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| Au sein des syndicats, les rapports entre base et sommet étaient de plus en plus bureaucratiques. En pratique, plus les syndicats assumaient les fonctions administratives d'une bureaucratie gestionnaire, plus ils devenaient bureaucratiques eux-mêmes<ref>Waldermar Koch, Die Bohchevistischen Gewerkshaften Icna 1932</ref>. | | Au sein des syndicats, les rapports entre base et sommet étaient de plus en plus bureaucratiques. En pratique, plus les syndicats assumaient les fonctions administratives d'une bureaucratie gestionnaire, plus ils devenaient bureaucratiques eux-mêmes<ref>Waldermar Koch, Die Bohchevistischen Gewerkshaften Icna 1932</ref>. |
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− | Début 1919, il y avait 3 500 000 adhérents dans les syndicats. Il y en avait eu 2 600 000 au temps du Premier Congrès des syndicats, en janvier 1918, et 1 500 000 à la Conférence de juillet 1917.<ref><nowiki>Zinoviev, Desyaty s'yezd RKP (b) : Protokoly [Le Dixième Congrès du PCR (b) : compte rendu], Moscou, IMEL, 1933</nowiki></ref> | + | Début 1919, il y avait 3 500 000 adhérents dans les syndicats. Il y en avait eu 2 600 000 au temps du Premier Congrès des syndicats, en janvier 1918, et 1 500 000 à la Conférence de juillet 1917.<ref>Zinoviev, Desyaty s'yezd RKP (b) : Protokoly [Le Dixième Congrès du PCR (b) : compte rendu], Moscou, IMEL, 1933</ref> |
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| Le '''2<sup>e</sup> congrès pan-russe des syndicats se réunit du 16 au 25 janvier 1919'''<ref>Vtoroi vserossiiski s'yezd professionalnykh soyuzov stenograficheski otchet [Second Congrès Panrusse des syndicats, rapport sténographié], Moscou, Editions Syndicales Centrales, 1919,</ref>. Un conflit commence à apparaître entre la direction des syndicats, en accord avec le pouvoir, et la base. La résistance qui avait été menée naguère par les comités contre les syndicats se déplaça au sein du mouvement syndical, opposant d’une certaine façon les organisations de base à l’appareil de la direction syndicale. Dans leur motion du 23 janvier 1919, les syndicats commencent par s’aligner sur le texte gouvernemental en parlant eux aussi au passé du contrôle ouvrier. Mais ils font état d’un ''« conflit latent qui se livre dans le cadre des nouvelles formes organisationnelles que prend la vie économique »''. Ils tentaient de maintenir un certain rôle aux syndicats : ''« Suivre sans doute le travail des gestionnaires, non le précéder »'', mais en le ''« supervisant »''. Lénine parla de l'« inévitable étatisation des syndicats », tout en parlant de fonction éducatrice des syndicats vis-à-vis des travailleurs dans l'art de l'administration, et de « dépérissement de l'État » futur. | | Le '''2<sup>e</sup> congrès pan-russe des syndicats se réunit du 16 au 25 janvier 1919'''<ref>Vtoroi vserossiiski s'yezd professionalnykh soyuzov stenograficheski otchet [Second Congrès Panrusse des syndicats, rapport sténographié], Moscou, Editions Syndicales Centrales, 1919,</ref>. Un conflit commence à apparaître entre la direction des syndicats, en accord avec le pouvoir, et la base. La résistance qui avait été menée naguère par les comités contre les syndicats se déplaça au sein du mouvement syndical, opposant d’une certaine façon les organisations de base à l’appareil de la direction syndicale. Dans leur motion du 23 janvier 1919, les syndicats commencent par s’aligner sur le texte gouvernemental en parlant eux aussi au passé du contrôle ouvrier. Mais ils font état d’un ''« conflit latent qui se livre dans le cadre des nouvelles formes organisationnelles que prend la vie économique »''. Ils tentaient de maintenir un certain rôle aux syndicats : ''« Suivre sans doute le travail des gestionnaires, non le précéder »'', mais en le ''« supervisant »''. Lénine parla de l'« inévitable étatisation des syndicats », tout en parlant de fonction éducatrice des syndicats vis-à-vis des travailleurs dans l'art de l'administration, et de « dépérissement de l'État » futur. |
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| ===Étatisation des syndicats=== | | ===Étatisation des syndicats=== |
− | Le 8<sup>e</sup> congrès du Parti bolchévik a lieu les 18-23 mars 1919 au milieu d'une accalmie de la guerre civile. Une vague de critiques de gauche contre les tendances ultra-centralistes s'y fit entendre. Un nouveau programme du Parti fut discuté et approuvé. Le point 5 de la « Section Économique » déclarait que ''« l'appareil d'organisation de l'industrie socialisée doit être basé essentiellement sur les syndicats (...). Les syndicats qui, conformément aux lois de la République Soviétique et à la pratique quotidienne, participent déjà aux tâches de tous les organes centraux et locaux de l'administration industrielle, doivent procéder à la concentration effective dans leurs propres mains de toute l'administration de l'économie dans son