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La droite des menchéviks se déchaîne contre les bolchéviks, accusés  d'[[utopisme]], de [[romantisme révolutionnaire]]. ''«&nbsp;Soulèvement — gouvernement révolutionnaire provisoire — république, voilà tout le schéma politique des bolcheviks.&nbsp;»'' dit [[Noé Jordania|Jordania]]. Plékhanov ne cessait de reprocher un « manque de tact » vis-à-vis de la bourgeoisie libérale<ref>Plékhanov, ''[http://az.lib.ru/p/plehanow_g_w/text_1906_pisma_o_taktike.shtml Lettres sur la tactique et l’absence de tact]'', 1906</ref>.
 
La droite des menchéviks se déchaîne contre les bolchéviks, accusés  d'[[utopisme]], de [[romantisme révolutionnaire]]. ''«&nbsp;Soulèvement — gouvernement révolutionnaire provisoire — république, voilà tout le schéma politique des bolcheviks.&nbsp;»'' dit [[Noé Jordania|Jordania]]. Plékhanov ne cessait de reprocher un « manque de tact » vis-à-vis de la bourgeoisie libérale<ref>Plékhanov, ''[http://az.lib.ru/p/plehanow_g_w/text_1906_pisma_o_taktike.shtml Lettres sur la tactique et l’absence de tact]'', 1906</ref>.
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Les principaux sujets abordés furent la situation politique et les tâches du prolétariat, la question agraire, l'attitude envers la [[Douma d'État de l’Empire russe|Douma]], et les questions d'organisation (Martov fait remplacer la version de 1903 sur les statuts par la sienne). Chaque point soulève une forte polémique entre fractions.  
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Les principaux sujets abordés furent la situation politique et les tâches du prolétariat, la [[Mouvement paysan en Russie|question agraire]], les questions d'organisation, ou encore l'attitude envers les [[élections]] (83 députés du parti ont été élus à la 2<sup>e</sup> [[Douma]] en janvier). Chaque point soulève une forte polémique.
    
Néanmoins, le parti est officiellement réunifié et les fractions se sont formellement dissoutes. Lénine annonce solennellement&nbsp;: ''«&nbsp;II n'y a plus de schisme [...] les fractions précédentes des 'bolcheviks' et des 'mencheviks' se sont entièrement fondues.&nbsp;»''<ref>Lénine, ''[https://www.marxists.org/archive/lenin/works/1906/ucong/index.htm The Unity Congress of the RSDLP]'', avril 1906</ref> Il déclare que les bolchéviks continueront à défendre leurs positions. La fraction bolchevique sera bientôt dirigée par un centre clandestin, autour du ''[[Proletarii|Proletari]]'', qui continue de paraître, officiellement en tant qu'organe du comité de Saint-Pétersbourg.
 
