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La difficulté la plus grande dans cette lutte… fut que le deuxième congrès scinda le parti sans établir les véritables divergences de vues entre martovistes et léninistes. Les désaccords paraissaient graviter autour d’un paragraphe des statuts et de la composition d’une rédaction. Bien des camarades étaient troublés par la futilité des raisons qui avaient conduit à la scission.<ref name=":0">Trotski, [https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/staline/lt_stal04.htm ''Staline - II : « révolutionnaire professionnel »''], 1940</ref>
 
La difficulté la plus grande dans cette lutte… fut que le deuxième congrès scinda le parti sans établir les véritables divergences de vues entre martovistes et léninistes. Les désaccords paraissaient graviter autour d’un paragraphe des statuts et de la composition d’une rédaction. Bien des camarades étaient troublés par la futilité des raisons qui avaient conduit à la scission.<ref name=":0">Trotski, [https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/staline/lt_stal04.htm ''Staline - II : « révolutionnaire professionnel »''], 1940</ref>
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[[Ossip Piatnitsky|Piatnitsky]], qui était à cette époque un jeune travailleur, écrit dans ses souvenirs :
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Je ne pouvais pas comprendre pourquoi des différences anodines nous empêchaient de travailler ensemble. (...) Je ne m’attendais personnellement pas à une désunion à l’intérieur du groupe de l’''Iskra'', que j’étais habitué à considérer comme un corps homogène. (...) Nous avions des comptes rendus du congrès venant des deux camps, et immédiatement chacun d’eux commença à faire de l’agitation en faveur de sa propre ligne. J’étais déchiré entre les deux. (...) De plus, des camarades dont j’étais spécialement proche étaient dans le camp menchevique.<ref>O. Piatnitsky, ''Memoirs of a Bolshevik'', London n.d., p. 57.</ref>
   
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[[Krjijanovsky]], qui était à l’époque très proche de Lénine, se souvient : ''« Personnellement, je trouvais saugrenu que l’on pût accuser le camarade Martov d’opportunisme. »''<ref name=":0" /> De Saint-Pétersbourg, de Moscou, des provinces arrivaient des protestations et des lamentations.
 
[[Krjijanovsky]], qui était à l’époque très proche de Lénine, se souvient : ''« Personnellement, je trouvais saugrenu que l’on pût accuser le camarade Martov d’opportunisme. »''<ref name=":0" /> De Saint-Pétersbourg, de Moscou, des provinces arrivaient des protestations et des lamentations.
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Pendant toute l'année 1904, on insiste des deux côtés sur le fait que le clivage est plus profond que la question de l'organisation. Les accusations fusent, les bolchéviks reproduiraient les travers des [[Blanquistes|blanquistes]], des [[Populisme_russe|populistes]], des [[Jacobins|jacobins]]. Plékhanov dit alors de Lénine : ''«&nbsp;C'est de cette pâte que l'on fait les Robespierre&nbsp;»''.<ref name="MaVie12">Léon Trotski, ''[https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/mavie/mv14.htm Ma vie, 12. Le congrès du parti et la scission]'', 1930</ref> [[Trotski|Trotski]] le compare également à [[Robespierre|Robespierre]]<ref>Léon Trotski, ''[https://www.marxists.org/archive/trotsky/1903/xx/siberian.htm Report of the Siberian Delegation]'', 1903</ref>.  [[Rosa_Luxemburg_et_les_bolchéviks|Rosa Luxemburg participe à la polémique]].<ref>Rosa Luxemburg, ''[https://www.marxists.org/francais/luxembur/c_et_d/c_et_d_1.htm Questions d'organisation de la social-démocratie russe]'', 1904</ref>  De son côté Lénine polémique aussi durement  dans sa brochure ''Un pas en avant, deux pas en arrière''<ref name="UnPasEnAvant">Lénine, ''[https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1904/05/vil19040500.htm Un pas en avant, deux pas en arrière]'', 1904</ref> tout en insistant sur le fait qu'aucune scission ne serait justifiée :
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Pendant toute l'année 1904, on insiste des deux côtés sur le fait que le clivage est plus profond que la question de l'organisation. Les accusations fusent, les bolchéviks reproduiraient les travers des [[Blanquistes|blanquistes]], des [[Populisme_russe|populistes]], des [[Jacobins|jacobins]]. Plékhanov<ref name="MaVie12">Léon Trotski, ''[https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/mavie/mv14.htm Ma vie, 12. Le congrès du parti et la scission]'', 1930</ref> et Trotski comparent Lénine à [[Robespierre|Robespierre]]<ref>Léon Trotski, ''[https://www.marxists.org/archive/trotsky/1903/xx/siberian.htm Report of the Siberian Delegation]'', 1903</ref>.  [[Rosa_Luxemburg_et_les_bolchéviks|Rosa Luxemburg participe à la polémique]].<ref>Rosa Luxemburg, ''[https://www.marxists.org/francais/luxembur/c_et_d/c_et_d_1.htm Questions d'organisation de la social-démocratie russe]'', 1904</ref>  De son côté Lénine polémique aussi durement  dans sa brochure ''Un pas en avant, deux pas en arrière''<ref name="UnPasEnAvant">Lénine, ''[https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1904/05/vil19040500.htm Un pas en avant, deux pas en arrière]'', 1904</ref> tout en insistant sur le fait qu'aucune scission ne serait justifiée :
 
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« les divergences qui séparent actuellement ces deux ailes concernent surtout les problèmes d’organisation, et non les questions de programme ou de tactique (...) le programme importe plus que la tactique, et la tactique importe plus que l’organisation (...) ce sont simplement des ''nuances'' sur lesquelles on peut et ''l’on doit'' discuter, mais pour lesquelles il serait absurde et puéril de nous séparer. »
 
« les divergences qui séparent actuellement ces deux ailes concernent surtout les problèmes d’organisation, et non les questions de programme ou de tactique (...) le programme importe plus que la tactique, et la tactique importe plus que l’organisation (...) ce sont simplement des ''nuances'' sur lesquelles on peut et ''l’on doit'' discuter, mais pour lesquelles il serait absurde et puéril de nous séparer. »
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Pour Lénine, les [[Mencheviks|menchéviks]] sont d'irresponsables désorganisateurs, et le clivage est entre l’aile [[Prolétariat|prolétarienne]] et la tendance [[Intellectuels|intellectualiste]] [[Petite-bourgeoisie|petite-bourgeoise]] du parti. Il se moque de ce qu'il considère être un de ''« verbiage et de formules bureaucratiques (c’est-à-dire inutiles pour le travail et soi-disant nécessaires pour la parade)  »'' chez [[Julius Martov|Martov]] (son projet de règles défendu au [[2e congrès du POSDR|congrès]] faisait 48 paragraphes contre 12 pour la version de Lénine).   
 
