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| Pendant la période de réaction (1908-1909), ils cessèrent tout simplement d’exister. Dans les années suivantes, ils se rétablirent, mais seulement de façon limitée. Les syndicats nationaux n’existaient pas. Les rares syndicats locaux existants avaient des effectifs totaux qui ne dépassaient pas 20.000 — 30.000 membres dans tout le pays.<ref>S.M. Schwarz, ''Labor in the Soviet Union'', New York 1952, p. 338.</ref> | | Pendant la période de réaction (1908-1909), ils cessèrent tout simplement d’exister. Dans les années suivantes, ils se rétablirent, mais seulement de façon limitée. Les syndicats nationaux n’existaient pas. Les rares syndicats locaux existants avaient des effectifs totaux qui ne dépassaient pas 20.000 — 30.000 membres dans tout le pays.<ref>S.M. Schwarz, ''Labor in the Soviet Union'', New York 1952, p. 338.</ref> |
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− | == Essor des années 1912-1914 == | + | ==Essor des années 1912-1914== |
| A partir de 1912, les luttes ouvrières étaient en plein essor. Les syndicats étaient encore peu nombreux et avaient peu de liberté, mais commençaient à se développer, et les bolchéviks y devinrent aussitôt majoritaires (comme [[Assurance maladie#Assurance maladie en Russie|dans les caisses d'assurance maladie]]). En très peu de temps, autour de la ''[[Pravda]]'' et de leurs députés, ils eurent une influence de masse. | | A partir de 1912, les luttes ouvrières étaient en plein essor. Les syndicats étaient encore peu nombreux et avaient peu de liberté, mais commençaient à se développer, et les bolchéviks y devinrent aussitôt majoritaires (comme [[Assurance maladie#Assurance maladie en Russie|dans les caisses d'assurance maladie]]). En très peu de temps, autour de la ''[[Pravda]]'' et de leurs députés, ils eurent une influence de masse. |
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| Pour Lénine, les syndicats étaient des « réservoirs du pouvoir d'État ». Ils devaient fournir une large base sociale « à la dictature prolétarienne exercée par le Parti », une base absolument indispensable étant donné le caractère essentiellement paysan de la population du pays. Les syndicats devaient servir de « lien », de « courroie de transmission » entre le Parti et les masses des travailleurs sans-parti. Ils pourraient devenir ainsi des « écoles du communisme » pour leurs 7 millions de membres. Mais « Le Parti Communiste Russe, représenté par ses organisations centrales et régionales, reste toujours le guide indiscutable de tout l'aspect idéologique du travail des syndicats ».<ref>« O roli i zadachakh profsoyuzov » [Sur le rôle et les tâches des syndicats} Dixième Congrès du Parti, Résolution, 1, pp. 536-542</ref> | | Pour Lénine, les syndicats étaient des « réservoirs du pouvoir d'État ». Ils devaient fournir une large base sociale « à la dictature prolétarienne exercée par le Parti », une base absolument indispensable étant donné le caractère essentiellement paysan de la population du pays. Les syndicats devaient servir de « lien », de « courroie de transmission » entre le Parti et les masses des travailleurs sans-parti. Ils pourraient devenir ainsi des « écoles du communisme » pour leurs 7 millions de membres. Mais « Le Parti Communiste Russe, représenté par ses organisations centrales et régionales, reste toujours le guide indiscutable de tout l'aspect idéologique du travail des syndicats ».<ref>« O roli i zadachakh profsoyuzov » [Sur le rôle et les tâches des syndicats} Dixième Congrès du Parti, Résolution, 1, pp. 536-542</ref> |
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− | Lénine soutint ainsi que les syndicats ne pouvaient pas être de simples organismes d'État. Trotski martelait (comme la plupart des bolchéviks) que puisque l'URSS est un [[État ouvrier]], il est absurde que les ouvriers puissent faire [[grève]] contre eux-mêmes. Lénine justifiait une réserve en disant : ''« on se trompe manifestement car cet État n'est pas tout à fait ouvrier, voilà le hic. [...] En fait, notre État n'est pas un État ouvrier, mais ouvrier-paysan, c'est une première chose. [...] Notre État est un État ouvrier présentant une déformation bureaucratique. »''<ref>Lénine, [https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1920/12/vil19201230.htm Les syndicats, la situation actuelle et les erreurs de Trotski], 30 décembre 1920</ref> ''« La nature de notre