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| Les [[mencheviks]], qui prétendaient que la révolution ne pouvait conduire qu'à une république démocratique — bourgeoise, insistaient sur l'autonomie des syndicats vis-à-vis du nouvel État russe. [[Maïski]] déclara que ''« si le capitalisme reste intact, les tâches auxquelles les syndicats sont confrontés sous le capitalisme restent inchangées »''. [[Julius Martov|Martov]] (menchévik de gauche) présenta un point de vue plus subtil : ''« Dans la situation historique présente le gouvernement ne peut pas représenter uniquement la classe ouvrière. Il ne peut être qu'une administration de facto liée à une masse hétérogène de travailleurs, aussi bien des prolétaires que des non prolétaires. Il ne peut donc appliquer une politique économique qui représente de façon cohérente et ouverte les intérêts de la classe ouvrière »'', contrairement aux syndicats qui devaient donc conserver une certaine indépendance. | | Les [[mencheviks]], qui prétendaient que la révolution ne pouvait conduire qu'à une république démocratique — bourgeoise, insistaient sur l'autonomie des syndicats vis-à-vis du nouvel État russe. [[Maïski]] déclara que ''« si le capitalisme reste intact, les tâches auxquelles les syndicats sont confrontés sous le capitalisme restent inchangées »''. [[Julius Martov|Martov]] (menchévik de gauche) présenta un point de vue plus subtil : ''« Dans la situation historique présente le gouvernement ne peut pas représenter uniquement la classe ouvrière. Il ne peut être qu'une administration de facto liée à une masse hétérogène de travailleurs, aussi bien des prolétaires que des non prolétaires. Il ne peut donc appliquer une politique économique qui représente de façon cohérente et ouverte les intérêts de la classe ouvrière »'', contrairement aux syndicats qui devaient donc conserver une certaine indépendance. |
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− | Le point de vue bolchevik, soutenu par [[Lénine]] et [[Léon Trotsky|Trotsky]], et présenté par [[Grigori Zinoviev|Zinoviev]], était que les syndicats devaient être sinon complètement intégrés, du moins subordonnés au gouvernement. L'idée de la neutralité des syndicats fut qualifiée officiellement d'idée « bourgeoise », donc tout à fait anormale dans un [[État ouvrier]]. La résolution adoptée par le Congrès exprimait clairement ces idées : | + | Le point de vue bolchevik, soutenu par [[Lénine]] et [[Léon Trotski|Trotski]], et présenté par [[Grigori Zinoviev|Zinoviev]], était que les syndicats devaient être sinon complètement intégrés, du moins subordonnés au gouvernement. L'idée de la neutralité des syndicats fut qualifiée officiellement d'idée « bourgeoise », donc tout à fait anormale dans un [[État ouvrier]]. La résolution adoptée par le Congrès exprimait clairement ces idées : |
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| « Les syndicats devront se charger du lourd fardeau de l'organisation de la production et du redressement des forces économiques détruites du pays. Leurs tâches les plus urgentes, c'est leur participation énergique à tous les organes centraux de régulation de la production, l'organisation du contrôle ouvrier (sic !), le recensement et la distribution de la force de travail, l'organisation des échanges entre la ville et la campagne (...) — la lutte contre le sabotage et la mise en vigueur des dispositions sur le travail obligatoire (...). En se développant, les syndicats devront, dans le processus de l'actuelle révolution socialiste, devenir des organes de pouvoir socialiste, et comme tels, devront travailler en coordonnant — et subordonnant — leur activité à celle d'autres organes en vue de mettre en pratique les nouveaux principes (...) Le Congrès est convaincu qu'en conséquence, pendant ce processus, les syndicats se transformeront inévitablement en organes de l'État socialiste. La participation à la vie syndicale, doit être pour tous les membres de la population employés dans l'industrie, un devoir vis-à-vis de l'État ». | | « Les syndicats devront se charger du lourd fardeau de l'organisation de la production et du redressement des forces économiques détruites du pays. Leurs tâches les plus urgentes, c'est leur participation énergique à tous les organes centraux de régulation de la production, l'organisation du contrôle ouvrier (sic !), le recensement et la distribution de la force de travail, l'organisation des échanges entre la ville et la campagne (...) — la lutte contre le sabotage et la mise en vigueur des dispositions sur le travail obligatoire (...). En se développant, les syndicats devront, dans le processus de l'actuelle révolution socialiste, devenir des organes de pouvoir socialiste, et comme tels, devront travailler en coordonnant — et subordonnant — leur activité à celle d'autres organes en vue de mettre en pratique les nouveaux principes (...) Le Congrès est convaincu qu'en conséquence, pendant ce processus, les syndicats se transformeront inévitablement en organes de l'État socialiste. La participation à la vie syndicale, doit être pour tous les membres de la population employés dans l'industrie, un devoir vis-à-vis de l'État ». |
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| ===1920-21 : ''« Militarisation du travail »''=== | | ===1920-21 : ''« Militarisation du travail »''=== |