Pour Lénine, les [[Mencheviks|menchéviks]] sont d'irresponsables désorganisateurs, et le clivage est entre l’aile [[Prolétariat|prolétarienne]] et la tendance [[Intellectuels|intellectualiste]] [[Petite-bourgeoisie|petite-bourgeoise]] du parti. Il se moque de ce qu'il considère être un de ''« verbiage et de formules bureaucratiques (c’est-à-dire inutiles pour le travail et soi-disant nécessaires pour la parade)  »'' chez [[Julius Martov|Martov]] (son projet de règles défendu au [[2e congrès du POSDR|congrès]] faisait 48 paragraphes contre 12 pour la version de Lénine).   
[[Fichier:Vperiod.jpg|vignette|''[[Vperiod]]'', journal lancé par Lénine suite à sa rupture avec l'''[[Iskra]]'']]
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[[Fichier:Vperiod.jpg|vignette|''[[Vperiod]]'', journal lancé par [[Lénine]] et [[Alexandre Bogdanov|Bogdanov]] suite à la rupture avec l'''[[Iskra]]'']]
 
Au départ, tout le monde pensait que la scission ne durerait pas. Pendant des années, la rupture a surtout concerné les milieux [[intellectuels]] dirigeants, en exil. Dans de nombreuses villes, les militants des deux fractions continueront à agir en commun. En fait, 351 organisations du parti restèrent des organisations conjointes bolcheviks-mencheviks jusqu'en 1917, dans certains cas jusqu’en septembre.
 
Au départ, tout le monde pensait que la scission ne durerait pas. Pendant des années, la rupture a surtout concerné les milieux [[intellectuels]] dirigeants, en exil. Dans de nombreuses villes, les militants des deux fractions continueront à agir en commun. En fait, 351 organisations du parti restèrent des organisations conjointes bolcheviks-mencheviks jusqu'en 1917, dans certains cas jusqu’en septembre.
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La droite des menchéviks se déchaîne contre les bolchéviks, accusés  d'[[utopisme]], de [[romantisme révolutionnaire]]. ''«&nbsp;Soulèvement — gouvernement révolutionnaire provisoire — république, voilà tout le schéma politique des bolcheviks.&nbsp;»'' dit [[Noé Jordania|Jordania]]. Plékhanov ne cessait de reprocher un « manque de tact » vis-à-vis de la bourgeoisie libérale<ref>Plékhanov, ''[http://az.lib.ru/p/plehanow_g_w/text_1906_pisma_o_taktike.shtml Lettres sur la tactique et l’absence de tact]'', 1906</ref>.
 
La droite des menchéviks se déchaîne contre les bolchéviks, accusés  d'[[utopisme]], de [[romantisme révolutionnaire]]. ''«&nbsp;Soulèvement — gouvernement révolutionnaire provisoire — république, voilà tout le schéma politique des bolcheviks.&nbsp;»'' dit [[Noé Jordania|Jordania]]. Plékhanov ne cessait de reprocher un « manque de tact » vis-à-vis de la bourgeoisie libérale<ref>Plékhanov, ''[http://az.lib.ru/p/plehanow_g_w/text_1906_pisma_o_taktike.shtml Lettres sur la tactique et l’absence de tact]'', 1906</ref>.
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Les principaux sujets abordés furent la situation politique et les tâches du prolétariat, la question agraire, l'attitude envers la [[Douma d'État de l’Empire russe|Douma]], et les questions d'organisation. Chaque point soulève une forte polémique entre fractions.
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Les principaux sujets abordés furent la situation politique et les tâches du prolétariat, la question agraire, l'attitude envers la [[Douma d'État de l’Empire russe|Douma]], et les questions d'organisation. Chaque point soulève une forte polémique entre fractions. A la grande surprise des bolchéviks, Lénine vote avec les menchéviks pour la participation aux élections à la [[Douma d'État de l’Empire russe|Douma]]. Il n'est plus pour le [[boycott]].
    
Néanmoins, le parti est officiellement réunifié et les fractions se sont formellement dissoutes. Lénine annonce solennellement&nbsp;: ''«&nbsp;II n'y a plus de schisme [...] les fractions précédentes des 'bolcheviks' et des 'mencheviks' se sont entièrement fondues.&nbsp;»''<ref>Lénine, ''[https://www.marxists.org/archive/lenin/works/1906/ucong/index.htm The Unity Congress of the RSDLP]'', avril 1906</ref> Il déclare que les bolchéviks continueront à défendre leurs positions. La fraction bolchevique sera bientôt dirigée par un centre clandestin, autour du ''[[Proletarii|Proletari]]'', qui continue de paraître, officiellement en tant qu'organe du comité de Saint-Pétersbourg.
 
Néanmoins, le parti est officiellement réunifié et les fractions se sont formellement dissoutes. Lénine annonce solennellement&nbsp;: ''«&nbsp;II n'y a plus de schisme [...] les fractions précédentes des 'bolcheviks' et des 'mencheviks' se sont entièrement fondues.&nbsp;»''<ref>Lénine, ''[https://www.marxists.org/archive/lenin/works/1906/ucong/index.htm The Unity Congress of the RSDLP]'', avril 1906</ref> Il déclare que les bolchéviks continueront à défendre leurs positions. La fraction bolchevique sera bientôt dirigée par un centre clandestin, autour du ''[[Proletarii|Proletari]]'', qui continue de paraître, officiellement en tant qu'organe du comité de Saint-Pétersbourg.
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{{See also|1=5e congrès du POSDR}}Le 5<sup>e</sup> congrès se tient à Londres entre le 13 mai et le 1<sup>er</sup> juin 1907. Il réunit 338 délégués, dont 105 bolchéviks et 97 menchéviks (représentant au total 77 000 militant-e-s). Les délégués polonais ([[SDKPiL|SDKPiL]]) et lettons faisaient bloc avec les bolchéviks, tandis que les bundistes étaient alliés aux menchéviks. [[Trotski|Trotski]] est alors non aligné et fait le médiateur entre les deux blocs. Les bolchéviks sont désormais plus nombreux que les mencheviks.
 