Néanmoins, le parti est officiellement réunifié et les fractions se sont formellement dissoutes. Lénine annonce solennellement&nbsp;: ''«&nbsp;II n'y a plus de schisme [...] les fractions précédentes des 'bolcheviks' et des 'mencheviks' se sont entièrement fondues.&nbsp;»''<ref>Lénine, ''[https://www.marxists.org/archive/lenin/works/1906/ucong/index.htm The Unity Congress of the RSDLP]'', avril 1906</ref> Il déclare que les bolchéviks continueront à défendre leurs positions. La fraction bolchevique sera bientôt dirigée par un centre clandestin, autour du ''[[Proletarii|Proletari]]'', qui continue de paraître, officiellement en tant qu'organe du comité de Saint-Pétersbourg.
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===La période de contre-révolution (1907-1911)===
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===5<sup>e</sup> congrès (mai 1907)===
Après le reflux de la vague révolutionnaire, les années 1907-1911 sont des années de [[Contre-révolution|profonde réaction]]. La répression s'abat, des milliers d'exécutions ont lieu.<ref>M. Pokrovsky, ''Brief History of Russia'', 1933</ref> Le parti reculait massivement. Les intellectuels furent les premiers à déserter en masse, et beaucoup d'organisations locales furent désintégrées sous l'effet combiné de la répression et de la désorganisation. De plus, la [[Okhrana|police politique]] parvenait à infiltrer des agents partout chez les révolutionnaires.  
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{{See also|5e congrès du POSDR}}
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[[Fichier:Yerevan Square, Tbilisi.jpg|vignette|257x257px|Le lieu du célèbre [[braquage de la banque de Tiflis]]]]
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Le 5<sup>e</sup> congrès se tient à Londres en mai 1907. Le parti est plus nombreux que jamais, mais le reflux a commencé, et touche plus durement les menchéviks, dont la structure est moins solide. Les débats sont tendus. Les bolchéviks soutiennent encore qu'il faut se préparer à un [[soulèvement armé]], et sont accusés de  déviation ''putschiste'' ou ''anarchiste''.   [[Trotski|Trotski]] est alors non aligné et fait le médiateur entre les deux blocs.  
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Par exemple, à l’été de 1905, le district de Moscou comptait 1 435 membres. A la mi-mai 1906, le chiffre monta à 5 320. Mais au milieu de 1908, il avait dégringolé à 250, qui, six mois plus tard, n’étaient plus que 150. En 1910, l’organisation cessa d’exister, lorsque le poste de secrétaire de district tomba entre les mains d’un certain Koukouchkine, agent double.<ref>Tony Cliff, ''[http://www.contretemps.eu/russie-reaction-noire/ Lénine : 1893-1914. Construire le parti – chapitre 13 – Victoire de la réaction noire]'', 1975</ref>
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La question [[Syndicale|syndicale]] soulève aussi des débats. Les menchéviks soutiennent l'idée d'organiser un grand ''«&nbsp;congrès ouvrier&nbsp;»'', comme première étape vers un mouvement ouvrier organisé davantage sur le modèle d'Europe de l'Ouest.
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===5<sup>e</sup> congrès (1907)===
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Enfin, les menchéviks condamnent les ''«&nbsp;[[Expropriations_(braquages)|expropriations]]&nbsp;»'' (braquages menés pour financer les activités du parti) menées par certains bolchéviks. Leur résolution est votée à 65% (y compris par des bolchéviks).
{{See also|5e congrès du POSDR}}Le 5<sup>e</sup> congrès se tient à Londres entre le 13 mai et le 1<sup>er</sup> juin 1907 dans une église tenue par une communauté radicale. Il réunit 338 délégués, dont 105 bolchéviks et 97 menchéviks (représentant au total 77 000 militant-e-s). Les délégués polonais ([[SDKPiL|SDKPiL]]) et lettons faisaient bloc avec les bolchéviks, tandis que les bundistes étaient alliés aux menchéviks. [[Trotski|Trotski]] est alors non aligné et fait le médiateur entre les deux blocs.<ref>Lénine, ''[https://www.marxists.org/archive/lenin/works/1907/may/19.htm The Fifth Congress of the RSDLP]'', 1907</ref><ref>Staline, ''[https://www.marxists.org/reference/archive/stalin/works/1907/06/20_2.htm The London Congress of the RSDLP (notes of a delegate)]'', 1907</ref><ref>Trotski, ''[https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/staline/lt_stal.htm Staline]'', 1940</ref> Les bolchéviks sont désormais plus nombreux que les mencheviks, car leur meilleure expérience de la clandestinité les aide à mieux résister à la répression qui s'accentue, dans la période contre-révolutionnaire qui suit 1905-1906.
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Les débats sont tendus. Les bolchéviks soutiennent qu'il faut se préparer à un soulèvement armé contre le tsarisme, ce que [[Martov|Martov]] dénonce comme une déviation ''«&nbsp;putschiste&nbsp;»''  et Plékhanov comme une dérive [[Anarchistes_russes|anarchiste]].
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Le Comité central issu de ce congrès est profondément divisé et ne parvient pas à fonctionner. Les bolchéviks élisent à l'issue du congrès leur propre direction.  
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La question [[Syndicale|syndicale]] soulève aussi des débats. Les menchéviks soutiennent l'idée d'organiser un grand ''«&nbsp;congrès ouvrier&nbsp;»'', comme première étape vers un mouvement ouvrier organisé davantage sur le modèle d'Europe de l'Ouest.
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===Début de la période de contre-révolution (1907-1911)===