État est telle que l'ensemble du prolétariat organisé doit se défendre lui-même : nous devons utiliser ces organisations ouvrières pour défendre les ouvriers contre leur propre État,et aussi pour que les ouvriers défendent notre État »''. Son argumentation était en fait quasiment la même que celle de [[Martov]] au premier congrès pan-russe des syndicats (janvier 1918). | + | Lénine soutint ainsi que les syndicats ne pouvaient pas être de simples organismes d'État. Trotski martelait (comme la plupart des bolchéviks) que puisque l'URSS est un [[État ouvrier]], il est absurde que les ouvriers puissent faire [[grève]] contre eux-mêmes. Pour Trotski, sous le [[communisme de guerre]], les grèves n'étaient « pas des faits de lutte de classe, mais plutôt des querelles intestines dans une classe. ». La grève « montrait seulement le manque de conscience, d’organisation et de fermeté intérieure de quelques éléments ouvriers. »<ref name=":1">Léon Trotski, [[:fr:La grève dans l’État ouvrier|La grève dans l’État ouvrier]], 13 avril 1922</ref> |
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| + | Lénine justifiait une réserve en disant : ''« on se trompe manifestement car cet État n'est pas tout à fait ouvrier, voilà le hic. [...] En fait, notre État n'est pas un État ouvrier, mais ouvrier-paysan, c'est une première chose. [...] Notre État est un État ouvrier présentant une déformation bureaucratique. »''<ref>Lénine, [https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1920/12/vil19201230.htm Les syndicats, la situation actuelle et les erreurs de Trotski], 30 décembre 1920</ref> ''« La nature de notre État est telle que l'ensemble du prolétariat organisé doit se défendre lui-même : nous devons utiliser ces organisations ouvrières pour défendre les ouvriers contre leur propre État,et aussi pour que les ouvriers défendent notre État »''. Son argumentation était en fait quasiment la même que celle de [[Martov]] au premier congrès pan-russe des syndicats (janvier 1918). |
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| Selon Lénine, il ne fallait pas voir dans la militarisation un trait permanent de la politique socialiste du travail. Il fallait donc utiliser aussi bien la persuasion que la coercition. « Il était certes normal que l'on nomme des fonctionnaires « d'en haut », mais il serait inopportun que les syndicats en fassent de même. Les syndicats pouvaient faire des suggestions pour certaines tâches économiques et administratives et devaient collaborer à la planification. Ils devaient surveiller, grâce à des départements spécialisés, le travail de l'administration économique. Le Conseil Central Panrusse des Syndicats aurait à fixer le taux des salaires. Il fallait, à cet égard, lutter contre l'extrême égalitarisme de l'Opposition Ouvrière. La politique des salaires devait être conçue de faon à « introduire la discipline dans le travail et augmenter la productivité ». Les membres du Parti avaient assez ''« discutaillé à propos de principes à Smolny. Maintenant, après trois ans, il y a des décrets qui régissent tous les aspects du problème de la production ». « L'unique conclusion à tirer est que nous allons élargir la démocratie dans les organisations ouvrières, sans en faire le moins du monde un fétiche »''. | | Selon Lénine, il ne fallait pas voir dans la militarisation un trait permanent de la politique socialiste du travail. Il fallait donc utiliser aussi bien la persuasion que la coercition. « Il était certes normal que l'on nomme des fonctionnaires « d'en haut », mais il serait inopportun que les syndicats en fassent de même. Les syndicats pouvaient faire des suggestions pour certaines tâches économiques et administratives et devaient collaborer à la planification. Ils devaient surveiller, grâce à des départements spécialisés, le travail de l'administration économique. Le Conseil Central Panrusse des Syndicats aurait à fixer le taux des salaires. Il fallait, à cet égard, lutter contre l'extrême égalitarisme de l'Opposition Ouvrière. La politique des salaires devait être conçue de faon à « introduire la discipline dans le travail et augmenter la productivité ». Les membres du Parti avaient assez ''« discutaillé à propos de principes à Smolny. Maintenant, après trois ans, il y a des décrets qui régissent tous les aspects du problème de la production ». « L'unique conclusion à tirer est que nous allons élargir la démocratie dans les organisations ouvrières, sans en faire le moins du monde un fétiche »''. |