{{See also|1=5e congrès du POSDR}}Le 5<sup>e</sup> congrès se tient à Londres entre le 13 mai et le 1<sup>er</sup> juin 1907. Il réunit 338 délégués, dont 105 bolchéviks et 97 menchéviks (représentant au total 77 000 militant-e-s). Les délégués polonais ([[SDKPiL|SDKPiL]]) et lettons faisaient bloc avec les bolchéviks, tandis que les bundistes étaient alliés aux menchéviks. [[Trotski|Trotski]] est alors non aligné et fait le médiateur entre les deux blocs. Les bolchéviks sont désormais plus nombreux que les mencheviks.
 
[[Fichier:Tiflis bank robbery (NY Times, 1907).JPG|vignette|405x405px|Les [[Expropriations (braquages)|braquages]] organisés par des groupes bolchéviks suscitent de vives polémiques dans le parti]]
 
[[Fichier:Tiflis bank robbery (NY Times, 1907).JPG|vignette|405x405px|Les [[Expropriations (braquages)|braquages]] organisés par des groupes bolchéviks suscitent de vives polémiques dans le parti]]
Les débats sont tendus. Les bolchéviks soutiennent qu'il faut se préparer à un soulèvement armé contre le tsarisme, ce que Martov dénonce comme une déviation ''«&nbsp;putschiste&nbsp;»'' et Plékhanov comme une dérive [[Anarchistes_russes|anarchiste]].
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Les débats sont tendus. Les bolchéviks soutiennent qu'il faut se préparer à un [[Insurrection|soulèvement armé]] contre le tsarisme, ce que [[Julius Martov|Martov]] dénonce comme une déviation ''«&nbsp;putschiste&nbsp;»'' et Plékhanov comme une dérive [[Anarchistes_russes|anarchiste]].
    
La question [[Syndicats_en_Russie|syndicale]] soulève aussi des débats. Les menchéviks soutiennent l'idée d'organiser un grand ''«&nbsp;congrès ouvrier&nbsp;»'', comme première étape vers un mouvement ouvrier organisé davantage sur le modèle d'Europe de l'Ouest.
 
La question [[Syndicats_en_Russie|syndicale]] soulève aussi des débats. Les menchéviks soutiennent l'idée d'organiser un grand ''«&nbsp;congrès ouvrier&nbsp;»'', comme première étape vers un mouvement ouvrier organisé davantage sur le modèle d'Europe de l'Ouest.
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Le Comité central issu de ce congrès est profondément divisé et ne parvient pas à fonctionner. Les bolchéviks élisent à l'issue du congrès leur propre direction, menée par Lénine. On peut noter qu'apparaissent à cette époque les diminutifs ''«&nbsp;beki&nbsp;»'' et ''«&nbsp;meki&nbsp;»'' pour désigner les deux fractions.<ref name="TermeBolch" />
 
Le Comité central issu de ce congrès est profondément divisé et ne parvient pas à fonctionner. Les bolchéviks élisent à l'issue du congrès leur propre direction, menée par Lénine. On peut noter qu'apparaissent à cette époque les diminutifs ''«&nbsp;beki&nbsp;»'' et ''«&nbsp;meki&nbsp;»'' pour désigner les deux fractions.<ref name="TermeBolch" />
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Suite à la défaite de la révolution de 1905, certains menchéviks abandonnent le POSDR et rejoignent des partis légaux. Lénine les appellera en 1908 les ''«[[Liquidationnisme|&nbsp;liquidationnistes]]&nbsp;»''.
      
===Début de la période de contre-révolution (1907-1911)===
 
===Début de la période de contre-révolution (1907-1911)===
Après le reflux de la vague révolutionnaire, les années 1907-1911 sont des années de [[Contre-révolution|profonde réaction]]. En novembre 1907, Lénine doit fuir, sa deuxième émigration durera 10 ans. La répression s'abat, des milliers d'exécutions ont lieu.<ref>M. Pokrovsky, ''Brief History of Russia'', 1933</ref> La [[Conscience_de_classe|conscience de classe]] recule, les grèves diminuent, et les idées réformistes se renforcent. Le parti reculait massivement. Les intellectuels furent les premiers à déserter en masse, et beaucoup d'organisations locales furent désintégrées sous l'effet combiné de la répression et de la désorganisation. De plus, la [[Okhrana|police politique]] parvenait à infiltrer des agents partout chez les révolutionnaires.
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Après le reflux de la vague révolutionnaire, les années 1907-1911 sont des années de [[Contre-révolution|profonde réaction]]. En novembre 1907, Lénine doit fuir, sa deuxième émigration, très déprimante, durera 10 ans. La répression s'abat, des milliers d'exécutions ont lieu.<ref>M. Pokrovsky, ''Brief History of Russia'', 1933</ref> La [[Conscience_de_classe|conscience de classe]] recule, les grèves diminuent, et les idées réformistes se renforcent. Le parti reculait massivement. Les [[intellectuels]] furent les premiers à déserter en masse, et beaucoup d'organisations locales furent désintégrées sous l'effet combiné de la répression et de la désorganisation. De plus, la [[Okhrana|police politique]] parvenait à infiltrer des agents partout chez les révolutionnaires.
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Par exemple, à l’été de 1905, le district de Moscou comptait 1 435 membres. A la mi-mai 1906, le chiffre monta à 5 320. Mais au milieu de 1908, il avait dégringolé à 250, qui, six mois plus tard, n’étaient plus que 150. En 1910, l’organisation cessa d’exister, lorsque le poste de secrétaire de district tomba entre les mains d’un certain Koukouchkine, agent double.<ref>Tony Cliff, ''[http://www.contretemps.eu/russie-reaction-noire/ Lénine : 1893-1914. Construire le parti – chapitre 13 – Victoire de la réaction noire]'', 1975</ref>
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Par exemple, à l’été de 1905, le district de Moscou comptait 1 435 membres. A la mi-mai 1906, le chiffre monta à 5 320. Mais au milieu de 1908, il avait dégringolé à 250, qui, six mois plus tard, n’étaient plus que 150. En 1910, l’organisation cessa d’exister, lorsque le poste de secrétaire de district tomba entre les mains d’un certain Koukouchkine, agent double.<ref name=":2">Tony Cliff, ''[http://www.contretemps.eu/russie-reaction-noire/ Lénine : 1893-1914. Construire le parti – chapitre 13 – Victoire de la réaction noire]'', 1975</ref> En 1910 et au début de 1911, tous les membres bolcheviks du comité central actifs en Russie furent arrêtés.<ref>Lenin, ''[https://www.marxists.org/archive/lenin/works/1911/mccm/index.htm The Meeting of the C.C. Members of the R.S.D.L.P.],'' May 28–June 4 ([[n.s]] : June 10–17), 1911</ref> Il ne se tenait à l’étranger aucune conférence comportant des représentants du parti russe qui ne comptât au moins un agent de l’''[[okhrana]]''.<ref name=":2" />
    