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Après le reflux de la [[Révolution russe (1905)|vague révolutionnaire de 1905-1906]], les années 1907-1911 sont des années de [[Contre-révolution|profonde réaction]]. La répression s'abat, des milliers d'exécutions ont lieu.<ref>M. Pokrovsky, ''Brief History of Russia'', 1933</ref> Le parti reculait massivement. Les [[intellectuels]] furent les premiers à déserter en masse, et beaucoup d'organisations locales furent désintégrées sous l'effet combiné de la répression et de la désorganisation. De plus, la [[Okhrana|police politique]] parvenait à infiltrer des agents partout chez les révolutionnaires. La 2<sup>e</sup> Douma est dissoute en juin 1907 sous des accusations de [[Complotisme|complot]] social-démocrate, et une nouvelle loi électorale diminue la représentation des ouvriers et paysans.  
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Enfin, les menchéviks condamnent les ''«&nbsp;[[Expropriations_(braquages)|expropriations]]&nbsp;»'' (braquages menés pour financer les activités du parti) menées par certains bolchéviks (mais aussi par des [[Socialistes-révolutionnaires|SR]] et des anarchistes). Leur résolution est votée à 65% (y compris certains bolchéviks). Ironiquement, une des ''«&nbsp;expropriations&nbsp;»'' les plus connues eut lieu quelques semaines après le congrès [[Braquage_de_la_banque_de_Tiflis|à Tiflis]].
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Par exemple, à l’été de 1905, le district de Moscou comptait 1 435 membres. A la mi-mai 1906, le chiffre monta à 5 320. Mais au milieu de 1908, il avait dégringolé à 250, qui, six mois plus tard, n’étaient plus que 150. En 1910, l’organisation cessa d’exister, lorsque le poste de secrétaire de district tomba entre les mains d’un certain Koukouchkine, agent double.<ref>Tony Cliff, ''[http://www.contretemps.eu/russie-reaction-noire/ Lénine : 1893-1914. Construire le parti – chapitre 13 – Victoire de la réaction noire]'', 1975</ref>
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A propos de la question financière, [[Trotski|Trotski]] raconte dans son autobiographie cet épisode&nbsp;:
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Cette situation favorise un désordre organisationnel, des [[Révisionnisme|révisions]] [[Idéalisme|idéalistes]] du marxisme ([[Matérialisme et empiriocriticisme|empirio-criticisme]]...), et des fuites en avant droitières ou [[Gauchisme|gauchistes]].
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''«&nbsp;Les fonds manquèrent non seulement pour les voyages de retour, mais aussi pour mener à bonne fin le congrès. (...) Un des libéraux anglais consentit à la révolution russe un emprunt, qui, je m'en souviens, fut de trois mille livres sterling. Mais il exigea que la reconnaissance fût signée par tous les délégués au congrès. L'Anglais reçut un document sur lequel figuraient plusieurs centaines de signatures, tracées avec les caractères qui appartiennent à toutes les populations de la Russie. Il eut cependant à attendre longtemps le versement de la somme marquée sur cet effet. Pendant la réaction et la guerre, le parti ne pouvait penser à payer de pareilles sommes. C'est seulement le gouvernement soviétique qui racheta la traite signée par le congrès de Londres. La révolution fait honneur à ses engagements, bien que d'ordinaire avec un certain retard.&nbsp;»<ref name=":3">Léon Trotski, ''[https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/mavie/mv18.htm Ma vie - 16. Deuxième émigration - le socialisme allemand]'', 1930</ref>''
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Le Comité central issu de ce congrès est profondément divisé et ne parvient pas à fonctionner. Les bolchéviks élisent à l'issue du congrès leur propre direction, menée par Lénine. A partir de 1908, les effectifs des deux fractions s’effondrent, sous l’effet de la répression.
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===Le PODSR et les Douma===
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=== Les liquidateurs et les otzovistes ===
[[Fichier:A A Bogdanov.jpg|vignette|260x260px|[[Alexandre Bogdanov]], leader de la tendance [[otzoviste]]]]
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{{See also|Liquidateurs|Otzovistes}}
Les sociaux-démocrates (comme les [[Parti_SR|SR]]) boycottent les élections de la première [[Douma_d'État_de_l'Empire_russe|Douma d'État de l'Empire russe]] (fin 1905 - début 1906), car elles sont mises en place pour essayer de calmer le mouvement révolutionnaire par une réforme minime du régime.
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[[Fichier:A A Bogdanov.jpg|vignette|202x202px|[[Alexandre Bogdanov]], leader de la tendance [[otzoviste]]|alt=|gauche]]
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[[Fichier:Alexander Potresov.jpg|vignette|194x194px|[[Alexandre Potressov]], leader des [[Liquidationnisme|liquidateurs]]]]
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La dureté de la clandestinité paraît sans issue. Parmi les [[Menchéviks|menchéviks]], tout un courant ''«&nbsp;liquidateur&nbsp;»''  s'adapte, limitant son activité au [[Syndicalisme en Russie|syndicalisme]] ou aux élections à la [[Douma d'État de l’Empire russe|Douma]], et donc de fait abandonnant des revendications révolutionnaires comme celle de la [[République|République]] (impossibles à défendre ouvertement).
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Mais aux élections à la deuxième Douma (janvier 1907), dans un contexte de reflux de la révolution, les social-démocrates et les [[Parti_socialiste_révolutionnaire_(Russie)|socialistes-révolutionnaires]] se présentent et obtiennent 83 sièges. Un courant [[Gauchiste|gauchiste]] se forme au sein des bolchéviks, contre la participation, et appelant au rappel des députés (''«&nbsp;[[Otzovistes|otzovistes]]&nbsp;»'').
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Symétriquement, un courant [[Gauchiste|gauchiste]] se forme au sein des bolchéviks, contre toute activité légale. Ces ''«&nbsp;otzovistes&nbsp;»'' furent même majoritaires contre [[Lénine]] de la mi 1907 à la mi 1908.
