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Le 13 février 1917, 20&nbsp;000 ouvriers de Petrograd avaient débrayé. Le 18 février, le patron de l'usine d'armement Poutilov (la plus grande entreprise de Petrograd) décide un [[Lock_out|lock out]] préventif. Les premiers incidents importants éclatent le 20 février 1917, avec la rumeur de l'instauration d'un [[Rationnement|rationnement]] du pain, ce qui déclenche la panique. Le lendemain, l'usine Poutilov, en rupture d'approvisionnement, est contrainte de fermer. Des milliers d'ouvriers sont au [[Activité_partielle|chômage technique]] et se retrouvent dans les rues. Dans le même temps, Nicolas II est absolument inconscient du danger et rassuré par un entourage totalement incompétent, <span class="reference-text">comme le ministre de l'Intérieur, Alexandre Protopopov et le ministre de la Guerre, le général Mikhaïl Beliaïev (surnommé <span class="citation">«&nbsp;tête morte&nbsp;»</span> par ses collègues)</span>. A ce moment de tension, le tsar quitte Petrograd pour Moguilev.
 
Le 13 février 1917, 20&nbsp;000 ouvriers de Petrograd avaient débrayé. Le 18 février, le patron de l'usine d'armement Poutilov (la plus grande entreprise de Petrograd) décide un [[Lock_out|lock out]] préventif. Les premiers incidents importants éclatent le 20 février 1917, avec la rumeur de l'instauration d'un [[Rationnement|rationnement]] du pain, ce qui déclenche la panique. Le lendemain, l'usine Poutilov, en rupture d'approvisionnement, est contrainte de fermer. Des milliers d'ouvriers sont au [[Activité_partielle|chômage technique]] et se retrouvent dans les rues. Dans le même temps, Nicolas II est absolument inconscient du danger et rassuré par un entourage totalement incompétent, <span class="reference-text">comme le ministre de l'Intérieur, Alexandre Protopopov et le ministre de la Guerre, le général Mikhaïl Beliaïev (surnommé <span class="citation">«&nbsp;tête morte&nbsp;»</span> par ses collègues)</span>. A ce moment de tension, le tsar quitte Petrograd pour Moguilev.
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Le 23 février 1917 (8 mars, nouveau style), lors de la [[Journée_internationale_des_femmes|Journée internationale des femmes]], plusieurs cortèges de femmes (étudiantes, employées, ouvrières du textile des faubourgs de Vyborg) manifestent devant la [[Douma|Douma]] pour réclamer du pain, exaspérées de faire la queue devant les boulangeries.<blockquote>Le 23 février, c'était la "&nbsp;Journée internationale des Femmes ". On projetait, dans les cercles de la social-démocratie, de donner à ce jour sa signification par les moyens d'usage courant&nbsp;: réunions, discours, tracts. La veille encore, il ne serait venu à la pensée de personne que cette " Journée des Femmes&nbsp;" pût inaugurer la révolution. Pas une organisation ne préconisa la grève pour ce jour-là. (...) Sans tenir compte de nos instructions, les ouvrières de plusieurs tisseries se sont mises en grève et ont envoyé des délégations aux métallurgistes pour leur demander de les soutenir... Il n’est pas venu à l’idée d’un seul travailleur que ce pourrait être le premier jour de la Révolution.»<ref>Trotski, [http://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/hrrusse/hrrsomm.htm ''Histoire de la révolution russe''], 1930</ref></blockquote>Leur action est soutenue par les ouvriers de Poutilov et de nombreux autres de Vyborg qui quittent le travail pour rejoindre les manifestantes. Arrivé eu centre ville, le mouvement fusionne avec une manifestation de [[Suffragettes|suffragettes]]. Les rangs des manifestant.e.s grossissent, les slogans prennent une tonalité plus politique. Aux cris contre la guerre, les grévistes (environ 90 000) ont mêlé des «&nbsp;Vive la [[République|République]]&nbsp;!&nbsp;». Fait significatif, les [[Cosaques|cosaques]], d’ordinaire à la pointe de la répression, laissent tranquille les manifestants, et certains discutent avec eux et se font ovationner par la foule. Beaucoup de Cosaques étaient usés et voulaient avant tout rentrer chez eux, dans leurs terres aux marges de l'Empire russe. Il n'y a pas de morts ce premier jour de manifestation.
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Le 23 février 1917 (8 mars, nouveau style), lors de la [[Journée_internationale_des_femmes|Journée internationale des femmes]], plusieurs cortèges de femmes (étudiantes, employées, ouvrières du textile des faubourgs de Vyborg) manifestent devant la [[Douma|Douma]] pour réclamer du pain, exaspérées de faire la queue devant les boulangeries.
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Le 23 février, c'était la "&nbsp;Journée internationale des Femmes ". On projetait, dans les cercles de la social-démocratie, de donner à ce jour sa signification par les moyens d'usage courant&nbsp;: réunions, discours, tracts. La veille encore, il ne serait venu à la pensée de personne que cette " Journée des Femmes&nbsp;" pût inaugurer la révolution. Pas une organisation ne préconisa la grève pour ce jour-là. (...) Sans tenir compte de nos instructions, les ouvrières de plusieurs tisseries se sont mises en grève et ont envoyé des délégations aux métallurgistes pour leur demander de les soutenir... Il n’est pas venu à l’idée d’un seul travailleur que ce pourrait être le premier jour de la Révolution.»<ref>Trotski, [http://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/hrrusse/hrrsomm.htm ''Histoire de la révolution russe''], 1930</ref>
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Leur action est soutenue par les ouvriers de Poutilov et de nombreux autres de Vyborg qui quittent le travail pour rejoindre les manifestantes. Arrivé eu centre ville, le mouvement fusionne avec une manifestation de [[Suffragettes|suffragettes]]. Les rangs des manifestant.e.s grossissent, les slogans prennent une tonalité plus politique. Aux cris contre la guerre, les grévistes (environ 90 000) ont mêlé des «&nbsp;Vive la [[République|République]]&nbsp;!&nbsp;». Fait significatif, les [[Cosaques|cosaques]], d’ordinaire à la pointe de la répression, laissent tranquille les manifestants, et certains discutent avec eux et se font ovationner par la foule. Beaucoup de Cosaques étaient usés et voulaient avant tout rentrer chez eux, dans leurs terres aux marges de l'Empire russe. Il n'y a pas de morts ce premier jour de manifestation.
    