Un rapport du département de la Police dans les années qui précédèrent la guerre disait&nbsp;: ''«&nbsp;L'élément le plus énergique, le plus allègre, le plus capable de lutter infatigablement, de résister et de s'organiser constamment, se trouve dans les groupements et les individus qui se concentrent autour de Lénine...&nbsp;» ''C'est donc tout naturellement que&nbsp;bolchéviks étaient surveillés de près. En 1914, sur 7 membres du comité du parti à Saint-Pétersbourg, trois étaient des agents de l'[[Okhrana|Okhrana]], la police secrète tsariste.
 
Un rapport du département de la Police dans les années qui précédèrent la guerre disait&nbsp;: ''«&nbsp;L'élément le plus énergique, le plus allègre, le plus capable de lutter infatigablement, de résister et de s'organiser constamment, se trouve dans les groupements et les individus qui se concentrent autour de Lénine...&nbsp;» ''C'est donc tout naturellement que&nbsp;bolchéviks étaient surveillés de près. En 1914, sur 7 membres du comité du parti à Saint-Pétersbourg, trois étaient des agents de l'[[Okhrana|Okhrana]], la police secrète tsariste.
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Par ailleurs, Lénine tend à partir de 1908 à employer les termes de ''«&nbsp;bolchéviks&nbsp;»'' et ''«&nbsp;menchéviks&nbsp;»'' comme pour désigner des courants révolus, ayant existé de 1903 à 1908. Il essaie de mettre l'accent sur la construction vers l'extérieur, à partir des positions bolchéviques mais sous le drapeau [[POSDR|POSDR]]&nbsp;: ''«&nbsp;Les bolcheviks doivent à présent construire le parti, construire, à partir des fractions, le parti, construire le parti à partir des positions qu'ils ont acquises par la lutte des fractions.&nbsp;»'' (1909). Il va jusqu'à dire&nbsp;: «&nbsp;Nous l'avons dit, et nous le répétons encore&nbsp;: tout social-démocrate est bolchevik.&nbsp;» Ou encore, début 1914&nbsp;: ''«&nbsp;La majorité est derrière les bolcheviks, le parti est derrière les bolcheviks [...] les bolcheviks sont pour l'unité. L'unité du parti illégal est indispensable, l'unité par en bas.&nbsp;»''
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Par ailleurs, Lénine tend à partir de 1908 à employer les termes de ''«&nbsp;bolchéviks&nbsp;»'' et ''«&nbsp;menchéviks&nbsp;»'' comme pour désigner des courants révolus, ayant existé de 1903 à 1908. Il essaie de mettre l'accent sur la construction vers l'extérieur, à partir des positions bolchéviques mais sous le drapeau [[POSDR|POSDR]]&nbsp;: ''«&nbsp;Les bolcheviks doivent à présent construire le parti, construire, à partir des fractions, le parti, construire le parti à partir des positions qu'ils ont acquises par la lutte des fractions.&nbsp;»'' (1909). Il va jusqu'à dire&nbsp;: ''«&nbsp;Nous l'avons dit, et nous le répétons encore&nbsp;: tout social-démocrate est bolchevik.&nbsp;»''  
    
===Force pratique et faiblesses théoriques===
 
===Force pratique et faiblesses théoriques===
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Mais si les ''[[comitards]]'' bolchéviks sont bien formés au travail clandestin et à la lutte contre la répression, il n’en va pas nécessairement de même au niveau de la formation théorique. Les écrits de certains militants importants, comme [[Viatcheslav_Molotov|Molotov]] ou [[Joseph_Staline|Staline]], montrent tantôt une faible culture marxiste, tantôt, dans le cas de Staline par exemple, un nombre considérable de lectures marxistes mais une assimilation grossière. Même les dirigeants bolchéviks sont parfois idéologiquement fragiles, comme le montre l'épisode [[Otzovistes|otzoviste]].
 