− | Le 16 décembre 1919, Trotsky soumet au Comité Central du Parti ses «Thèses sur la transition de la guerre à la paix » (où la plus importante de ses propositions était la « militarisation du travail »), croyant que la discussion ne sortirait pas du cadre du Comité. Les décisions les plus importantes concernant les conditions matérielles de vie et de travail de centaines de milliers d'ouvriers russes allaient être discutées et prises à huis clos, par les dirigeants du Parti. Mais le jour suivant, la ''[[Pravda]]'', dirigée par [[Nikolaï Boukharine|Boukharine]], publia « par erreur » les thèses de Trotsky (il s'agissait en fait d'une campagne dirigée contre Trotsky). Les propositions de Trotsky déclenchèrent « une avalanche de protestations »<ref>I. Deutscher, Trotsky, I, Le prophète armé (1879-1921), Paris, Julliard, 1962, p. 642.</ref>. Il fut hué aux Conférences de membres du Parti, administrateurs et syndicalistes. A ce moment-là, Lénine soutient Trotsky sans réserve. Cela déclenchera un peu plus tard (entre fin 1920 et début 1921) le débat sur la militarisation du travail, ou ''« débat sur les syndicats »''. | + | Le 16 décembre 1919, Trotski soumet au Comité Central du Parti ses «Thèses sur la transition de la guerre à la paix » (où la plus importante de ses propositions était la « militarisation du travail »), croyant que la discussion ne sortirait pas du cadre du Comité. Les décisions les plus importantes concernant les conditions matérielles de vie et de travail de centaines de milliers d'ouvriers russes allaient être discutées et prises à huis clos, par les dirigeants du Parti. Mais le jour suivant, la ''[[Pravda]]'', dirigée par [[Nikolaï Boukharine|Boukharine]], publia « par erreur » les thèses de Trotski (il s'agissait en fait d'une campagne dirigée contre Trotski). Les propositions de Trotski déclenchèrent « une avalanche de protestations »<ref>I. Deutscher, Trotski, I, Le prophète armé (1879-1921), Paris, Julliard, 1962, p. 642.</ref>. Il fut hué aux Conférences de membres du Parti, administrateurs et syndicalistes. A ce moment-là, Lénine soutient Trotski sans réserve. Cela déclenchera un peu plus tard (entre fin 1920 et début 1921) le débat sur la militarisation du travail, ou ''« débat sur les syndicats »''. |
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− | Le 27 décembre, le gouvernement crée la Commission du Travail Obligatoire, avec Trotsky (qui était toujours Commissaire à la Guerre) comme Président. En janvier 1920, le [[Conseil des commissaires du peuple (URSS)|Sovnarkom]] publie un décret définissant des règles généralisant le Service du Travail obligatoire ''« pour subvenir aux besoins de main-d'œuvre de l'industrie, l'agriculture, les transports et les autres branches de l'économie nationale sur la base d'un plan économique général »''. N'importe qui pouvait être mobilisé, exceptionnellement ou périodiquement, pour différents travaux (dans l'agriculture, le bâtiment, la construction des routes, l'approvisionnement en nourriture ou en combustible, pour enlever la neige, dans les transports ou pour ''« faire face aux calamités publiques »''). Le document signalait qu'il fallait dans une certaine mesure ''« regretter la destruction du vieil appareil policier qui avait su recenser les citoyens, non seulement dans les villes mais aussi dans les campagnes »''.<ref>Sobraniye Uzakonenii, 1920, N° 8, art. 49, V. aussi Treti vserossiiski s'yezd professionalnykh soyuzov [Troisième Congrès Panrusse des syndicats] 1920, I, Plenumi, pp. 50-51</ref> | + | Le 27 décembre, le gouvernement crée la Commission du Travail Obligatoire, avec Trotski (qui était toujours Commissaire à la Guerre) comme Président. En janvier 1920, le [[Conseil des commissaires du peuple (URSS)|Sovnarkom]] publie un décret définissant des règles généralisant le Service du Travail obligatoire ''« pour subvenir aux besoins de main-d'œuvre de l'industrie, l'agriculture, les transports et les autres branches de l'économie nationale sur la base d'un plan économique général »''. N'importe qui pouvait être mobilisé, exceptionnellement ou périodiquement, pour différents travaux (dans l'agriculture, le bâtiment, la construction des routes, l'approvisionnement en nourriture ou en combustible, pour enlever la neige, dans les transports ou pour ''« faire face aux calamités publiques »''). Le document signalait qu'il fallait dans une certaine mesure ''« regretter la destruction du vieil appareil policier qui avait su recenser les citoyens, non seulement dans les villes mais aussi dans les campagnes »''.<ref>Sobraniye Uzakonenii, 1920, N° 8, art. 49, V. aussi Treti vserossiiski s'yezd professionalnykh soyuzov [Troisième Congrès Panrusse des syndicats] 1920, I, Plenumi, pp. 50-51</ref> |
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− | Le 12 janvier à la réunion du Conseil central panrrusse des syndicats (CCPS), Lénine et Trotsky demandèrent à la réunion de la fraction bolchévique que la militarisation du travail soit acceptée. Mais seulement 2 des quelque 60 dirigeants syndicaux bolcheviks les appuyèrent. | + | Le 12 janvier à la réunion du Conseil central panrrusse des syndicats (CCPS), Lénine et Trotski demandèrent à la réunion de la fraction bolchévique que la militarisation du travail soit acceptée. Mais seulement 2 des quelque 60 dirigeants syndicaux bolcheviks les appuyèrent. |
