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Les députés discutaient. La bourgeoisie apeurée consentit à l’application de la [[Journée de huit heures|loi des huit heures]] et de la nouvelle législation communale, ainsi qu’à la démocratisation du pouvoir exécutif qui passa du sénat au parlement. Et la grève générale, la victoire ouvrière se termina par la constitution d’un cabinet bourgeois, présidé par le réactionnaire Swinhufwud ! C’était l’avortement d’une révolution. De l’avis des révolutionnaires finlandais, la prise du pouvoir était à ce moment possible ; elle était même très facile ; l’appui des bolcheviks eût été décisif. Mais, comme l'écrivit plus tard [[Otto_Wille_Kuusinen|Kuusinen]], alors l’un des dirigeants de la social-démocratie finlandaise :
 
Les députés discutaient. La bourgeoisie apeurée consentit à l’application de la [[Journée de huit heures|loi des huit heures]] et de la nouvelle législation communale, ainsi qu’à la démocratisation du pouvoir exécutif qui passa du sénat au parlement. Et la grève générale, la victoire ouvrière se termina par la constitution d’un cabinet bourgeois, présidé par le réactionnaire Swinhufwud ! C’était l’avortement d’une révolution. De l’avis des révolutionnaires finlandais, la prise du pouvoir était à ce moment possible ; elle était même très facile ; l’appui des bolcheviks eût été décisif. Mais, comme l'écrivit plus tard [[Otto_Wille_Kuusinen|Kuusinen]], alors l’un des dirigeants de la social-démocratie finlandaise :
<blockquote>«&nbsp;''Ne désirant pas risquer nos conquêtes démocratiques et espérant d’ailleurs franchir, grâce à d’habiles manœuvres parlementaires, ce tournant de l’Histoire, nous décidâmes d’éluder la révolution (…). Nous ne croyions pas à la révolution, nous ne fondions sur elle aucune espérance, nous n’y aspirions point.&nbsp;''»</blockquote>  
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«&nbsp;''Ne désirant pas risquer nos conquêtes démocratiques et espérant d’ailleurs franchir, grâce à d’habiles manœuvres parlementaires, ce tournant de l’Histoire, nous décidâmes d’éluder la révolution (…). Nous ne croyions pas à la révolution, nous ne fondions sur elle aucune espérance, nous n’y aspirions point.&nbsp;''»
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Or, la grève générale avait révélé aux prolétaires leur force, et à la bourgeoisie le péril. La bourgeoisie finlandaise comprit que, livrée à elle-même, elle était perdue. Swinhufwud sollicita l’intervention de la Suède. L’armement des blancs se poursuivit avec énergie dans le Nord, où ils constituèrent des stocks de vivres. Le gouvernement entretint habilement la disette dans les centres ouvriers auxquels il importait de ne pas donner des réserves de vivres. La proclamation de l’indépendance de la Finlande ne changea rien. La possibilité d’une intervention suédoise ou allemande alarmait de plus en plus les prolétaires. Le parlement vota, pour comble, par 97 voix contre 87, une motion contenant des allusions claires à la nécessité d’une dictature bourgeoise. Le problème du pouvoir se posa de nouveau, en termes plus graves qu’à la veille de la grève générale de novembre. Il apparut, cette fois, aux social-démocrates, que toutes les chances de le résoudre par les voies parlementaires étaient épuisées. Il fallait se battre.
 
Or, la grève générale avait révélé aux prolétaires leur force, et à la bourgeoisie le péril. La bourgeoisie finlandaise comprit que, livrée à elle-même, elle était perdue. Swinhufwud sollicita l’intervention de la Suède. L’armement des blancs se poursuivit avec énergie dans le Nord, où ils constituèrent des stocks de vivres. Le gouvernement entretint habilement la disette dans les centres ouvriers auxquels il importait de ne pas donner des réserves de vivres. La proclamation de l’indépendance de la Finlande ne changea rien. La possibilité d’une intervention suédoise ou allemande alarmait de plus en plus les prolétaires. Le parlement vota, pour comble, par 97 voix contre 87, une motion contenant des allusions claires à la nécessité d’une dictature bourgeoise. Le problème du pouvoir se posa de nouveau, en termes plus graves qu’à la veille de la grève générale de novembre. Il apparut, cette fois, aux social-démocrates, que toutes les chances de le résoudre par les voies parlementaires étaient épuisées. Il fallait se battre.
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La [[Dictature_du_prolétariat|dictature du prolétariat]] était-elle possible&nbsp;? S’imposait-elle&nbsp;? Les dirigeants du mouvement ne le pensaient pas, bien que l’industrie occupât 500 000 personnes environ sur une population de 3 millions. Prolétaires et journaliers agricoles formaient une masse d’un demi-million d’hommes. Les agriculteurs petits et moyens, en majorité dans les campagnes, pouvaient être conquis à la révolution ou neutralisés par elle. Par malheur, «&nbsp;''jusqu’à la défaite, la plupart des dirigeants ne se rendirent pas nettement compte des buts de la révolution''&nbsp;» ([[Otto_Wille_Kuusinen|Kuusinen]]). Ils entendaient établir, sans [[Expropriation|expropriation]] des [[Classes_possédantes|possédants]] ni [[Etat_ouvrier|Etat ouvrier]], une démocratie parlementaire au sein de laquelle le [[Prolétariat|prolétariat]] eût été la classe politiquement dirigeante.
 