Les exigences économiques (''«&nbsp;Du pain, du travail&nbsp;!&nbsp;»'') sont le déclencheur d'un mouvement revendicatif qui, au départ, n'a rien de révolutionnaire. Néanmoins les social-démocrates conservent une bonne implantation<ref>Le leader ouvrier bolchévik [[Vassili Kaïourov]] a raconté son expérience de la Révolution de Février dans ses mémoires.</ref>, notamment dans le faubourg ouvrier de Vyborg, et leurs années de propagande ont forgé une [[Conscience_de_classe|conscience de classe]].
 
Les exigences économiques (''«&nbsp;Du pain, du travail&nbsp;!&nbsp;»'') sont le déclencheur d'un mouvement revendicatif qui, au départ, n'a rien de révolutionnaire. Néanmoins les social-démocrates conservent une bonne implantation<ref>Le leader ouvrier bolchévik [[Vassili Kaïourov]] a raconté son expérience de la Révolution de Février dans ses mémoires.</ref>, notamment dans le faubourg ouvrier de Vyborg, et leurs années de propagande ont forgé une [[Conscience_de_classe|conscience de classe]].
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Les représentants du Soviet demandent dès ce premier jour au Comité de la Douma de prendre le pouvoir, ce qu'il accepte finalement à 23h. Ils diront ensuite qu'ils ont pris le sens des responsabilités, Milioukov expliquait notamment qu'il fallait réagir car des troupes allaient être envoyées contre Petrograd. En réalité, Rodzianko était en proie à la plus grande hésitation, et un député monarchiste, Choulguine, l'assurait lui-même qu'il s'agissait de la bonne décision&nbsp;:
 
Les représentants du Soviet demandent dès ce premier jour au Comité de la Douma de prendre le pouvoir, ce qu'il accepte finalement à 23h. Ils diront ensuite qu'ils ont pris le sens des responsabilités, Milioukov expliquait notamment qu'il fallait réagir car des troupes allaient être envoyées contre Petrograd. En réalité, Rodzianko était en proie à la plus grande hésitation, et un député monarchiste, Choulguine, l'assurait lui-même qu'il s'agissait de la bonne décision&nbsp;:
<blockquote>''«&nbsp;Il n'y a là aucune révolte. Prenez le pouvoir en qualité de sujet fidèle... Si les ministres se sont sauvés, quelqu'un doit tout de même les remplacer... Il peut y avoir deux issues&nbsp;: ou bien tout s'arrangera, le souverain désignera un nouveau gouvernement, nous lui remettrons le pouvoir. Si cela ne réussit pas, si nous ne recueillons pas le pouvoir, celui-ci tombera entre les mains de gens déjà élus par une certaine canaille, dans les usines... &nbsp;»''</blockquote>  
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''«&nbsp;Il n'y a là aucune révolte. Prenez le pouvoir en qualité de sujet fidèle... Si les ministres se sont sauvés, quelqu'un doit tout de même les remplacer... Il peut y avoir deux issues&nbsp;: ou bien tout s'arrangera, le souverain désignera un nouveau gouvernement, nous lui remettrons le pouvoir. Si cela ne réussit pas, si nous ne recueillons pas le pouvoir, celui-ci tombera entre les mains de gens déjà élus par une certaine canaille, dans les usines... &nbsp;»''
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Rodzianko frémissait d'indignation impuissante à voir que des soldats inconnus, ''«&nbsp;obéissant à des ordres donnés on ne savait par qui&nbsp;»'', procédaient à l'arrestation de hauts dignitaires de l'ancien régime et les amenaient à la Douma. Le chambellan se trouvait ainsi, en quelque sorte, chef de prison vis-à-vis de personnes avec lesquelles, certes, il n'était pas toujours d'accord, mais qui restaient pour lui, toutefois, des gens de son milieu.
 