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| Le 15 mars 1920, le bolchévik [[Tomski|Tomski]] présente ses thèses pour la séance de la fraction du Conseil central pan-russe des syndicats (CCPS). Le point 7 de ces thèses incluait la [[collégialité]] dans la direction. Tomski affirme : ''« Les syndicats sont les organisations les plus capables mais aussi les plus intéressées par le rétablissement de la production dans le pays et son bon fonctionnement »''<ref>Tomsky, « Zadachi prosoyuzov » [Les tâches des syndicats]. Neuvième Congrès du Parti, Appendice 13, p. 534.</ref> | | Le 15 mars 1920, le bolchévik [[Tomski|Tomski]] présente ses thèses pour la séance de la fraction du Conseil central pan-russe des syndicats (CCPS). Le point 7 de ces thèses incluait la [[collégialité]] dans la direction. Tomski affirme : ''« Les syndicats sont les organisations les plus capables mais aussi les plus intéressées par le rétablissement de la production dans le pays et son bon fonctionnement »''<ref>Tomsky, « Zadachi prosoyuzov » [Les tâches des syndicats]. Neuvième Congrès du Parti, Appendice 13, p. 534.</ref> |
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| En revanche le Bureau méridional du CCPS fit voter une résolution en faveur de l'autonomie dès syndicalistes du Parti semblable à celle qu'avait présenté l'organisation sœur — et la fit approuver par la 4<sup>e</sup> Conférence Ukrainienne du Parti. | | En revanche le Bureau méridional du CCPS fit voter une résolution en faveur de l'autonomie dès syndicalistes du Parti semblable à celle qu'avait présenté l'organisation sœur — et la fit approuver par la 4<sup>e</sup> Conférence Ukrainienne du Parti. |
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− | Au milieu de 1920, le pays fait face à une crise très grave, qui se manifeste notamment dans les transports ferroviaires. Des ingénieurs prévoyaient que d'ici quelques mois, plus une seule voie de chemin de fer ne serait en état de marche. La direction bolchévique fit appel à Trotsky, qui répondit d'abord qu'il ne connaissait rien aux chemins de fer. Par l'intermédiaire de ce qui devint le fameux ordre 1042, Trotsky plaça les chemins de fer et les cheminots sous la loi martiale et assura la remise en état des chemins de fer avant la date limite prévue. Cette expérience conduisit à sa proposition d'une « remise en ordre » des syndicats. | + | Au milieu de 1920, le pays fait face à une crise très grave, qui se manifeste notamment dans les transports ferroviaires. Des ingénieurs prévoyaient que d'ici quelques mois, plus une seule voie de chemin de fer ne serait en état de marche. La direction bolchévique fit appel à Trotski, qui répondit d'abord qu'il ne connaissait rien aux chemins de fer. Par l'intermédiaire de ce qui devint le fameux ordre 1042, Trotski plaça les chemins de fer et les cheminots sous la loi martiale et assura la remise en état des chemins de fer avant la date limite prévue. Cette expérience conduisit à sa proposition d'une « remise en ordre » des syndicats. |
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| La pénurie de spécialistes était un des facteurs les plus graves de désorganisation de l'industrie. L'Etat soviétique recensait les spécialistes et les ouvriers qualifiés, et les obligeait (sauf autorisation expresse) à travailler sur un poste exploitant au mieux leur spécialisation. [[Bertrand_Russel|Bertrand Russel]], qui s'est rendu en Russie en 1920 et qui est très critique du bolchévisme, justifie ces mesures : | | La pénurie de spécialistes était un des facteurs les plus graves de désorganisation de l'industrie. L'Etat soviétique recensait les spécialistes et les ouvriers qualifiés, et les obligeait (sauf autorisation expresse) à travailler sur un poste exploitant au mieux leur spécialisation. [[Bertrand_Russel|Bertrand Russel]], qui s'est rendu en Russie en 1920 et qui est très critique du bolchévisme, justifie ces mesures : |
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− | En avril, Trotsky est placé à la tête du Commissariat aux transports pour le remettre en ordre, tout en gardant son poste à la Défense. Le Politbureau s'engagea à l'appuyer quelle que soit la sévérité des mesures qu'il pourrait décider. Il commença à mettre tout le personnel des chemins de fer et des ateliers de réparation sous le régime de la loi martiale. Quand le syndicat des cheminots souleva des objections, Trotsky révoqua ses chefs et en désigna d'autres. | + | En avril, Trotski est placé à la tête du Commissariat aux transports pour le remettre en ordre, tout en gardant son poste à la Défense. Le Politbureau s'engagea à l'appuyer quelle que soit la sévérité des mesures qu'il pourrait décider. Il commença à mettre tout le personnel des chemins de fer et des ateliers de réparation sous le régime de la loi martiale. Quand le syndicat des cheminots souleva des objections, Trotski révoqua ses chefs et en désigna d'autres. |
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− | Le '''Troisième congrès pan-russe des syndicats a lieu du 6 au 15 avril 1920'''. Sur la base de son expérience dans l'[[Armée_rouge|Armée rouge]] et dans le traitement de la question ferroviaire, [[Trotsky|Trotsky]] défend de plus en plus ouvertement la ''« militarisation du travail »'', et la suppression de toute autonomie des syndicats. | + | Le '''Troisième congrès pan-russe des syndicats a lieu du 6 au 15 avril 1920'''. Sur la base de son expérience dans l'[[Armée_rouge|Armée rouge]] et dans le traitement de la question ferroviaire, [[Trotski|Trotski]] défend de plus en plus ouvertement la ''« militarisation du travail »'', et la suppression de toute autonomie des syndicats. |
