce prix que vous aurez fait une révolution ou une république véritable. » 26 février
 +
 
 +
« Que l’Europe apprenne que vous ne voulez plus un malheureux ni un oppresseur sur le territoire français ; que cet exemple fructifie sur la terre ; qu’il y propage l’amour des vertus et le bonheur. Le bonheur est une idée neuve en Europe. » 3 mars
 +
</blockquote>
 +
La loi du 11 mai 1794 nationalisa l’assistance, ouvrit un « livre de la bienfaisance nationale », institua l’assistance médicale gratuite à domicile, des pensions d’infirmité et de vieillesse, des secours aux mères de famille nombreuse : en un mot, un système de [[sécurité sociale]]. 
 +
 
 +
Les hébertistes appelant à une nouvelle [[insurrection]] et les tentatives d'apaisement ayant échoué, le gouvernement révolutionnaire fit arrêter, dans la nuit du <time datetime="1794-03-13" class="date-lien">13</time> au <time datetime="1794-03-14" class="nowrap date-lien">14 mars 1794</time>, Hébert et les principales figures du [[w:Club des cordeliers|Club des cordeliers]]. Tous furent condamnés à mort et exécutés dix jours plus tard.Tout cela contribua à démobiliser la base sans-culotte.  
    
Par la suite, ce fut au tour des [[w:Indulgents|indulgents]], qui menaient campagne pour renverser le gouvernement, mettre fin à la Terreur et négocier une paix rapide avec les monarchies coalisées, d'être éliminés. Arrêtés, ils sont condamnés à mort le 24 mars 1794 et guillotinés, dont [[w:Georges Jacques Danton|Danton]] et [[w:Camille Desmoulins|Desmoulins]].  
 
Par la suite, ce fut au tour des [[w:Indulgents|indulgents]], qui menaient campagne pour renverser le gouvernement, mettre fin à la Terreur et négocier une paix rapide avec les monarchies coalisées, d'être éliminés. Arrêtés, ils sont condamnés à mort le 24 mars 1794 et guillotinés, dont [[w:Georges Jacques Danton|Danton]] et [[w:Camille Desmoulins|Desmoulins]].  
Ligne 102 : Ligne 97 :  
Les partisans de Robespierre avaient fait le vide autour d'eux, et avaient coupé le lien entre eux et les masses sans-culottes qui les avaient portées jusqu'ici. Par ailleurs leur dictature n'était plus nécessaire pour la bourgeoisie, qui en était venue à détester cette clique qui les effrayait par ses concessions sociales.   
 
Les partisans de Robespierre avaient fait le vide autour d'eux, et avaient coupé le lien entre eux et les masses sans-culottes qui les avaient portées jusqu'ici. Par ailleurs leur dictature n'était plus nécessaire pour la bourgeoisie, qui en était venue à détester cette clique qui les effrayait par ses concessions sociales.   
   −
Le <time class="nowrap date-lien" datetime="1794-07-27">27 juillet 1794</time>, ces « [[w:Crêtois|montagnards de l'an III]] » (terme qui les distingue des montagnards « dantonistes », qui s'étaient alliés aux modérés du Marais), appelés aussi Crêtois, sont renversés. Ce fut le tour de Robespierre de monter sur l'échafaud.  
+
Le <time datetime="1794-07-27" class="nowrap date-lien">27 juillet 1794</time>, ces « [[w:Crêtois|montagnards de l'an III]] » (terme qui les distingue des montagnards « dantonistes », qui s'étaient alliés aux modérés du Marais), appelés aussi Crêtois, sont renversés. Ce fut le tour de Robespierre de monter sur l'échafaud.  
    
Par une grande ironie de l'histoire, s'ils avaient servi héroïquement la [[bourgeoisie]], et créé des conditions propices pour que par la suite le [[capitalisme]] se développe sans entrave en France, ils tombaient néanmoins victimes de la [[réaction]].   
 