ensemble, considérée comme une seule unité économique (...). La participation des syndicats à la gestion économique et leur rôle, qui consiste à entraîner de larges masses dans ce travail, constitue également la meilleure méthode de lutte contre la bureaucratisation de l'appareil économique »''<ref name=":0"><nowiki>Vosmoi s'yezd RKP (b) : Protokoly [Le Huitième Congrès du PCR (b) : compte rendu], Moscou, IMEL, 1933</nowiki></ref> | + | Le 8<sup>e</sup> congrès du Parti bolchévik a lieu les 18-23 mars 1919 au milieu d'une accalmie de la guerre civile. Une vague de critiques de gauche contre les tendances ultra-centralistes s'y fit entendre. Un nouveau programme du Parti fut discuté et approuvé. Le point 5 de la « Section Économique » déclarait que ''« l'appareil d'organisation de l'industrie socialisée doit être basé essentiellement sur les syndicats (...). Les syndicats qui, conformément aux lois de la République Soviétique et à la pratique quotidienne, participent déjà aux tâches de tous les organes centraux et locaux de l'administration industrielle, doivent procéder à la concentration effective dans leurs propres mains de toute l'administration de l'économie dans son ensemble, considérée comme une seule unité économique (...). La participation des syndicats à la gestion économique et leur rôle, qui consiste à entraîner de larges masses dans ce travail, constitue également la meilleure méthode de lutte contre la bureaucratisation de l'appareil économique »''<ref name=":0">Vosmoi s'yezd RKP (b) : Protokoly [Le Huitième Congrès du PCR (b) : compte rendu], Moscou, IMEL, 1933</ref> |
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| Ce paragraphe célèbre devait soulever de violentes discussions dans les années qui suivirent. [[David Riazanov|Riazanov]] lança cet avertissement au Congrès : ''« nous n'éviterons pas la bureaucratisation tant que tous les syndicats n'auront pas abandonné (...) toutes leurs prérogatives dans l'administration de la production »''. D'un autre côté, beaucoup des bolcheviks s'accrocheront à cette clause, comme un bastion qu'ils cherchaient à défendre contre la bureaucratie du Parti. | | Ce paragraphe célèbre devait soulever de violentes discussions dans les années qui suivirent. [[David Riazanov|Riazanov]] lança cet avertissement au Congrès : ''« nous n'éviterons pas la bureaucratisation tant que tous les syndicats n'auront pas abandonné (...) toutes leurs prérogatives dans l'administration de la production »''. D'un autre côté, beaucoup des bolcheviks s'accrocheront à cette clause, comme un bastion qu'ils cherchaient à défendre contre la bureaucratie du Parti. |
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| Le '''Troisième congrès pan-russe des syndicats a lieu du 6 au 15 avril 1920'''. Sur la base de son expérience dans l'[[Armée_rouge|Armée rouge]] et dans le traitement de la question ferroviaire, [[Trotski|Trotski]] défend de plus en plus ouvertement la ''« militarisation du travail »'', et la suppression de toute autonomie des syndicats. | | Le '''Troisième congrès pan-russe des syndicats a lieu du 6 au 15 avril 1920'''. Sur la base de son expérience dans l'[[Armée_rouge|Armée rouge]] et dans le traitement de la question ferroviaire, [[Trotski|Trotski]] défend de plus en plus ouvertement la ''« militarisation du travail »'', et la suppression de toute autonomie des syndicats. |
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− | « la militarisation du travail (...) est une méthode inévitable d'organisation et de discipline de la main-d'œuvre dans l'époque de transition du capitalisme au socialisme (...) Est-il bien vrai que le travail obligatoire ait toujours été improductif ? On est bien obligé de répondre à cela que c'est le plus pauvre et le plus libéral des préjugés (...) L'organisation du servage a été, dans certaines conditions, un progrès et a amené à une augmentation de la production (...) Dans la période difficile actuelle, les salaires ne sont pas pour nous un moyen d'adoucir l'existence personnelle de tout ouvrier, mais un moyen d'estimer ce que tout ouvrier apporte par son travail à la République ouvrière (...) Aucune autre organisation dans le passé, excepté l'armée, n'a exercé sur l'homme une plus rigoureuse coercition que l'organisation gouvernementale de la classe ouvrière à la plus dure époque de transition. Et c'est précisément pour cela que nous parlons de militarisation du travail »<ref><nowiki>Treti vserossùski s'yezd professionalnykh soyuzov : stenografïcheski otchet (Troisième Congrès Panrusse des Syndicats : compte rendu sténographique), Moscou, 1920 [Le « Rapport sur l'organisation du Travail » de Trotski présenté à ce Congrès, complété de passages empruntés aux rapports présentés au Congrès Panrusse des Conseils Économiques et au IXème Congrès du P.C.R., est reproduit dans le chapitre VIII de Terrorisme et communisme.]