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− | « la militarisation du travail (...) est une méthode inévitable d'organisation et de discipline de la main-d'œuvre dans l'époque de transition du capitalisme au socialisme (...) Est-il bien vrai que le travail obligatoire ait toujours été improductif ? On est bien obligé de répondre à cela que c'est le plus pauvre et le plus libéral des préjugés (...) L'organisation du servage a été, dans certaines conditions, un progrès et a amené à une augmentation de la production (...) Dans la période difficile actuelle, les salaires ne sont pas pour nous un moyen d'adoucir l'existence personnelle de tout ouvrier, mais un moyen d'estimer ce que tout ouvrier apporte par son travail à la République ouvrière (...) Aucune autre organisation dans le passé, excepté l'armée, n'a exercé sur l'homme une plus rigoureuse coercition que l'organisation gouvernementale de la classe ouvrière à la plus dure époque de transition. Et c'est précisément pour cela que nous parlons de militarisation du travail »<ref><nowiki>Treti vserossùski s'yezd professionalnykh soyuzov : stenografïcheski otchet (Troisième Congrès Panrusse des Syndicats : compte rendu sténographique), Moscou, 1920 [Le « Rapport sur l'organisation du Travail » de Trotsky présenté à ce Congrès, complété de passages empruntés aux rapports présentés au Congrès Panrusse des Conseils Économiques et au IXème Congrès du P.C.R., est reproduit dans le chapitre VIII de Terrorisme et communisme.]</nowiki></ref> | + | « la militarisation du travail (...) est une méthode inévitable d'organisation et de discipline de la main-d'œuvre dans l'époque de transition du capitalisme au socialisme (...) Est-il bien vrai que le travail obligatoire ait toujours été improductif ? On est bien obligé de répondre à cela que c'est le plus pauvre et le plus libéral des préjugés (...) L'organisation du servage a été, dans certaines conditions, un progrès et a amené à une augmentation de la production (...) Dans la période difficile actuelle, les salaires ne sont pas pour nous un moyen d'adoucir l'existence personnelle de tout ouvrier, mais un moyen d'estimer ce que tout ouvrier apporte par son travail à la République ouvrière (...) Aucune autre organisation dans le passé, excepté l'armée, n'a exercé sur l'homme une plus rigoureuse coercition que l'organisation gouvernementale de la classe ouvrière à la plus dure époque de transition. Et c'est précisément pour cela que nous parlons de militarisation du travail »<ref><nowiki>Treti vserossùski s'yezd professionalnykh soyuzov : stenografïcheski otchet (Troisième Congrès Panrusse des Syndicats : compte rendu sténographique), Moscou, 1920 [Le « Rapport sur l'organisation du Travail » de Trotski présenté à ce Congrès, complété de passages empruntés aux rapports présentés au Congrès Panrusse des Conseils Économiques et au IXème Congrès du P.C.R., est reproduit dans le chapitre VIII de Terrorisme et communisme.]</nowiki></ref> |
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− | [[Boukharine|Boukharine]] se rallie à la plateforme de Trotsky. Ces positions soulèvent alors beaucoup de critiques parmi les [[Bolchéviks|bolchéviks]], en particulier l'[[Opposition_ouvrière|Opposition ouvrière]]. Trotsky défend et théorise également ses positions dans [[Terrorisme_et_communisme|''Terrorisme et communisme'']], où il écrit : | + | [[Boukharine|Boukharine]] se rallie à la plateforme de Trotski. Ces positions soulèvent alors beaucoup de critiques parmi les [[Bolchéviks|bolchéviks]], en particulier l'[[Opposition_ouvrière|Opposition ouvrière]]. Trotski défend et théorise également ses positions dans [[Terrorisme_et_communisme|''Terrorisme et communisme'']], où il écrit : |
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− | « Sans obligation du travail, sans droit de donner des ordres et d'exiger leur exécution, les syndicats perdent leur substance, car ils sont nécessaires à l'État socialiste en édification, non afin de lutter pour de meilleures conditions de travail — c'est la tâche de l'ensemble de l'organisation sociale gouvernementale — mais afin d'organiser la classe ouvrière pour la production, afin de la discipliner, de la répartir, de l'éduquer, de fixer certaines catégories et certains ouvriers à leur poste pour un laps de temps déterminé, afin, en un mot d'incorporer autoritairement, en plein accord avec le pouvoir, les travailleurs dans les cadres du plan économique unique »<ref>Léon Trotsky, ''[https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/t_c/t_c.htm Terrorisme et communisme]'', mai 1920</ref> | + | « Sans obligation du travail, sans droit de donner des ordres et d'exiger leur exécution, les syndicats perdent leur substance, car ils sont nécessaires à l'État socialiste en édification, non afin de lutter pour de meilleures conditions de travail — c'est la tâche de l'ensemble de l'organisation sociale gouvernementale — mais afin d'organiser la classe ouvrière pour la production, afin de la discipliner, de la répartir, de l'éduquer, de fixer certaines catégories et certains ouvriers à leur poste pour un laps de temps déterminé, afin, en un mot d'incorporer autoritairement, en plein accord avec le pouvoir, les travailleurs dans les cadres du plan économique unique »<ref>Léon Trotski, ''[https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/t_c/t_c.htm Terrorisme et communisme]'', mai 1920</ref> |