Par une grande ironie de l'histoire, s'ils avaient servi héroïquement la [[bourgeoisie]], et créé des conditions propices pour que par la suite le [[capitalisme]] se développe sans entrave en France, ils tombaient néanmoins victimes de la [[réaction]].   
    
Certains tentèrent plusieurs insurrections en [[w:Insurrection_du_12_germinal_an_III|germinal]] (1er avril 1795) et [[w:Insurrection_du_1er_prairial_an_III|prairial]] (20 mai 1795), mais en vain. Sans l'énergie des masses, la Montagne s'écroulait.  
 
Certains tentèrent plusieurs insurrections en [[w:Insurrection_du_12_germinal_an_III|germinal]] (1er avril 1795) et [[w:Insurrection_du_1er_prairial_an_III|prairial]] (20 mai 1795), mais en vain. Sans l'énergie des masses, la Montagne s'écroulait.  
 +
 +
== Profil social ==
 +
Les Montagnards étaient plutôt issus de la [[petite-bourgeoisie]], contrairement aux [[Girondins]] qui avaient plutôt l'appui de la grande [[bourgeoisie commerçante]], notamment bordelaise.
 +
 +
Contrairement à ces derniers, ils n'étaient pas liés avec l'ancienne [[classe dominante]] et la [[monarchie]]. En s'appuyant sur l'énergie des masses et principalement des [[sans-culottes]], ils étaient les plus à même de provoquer une rupture révolutionnaire avec la monarchie.
 +
 +
Robespierre était logé chez un petit-patron assez riche, le menuisier [[w:Maurice Duplay|Duplay]]<ref>[[w:Jules Michelet|Michelet]] en fait le symbole social du jacobinisme.</ref>, qui avait plusieurs logements qu'il louait à Paris, touchant par là  dix à douze mille livres de revenu en loyers de maison, sans compter les bénéfices de son entreprise<ref>Jean Jaurès, ''Histoire socialiste de la Révolution française'', 1901-1908</ref>. [[w:Élisabeth Le Bas|Sa fille]] a témoigné que, soucieux de dignité bourgeoise, il n’aurait jamais admis à sa table l’un de ses ''serviteurs'' (l’un de ses ouvriers). Duplay était bien en contact avec le monde du travail (contrairement à un noble ou un gros négociant), mais en tant que gros entrepreneur.
 +
 +
On saisit ici l’ambiguïté de la position sociale des Jacobins : trop près du petit peuple pour en méconnaître les besoins, mais s’en distinguant déjà assez pour ne pas desservir les intérêts de la bourgeoisie.
 +
 +
Beaucoup de jacobins étaient issus de la petite-bourgeoisie intellectuelle, journalistes, ou juristes. Ces hommes de médiocre condition avaient le sentiment de leur supériorité intellectuelle et supportaient mal la hiérarchie des ordres d’[[Ancien Régime]].
 +
 +
Au collège Louis-le-Grand, à Paris, Robespierre fut l’élève des Oratoriens : il y subit particulièrement l’influence de Rousseau, comme en témoignèrent son idéal social et politique, la force éloquente de sa conviction, ainsi que sa religiosité et une sensibilité parfois mal contenue. Revenu à Arras en 1781, Robespierre y vécut de son métier d’avocat, gagnant honorablement sa vie, mais restant pauvre '':'' mot qui revient sans cesse dans ses propos. Être pauvre, c’est se contenter de pourvoir à ses besoins par son travail personnel, sans dédaigner le bien-être, mais sans rechercher le luxe ni l’oisiveté : idéal des classes moyennes du temps, de la petite bourgeoisie en particulier. Par tempérament même, il était en accord avec les enseignements de Rousseau. Là fut sans doute l’une des causes de sa popularité : ses goûts et son mode de vie étaient à la mesure de la petite bourgeoisie qui s’est retrouvée en lui. De sa jeunesse triste, de son existence austère, Robespierre avait conçu, de sa valeur intellectuelle et morale, une haute idée.
 +
 +
Le gros des effectifs jacobins se caractérisait par la probité, l’application à la tâche, la mesure, et une égale répulsion de la trop grande richesse comme du trop grand dénuement. 
 +
 +
