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Cette illusion joue le plus souvent un rôle clé dans des sociétés marquées par la domination. Elle a un versant réactionnaire&nbsp;: apaiser les esprits vaincus, les convaincre de la délivrance prochaine dans l'au-delà, et surtout, qu'ils n'ont pas de pouvoir et surtout pas de légitimité pour agir dans la transformation sociale. Mais elle exprime parfois aussi des mouvements protestataires ([[Diggers|diggers]], [[Quakers|quakers]], [[Théologie_de_la_libération|théologie de la libération]]...)<ref name="ContretempsOpium">Michael Löwy, [https://www.contretemps.eu/opium-peuple-marxisme-critique-religion/ ''Opium du peuple ? Marxisme critique et religion''], Contretemps.eu, 7 février 2010</ref>. Le [[Marxisme|marxisme]], en permettant de comprendre cette double nature (réactionnaire ou protestataire de la religion), est de ce point de vue en rupture avec une vision linéaire de l'histoire héritée des Lumières. Dans une société donnée, la religion n'est pas toujours du côté de la réaction et le [[Matérialisme|matérialisme]] du côté du progrès&nbsp;; ainsi, Engels parle en ces termes du rôle révolutionnaire joué par le [[Protestantisme|protestantisme]] en Angleterre au 17<sup>e</sup> siècle, contre le matérialisme [[Thomas_Hobbes|hobbesien]]&nbsp;:
 
Cette illusion joue le plus souvent un rôle clé dans des sociétés marquées par la domination. Elle a un versant réactionnaire&nbsp;: apaiser les esprits vaincus, les convaincre de la délivrance prochaine dans l'au-delà, et surtout, qu'ils n'ont pas de pouvoir et surtout pas de légitimité pour agir dans la transformation sociale. Mais elle exprime parfois aussi des mouvements protestataires ([[Diggers|diggers]], [[Quakers|quakers]], [[Théologie_de_la_libération|théologie de la libération]]...)<ref name="ContretempsOpium">Michael Löwy, [https://www.contretemps.eu/opium-peuple-marxisme-critique-religion/ ''Opium du peuple ? Marxisme critique et religion''], Contretemps.eu, 7 février 2010</ref>. Le [[Marxisme|marxisme]], en permettant de comprendre cette double nature (réactionnaire ou protestataire de la religion), est de ce point de vue en rupture avec une vision linéaire de l'histoire héritée des Lumières. Dans une société donnée, la religion n'est pas toujours du côté de la réaction et le [[Matérialisme|matérialisme]] du côté du progrès&nbsp;; ainsi, Engels parle en ces termes du rôle révolutionnaire joué par le [[Protestantisme|protestantisme]] en Angleterre au 17<sup>e</sup> siècle, contre le matérialisme [[Thomas_Hobbes|hobbesien]]&nbsp;:
<blockquote>''«&nbsp;Avec Hobbes, le matérialisme apparut sur la scène, comme défenseur de l’omnipotence et des prérogatives royales&nbsp;; il faisait appel à la monarchie absolue pour maintenir sous le joug cepuer robustus sed malitiosus [enfant vigoureux mais fourbe] qu’était le peuple. Il en fut de même avec les successeurs de Hobbes, avec Bolingbroke, Shaftesbury, etc&nbsp;; la nouvelle forme déiste ou matérialiste demeura, comme par le passé, une doctrine aristocratique, ésotérique et par consequent odieuse à la bourgeoisie... Par conséquent, en opposition à ce matérialisme et à ce déisme aristocratiques, les sectes protestantes qui avaient fourni son drapeau et ses combattants à la guerre contre les Stuarts, continuèrent à constituer la force principale de la classe moyenne progressive...&nbsp;»''<ref name="Engels297">Friedrich Engels, Introduction à l'édition anglaise de ''Socialisme utopique et socialisme scientifique'', in K. Marx, F. Engels ''Sur la religion'', ''op. cit.'', p. 297-298.</ref></blockquote>  
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''«&nbsp;Avec Hobbes, le matérialisme apparut sur la scène, comme défenseur de l’omnipotence et des prérogatives royales&nbsp;; il faisait appel à la monarchie absolue pour maintenir sous le joug cepuer robustus sed malitiosus [enfant vigoureux mais fourbe] qu’était le peuple. Il en fut de même avec les successeurs de Hobbes, avec Bolingbroke, Shaftesbury, etc&nbsp;; la nouvelle forme déiste ou matérialiste demeura, comme par le passé, une doctrine aristocratique, ésotérique et par consequent odieuse à la bourgeoisie... Par conséquent, en opposition à ce matérialisme et à ce déisme aristocratiques, les sectes protestantes qui avaient fourni son drapeau et ses combattants à la guerre contre les Stuarts, continuèrent à constituer la force principale de la classe moyenne progressive...&nbsp;»''<ref name="Engels297">Friedrich Engels, Introduction à l'édition anglaise de ''Socialisme utopique et socialisme scientifique'', in K. Marx, F. Engels ''Sur la religion'', ''op. cit.'', p. 297-298.</ref>