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− | Lors de la '''5<sup>e</sup> conférence pan-russe des syndicats (2-6 novembre 1920)''', Trotsky soutient qu'il faut en finir avec l'existence parallèle des syndicats et d'organismes administratifs, responsable, d'après lui, de la confusion régnante. Ce qui ne pourrait être obtenu que par la transformation des organisations syndicales (professionalny) en organisations de production (proizvodstvenny). | + | Lors de la '''5<sup>e</sup> conférence pan-russe des syndicats (2-6 novembre 1920)''', Trotski soutient qu'il faut en finir avec l'existence parallèle des syndicats et d'organismes administratifs, responsable, d'après lui, de la confusion régnante. Ce qui ne pourrait être obtenu que par la transformation des organisations syndicales (professionalny) en organisations de production (proizvodstvenny). |
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| À la fin de l'année (après la fin de la [[Guerre russo-polonaise (1920)|guerre russo-polonaise]]), une vague de mécontentement s'exprime. À l'automne, l'autorité de Lénine est contestée comme elle ne l'avait jamais été depuis le mouvement des « [[Kommunist|communistes de gauche]] ». | | À la fin de l'année (après la fin de la [[Guerre russo-polonaise (1920)|guerre russo-polonaise]]), une vague de mécontentement s'exprime. À l'automne, l'autorité de Lénine est contestée comme elle ne l'avait jamais été depuis le mouvement des « [[Kommunist|communistes de gauche]] ». |
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− | Les 8-9 novembre 1920, devant le plénum du comité central du parti, Trotsky soumet un « projet préliminaire de thèse » intitulé « Les syndicats et leur rôle futur », publié plus tard en brochure le 25 décembre, sous une forme légèrement différente, sous le titre « Le rôle et les tâches des syndicats ». | + | Les 8-9 novembre 1920, devant le plénum du comité central du parti, Trotski soumet un « projet préliminaire de thèse » intitulé « Les syndicats et leur rôle futur », publié plus tard en brochure le 25 décembre, sous une forme légèrement différente, sous le titre « Le rôle et les tâches des syndicats ». |
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− | Au moment du vote, les thèses de Trotsky furent repoussées à une voix : 8 contre 7, [[Lénine|Lénine]] se dissociant alors de Trotsky. Sa contre-proposition fut votée par 10 voix contre 4. Elle réclamait « une réforme du Tsektran », préconisait « des formes saines de militarisation du travail »<ref>V. I. Lenin, Selected Works, vol. IX, p. 30.</ref> et proclamait que le parti « devait éduquer et appuyer (...) un nouveau type de syndicaliste, l'organisateur économique énergique et imaginatif et qui affronterait les problèmes économiques non sous l'angle de la distribution et de la consommation mais sous celui de l'augmentation de la production ». | + | Au moment du vote, les thèses de Trotski furent repoussées à une voix : 8 contre 7, [[Lénine|Lénine]] se dissociant alors de Trotski. Sa contre-proposition fut votée par 10 voix contre 4. Elle réclamait « une réforme du Tsektran », préconisait « des formes saines de militarisation du travail »<ref>V. I. Lenin, Selected Works, vol. IX, p. 30.</ref> et proclamait que le parti « devait éduquer et appuyer (...) un nouveau type de syndicaliste, l'organisateur économique énergique et imaginatif et qui affronterait les problèmes économiques non sous l'angle de la distribution et de la consommation mais sous celui de l'augmentation de la production ». |
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− | Le Comité Central « interdit à Trotsky de parler en public des rapports entre les syndicats et l'État », ce qui fut annulé par le Comité Central lors de la réunion du 24 décembre, qui décida aussi que toute l'affaire devait être discutée ouvertement. | + | Le Comité Central « interdit à Trotski de parler en public des rapports entre les syndicats et l'État », ce qui fut annulé par le Comité Central lors de la réunion du 24 décembre, qui décida aussi que toute l'affaire devait être discutée ouvertement. |
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− | Le 2 décembre, Trotsky maintint ses positions dans son discours à la session plénière élargie du Tsektran. Quand une fois de plus le Comité Central le désavoua, ''« Trotsky rappela avec irritation à Lénine et aux autres membres du Comité, qu'ils l'avaient bien souvent poussé en privé (...) à agir avec rigueur et sans se soucier des principes de la démocratie. Il était déloyal de leur part affirmait-il, de jouer, en public, les défenseurs, contre lui, des principes démocratiques »''<ref>I. Deutscher, ''Trotsky, I, Le prophète armé'', 1954</ref>. | + | Le 2 décembre, Trotski maintint ses positions dans son discours à la session plénière élargie du Tsektran. Quand une fois de plus le Comité Central le désavoua, ''« Trotski rappela avec irritation à Lénine et aux autres membres du Comité, qu'ils l'avaient bien souvent poussé en privé (...) à agir avec rigueur et sans se soucier des principes de la démocratie. Il était déloyal de leur part affirmait-il, de jouer, en public, les défenseurs, contre lui, des principes démocratiques »''<ref>I. Deutscher, ''Trotski, I, Le prophète armé'', 1954</ref>. |