Mais si les ''[[comitards]]'' bolchéviks sont bien formés au travail clandestin et à la lutte contre la répression, il n’en va pas nécessairement de même au niveau de la formation théorique. Les écrits de certains militants importants, comme [[Viatcheslav_Molotov|Molotov]] ou [[Joseph_Staline|Staline]], montrent tantôt une faible culture marxiste, tantôt, dans le cas de Staline par exemple, un nombre considérable de lectures marxistes mais une assimilation grossière. Même les dirigeants bolchéviks sont parfois idéologiquement fragiles, comme le montre l'épisode [[Otzovistes|otzoviste]].
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===La Douma et les otzovistes===
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=== La Douma, les liquidateurs et les otzovistes ===
[[Fichier:A A Bogdanov.jpg|vignette|273x273px|[[Alexandre Bogdanov]], leader de la tendance [[otzoviste]]|alt=|link=]]Les sociaux-démocrates (comme les [[Parti_SR|SR]]) boycottent les élections de la première [[Douma_d'État_de_l'Empire_russe|Douma d'État de l'Empire russe]] (fin 1905 - début 1906), car elles sont mises en place pour essayer de calmer le mouvement révolutionnaire par une réforme minime du régime. Mais aux élections à la deuxième Douma (janvier 1907), dans un contexte de reflux de la révolution, les social-démocrates et les [[Parti_socialiste_révolutionnaire_(Russie)|socialistes-révolutionnaires]] se présentent et obtiennent 83 sièges.
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La révolution de 1905 avait arraché au tsar une concession : une assemblée législative avec peu de pouvoir, la [[Douma_d'État_de_l'Empire_russe|Douma]]. Tous le parti est d'accord pour boycotter les élections à la première [[Douma_d'État_de_l'Empire_russe|Douma]] (fin 1905 - début 1906), car le mouvement permet d'espérer bien mieux.
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Un courant [[Gauchiste|gauchiste]] se forme au sein des bolchéviks (derrière [[Alexandre_Bogdanov|Bogdanov]]), contre la participation, et appelant au rappel des députés (''«&nbsp;[[Otzovistes|otzovistes]]&nbsp;»''). Globalement ces dirigeants ([[Alexandre_Bogdanov|Bogdanov]], [[Vladimir_Bazarov|Bazarov]], [[Anatoli_Lounatcharski|Lounatcharski]]...), à la même époque, sont attirés par une philosophie [[Idéaliste|idéaliste]], ''«&nbsp;l'empirio-criticisme&nbsp;»''. C'est contre eux que Lénine écrira son livre [[Matérialisme_et_empiriocriticisme|''Matérialisme et empiriocriticisme'']]. Cela explique aussi pourquoi Lénine éprouva, en 1911, alors qu’il était en exil, le besoin d’ouvrir une école du parti pour les ouvriers venant de Russie, à Longjumeau. Mais bien souvent, ces mêmes dirigeants bolchéviks méprisent les ouvriers sans formation qui veulent adhérer, et filtrent leur entrée dans le parti.
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La révolution de 1905 avait arraché au tsar une concession : une assemblée législative avec peu de pouvoir, la  [[Douma_d'État_de_l'Empire_russe|Douma]]. Tous le parti est d'accord pour [[Boycott|boycotter]] les [[élections]] à la première [[Douma_d'État_de_l'Empire_russe|Douma]] (fin 1905 - début 1906), car le mouvement permet d'espérer bien mieux. Mais pour la 2<sup>e</sup> Douma (janvier 1907), dans un contexte de reflux, les [[Mencheviks|menchéviks]] sont les premiers à se présenter  et obtiennent un bon score. La 2<sup>e</sup> Douma est dissoute en juin 1907 sous des accusations de [[Complotisme|complot]] social-démocrate, et une nouvelle loi électorale diminue la représentation des ouvriers et paysans. La présence  social-démocrate à la 3<sup>e</sup> Douma (novembre 1907) s'en trouve réduite. Malgré cela, Lénine pense désormais qu'il faut participer, sous peine de s'isoler davantage dans cette période difficile. [[Fichier:A A Bogdanov.jpg|vignette|250x250px|[[Alexandre Bogdanov]], leader de la tendance [[otzoviste]]|alt=|lien=https://wikirouge.net/Fichier:A_A_Bogdanov.jpg]]Un courant [[Gauchiste|gauchiste]] se forme au sein des bolchéviks (derrière [[Alexandre_Bogdanov|Bogdanov]]), contre la participation, et appelant au rappel des députés (''«&nbsp;[[Otzovistes|otzovistes]]&nbsp;»''). Avec un  autre courant proche dans le comité de Saint-Pétserbourg (''« [[ultimatistes]] »''), ils accusent Lénine de rompre avec les principes bolchéviks. Globalement ces dirigeants ([[Alexandre_Bogdanov|Bogdanov]], [[Vladimir_Bazarov|Bazarov]], [[Anatoli_Lounatcharski|Lounatcharski]]...), à la même époque, sont attirés par une philosophie [[Idéaliste|idéaliste]], ''«&nbsp;l'empirio-criticisme&nbsp;»''. C'est contre eux que Lénine écrira son livre [[Matérialisme_et_empiriocriticisme|''Matérialisme et empiriocriticisme'']].  
   −
La deuxième Douma est dissoute en juin sous prétexte de la découverte d'un complot social-démocrate pour subvertir l'armée. Sous de nouvelles lois électorales, la présence des sociaux-démocrates à la troisième Douma (novembre 1907) est réduite à 19.
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Ces ''«&nbsp;otzovistes&nbsp;»'' sont  majoritaires contre [[Lénine]] de la mi 1907 à la mi 1908. A la [[3e Conférence du POSDR|3<sup>e</sup> Conférence du POSDR]], tenue en Finlande en juillet 1907, tous les délégués bolchéviks votent la motion de [[Alexandre Bogdanov|Bogdanov]] pour le boycott, et accusent Lénine de trahir le bolchevisme.
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A partir de 1908, les effectifs socialistes s’effondrent sous l’effet de la répression. À partir de la quatrième Douma (1912-1917), les sociaux-démocrates sont définitivement divisés. Les mencheviks ont 5 membres et les bolcheviks 7, dont [[Roman_Malinovski|Roman Malinovski]], qui s'avérera être un agent de l'[[Okhrana|Okhrana]].  
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Symétriquement chez les menchéviks, se développe une tendance qui, elle,  se limite à l'action légale (élections, syndicats), et être prête à abandonner le parti illégal. Lénine les appelle les ''[[Liquidationnisme|liquidateurs]]''.
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===La réunification de 1910===
 
===La réunification de 1910===
 
En réaction au délitement, un courant pour l'unité du parti se développe fin 1908, appelé notamment par [[Gueorgui Plekhanov|Plékhanov]] ou [[Léon Trotski|Trotski]]. [[Lénine]] est méfiant mais une majorité ''unitaire'' de bolchéviks se dégage autour de [[Doubrovinski]], [[Alexeï Rykov|Rykov]], [[Grigori Sokolnikov|Sokolnikov]], [[Noguine]].
 