La [[Dictature_du_prolétariat|dictature du prolétariat]] était-elle possible&nbsp;? S’imposait-elle&nbsp;? Les dirigeants du mouvement ne le pensaient pas, bien que l’industrie occupât 500 000 personnes environ sur une population de 3 millions. Prolétaires et journaliers agricoles formaient une masse d’un demi-million d’hommes. Les agriculteurs petits et moyens, en majorité dans les campagnes, pouvaient être conquis à la révolution ou neutralisés par elle. Par malheur, «&nbsp;''jusqu’à la défaite, la plupart des dirigeants ne se rendirent pas nettement compte des buts de la révolution''&nbsp;» ([[Otto_Wille_Kuusinen|Kuusinen]]). Ils entendaient établir, sans [[Expropriation|expropriation]] des [[Classes_possédantes|possédants]] ni [[Etat_ouvrier|Etat ouvrier]], une démocratie parlementaire au sein de laquelle le [[Prolétariat|prolétariat]] eût été la classe politiquement dirigeante.
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[[File:CarteGuerreCivileFinlande.png|border|right|365x452px|Carte de la guerre civile. Les zones rouges sont contrôlées par les communistes.]]Les principales mesures appliquées par le Conseil des mandataires du peuple furent la [[Journée de huit heures|journée de huit heures]], le paiement obligatoire des salaires des journées de grève révolutionnaire, l’émancipation des domestiques et valets de ferme (loués à l’année par les agriculteurs et soumis à un statut d’une extrême sévérité), l’abolition de la [[Peine_de_mort|peine de mort]] (très rarement appliquée auparavant), l’exonération fiscale des pauvres (le minimum de revenu taxé fut désormais de 2400 marks dans les villes et de 1400 marks dans les campagnes au lieu de 800 et 400 marks, un impôt spécial frappa les revenus de plus de 20 000 marks), l’impôt sur les logements de plus d’une pièce&nbsp;; la libération de la presse encore soumise à d’anciennes réglementations, le contrôle des usines par les ouvriers.
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[[File:FinnishCivilWarMapBegin.svg|border|right|365x452px|Carte de la guerre civile. Les zones rouges sont contrôlées par les communistes.]]Les principales mesures appliquées par le Conseil des mandataires du peuple furent la [[Journée de huit heures|journée de huit heures]], le paiement obligatoire des salaires des journées de grève révolutionnaire, l’émancipation des domestiques et valets de ferme (loués à l’année par les agriculteurs et soumis à un statut d’une extrême sévérité), l’abolition de la [[Peine_de_mort|peine de mort]] (très rarement appliquée auparavant), l’exonération fiscale des pauvres (le minimum de revenu taxé fut désormais de 2400 marks dans les villes et de 1400 marks dans les campagnes au lieu de 800 et 400 marks, un impôt spécial frappa les revenus de plus de 20 000 marks), l’impôt sur les logements de plus d’une pièce&nbsp;; la libération de la presse encore soumise à d’anciennes réglementations, le contrôle des usines par les ouvriers.
    
D’autres mesures s’imposèrent un peu plus tard au cours de la guerre civile, telles que les réquisitions du blé et des pommes de terre, la fermeture des journaux bourgeois, l'interdiction de l’exportation des valeurs, l’obligation générale du travail pour tous les adultes valides de 18 à 55 ans. Cette révolution ouvrière se poursuivit au nom d’une démocratie idéale dont la conception fut précisée dès la fin de février par un projet de constitution appelé à faire au printemps l’objet d’un référendum.
 
D’autres mesures s’imposèrent un peu plus tard au cours de la guerre civile, telles que les réquisitions du blé et des pommes de terre, la fermeture des journaux bourgeois, l'interdiction de l’exportation des valeurs, l’obligation générale du travail pour tous les adultes valides de 18 à 55 ans. Cette révolution ouvrière se poursuivit au nom d’une démocratie idéale dont la conception fut précisée dès la fin de février par un projet de constitution appelé à faire au printemps l’objet d’un référendum.
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Un révolutionnaire finlandais a formulé sur ce projet le jugement suivant&nbsp;:
 
Un révolutionnaire finlandais a formulé sur ce projet le jugement suivant&nbsp;:
<blockquote>«''&nbsp;Le plus haut degré de développement de la démocratie bourgeoise (degré irréalisable en pratique au sein de la société capitaliste) était atteint en théorie&nbsp;; la démocratie bourgeoise ne peut, au-delà, que se transformer en dictature du prolétariat, si le prolétariat est vainqueur, de la bourgeoisie si le prolétariat est vaincu.''&nbsp;»<ref>Edouard Torniainen, ''La révolution ouvrière en Finlande''</ref></blockquote>  
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«''&nbsp;Le plus haut degré de développement de la démocratie bourgeoise (degré irréalisable en pratique au sein de la société capitaliste) était atteint en théorie&nbsp;; la démocratie bourgeoise ne peut, au-delà, que se transformer en dictature du prolétariat, si le prolétariat est vainqueur, de la bourgeoisie si le prolétariat est vaincu.''&nbsp;»<ref>Edouard Torniainen, ''La révolution ouvrière en Finlande''</ref>
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C’était un bien beau projet, passablement utopique, comme le reconnut plus tard [[Kuussinen|Kuusinen]]&nbsp;:
 
C’était un bien beau projet, passablement utopique, comme le reconnut plus tard [[Kuussinen|Kuusinen]]&nbsp;:
<blockquote>«&nbsp;La faiblesse de la bourgeoisie ''nous laissait sous le charme de la démocratie et nous décidâmes de marcher vers le socialisme par l’action parlementaire et la démocratisation de la représentation nationale''&nbsp;»</blockquote>  
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«&nbsp;La faiblesse de la bourgeoisie ''nous laissait sous le charme de la démocratie et nous décidâmes de marcher vers le socialisme par l’action parlementaire et la démocratisation de la représentation nationale''&nbsp;»
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===Contre-révolution et intervention impérialiste===
 
===Contre-révolution et intervention impérialiste===
  

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