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| Le Comité Central réagit furieusement. Tomsky, qui n'avait même pas appuyé la malheureuse résolution, fut privé immédiatement de son mandat de représentant de Comité Central au Congrès, et fut remplacé par Lénine, Staline et Boukharine (pourtant assez étrangers au travail syndical). | | Le Comité Central réagit furieusement. Tomsky, qui n'avait même pas appuyé la malheureuse résolution, fut privé immédiatement de son mandat de représentant de Comité Central au Congrès, et fut remplacé par Lénine, Staline et Boukharine (pourtant assez étrangers au travail syndical). |
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− | Le Comité Central réagit furieusement. Tomsky, qui n'avait même pas appuyé la malheureuse résolution, fut privé immédiatement de son mandat de représentant de Comité Central au Congrès, et fut remplacé par Lénine, Staline et Boukharine (pourtant assez étrangers au travail syndical). On interdit définitivement à Riazanov de s'occuper de toute activité syndicale. On créa une commission spéciale, présidée par Staline, pour « examiner la conduite de Tomsky ». Lorsque cette commission termina ses travaux, elle blâma sévèrement Tomsky pour sa « négligence criminelle ». Tomsky perdit toutes ses responsabilités au Conseil Central Panrusse des Syndicats. En ce qui concerne la fraction de Parti, on la « convainquit » de revenir sur sa décision de la veille.
| + | On interdit définitivement à Riazanov de s'occuper de toute activité syndicale. On créa une commission spéciale, présidée par Staline, pour « examiner la conduite de Tomsky ». Lorsque cette commission termina ses travaux, elle blâma sévèrement Tomsky pour sa « négligence criminelle ». Tomsky perdit toutes ses responsabilités au Conseil Central Panrusse des Syndicats. En ce qui concerne la fraction de Parti, on la « convainquit » de revenir sur sa décision de la veille. |
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| Le 2 avril 1922, le 11<sup>e</sup> Congrès du parti communiste vote une résolution interdisant toute ingérence des syndicats dans la direction des entreprises : | | Le 2 avril 1922, le 11<sup>e</sup> Congrès du parti communiste vote une résolution interdisant toute ingérence des syndicats dans la direction des entreprises : |
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| Cependant il serait tout à fait erroné d’interpréter ce principe indiscutable comme la négation de la participation des syndicats dans l’organisation socialiste de l’industrie et dans la gestion de l’industrie nationale. | | Cependant il serait tout à fait erroné d’interpréter ce principe indiscutable comme la négation de la participation des syndicats dans l’organisation socialiste de l’industrie et dans la gestion de l’industrie nationale. |
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| + | Trotski commente ce changement de rôle des syndicats dans la nouvelle situation de la [[Nouvelle politique économique|NEP]]. L'extension de la sphère privée redonnait un sens à la [[grève]], comme arme de défense contre les patrons. Dans la sphère étatique, il maintenait l'idée que la grève ne pouvait être que le fait que des secteurs ouvriers les moins conscients, mais que les directions (syndicales, étatiques) devaient tout faire pour désarmorcer les conflits par la persuasion.<ref name=":1" /> |
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| ==Données sur les grèves== | | ==Données sur les grèves== |
| La [[révolution de 1905]] apparaît nettement sous la forme d'un pic des grèves.<ref>Lenin, ''[https://www.marxists.org/archive/lenin/works/1910/ssir/index.htm Strike Statistics in Russia]'', December 1910</ref> | | La [[révolution de 1905]] apparaît nettement sous la forme d'un pic des grèves.<ref>Lenin, ''[https://www.marxists.org/archive/lenin/works/1910/ssir/index.htm Strike Statistics in Russia]'', December 1910</ref> |
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| |Année | | |Année |
| |Nombre de grévistes (en milliers) | | |Nombre de grévistes (en milliers) |
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| Le déclin des grèves ''politiques'' fut spécialement marqué. | | Le déclin des grèves ''politiques'' fut spécialement marqué. |
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| |Année | | |Année |
| |Total jours de grève | | |Total jours de grève |