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La deuxième Douma est dissoute en juin sous prétexte de la découverte d'un complot social-démocrate pour subvertir l'armée. Sous de nouvelles lois électorales, la présence des sociaux-démocrates à la troisième Douma (novembre 1907) est réduite à 19. Leur chef de file est [[Nicolas_Tchkhéidzé|Nicolas Tchkhéidzé]], brillant orateur.
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Ce dernier avait fini par être convaincu que la situation était durablement au recul, et qu'il fallait donc participer aux organisations légales, y compris aux [[Douma|élections]], pour ne pas s'isoler davantage. Mais il soulignait face aux menchéviks [[Centrisme|centristes]] comme [[Julius Martov|Martov]] que le parti clandestin devait rester le centre de gravité.
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À partir de la quatrième Douma (1912-1917), les sociaux-démocrates sont définitivement divisés. Les mencheviks ont 5 membres et les bolcheviks 7, dont [[Roman_Malinovski|Malinovski]], qui s'avérera être un agent de l'[[Okhrana|Okhrana]].
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=== La réunification de 1910 ===
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En réaction au délitement, un courant pour l'unité du parti se développe fin 1908, appelé notamment par [[Gueorgui Plekhanov|Plékhanov]] ou [[Léon Trotski|Trotski]]. [[Lénine]] est méfiant mais une majorité ''unitaire'' de bolchéviks se dégage autour de [[Doubrovinski]], [[Alexeï Rykov|Rykov]], [[Grigori Sokolnikov|Sokolnikov]], [[Noguine]].
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===Le courant liquidateur (1908-1914) et la rupture de 1912===
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En janvier 1910, une séance plénière du comité central, qui s'étale sur trois semaines, semble consacrer le succès de cette réunification. Les journaux bolchevique et menchevique, le ''[[Proletarii]]'' et la ''[[Goloss Sotsial-Demokrata]],'' vont disparaître pour laisser la place au  ''[[Sotsial-demokrat]], que'' dirigeront [[Lénine]] et [[Grigori Zinoviev|Zinoviev]] avec [[Fedor Dan|Dan]] et [[Julius Martov|Martov]]. Le bolchevik [[Lev Kamenev|Kamenev]] est coopté au comité de la ''[[Pravda (Trotski)|Pravda]]'' de Trotski. Lénine a accepté toutes ces décisions. Il écrit à [[Gorki]] que de puissants facteurs l'y ont poussé, notamment « la situation difficile du parti », et « la maturation d'un nouveau type d'ouvriers social-démocrates dans le domaine pratique ». La caution de Plékhanov est par ailleurs précieuse pour Lénine. Il s'inquiète pourtant : au comité central se sont manifestées des tendances dangereuses, « un état d'esprit de conciliation en général, sans idée claire, sans savoir avec qui, pourquoi, comment », et, outre la « haine contre le centre bolchevique pour son implacable guerre d'idées », le « désir des mencheviks de faire du scandale ».<ref>Lénine,  Lettres à Gorki, 26 février 1908, ''Clarté. N°'' 71, p. 13</ref>
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Suite à la défaite de la révolution de 1905, la répression est de plus en plus dure sur les révolutionnaires. Parmi les [[Menchéviks|menchéviks]], tout un courant s'adapte de façon opportuniste, limitant leurs revendications à ce qui est toléré par le régime (ils abandonnent par exemple la revendication de [[République|République]], ils veulent se limiter à un parti légal...). Les bolchéviks (mais pas seulement) les appellent à partir de 1908 les ''«&nbsp;[[Liquidationnistes|liquidationnistes]]&nbsp;»'', car ils tournent le dos à l'activité de [[Propagande|propagande]] [[Clandestine|clandestine]] du POSDR. Les liquidateurs étaient notamment regroupés autour de la revue [[Nacha_Zaria|''Nacha Zaria'']] ([[Potressov|Potressov]], [[Tchérévanine|Tchérévanine]]...) qui était encensée par la bourgeoisie libérale.
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L'accord  sera de courte durée. Dès le 11 avril, Lénine écrit à Gorki : « Nous avons un bébé couvert d'abcès. (...) Ou bien nous les ferons crever, nous guérirons l'enfant et nous l'élèverons ou, si cela tourne mal, l'enfant mourra (...) Dans ce cas, nous vivrons quelque temps sans enfant, et ensuite nous enfanterons un bébé plus sain ». En août, la conférence social-démocrate de Copenhague voit se préciser un nouvel alignement des forces : bolcheviks et « mencheviks du parti » viennent de décider la publication en commun de deux journaux en Russie, la ''[[Rabotchaïa Gazeta]]'', illégale, et la ''[[Zvezda]]'', légale.  
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Beaucoup espéraient encore la réunification du POSDR, comme [[Rosa Luxemburg|Rosa Luxembourg]], qui écrivait pendant l'été 1911&nbsp;: ''«&nbsp;Malgré tout, l'unité du parti peut être sauvegardée si l'on contraint les deux fractions à convoquer une conférence commune.&nbsp;»'' En août 1911, elle répétait&nbsp;: ''«&nbsp;Le seul moyen de sauver l'unité est de réaliser une conférence générale, composée d'hommes envoyés de Russie, car ceux qui vivent là-bas veulent la paix entre eux et l'unité, et ils sont la seule force qui puisse mettre à la raison nos coqs de l'étranger.&nbsp;»''
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Beaucoup espéraient encore la réunification du POSDR, comme [[Rosa Luxemburg|Luxembourg]], qui écrivait pendant l'été 1911&nbsp;: ''«&nbsp;Malgré tout, l'unité du parti peut être sauvegardée si l'on contraint les deux fractions à convoquer une conférence commune.&nbsp;»'' En août 1911, elle répétait&nbsp;: ''«&nbsp;Le seul moyen de sauver l'unité est de réaliser une conférence générale, composée d'hommes envoyés de Russie, car ceux qui vivent là-bas veulent la paix entre eux et l'unité, et ils sont la seule force qui puisse mettre à la raison nos coqs de l'étranger.&nbsp;»''
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=== La rupture de 1912 ===
 