Le modèle des montagnards, [[w:Jean-Jacques Rousseau|Rousseau]], écrit dans ses ''Confessions'' qu’il était né « dans une famille que ses mœurs distinguaient du peuple » (son père était horloger). <gallery>
 +
Fichier:Georges Danton.jpg|[[w:Georges Jacques Danton|Georges Danton]]
 +
Fichier:Robespierre.jpg|[[Maximilien de Robespierre]]
 +
Fichier:Jean-Paul Marat portre.jpg|[[Jean-Paul Marat]]
 +
Fichier:Saint Just.jpg|[[w:Louis Antoine de Saint-Just|Louis Antoine de Saint-Just]]
 +
Fichier:Billaud-Varenne.jpg|[[w:Jacques-Nicolas Billaud-Varenne|Jacques-Nicolas Billaud-Varenne]]
 +
Fichier:Lazare-Carnot-par-Boilly.jpg|[[w:Lazare Carnot|Lazare Carnot]]
 +
Fichier:Prieur de la Marne IMG 2320.JPG|[[w:Pierre-Louis Prieur|Pierre-Louis Prieur]], dit « Prieur de la Marne »
 +
</gallery>
 +
 +
== Idées politiques ==
 +
 +
=== Républicains intransigeants  ===
 +
 +
Personnifiés par des personnages comme Danton, Marat et [[Robespierre|Robespierre]], les Montagnards sont des républicains convaincus. Comme la majorité des révolutionnaires, ils étaient influencés par [[Les Lumières|les Lumières]], mais aussi par [[w:Jean-Jacques Rousseau|Rousseau]]. Ils se voyaient en [[Démocratie|démocrates]] et en amis du peuple, et pensaient avoir la tâche d'ériger une [[République|République]] à l'image de la [[Luttes de classes en Rome antique|République romaine]].
 +
<blockquote>
 +
«&nbsp;On appelle ainsi, depuis les premiers temps de la Révolution, une partie de le salle où se plaçait, dans l'Assemblée constituante, un petit nombre de députés qui défendirent la cause du peuple jusqu'au bout, avec le plus de constance et de fidélité.&nbsp;» Maximilien de Robespierre<ref name="robes">[[Robespierre]], dans une de ses Lettres à ses commettants (fin novembre ou début décembre 1792)</ref>
 +
</blockquote>
 +
 +
Ils sont initialement des éléments disparates et sans programme réellement défini. Robespierre les "discernait" parmi la Constituante, mais rien ne les unissait alors formellement, même si beaucoup étaient au [[Club des Jacobins|Club des Jacobins]].
 +
<blockquote>
 +
«&nbsp;Dans l'Assemblée actuelle [...] Il y a, dans la plaine et dans le pays aquatique, de très braves gens et des Montagnards, et, sur la Montagne, on entend bourdonner quelquefois des insectes feuillantins et de petites mouches girondines échappées du Marais.&nbsp;» <ref name="robes" />
 +
</blockquote>
 +
 +
=== Humanistes et abolitionnistes ===
 +
En février 1794, les députés montagnards [[w:Décret d'abolition de l'esclavage du 4 février 1794|votent l'abolition de l'esclavage colonial]]. Suite à cela, trois nouveaux députés de [[w:Saint-Domingue (colonie française)|Saint-Domingue]] sont élus et rejoignent les bancs de la Montagne : le Blanc [[w:Louis-Pierre_Dufay|Louis-Pierre Dufay]], le Métis [[w:Jean-Baptiste_Mills|Jean-Baptiste Mills]] et le Noir [[w:Jean-Baptiste_Belley|Jean-Baptiste Belley]], chaleureusement accueillis à la Convention par [[w:Simon Camboulas|Camboulas]], [[w:Louis Bon de Montaut|Maribon-Montaut]], [[w:Georges Jacques Danton|Danton]], Delacroix, [[w:René Levasseur|Levasseur]], et l'[[w:Abbé Grégoire|abbé Grégoire]] les 3, 4 et 5 février 1794. [[w:Antoine-François Momoro|Momoro]] les fait inscrire le soir du 4 février au [[club des Jacobins]].  [[w:Pierre-Gaspard Chaumette|Chaumette]] organise avec les trois nouveau députés une fête au [[w:Temple de la Raison|temple de la Raison]] le 18 février. [[w:Jacques-René Hébert|Hébert]] publie un article très enthousiaste pour cette fête et l'arrivée des "trois rois mages" le surlendemain (20 février).
 +
 +
Mais l'esclavage est vite [[w:Rétablissement de l'esclavage par Napoléon Bonaparte|rétabli par Napoléon]], et ne sera définitivement [[w:Décret d'abolition de l'esclavage du 27 avril 1848|aboli qu'en 1848]].
 +
 +
=== Laïcs et anticléricaux ===
 +