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− | Le 7 décembre, lors dune réunion plénière du Comité Central, [[Nikolaï Boukharine|Boukharine]] présenta une résolution sur la « démocratie dans la production », formule qui devait rendre Lénine furieux : ''« c'est un terme gauche, artificiel, propre à la gent intellectuelle »''. ''« La démocratie dans la production est un terme qui prête à la confusion. On peut le comprendre comme une négation de la dictature et de la direction unique »''. ''« Les primes en nature et les tribunaux disciplinaires d'honneur ont cent fois plus de valeur pour prendre en mains l'économie, diriger l'industrie et élever le rôle des syndicats dans la production que les propos complètement abstraits (et partant creux) sur "la démocratie dans la production" etc. »''<ref>V. I. Lénine, ''[https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1920/12/vil19201230.htm À nouveau les syndicats, la situation actuelle et les erreurs de Trotsky et Boukharine]'', Oeuvres Choisies, vol. 3, p. 631</ref>. | + | Le 7 décembre, lors dune réunion plénière du Comité Central, [[Nikolaï Boukharine|Boukharine]] présenta une résolution sur la « démocratie dans la production », formule qui devait rendre Lénine furieux : ''« c'est un terme gauche, artificiel, propre à la gent intellectuelle »''. ''« La démocratie dans la production est un terme qui prête à la confusion. On peut le comprendre comme une négation de la dictature et de la direction unique »''. ''« Les primes en nature et les tribunaux disciplinaires d'honneur ont cent fois plus de valeur pour prendre en mains l'économie, diriger l'industrie et élever le rôle des syndicats dans la production que les propos complètement abstraits (et partant creux) sur "la démocratie dans la production" etc. »''<ref>V. I. Lénine, ''[https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1920/12/vil19201230.htm À nouveau les syndicats, la situation actuelle et les erreurs de Trotski et Boukharine]'', Oeuvres Choisies, vol. 3, p. 631</ref>. |
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| Le '''8<sup>e</sup> [[Congrès pan-russe des soviets|congrès pan-russe des soviets]] (22-29 décembre 1920)''' aborde notamment le débat sur les syndicats, qui s’était développé à l'intérieur du Parti mais qu'il n'était plus possible d'y confiner. Le 30 décembre eut lieu une réunion commune, au théâtre Bolchoï de Moscou, de la fraction du Parti au Huitième Congrès des Soviets, des membres du Parti du Conseil Central Panrusse des Syndicats, et de membres du Parti de plusieurs autres organisations, pour discuter de la « question syndicale ». Tous les protagonistes de la discussion purent exposer leurs positions respectives. | | Le '''8<sup>e</sup> [[Congrès pan-russe des soviets|congrès pan-russe des soviets]] (22-29 décembre 1920)''' aborde notamment le débat sur les syndicats, qui s’était développé à l'intérieur du Parti mais qu'il n'était plus possible d'y confiner. Le 30 décembre eut lieu une réunion commune, au théâtre Bolchoï de Moscou, de la fraction du Parti au Huitième Congrès des Soviets, des membres du Parti du Conseil Central Panrusse des Syndicats, et de membres du Parti de plusieurs autres organisations, pour discuter de la « question syndicale ». Tous les protagonistes de la discussion purent exposer leurs positions respectives. |
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| *La plateforme des 10 ([[Lénine]], [[Grigori Zinoviev|Zinoviev]], [[Lev Kamenev|Kamenev]], [[Staline]], etc.) ; | | *La plateforme des 10 ([[Lénine]], [[Grigori Zinoviev|Zinoviev]], [[Lev Kamenev|Kamenev]], [[Staline]], etc.) ; |
− | *La plateforme des 7 ([[Trotsky|Trotsky]], [[Boukharine|Boukharine]], [[Djerzinsky|Djerzinsky]], [[Andreïev]], [[Krestinsky|Krestinsky]], [[Préobrajenski]] et [[Serebriakov|Serebriakov]]) ; | + | *La plateforme des 7 ([[Trotski|Trotski]], [[Boukharine|Boukharine]], [[Djerzinsky|Djerzinsky]], [[Andreïev]], [[Krestinsky|Krestinsky]], [[Préobrajenski]] et [[Serebriakov|Serebriakov]]) ; |
| *La plateforme de l'[[Opposition ouvrière]]. | | *La plateforme de l'[[Opposition ouvrière]]. |
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| Pour Lénine, les syndicats étaient des « réservoirs du pouvoir d'État ». Ils devaient fournir une large base sociale « à la dictature prolétarienne exercée par le Parti », une base absolument indispensable étant donné le caractère essentiellement paysan de la population du pays. Les syndicats devaient servir de « lien », de « courroie de transmission » entre le Parti et les masses des travailleurs sans-parti. Ils pourraient devenir ainsi des « écoles du communisme » pour leurs 7 millions de membres. Mais « Le Parti Communiste Russe, représenté par ses organisations centrales et régionales, reste toujours le guide indiscutable de tout l'aspect idéologique du travail des syndicats ».<ref>« O roli i zadachakh profsoyuzov » [Sur le rôle et les tâches des syndicats} Dixième Congrès du Parti, Résolution, 1, pp. 536-542</ref> | | Pour Lénine, les syndicats étaient des « réservoirs du pouvoir d'État ». Ils devaient fournir une large base sociale « à la dictature prolétarienne exercée par le Parti », une base absolument indispensable étant donné le caractère essentiellement paysan de la population du pays. Les syndicats devaient servir de « lien », de « courroie de transmission » entre le Parti et les masses des travailleurs sans-parti. Ils pourraient devenir ainsi des « écoles du communisme » pour leurs 7 millions de membres. Mais « Le Parti Communiste Russe, représenté par ses organisations centrales et régionales, reste toujours le guide indiscutable de tout l'aspect idéologique du travail des syndicats ».<ref>« O roli i zadachakh profsoyuzov » [Sur le rôle et les tâches des syndicats} Dixième Congrès du Parti, Résolution, 1, pp. 536-542</ref> |