Une conférence du POSDR est organisée par les bolchéviks en janvier 1912 avec l'essentiel des forces social-démocrates en Russie, et elle déclare l'exclusion des liquidateurs. Plusieurs petits groupes, surtout de l'émigration ([[Plekhanov|Plekhanov]], [[Grigori_Alexinski|Alexinski]], [[Trotski|Trotski]]...), ne la reconnaissent pas. En août ils se regroupent (''«&nbsp;bloc d'août&nbsp;»'') pour dénoncer le ''«&nbsp;scissionnisme&nbsp;»'' et ''«&nbsp;l'usurpation&nbsp;»'', et ils forment un ''«&nbsp;Comité d'organisation&nbsp;»'', qui s'opposera au Comité central issu de la conférence de 1912. Trotski dira plus tard&nbsp;:
 
Une conférence du POSDR est organisée par les bolchéviks en janvier 1912 avec l'essentiel des forces social-démocrates en Russie, et elle déclare l'exclusion des liquidateurs. Plusieurs petits groupes, surtout de l'émigration ([[Plekhanov|Plekhanov]], [[Grigori_Alexinski|Alexinski]], [[Trotski|Trotski]]...), ne la reconnaissent pas. En août ils se regroupent (''«&nbsp;bloc d'août&nbsp;»'') pour dénoncer le ''«&nbsp;scissionnisme&nbsp;»'' et ''«&nbsp;l'usurpation&nbsp;»'', et ils forment un ''«&nbsp;Comité d'organisation&nbsp;»'', qui s'opposera au Comité central issu de la conférence de 1912. Trotski dira plus tard&nbsp;:
 