Le 4 avril 1791, l'Assemblée constituante transforme l'église Sainte-Geneviève, qui était en cours de construction, en « [[w:Panthéon (Paris)|Panthéon des grands hommes]] ». Le Panthéon devient une sorte de temple républicain. Les révolutionnaires y font transférer les cendres de [[w:Voltaire|Voltaire]] et de [[w:Jean-Jacques_Rousseau|Rousseau]].
 +
 +
=== Égalitaristes petit-bourgeois ===
 +
La Déclaration montagnarde de juin 1793 vise « le bonheur commun ». Les Montagnards n'avaient pas de théorie cohérente sur la question sociale. Fruit de leur position sociale intermédiaire, ils étaient sensibles aux trop grands écarts de [[richesse]], et donc porteur d'un [[égalitarisme]] assez vague. Tout en déclamant contre les riches, ils réaffirmaient sans cesse leur attachement à la [[propriété individuelle]]. Et ils repoussaient fermement l'idée de la « loi agraire » ([[partage des terres]]), accusation que leur envoyait fréquemment la réaction.
 +
 +
[[w:Jean-Paul Marat|Marat]] est souvent considéré comme plus radical, mais c'est surtout par sa virulence verbale, et par le fait qu'il se soit trouvé en phase avec le centre de gravité de la politique des jacobins de 1793. Il déclarait en 1793 : « J’arrivais à la Révolution avec des idées faites ». Il affirma dès 1780 que le droit à l’existence prime sur le droit de propriété, et  fustigeait une société qui oppose les [[Classes sociales|classes]] :
 +
<blockquote>
 +
« Périssent donc enfin ces lois arbitraires, faites pour le bonheur de quelques individus au préjudice du genre humain, et périssent aussi ces distinctions odieuses qui rendaient certaines classes du peuple ennemies des autres, qui font que la multitude doit s’affliger du bonheur du petit nombre, que le petit nombre doit redouter le bonheur de la multitude. »<ref>Jean-Paul Marat, ''Plan'' ''de législation criminelle,'' 1780</ref>
 +
</blockquote>
 +
Dès 1789, il écrivait, à la mode de Rousseau :
 +
<blockquote>
 +
« sans une certaine proportion entre les fortunes, les avantages que celui qui n’a aucune propriété retire du pacte social se réduisent à presque rien... La liberté même qui nous console de tant de maux n’est rien pour lui... Quelque révolution qui arrive dans l’État, il ne sent point diminuer sa dépendance, toujours cloué, comme il est, à un travail accablant. » <ref>Jean-Paul Marat, ''La Constitution ou Projet de déclaration des droits,'' brochure du 23 août 1789</ref>
 +
</blockquote>
 +
Ces idées ne présentaient aucun caractère d’exception : Marat né en 1743, d’une génération antérieure à celle de Robespierre né en 1758, de [[w:Louis Antoine de Saint-Just|Saint-Just]] né en 1767, en était venu à des conclusions auxquelles d’autres révolutionnaires ne parvinrent qu'au travers de la Révolution elle-même. Ainsi Saint-Just déclara  le 26 février 1794, pour défendre les [[w:Décrets de Ventôse|décrets de Ventôse]] : « La force des choses nous conduit peut-être à des résultats auxquels nous n’avions point pensé. »
 +
 +
En revanche une fois au pouvoir, les montagnards répriment les plus mouvements à leur gauche. Ainsi Marat attaqua violemment les [[Enragés]], ces « faux patriotes, plus dangereux que les aristocrates et les royalistes », qui ne visent qu'à « égarer les bons citoyens et les jeter dans des démarches violentes, hasardées, téméraires et désastreuses ».<ref>Jean-Paul Marat, ''Le publiciste de la République française'', Paris, n°233, 4 juillet 1793</ref>
 +
 +
Les déclarations en faveur de l'égalitarisme ne manquaient pas, comme celles de [[w:Pierre-Gaspard Chaumette|Chaumette]] à la tribune du Conseil général de la [[Commune de Paris (1789-1795)|Commune]], mais sans que les montagnards au pouvoir ne cherchent vraiment à les inscrire dans la loi.
 +
 +