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− | Lénine soutint ainsi que les syndicats ne pouvaient pas être de simples organismes d'État. Trotsky martelait (comme la plupart des bolchéviks) que puisque l'URSS est un [[État ouvrier]], il est absurde que les ouvriers puissent faire [[grève]] contre eux-mêmes. Lénine justifiait une réserve en disant : ''« on se trompe manifestement car cet État n'est pas tout à fait ouvrier, voilà le hic. [...] En fait, notre État n'est pas un État ouvrier, mais ouvrier-paysan, c'est une première chose. [...] Notre État est un État ouvrier présentant une déformation bureaucratique. »''<ref>Lénine, [https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1920/12/vil19201230.htm Les syndicats, la situation actuelle et les erreurs de Trotsky], 30 décembre 1920</ref> ''« La nature de notre État est telle que l'ensemble du prolétariat organisé doit se défendre lui-même : nous devons utiliser ces organisations ouvrières pour défendre les ouvriers contre leur propre État,et aussi pour que les ouvriers défendent notre État »''. Son argumentation était en fait quasiment la même que celle de [[Martov]] au premier congrès pan-russe des syndicats (janvier 1918). | + | Lénine soutint ainsi que les syndicats ne pouvaient pas être de simples organismes d'État. Trotski martelait (comme la plupart des bolchéviks) que puisque l'URSS est un [[État ouvrier]], il est absurde que les ouvriers puissent faire [[grève]] contre eux-mêmes. Lénine justifiait une réserve en disant : ''« on se trompe manifestement car cet État n'est pas tout à fait ouvrier, voilà le hic. [...] En fait, notre État n'est pas un État ouvrier, mais ouvrier-paysan, c'est une première chose. [...] Notre État est un État ouvrier présentant une déformation bureaucratique. »''<ref>Lénine, [https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1920/12/vil19201230.htm Les syndicats, la situation actuelle et les erreurs de Trotski], 30 décembre 1920</ref> ''« La nature de notre État est telle que l'ensemble du prolétariat organisé doit se défendre lui-même : nous devons utiliser ces organisations ouvrières pour défendre les ouvriers contre leur propre État,et aussi pour que les ouvriers défendent notre État »''. Son argumentation était en fait quasiment la même que celle de [[Martov]] au premier congrès pan-russe des syndicats (janvier 1918). |
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| Selon Lénine, il ne fallait pas voir dans la militarisation un trait permanent de la politique socialiste du travail. Il fallait donc utiliser aussi bien la persuasion que la coercition. « Il était certes normal que l'on nomme des fonctionnaires « d'en haut », mais il serait inopportun que les syndicats en fassent de même. Les syndicats pouvaient faire des suggestions pour certaines tâches économiques et administratives et devaient collaborer à la planification. Ils devaient surveiller, grâce à des départements spécialisés, le travail de l'administration économique. Le Conseil Central Panrusse des Syndicats aurait à fixer le taux des salaires. Il fallait, à cet égard, lutter contre l'extrême égalitarisme de l'Opposition Ouvrière. La politique des salaires devait être conçue de faon à « introduire la discipline dans le travail et augmenter la productivité ». Les membres du Parti avaient assez ''« discutaillé à propos de principes à Smolny. Maintenant, après trois ans, il y a des décrets qui régissent tous les aspects du problème de la production ». « L'unique conclusion à tirer est que nous allons élargir la démocratie dans les organisations ouvrières, sans en faire le moins du monde un fétiche »''. | | Selon Lénine, il ne fallait pas voir dans la militarisation un trait permanent de la politique socialiste du travail. Il fallait donc utiliser aussi bien la persuasion que la coercition. « Il était certes normal que l'on nomme des fonctionnaires « d'en haut », mais il serait inopportun que les syndicats en fassent de même. Les syndicats pouvaient faire des suggestions pour certaines tâches économiques et administratives et devaient collaborer à la planification. Ils devaient surveiller, grâce à des départements spécialisés, le travail de l'administration économique. Le Conseil Central Panrusse des Syndicats aurait à fixer le taux des salaires. Il fallait, à cet égard, lutter contre l'extrême égalitarisme de l'Opposition Ouvrière. La politique des salaires devait être conçue de faon à « introduire la discipline dans le travail et augmenter la productivité ». Les membres du Parti avaient assez ''« discutaillé à propos de principes à Smolny. Maintenant, après trois ans, il y a des décrets qui régissent tous les aspects du problème de la production ». « L'unique conclusion à tirer est que nous allons élargir la démocratie dans les organisations ouvrières, sans en faire le moins du monde un fétiche »''. |
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− | Trotsky affirma une fois de plus qu'il croyait que « la transformation des organisations professionnelles (syndicales) en organisations de production (...) était la tâche la plus importante de l'époque » (...) « Les syndicats devraient calculer continuellement la valeur de leurs membres du point de vue de la production et disposer toujours d'une estimation précise de la capacité productive de chaque ouvrier ». Il ajouta qu'il serait bon que les trois quarts ou la moitié des postes dans les organismes de direction des syndicats et de l'administration économique, soient occupés par les mêmes individus, afin d'en finir avec l'antagonisme existant entre ces deux instances. On devait permettre aux techniciens et aux administrateurs bourgeois qui étaient devenus membres de plein droit d'un syndicat, d'occuper des postes de direction, sans être surveillés par des commissaires. Il fallait également, après leur avoir assuré un salaire minimum réel, stimuler une concurrence entre ouvriers dans le « travail de choc » (udarnichestvo) de la production.