En réaction au délitement, un courant pour l'unité du parti se développe fin 1908, appelé notamment par [[Gueorgui Plekhanov|Plékhanov]] ou [[Léon Trotski|Trotski]]. [[Lénine]] est méfiant mais une majorité ''unitaire'' de bolchéviks se dégage autour de [[Doubrovinski]], [[Alexeï Rykov|Rykov]], [[Grigori Sokolnikov|Sokolnikov]], [[Noguine]].
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L'accord  sera de courte durée. Dès le 11 avril, Lénine écrit à Gorki : « Nous avons un bébé couvert d'abcès. (...) Ou bien nous les ferons crever, nous guérirons l'enfant et nous l'élèverons ou, si cela tourne mal, l'enfant mourra (...) Dans ce cas, nous vivrons quelque temps sans enfant, et ensuite nous enfanterons un bébé plus sain ». En août, la conférence social-démocrate de Copenhague voit se préciser un nouvel alignement des forces : bolcheviks et « mencheviks du parti » viennent de décider la publication en commun de deux journaux en Russie, la ''[[Rabotchaïa Gazeta]]'', illégale, et la ''[[Zvezda]]'', légale.
 
L'accord  sera de courte durée. Dès le 11 avril, Lénine écrit à Gorki : « Nous avons un bébé couvert d'abcès. (...) Ou bien nous les ferons crever, nous guérirons l'enfant et nous l'élèverons ou, si cela tourne mal, l'enfant mourra (...) Dans ce cas, nous vivrons quelque temps sans enfant, et ensuite nous enfanterons un bébé plus sain ». En août, la conférence social-démocrate de Copenhague voit se préciser un nouvel alignement des forces : bolcheviks et « mencheviks du parti » viennent de décider la publication en commun de deux journaux en Russie, la ''[[Rabotchaïa Gazeta]]'', illégale, et la ''[[Zvezda]]'', légale.
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Beaucoup espéraient encore la réunification du POSDR, comme [[Rosa Luxemburg|Luxembourg]], qui écrivait pendant l'été 1911&nbsp;: ''«&nbsp;Malgré tout, l'unité du parti peut être sauvegardée si l'on contraint les deux fractions à convoquer une conférence commune.&nbsp;»'' En août 1911, elle répétait&nbsp;: ''«&nbsp;Le seul moyen de sauver l'unité est de réaliser une conférence générale, composée d'hommes envoyés de Russie, car ceux qui vivent là-bas veulent la paix entre eux et l'unité, et ils sont la seule force qui puisse mettre à la raison nos coqs de l'étranger.&nbsp;»''
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Beaucoup espéraient encore la réunification du POSDR, comme [[Rosa Luxemburg|Luxembourg]], qui écrivait pendant l'été 1911&nbsp;: ''«&nbsp;Malgré tout, l'unité du parti peut être sauvegardée si l'on contraint les deux fractions à convoquer une conférence commune.&nbsp;»'' En août 1911, elle répétait&nbsp;: ''«&nbsp;Le seul moyen de sauver l'unité est de réaliser une conférence générale, composée d'hommes envoyés de Russie, car ceux qui vivent là-bas veulent la paix entre eux et l'unité, et ils sont la seule force qui puisse mettre à la raison nos coqs de l'étranger.&nbsp;»'' De son côté l’''[[okhrana]]'' se concentrait sur l’arrestation des conciliateurs, afin de favoriser la désunion.<ref>M.A. Tsiavlovsky, ed., ''Большевики : документы по истории большевизма с 1903 по 1916 год бывшего Московского Охранного Отделения'', Moscou 1918, pp. 48ff, in O.H. Gankin and H.H. Fisher, ''The Bolsheviks and the World War'', Stamford University Press 1940, p. 106.</ref>
 
===1912 : les bolchéviks prennent l'initiative===
 
===1912 : les bolchéviks prennent l'initiative===
 
{{See also|Rupture de 1912 et bloc d'août}}Les [[luttes étudiantes]] connaissent un essor à partir de 1910, suivie de luttes ouvrières. Le chômage diminue à ce moment, et la combativité augmente. Il y aura 100 000 grévistes en 1911, dans des grèves partielles, et 400 000 le 1<sup>er</sup> mai. La [[fusillade de la Léna]], en avril 1912, enflamme les masses. Cette remontée convainc Lénine de l'urgence de rebâtir un appareil prêt. Sous la direction de [[Grigori Zinoviev|Zinoviev]], les bolcheviks organisent à Longjumeau<ref>https://www.leparisien.fr/essonne-91/longjumeau-91160/le-saviez-vous-en-1911-lenine-a-cree-une-ecole-a-longjumeau-01-08-2015-4984403.php</ref> une école de cadres  : les 17 militants ainsi formés pénètrent illégalement en Russie pour y resserrer les contacts et préparer une conférence nationale. Mais la police veille : successivement [[Alexeï Rykov|Rykov]], puis [[Noguine]] sont arrêtés ; c'est finalement [[Grigory Ordjonikidze|Ordjonikidzé]] qui parvient à mettre sur pied en Russie un comité d'organisation, avec l'aide du clandestin [[Leonid Sérébriakov|Sérébriakov]].
 