Par ailleurs, ces déclamations contre les inégalités étaient présentes aussi chez les Girondins ([[w:Jacques Pierre Brissot|Brissot]] exprimait de la compréhension pour ceux qui sont poussés au [[vol]]<ref>Jacques Pierre Brissot, ''Recherches philosophiques sur le droit de propriété et sur le vol considérés dans la nature et dans la société'', 1780</ref>, [[w:Jean-Louis Carra|Carra]] défendait les notions « d’égalité morale, de propriété raisonnable »<ref>Jean-Louis Carra, ''Système de la raison ou le prophète philosophe'', 1782</ref>...), voire même chez l'ancien ministre des finances du roi, [[w:Jacques Necker|Necker]], qui polémiquait avec le laissez-faire des physiocrates. La particularité des montagnards est surtout d'avoir maintenu relativement cette ligne égalitariste (quoiqu'en réprimant à leur gauche), quand les autres tournaient à la contre-révolution.
 +
 +
=== Hostilité aux propriétaires terriens ===
 +
Bien que ce ne soit pas très marqué, il y a parmi les montagnards une préférence perceptible pour la propriété artisanale par rapport à la [[Propriétaire terrien|propriété terrienne]]. Cela traduisait leur origine sociale aussi bien que leur hostilité à la [[noblesse]], qui était historiquement une classe vivant de [[Rente foncière|rentes foncières]].
 +
 +
[[w:Jacques-Nicolas Billaud-Varenne|Billaud-Varenne]] entendait « atténuer l’influence corrosive [des grandes fortunes] par une subdivision accélérée et sans possibilité d’un entassement ultérieur. (...) Nul citoyen ne pourra posséder plus qu’une quantité fixée d’arpents de terre [une vingtaine en moyenne] ».<ref>Jacques-Nicolas Billaud-Varenne, ''Éléments de républicanisme'', 1793</ref>
 +
 +
Pour [[w:Antoine-François Momoro|Momoro]],  « la nation ne reconnaît que les propriétés ''industrielles,'' elle en assure la garantie et l’inviolabilité. La nation assure également aux citoyens la garantie et l’inviolabilité de ce qu’on appelle faussement propriétés ''territoriales,'' jusqu’au moment où elle aura établi des lois sur cet objet ».<ref>Antoine-François Momoro, ''Déclaration des droits'', août 1792</ref> Ce qui sonnait comme une menace de [[réforme agraire]] n'a jamais eu de suite.
 +
 +
Pour justifier les mesures comme le [[maximum des grains]], [[w:Antoine-François Momoro|Momoro]] théorisait que le droit de propriété sur le produit des récoltes était limité, car les produits de la terre ne sauraient être rangés « dans la même classe que les autres propriétés proprement dites ». « C’est que ces productions sont destinées à la subsistance de la société, moyennant l’indemnité juste et préalable qui doit en être le prix. » Une indemnité qui doit être proportionnée « avec les facultés des citoyens ».<ref>Antoine-François Momoro, ''Opinion sur la fixation du maximum du prix des grains,'' mai 1793</ref>
 +
 +
Dans le contexte d'alors, la propriété terrienne était encore le marqueur principal de la richesse. C'est pour cela qu'est si présente chez les montagnards l'illusion qu'une fois l'[[Ancien régime]] vaincu, la République des petits productifs industrieux sera une société globalement égalitaire, sans nécessité de s'en prendre au [[marché]] et à la [[Propriété privée|propriété privée des moyens de production]] en général.
 +
 +
=== Utopie républicaine ===
 +
Même si la plupart des montagnards étaient avant tout poussés à prendre des réformes sociales par la situation, il existait parmi eux des idéologues dont les écrits dessinent clairement une sorte d'[[utopie]] républicaine. Le [[républicanisme]] sous sa forme moderne est alors en train d'émerger, et il s'agit pour ses idéologues d'une promesse généreuse. Ils se voyaient comme les accoucheurs d'un monde nouveau, qui serait non pas le froid capitalisme, mais une République fraternelle.
 +
 +