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L’un des « anges » les plus importants était A.M. Kalmykova (surnommée « Tantine »), qui avait donné les fonds de départ pour lancer l’''[[Iskra]]''. C’était une riche libraire-éditrice, distributrice de premier plan de livres populaires à bon marché et de littérature progressiste, et une amie intime de [[Nadejda Kroupskaïa|Kroupskaïa]]. Un autre était le magnat du textile Morozov, qui donnait  2 000 roubles par mois aux bolcheviks par l’entremise de l’ingénieur [[Leonid Krassine|Krassine]]. Morozov se suicida après la défaite de la révolution de 1905. Son neveu, N.P. Schmidt, était aussi un important donateur. Kroupskaïa, qui était la trésorière nationale des bolchéviks, raconte :
 
L’un des « anges » les plus importants était A.M. Kalmykova (surnommée « Tantine »), qui avait donné les fonds de départ pour lancer l’''[[Iskra]]''. C’était une riche libraire-éditrice, distributrice de premier plan de livres populaires à bon marché et de littérature progressiste, et une amie intime de [[Nadejda Kroupskaïa|Kroupskaïa]]. Un autre était le magnat du textile Morozov, qui donnait  2 000 roubles par mois aux bolcheviks par l’entremise de l’ingénieur [[Leonid Krassine|Krassine]]. Morozov se suicida après la défaite de la révolution de 1905. Son neveu, N.P. Schmidt, était aussi un important donateur. Kroupskaïa, qui était la trésorière nationale des bolchéviks, raconte :
 
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Nicolaï Pavlovitch Schmidt, âgé de 23 ans, neveu de Morozov, propriétaire d’une usine de meubles sur la Presnia à Moscou, fut entièrement gagné à la cause ouvrière en 1905 et devint bolchevik. Il donnait de l’argent à la Novaïa Jizn ainsi que pour acheter des armes. Il se rapprocha des ouvriers et devint un ami proche pour eux. La police appelait l’usine de Schmidt le « nid du diable ». L’usine joua un rôle immense pendant l’insurrection de Moscou. Nicolaï Pavlovitch fut arrêté. En prison, il fut soumis à toutes sortes de mauvais traitements, on l’amena voir ce qui était arrivé à son usine ; ils lui firent voir les ouvriers abattus puis ils l’assassinèrent en prison. Avant de mourir, il réussit à faire un testament où il laissait ses biens aux bolcheviks.
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Nicolaï Pavlovitch Schmidt, âgé de 23 ans, neveu de Morozov, propriétaire d’une usine de meubles sur la Presnia à Moscou, fut entièrement gagné à la cause ouvrière en 1905 et devint bolchevik. Il donnait de l’argent à la ''Novaïa Jizn'' ainsi que pour acheter des armes. Il se rapprocha des ouvriers et devint un ami proche pour eux. La police appelait l’usine de Schmidt le « nid du diable ». L’usine joua un rôle immense pendant l’insurrection de Moscou. Nicolaï Pavlovitch fut arrêté. En prison, il fut soumis à toutes sortes de mauvais traitements, on l’amena voir ce qui était arrivé à son usine ; ils lui firent voir les ouvriers abattus puis ils l’assassinèrent en prison. Avant de mourir, il réussit à faire un testament où il laissait ses biens aux bolcheviks.
    