{{See also|Rupture de 1912 et bloc d'août}}Les [[luttes étudiantes]] connaissent un essor à partir de 1910, suivie de luttes ouvrières. Le chômage diminue à ce moment, et la combativité augmente. Il y aura 100 000 grévistes en 1911, dans des grèves partielles, et 400 000 le 1<sup>er</sup> mai. La [[fusillade de la Léna]], en avril 1912, enflamme les masses. Cette remontée convainc Lénine de l'urgence de rebâtir un appareil prêt. Sous la direction de [[Grigori Zinoviev|Zinoviev]], les bolcheviks organisent à Longjumeau<ref>https://www.leparisien.fr/essonne-91/longjumeau-91160/le-saviez-vous-en-1911-lenine-a-cree-une-ecole-a-longjumeau-01-08-2015-4984403.php</ref> une école de cadres  : les 17 militants ainsi formés pénètrent illégalement en Russie pour y resserrer les contacts et préparer une conférence nationale. Mais la police veille : successivement [[Alexeï Rykov|Rykov]], puis [[Noguine]] sont arrêtés ; c'est finalement [[Grigory Ordjonikidze|Ordjonikidzé]] qui parvient à mettre sur pied en Russie un comité d'organisation, avec l'aide du clandestin [[Leonid Sérébriakov|Sérébriakov]].
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Les [[luttes étudiantes]] connaissent un essor à partir de 1910, suivie de luttes ouvrières. Le chômage diminue à ce moment, et la combativité augmente. Il y aura 100 000 grévistes en 1911, dans des grèves partielles, et 400 000 le 1<sup>er</sup> mai. La [[fusillade de la Léna]], en avril 1912, enflamme les masses. Cette remontée convainc Lénine de l'urgence de rebâtir un appareil prêt. Sous la direction de [[Grigori Zinoviev|Zinoviev]], les bolcheviks organisent à Longjumeau<ref>https://www.leparisien.fr/essonne-91/longjumeau-91160/le-saviez-vous-en-1911-lenine-a-cree-une-ecole-a-longjumeau-01-08-2015-4984403.php</ref> une école de cadres  : les 17 militants ainsi formés pénètrent illégalement en Russie pour y resserrer les contacts et préparer une conférence nationale. Mais la police veille : successivement [[Alexeï Rykov|Rykov]], puis [[Noguine]] sont arrêtés ; c'est finalement [[Grigory Ordjonikidze|Ordjonikidzé]] qui parvient à mettre sur pied en Russie un comité d'organisation, avec l'aide du clandestin [[Leonid Sérébriakov|Sérébriakov]]. [[Fedor Dan|Dan]] et [[Julius Martov|Martov]] protestent contre ces préparatifs et quittent le comité de rédaction du  ''[[Sotsial-demokrat]].''
 
Les [[luttes étudiantes]] connaissent un essor à partir de 1910, suivie de luttes ouvrières. Le chômage diminue à ce moment, et la combativité augmente. Il y aura 100 000 grévistes en 1911, dans des grèves partielles, et 400 000 le 1<sup>er</sup> mai. La [[fusillade de la Léna]], en avril 1912, enflamme les masses. Cette remontée convainc Lénine de l'urgence de rebâtir un appareil prêt. Sous la direction de [[Grigori Zinoviev|Zinoviev]], les bolcheviks organisent à Longjumeau<ref>https://www.leparisien.fr/essonne-91/longjumeau-91160/le-saviez-vous-en-1911-lenine-a-cree-une-ecole-a-longjumeau-01-08-2015-4984403.php</ref> une école de cadres  : les 17 militants ainsi formés pénètrent illégalement en Russie pour y resserrer les contacts et préparer une conférence nationale. Mais la police veille : successivement [[Alexeï Rykov|Rykov]], puis [[Noguine]] sont arrêtés ; c'est finalement [[Grigory Ordjonikidze|Ordjonikidzé]] qui parvient à mettre sur pied en Russie un comité d'organisation, avec l'aide du clandestin [[Leonid Sérébriakov|Sérébriakov]]. [[Fedor Dan|Dan]] et [[Julius Martov|Martov]] protestent contre ces préparatifs et quittent le comité de rédaction du  ''[[Sotsial-demokrat]].''
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La conférence est organisée  le 18 janvier 1912 à Prague. De l'émigration, seuls les bolcheviks et quelques « mencheviks du parti » y participent. Par contre, avec plus de 20 représentants d'organisations clandestines de Russie, elle se permet de parler au nom du POSDR. La conférence déclare l'exclusion des [[Liquidationnisme|liquidateurs]], et se prononce pour la création de « noyaux social-démocrates illégaux entourés d'un réseau aussi étendu que possible de sociétés ouvrières légales ». Elle élit un comité central où figurent notamment [[Vladimir Ilitch Lénine|Lénine]], [[Grigori Zinoviev|Zinoviev]], [[Grigory Ordjonikidze|Ordjonikidzé]], [[Yakov Sverdlov|Sverdlov]] et  [[Roman Malinovski|Malinovski]]. C'est aussitôt après que [[Staline]] est coopté à la direction. Les bolchévis récupèrent les organes de presse, et lancent un journal légal visant largement les masses, la ''[[Pravda]]''.
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La conférence est organisée  le 18 janvier 1912 à Prague. De l'émigration, seuls les bolcheviks et quelques « mencheviks du parti » y participent. Par contre, avec plus de 20 représentants d'organisations clandestines de Russie, elle se permet de parler au nom du POSDR. La conférence déclare l'exclusion des [[Liquidationnisme|liquidateurs]], et se prononce pour la création de « noyaux social-démocrates illégaux entourés d'un réseau aussi étendu que possible de sociétés ouvrières légales ». Elle élit un comité central où figurent notamment [[Vladimir Ilitch Lénine|Lénine]], [[Grigori Zinoviev|Zinoviev]], [[Grigory Ordjonikidze|Ordjonikidzé]], [[Yakov Sverdlov|Sverdlov]] et  [[Roman Malinovski|Malinovski]]. C'est aussitôt après que [[Staline]] est coopté à la direction. Les bolchéviks récupèrent les organes de presse, et lancent un journal légal visant largement les masses, la ''[[Pravda]]''.
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Plusieurs petits groupes, surtout de l'émigration ([[Plekhanov|Plekhanov]], [[Grigori_Alexinski|Alexinski]], [[Trotski|Trotski]]...), ne la reconnaissent pas. En août ils se regroupent (''«&nbsp;[[bloc d'août]]&nbsp;»'') pour dénoncer le ''«&nbsp;scissionnisme&nbsp;»'' et ''«&nbsp;l'usurpation&nbsp;»''. Mais ce bloc ne résista pas aux nombreux désaccords entre eux, comme le raillera Lénine.<ref>Lénine, ''[https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1915/08/vil19150800e.htm Le socialisme et la guerre]'', 1915</ref>[[File:800px-Prawda.16.3.1917.png|350x350px|La ''[[Pravda]]'', quotidien qui donne aux bolchéviks une implantation de masse|link=|alt=|vignette]]
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Plusieurs petits groupes, surtout de l'émigration ([[Plekhanov|Plekhanov]], [[Grigori_Alexinski|Alexinski]], [[Trotski|Trotski]]...), ne la reconnaissent pas. En août ils se regroupent (''«&nbsp;[[bloc d'août]]&nbsp;»'') pour dénoncer le ''«&nbsp;scissionnisme&nbsp;»'' et ''«&nbsp;l'usurpation&nbsp;»''. Mais ce bloc ne résista pas aux nombreux désaccords entre eux, comme le raillera Lénine.<ref>Lénine, ''[https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1915/08/vil19150800e.htm Le socialisme et la guerre]'', 1915</ref> Le [[Bureau socialiste international|Bureau]] de l'[[Internationale Ouvrière|Internationale socialiste]] tenta en vain d'organiser une médiation.[[File:800px-Prawda.16.3.1917.png|350x350px|La ''[[Pravda]]'', quotidien qui donne aux bolchéviks une implantation de masse|link=|alt=|vignette]]
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=== Le parti de masse bolchévik (1912-1914) ===
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===Le parti de masse bolchévik (1912-1914)===
 