Le modèle de la République mis en avant est en grande partie celui des républiques antiques. « Robespierre, Saint-Just et leurs partisans  succombèrent parce qu’ils confondaient l’Etat réaliste et démocratique antique, fondé sur l’esclavage réel, avec l’Etat représentatif spiritualiste et démocratique moderne, fondé sur l’esclavage émancipé, la société bourgeoise. »<ref>Karl Marx, ''La Sainte Famille'', 1844</ref>
 +
 +
[[w:Jacques-Nicolas Billaud-Varenne|Billaud-Varenne]] exposa clairement que l'idéal du [[républicanisme]] jacobin était celui d'une société de petits producteurs indépendants :
 +
<blockquote>
 +
« Non seulement le système politique doit assurer à chacun la paisible jouissance de ses possessions, mais ce système doit être combiné de manière à établir autant que possible une répartition des biens sinon absolument égale, au moins proportionnelle entre les citoyens ». Si le droit de propriété est imprescriptible, « il doit avoir son application au profit de tous les êtres qui composent la nation ». Ainsi personne dans la République ne se trouvera « sous la dépendance directe et non réciproque d’un autre particulier ».  « Si la cumulation des grandes masses de fortune dans les mains d’un petit nombre d’individus amène progressivement toutes les calamités sociales, l’aisance du plus grand nombre, fruit du travail, de l’industrie et des spéculations commerciales, porte une nation au plus haut degré de prospérité et communique à son gouvernement une grandeur réelle. »<ref>Jacques-Nicolas Billaud-Varenne, ''Éléments de républicanisme'', 1793</ref>
 +
</blockquote>
 +
De même [[w:Louis Antoine de Saint-Just|Saint-Just]] dans ses ''[[w:Les Fragments d'institutions républicaines|Institutions républicaines]]'' au printemps 1794 assignait comme but à la République : « Donner à tous les Français les moyens d’obtenir les premières nécessités de la vie sans dépendre d’autre chose que des lois et sans dépendance mutuelle dans l’état civil. (...) Il faut que l’homme vive indépendant. (...) Il ne faut ni riches ni pauvres... L’opulence est une infamie. »
 +
 +
Dans ses propositions on retrouve la précision des [[utopies]] qui régentent la vie quotidienne : l’hérédité n’existe plus qu’en ligne directe. Tout le monde est obligé de travailler ; tout propriétaire de plus de 25 ans, qui n’a pas de métier et n’est pas magistrat est tenu de cultiver la terre jusqu’à 50 ans ; l’oisiveté est punie. « Tout citoyen rendra compte tous les ans, dans les temples de l’emploi de sa fortune. » Ou encore : « Les enfants appartiennent à leur mère jusqu’à cinq ans, si elle les a nourris, à la République ensuite, jusqu’à sa mort. »  « Tout homme âgé de vingt et un ans est tenu de déclarer dans le temple quels sont ses amis... Celui qui dit qu’il ne croit pas à l’amitié, ou qui n’a point d’amis, est banni. » « Les hommes qui auront toujours vécu sans reproche porteront une écharpe blanche à soixante ans. »
 +
 +
Une part de l'inspiration de Saint-Just provenait certainement des traditions communautaires paysannes qu'il connaissait dans la [[w:Blérancourt|commune de l’Aisne]] où il avait grandi.
 +
 +
Il faut aussi citer [[François Boissel|Boissel]], vice-président du [[Club des Jacobins]], qui critiquait plus durement que d'autres la [[propriété privée]], notamment dans son ''Catéchisme du genre humain'', qu'il publie dès avril 1789 ([[Robespierre]] s'en éloigne alors, le jugeant « dangereux »).
 +
 +
=== Radicaux ===
 +
Prises une à une, les idées portées par les Montagnards étaient des idées déjà en circulation, parfois depuis longtemps. Mais ce courant politique, par sa détermination, a su attirer vers lui la plupart des [[Progressisme|progressistes]] de l'époque, et a pu engager des transformations à l'échelle de tout le pays sur un temps très bref. C'est ce qui a suscité la haine de la [[contre-révolution]] et de la tradition.
    