Elisaveta Pavlovna Schmidt, la jeune sœur de Nicolaï Pavlovitch, hérita d’une partie de la fortune de son frère et décida de la donner aux bolcheviks. Mais elle n’était pas encore majeure, et afin qu’elle puisse disposer de l’argent selon sa volonté, il fut décidé de procéder à un mariage blanc. Elisaveta Pavlovna contracta un mariage avec le camarade Ignatiev, qui avait travaillé dans l’organisation militaire, mais qui avait réussi à rester dans la légalité, et étant sa femme officiellement, elle pouvait, avec le consentement de son mari, faire ce qu’elle voulait de son héritage. Mais le mariage était fictif. Elisaveta Pavlovna était la femme d’un autre bolchevik, Victor Taratouta. Le mariage fictif lui permit d’obtenir son héritage immédiatement et l’argent fut transmis aux bolcheviks.<ref>Kroupskaïa, ''[https://www.marxists.org/francais/kroupskaia/works/1926/00/index.htm Souvenirs sur Lénine]'', 1926</ref>
 
Elisaveta Pavlovna Schmidt, la jeune sœur de Nicolaï Pavlovitch, hérita d’une partie de la fortune de son frère et décida de la donner aux bolcheviks. Mais elle n’était pas encore majeure, et afin qu’elle puisse disposer de l’argent selon sa volonté, il fut décidé de procéder à un mariage blanc. Elisaveta Pavlovna contracta un mariage avec le camarade Ignatiev, qui avait travaillé dans l’organisation militaire, mais qui avait réussi à rester dans la légalité, et étant sa femme officiellement, elle pouvait, avec le consentement de son mari, faire ce qu’elle voulait de son héritage. Mais le mariage était fictif. Elisaveta Pavlovna était la femme d’un autre bolchevik, Victor Taratouta. Le mariage fictif lui permit d’obtenir son héritage immédiatement et l’argent fut transmis aux bolcheviks.<ref>Kroupskaïa, ''[https://www.marxists.org/francais/kroupskaia/works/1926/00/index.htm Souvenirs sur Lénine]'', 1926</ref>
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[[Léon Trotski|Trotski]] raconte également à propos du [[5e congrès du POSDR|5<sup>e</sup> congrès]] :
 
[[Léon Trotski|Trotski]] raconte également à propos du [[5e congrès du POSDR|5<sup>e</sup> congrès]] :
 
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''«&nbsp;Les fonds manquèrent non seulement pour les voyages de retour, mais aussi pour mener à bonne fin le congrès. (...) Un des libéraux anglais consentit à la révolution russe un emprunt, qui, je m'en souviens, fut de trois mille livres sterling. Mais il exigea que la reconnaissance fût signée par tous les délégués au congrès. L'Anglais reçut un document sur lequel figuraient plusieurs centaines de signatures, tracées avec les caractères qui appartiennent à toutes les populations de la Russie. Il eut cependant à attendre longtemps le versement de la somme marquée sur cet effet. Pendant la réaction et la guerre, le parti ne pouvait penser à payer de pareilles sommes. C'est seulement le gouvernement soviétique qui racheta la traite signée par le congrès de Londres. La révolution fait honneur à ses engagements, bien que d'ordinaire avec un certain retard.&nbsp;»''<ref name=":3" />
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''«&nbsp;Les fonds manquèrent non seulement pour les voyages de retour, mais aussi pour mener à bonne fin le congrès. (...) Un des libéraux anglais consentit à la révolution russe un emprunt, qui, je m'en souviens, fut de trois mille livres sterling. Mais il exigea que la reconnaissance fût signée par tous les délégués au congrès. L'Anglais reçut un document sur lequel figuraient plusieurs centaines de signatures, tracées avec les caractères qui appartiennent à toutes les populations de la Russie. Il eut cependant à attendre longtemps le versement de la somme marquée sur cet effet. Pendant la réaction et la guerre, le parti ne pouvait penser à payer de pareilles sommes. C'est seulement le gouvernement soviétique qui racheta la traite signée par le congrès de Londres. La révolution fait honneur à ses engagements, bien que d'ordinaire avec un certain retard.&nbsp;»''<ref name=":3">Léon Trotski, ''[https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/mavie/mv18.htm Ma vie - 16. Deuxième émigration - le socialisme allemand]'', 1930</ref>
 
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==Notes et références==
 
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