L'audace des bolchéviks  paye, et leur organisation devient rapidement un réel [[parti ouvrier]]. La ''[[Pravda|Pravda]]'' devient un journal auquel les ouvriers s'identifient. Selon la vision de Lénine, les appuis légaux sont mis au service du travail clandestin, en particulier les députés bolchéviks à la [[Douma d'État de l’Empire russe|Douma]].  
 
L'audace des bolchéviks  paye, et leur organisation devient rapidement un réel [[parti ouvrier]]. La ''[[Pravda|Pravda]]'' devient un journal auquel les ouvriers s'identifient. Selon la vision de Lénine, les appuis légaux sont mis au service du travail clandestin, en particulier les députés bolchéviks à la [[Douma d'État de l’Empire russe|Douma]].  
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Lénine insista pour que les groupes parlementaires soient bien distincts&nbsp;: d'un côté la ''«&nbsp;Fraction ouvrière social-démocrate de Russie&nbsp;»'' (bolchéviks), de l'autre la ''«&nbsp;Fraction social démocrate&nbsp;»'' dirigée par [[Tchkhéidzé|Tchkhéidzé]]. Non seulement la ligne des députés était contrôlée de près, mais ils collaboraient activement à la rédaction de la ''Pravda'', au financement, à l'aide des militants réprimés...
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Lénine insista pour que les groupes parlementaires soient bien distincts&nbsp;: d'un côté la ''«&nbsp;Fraction ouvrière social-démocrate de Russie&nbsp;»'' (bolchéviks), de l'autre la ''«&nbsp;Fraction social démocrate&nbsp;»'' dirigée par [[Tchkhéidzé|Tchkhéidzé]]. Non seulement la ligne des députés était contrôlée de près, mais ils collaboraient activement à la rédaction de la ''Pravda'', au financement, à l'aide des militants. Et ce malgré la présence à tous les niveaux d'agents de la police, le plus célèbre étant [[Roman Malinovski|Malinovski]], chef des députés bolchéviks et trésorier de la ''[[Pravda]]'' !
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Les partisans de Lénine n'emploient quasiment pas le terme de bolchéviks à cette période, se présentant comme le POSDR.&nbsp; On peut noter qu'en 1913, Lénine écrit ce qui est peut-être le seul article consacré au terme de ''«&nbsp;bolchévisme&nbsp;»'', dans un ouvrage encyclopédique, et cela désigne alors le passé<ref>N. Roubakine, ''Parmi les livres'', tome II, 2e édit. 1913</ref>.  
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Les partisans de Lénine n'emploient quasiment pas le terme de bolchéviks à cette période, se présentant comme le POSDR.&nbsp; On peut noter qu'en 1913, Lénine écrit ce qui est peut-être le seul article consacré au terme de ''«&nbsp;bolchévisme&nbsp;»'', dans un ouvrage encyclopédique, et cela désigne alors le passé<ref>N. Roubakine, ''Parmi les livres'', tome II, 2e édit. 1913</ref>. Profitant de l'assise bolchévique en Russie, il pouvait écrire (début 1914)&nbsp;: ''«&nbsp;La majorité est derrière les bolcheviks, le parti est derrière les bolcheviks [...] les bolcheviks sont pour l'unité. L'unité du parti illégal est indispensable, l'unité par en bas.&nbsp;»''
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En s'appuyant sur les données des cotisations, qui distinguent celles venant des groupes ouvriers et celles des invididus (souvent des bourgeois libéraux), Lénine montre qu'en 1914, les bolchéviks groupaient 4/5<sup>e</sup> des ouvriers social-démocrates. Ils avaient aussi le contrôle de tous les plus grands syndicats de Moscou et de Saint Saint-Pétersbourg''.'' La campagne sur les assurances sociales joue également un rôle important dans la construction d’un réseau de travailleurs soutenant le bolchevisme. Au début de 1914 lors des élections des délégués de cette institution légale, on comptait 37 partisans de la ''[[Pravda|Pravda]]'', 7 [[mencheviks|mencheviks]], 4 [[Parti_SR|SR]] et 5 abstentions.
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En 1914, les bolchéviks groupaient 4/5<sup>e</sup> des ouvriers social-démocrates. Ils avaient aussi le contrôle de tous les plus grands syndicats de Moscou et de Saint Saint-Pétersbourg''.'' La campagne sur les assurances sociales joue également un rôle important dans la construction d’un réseau de travailleurs soutenant le bolchevisme. Au début de 1914 lors des élections des délégués de cette institution légale, on comptait 37 partisans de la ''[[Pravda|Pravda]]'', 7 [[mencheviks|mencheviks]], 4 [[Parti_SR|SR]] et 5 abstentions.
    
[[Emile_Vandervelde|Emile Vandervelde]], ennemi farouche des bolcheviks, est allé en Russie au nom du [[Bureau_Socialiste_International|Bureau Socialiste International]] au début de 1914 et a reconnu que les bolcheviks étaient alors majoritaires dans la classe ouvrière russe.
 
[[Emile_Vandervelde|Emile Vandervelde]], ennemi farouche des bolcheviks, est allé en Russie au nom du [[Bureau_Socialiste_International|Bureau Socialiste International]] au début de 1914 et a reconnu que les bolcheviks étaient alors majoritaires dans la classe ouvrière russe.

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