== Courants minoritaires  ==
 
== Courants minoritaires  ==
Ligne 119 : Ligne 211 :     
Menés par [[Jacques-René Hébert]], ces agitateurs aussi appelés les [[Exagérés]] appelaient sans cesse à l'insurrection. Ils auraient eu à plusieurs reprises un rôle de [[provocateurs]].  
 
Menés par [[Jacques-René Hébert]], ces agitateurs aussi appelés les [[Exagérés]] appelaient sans cesse à l'insurrection. Ils auraient eu à plusieurs reprises un rôle de [[provocateurs]].  
 +
 +
En août 1793, dans son numéro 272 du ''Père Duchesne'', Hébert dénonçait un système social où « les uns ont tout, les autres n’ont rien ». En pluviôse an II (n° 338), il évoquait la république « dans quelques années » : « Les sans-culottes ne font plus qu’une seule famille ; ils ne connaissent plus que la sainte égalité... On ne voit plus de riches insolents, mais aussi la misère a disparu. »
    
Les Hébertistes appelant à une nouvelle insurrection et les tentatives d'apaisement ayant échoué, le gouvernement révolutionnaire fit arrêter, dans la nuit du 3 au 4 mars 1794 (13-14 ventôse an II), Hébert et les principales figures du [[club des Cordeliers]]. Tous furent condamnés à mort et exécutés vingt jours plus tard, le 24 mars 1794.   
 
Les Hébertistes appelant à une nouvelle insurrection et les tentatives d'apaisement ayant échoué, le gouvernement révolutionnaire fit arrêter, dans la nuit du 3 au 4 mars 1794 (13-14 ventôse an II), Hébert et les principales figures du [[club des Cordeliers]]. Tous furent condamnés à mort et exécutés vingt jours plus tard, le 24 mars 1794.   
Ligne 148 : Ligne 242 :  
== Notes et sources  ==
 
== Notes et sources  ==
   −
[http://www.cosmovisions.com/ChronoRevolutionMontagnards.htm Les Montagnards], Cosmovisions
+
* Jacques Droz, ''[https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k48039030 Histoire générale du socialisme]'', 1972
 
   
<references />  
 
<references />  
    
[[Catégorie:Histoire]] [[Catégorie:France|France]]
 
[[Catégorie:Histoire]] [[Catégorie:France|France]]

Menu de navigation