| + | Trotski affirma une fois de plus qu'il croyait que « la transformation des organisations professionnelles (syndicales) en organisations de production (...) était la tâche la plus importante de l'époque » (...) « Les syndicats devraient calculer continuellement la valeur de leurs membres du point de vue de la production et disposer toujours d'une estimation précise de la capacité productive de chaque ouvrier ». Il ajouta qu'il serait bon que les trois quarts ou la moitié des postes dans les organismes de direction des syndicats et de l'administration économique, soient occupés par les mêmes individus, afin d'en finir avec l'antagonisme existant entre ces deux instances. On devait permettre aux techniciens et aux administrateurs bourgeois qui étaient devenus membres de plein droit d'un syndicat, d'occuper des postes de direction, sans être surveillés par des commissaires. Il fallait également, après leur avoir assuré un salaire minimum réel, stimuler une concurrence entre ouvriers dans le « travail de choc » (udarnichestvo) de la production. |
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− | Trotsky, et surtout [[Nikolaï Boukharine|Boukharine]], modifièrent leurs positions respectives afin de pouvoir constituer un bloc au Congrès. Ce que Boukharine essayait de faire maintenant, c'était d'arriver à une sorte de compromis entre les points de vue officiels du Parti et les idées de l'Oppositon Ouvière. Il pensait qu'il fallait créer une « démocratie ouvrière dans la production ». L'« étatisation des syndicats » devait aller de pair avec la « syndicalisation de l'État ». « Le résultat logique et historique (de ce processus) ne sera pas l'absorption des syndicats par l'État prolétarien, mais disparition de ces deux entités — aussi bien des syndicats que de l'État — et la création d'une troisième entité : la société organisée sur des principes communistes ».<ref>Boukharine, « O z.adachakh i strukture profsoyuzov » [Sur les lâches et la structure des syndicats], Dixième Congrès du Parti, Appendice 16, p. 802.</ref>
| + | Trotski, et surtout [[Nikolaï Boukharine|Boukharine]], modifièrent leurs positions respectives afin de pouvoir constituer un bloc au Congrès. Ce que Boukharine essayait de faire maintenant, c'était d'arriver à une sorte de compromis entre les points de vue officiels du Parti et les idées de l'Oppositon Ouvière. Il pensait qu'il fallait créer une « démocratie ouvrière dans la production ». L'« étatisation des syndicats » devait aller de pair avec la « syndicalisation de l'État ». « Le résultat logique et historique (de ce processus) ne sera pas l'absorption des syndicats par l'État prolétarien, mais disparition de ces deux entités — aussi bien des syndicats que de l'État — et la création d'une troisième entité : la société organisée sur des principes communistes ».<ref>Boukharine, « O z.adachakh i strukture profsoyuzov » [Sur les lâches et la structure des syndicats], Dixième Congrès du Parti, Appendice 16, p. 802.</ref> |
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| Lénine fit une attaque extrêmement violente sur les deux autres plateformes. ''« Si les syndicats, composés dans leur neuf-dixièmes d'ouvriers sans-parti, nomment les dirigeants de l'industrie, à quoi sert le Parti ? (...). Nous sommes passés ajouta-t-il, menaçant - de petites divergences à une déviation syndicaliste [à propos de Boukharine] qui représente une rupture totale avec le communisme et une scission inévitable dans le Parti »''<ref>V. I. Lénine, « Krisis partii », [La crise dans le parti], Pravda, 21 janvier 1921</ref> | | Lénine fit une attaque extrêmement violente sur les deux autres plateformes. ''« Si les syndicats, composés dans leur neuf-dixièmes d'ouvriers sans-parti, nomment les dirigeants de l'industrie, à quoi sert le Parti ? (...). Nous sommes passés ajouta-t-il, menaçant - de petites divergences à une déviation syndicaliste [à propos de Boukharine] qui représente une rupture totale avec le communisme et une scission inévitable dans le Parti »''<ref>V. I. Lénine, « Krisis partii », [La crise dans le parti], Pravda, 21 janvier 1921</ref> |