</nowiki></ref> | + | « la militarisation du travail (...) est une méthode inévitable d'organisation et de discipline de la main-d'œuvre dans l'époque de transition du capitalisme au socialisme (...) Est-il bien vrai que le travail obligatoire ait toujours été improductif ? On est bien obligé de répondre à cela que c'est le plus pauvre et le plus libéral des préjugés (...) L'organisation du servage a été, dans certaines conditions, un progrès et a amené à une augmentation de la production (...) Dans la période difficile actuelle, les salaires ne sont pas pour nous un moyen d'adoucir l'existence personnelle de tout ouvrier, mais un moyen d'estimer ce que tout ouvrier apporte par son travail à la République ouvrière (...) Aucune autre organisation dans le passé, excepté l'armée, n'a exercé sur l'homme une plus rigoureuse coercition que l'organisation gouvernementale de la classe ouvrière à la plus dure époque de transition. Et c'est précisément pour cela que nous parlons de militarisation du travail »<ref>Treti vserossùski s'yezd professionalnykh soyuzov : stenografïcheski otchet (Troisième Congrès Panrusse des Syndicats : compte rendu sténographique), Moscou, 1920 [Le « Rapport sur l'organisation du Travail » de Trotski présenté à ce Congrès, complété de passages empruntés aux rapports présentés au Congrès Panrusse des Conseils Économiques et au IXème Congrès du P.C.R., est reproduit dans le chapitre VIII de Terrorisme et communisme.]</ref> |
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| [[Boukharine|Boukharine]] se rallie à la plateforme de Trotski. Ces positions soulèvent alors beaucoup de critiques parmi les [[Bolchéviks|bolchéviks]], en particulier l'[[Opposition_ouvrière|Opposition ouvrière]]. Trotski défend et théorise également ses positions dans [[Terrorisme_et_communisme|''Terrorisme et communisme'']], où il écrit : | | [[Boukharine|Boukharine]] se rallie à la plateforme de Trotski. Ces positions soulèvent alors beaucoup de critiques parmi les [[Bolchéviks|bolchéviks]], en particulier l'[[Opposition_ouvrière|Opposition ouvrière]]. Trotski défend et théorise également ses positions dans [[Terrorisme_et_communisme|''Terrorisme et communisme'']], où il écrit : |
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| Cependant il serait tout à fait erroné d’interpréter ce principe indiscutable comme la négation de la participation des syndicats dans l’organisation socialiste de l’industrie et dans la gestion de l’industrie nationale. | | Cependant il serait tout à fait erroné d’interpréter ce principe indiscutable comme la négation de la participation des syndicats dans l’organisation socialiste de l’industrie et dans la gestion de l’industrie nationale. |
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− | Trotski commente ce changement de rôle des syndicats dans la nouvelle situation de la [[Nouvelle politique économique|NEP]]. L'extension de la sphère privée redonnait un sens à la [[grève]], comme arme de défense contre les patrons. Dans la sphère étatique, il maintenait l'idée que la grève ne pouvait être que le fait que des secteurs ouvriers les moins conscients, mais que les directions (syndicales, étatiques) devaient tout faire pour désarmorcer les conflits par la persuasion.<ref name=":1" /> | + | Trotski commente ce changement de rôle des syndicats dans la nouvelle situation de la [[Nouvelle politique économique|NEP]]. L'extension de la sphère privée redonnait un sens à la [[grève]], comme arme de défense contre les patrons. Dans la sphère étatique, il maintenait l'idée que la grève ne pouvait être que le fait que des secteurs ouvriers les moins conscients, mais que les directions (syndicales, étatiques) devaient tout faire pour désamorcer les conflits par la persuasion.<ref name=":1" /> |
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| + | === Stalinisation === |
| + | Sous le [[Stalinisme|régime stalinien]], les syndicats deviendront un simple rouage de l'État [[totalitaire]], sans la moindre parcelle d'autonomie.[[File:RIAN archive 851899 Pioneers and schoolchildren greet delegates and guests of XVII convention of trade unions of the USSR.jpg|507x507px|lien=https://wikirouge.net/Fichier:RIAN_archive_851899_Pioneers_and_schoolchildren_greet_delegates_and_guests_of_XVII_convention_of_trade_unions_of_the_USSR.jpg|alt=|centré|vignette|“Les jeunes pionniers et les écoliers saluent les délégués et invités à la 17e conférence des syndicats d'URSS.” Palais des congrès du Kremlin, 19 mars 1982]] |
| ==Données sur les grèves== | | ==Données sur les grèves== |
| La [[révolution de 1905]] apparaît nettement sous la forme d'un pic des grèves.<ref>Lenin, ''[https://www.marxists.org/archive/lenin/works/1910/ssir/index.htm Strike Statistics in Russia]'', December 1910</ref> | | La [[révolution de 1905]] apparaît nettement sous la forme d'un pic des grèves.<ref>Lenin, ''[https://www.marxists.org/archive/lenin/works/1910/ssir/index.htm Strike Statistics in Russia]'', December 1910</ref> |