Rodzianko frémissait d'indignation impuissante à voir que des soldats inconnus, ''«&nbsp;obéissant à des ordres donnés on ne savait par qui&nbsp;»'', procédaient à l'arrestation de hauts dignitaires de l'ancien régime et les amenaient à la Douma. Le chambellan se trouvait ainsi, en quelque sorte, chef de prison vis-à-vis de personnes avec lesquelles, certes, il n'était pas toujours d'accord, mais qui restaient pour lui, toutefois, des gens de son milieu.
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Le bruit court à ce moment-là que Lénine est devenu [[Trotskiste|trotskiste]], car il semble s'être rallié de fait à l'idée de [[Révolution_permanente|révolution permanente]]. Selon [[Trotski|Trotski]] c'est effectivement ce qui s'est passé<ref>Trotski, [https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/hrrusse/hrr15.htm ''Histoire de la Révolution russe''], 1930</ref> (ce que les [[Bordiguistes|bordiguistes]] contestent<ref>sinistra.net, [http://www.sinistra.net/lib/bas/progco/qioi/qioinpibef.html ''Critique de la théorie de la révolution permanente''], «Programme Communiste», numéro 57, octobre-décembre 1972</ref>).
 
Le bruit court à ce moment-là que Lénine est devenu [[Trotskiste|trotskiste]], car il semble s'être rallié de fait à l'idée de [[Révolution_permanente|révolution permanente]]. Selon [[Trotski|Trotski]] c'est effectivement ce qui s'est passé<ref>Trotski, [https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/hrrusse/hrr15.htm ''Histoire de la Révolution russe''], 1930</ref> (ce que les [[Bordiguistes|bordiguistes]] contestent<ref>sinistra.net, [http://www.sinistra.net/lib/bas/progco/qioi/qioinpibef.html ''Critique de la théorie de la révolution permanente''], «Programme Communiste», numéro 57, octobre-décembre 1972</ref>).
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Lénine argumente encore son point de vue le 25 avril, au cours de la Conférence de Pétrograd du POSDR(b)&nbsp;:
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Lénine argumente encore son point de vue le 25 avril, au cours de la [[7e conférence du POSDR|Conférence de Pétrograd du POSDR(b)]]&nbsp;:
<blockquote>''«&nbsp;Le Soviet des députés ouvriers et soldats, c'est la dictature du prolétariat et des soldats; ces derniers sont en majorité des paysans. Il s'agit donc bien de la dictature du prolétariat et de la paysannerie. Mais cette «dictature» a passé un accord avec la bourgeoisie. C'est sur ce point qu'il faut réviser le vieux bolchévisme. La situation qui s'est créée nous montre la dictature du prolétariat et des paysans et le pouvoir de la bourgeoisie étroitement enlacés&nbsp;»''</blockquote>  
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''«&nbsp;Le Soviet des députés ouvriers et soldats, c'est la dictature du prolétariat et des soldats; ces derniers sont en majorité des paysans. Il s'agit donc bien de la dictature du prolétariat et de la paysannerie. Mais cette «dictature» a passé un accord avec la bourgeoisie. C'est sur ce point qu'il faut réviser le vieux bolchévisme. La situation qui s'est créée nous montre la dictature du prolétariat et des paysans et le pouvoir de la bourgeoisie étroitement enlacés&nbsp;»''
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Alors que les militants de base du parti expliquaient patiemment le point de vue de Lénine aux ouvriers, aux soldats, aux paysans, Lénine parvint à reprendre en main le parti au cours des mois suivants. De février à juillet, la taille du parti bolchevik passa de 24.000 à 240.000 membres.
 
Alors que les militants de base du parti expliquaient patiemment le point de vue de Lénine aux ouvriers, aux soldats, aux paysans, Lénine parvint à reprendre en main le parti au cours des mois suivants. De février à juillet, la taille du parti bolchevik passa de 24.000 à 240.000 membres.
  

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