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Engels pensait que la [[Première_révolution_anglaise|révolution anglaise]] du 17<sup>e</sup> siècle était la dernière dans laquelle la religion aurait un rôle déterminant à jouer. La [[Révolution_française|Révolution française]], contrairement à sa cousine anglaise, ''«&nbsp;rejeta totalement l'accoutrement religieux et livra toutes les batailles sur le terrain politique&nbsp;»''<ref name="Engels297" />&nbsp;: désormais, la religion semble condamnée à ne plus pouvoir jouer qu'un rôle réactionnaire.&nbsp;On s'explique ainsi la perplexité de Marx et d'Engels face à la persistance des références au [[Christianisme_primitif|christianisme primitif]] dans les premiers courants communistes du 19<sup>e</sup> siècle, notamment français et allemands (derrière [[Wilhelm_Weitling|Wilhelm Weitling]]). Engels affirme se sentir plus proche des socialistes anglais, les "[[Robert_Owen|owenistes]]", qui luttent contre les préjugés religieux. Les divergences sur la question religieuse entre Marx et Engels d'une part, les communistes français d'autre part, vont empêcher en 1844 la création d'une revue commune (les ''[[Annales_franco-allemandes|Annales franco-allemandes]]''). Trente ans plus tard, Engels constatera avec satisfaction que le mouvement socialiste est devenu non-religieux, terme qui lui semble plus approprié que celui d'''[[Athéisme|athéisme]]'', car&nbsp;:
 
Engels pensait que la [[Première_révolution_anglaise|révolution anglaise]] du 17<sup>e</sup> siècle était la dernière dans laquelle la religion aurait un rôle déterminant à jouer. La [[Révolution_française|Révolution française]], contrairement à sa cousine anglaise, ''«&nbsp;rejeta totalement l'accoutrement religieux et livra toutes les batailles sur le terrain politique&nbsp;»''<ref name="Engels297" />&nbsp;: désormais, la religion semble condamnée à ne plus pouvoir jouer qu'un rôle réactionnaire.&nbsp;On s'explique ainsi la perplexité de Marx et d'Engels face à la persistance des références au [[Christianisme_primitif|christianisme primitif]] dans les premiers courants communistes du 19<sup>e</sup> siècle, notamment français et allemands (derrière [[Wilhelm_Weitling|Wilhelm Weitling]]). Engels affirme se sentir plus proche des socialistes anglais, les "[[Robert_Owen|owenistes]]", qui luttent contre les préjugés religieux. Les divergences sur la question religieuse entre Marx et Engels d'une part, les communistes français d'autre part, vont empêcher en 1844 la création d'une revue commune (les ''[[Annales_franco-allemandes|Annales franco-allemandes]]''). Trente ans plus tard, Engels constatera avec satisfaction que le mouvement socialiste est devenu non-religieux, terme qui lui semble plus approprié que celui d'''[[Athéisme|athéisme]]'', car&nbsp;:
<blockquote>''«&nbsp;Ce terme purement négatif ne s’applique plus à eux, car ils ne sont plus en opposition théorique, mais seulement pratique avec la croyance en Dieu&nbsp;; il en ont tout simplement fini avec Dieu, ils vivent et pensent dans le monde réel et sont donc matérialistes.&nbsp;»''<ref>Friedrich Engels, ''Littérature d’émigrés'', 1874, SR, p. 143.</ref></blockquote>  
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''«&nbsp;Ce terme purement négatif ne s’applique plus à eux, car ils ne sont plus en opposition théorique, mais seulement pratique avec la croyance en Dieu&nbsp;; il en ont tout simplement fini avec Dieu, ils vivent et pensent dans le monde réel et sont donc matérialistes.&nbsp;»''<ref>Friedrich Engels, ''Littérature d’émigrés'', 1874, SR, p. 143.</ref>
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Au 20<sup>e</sup> siècle, dans un pays comme la France, l'Eglise catholique a connu à la fois un mouvement de lente érosion de son influence, et à la fois un déplacement vers la gauche de son centre de gravité idéologique. Toutefois à la fin du 20<sup>e</sup> siècle et au début du 21<sup>e</sup> siècle, on peut constater un revirement&nbsp;: les prêtres engagés à gauche sont vieillissants, les courants conservateurs et réactionnaires renforcent leur influence, notamment dans la jeunesse, et l'Eglise officielle subit la pression de ce rapport de force dégradé. Ainsi par exemple, dans les années 1980 et 1990, les ardinaux Jean-Marie Lustiger et Albert Decourtray faisaient des déclarations répétées contre le danger du [[Front_national|Front national]], et l'épiscopat se positionnait encore contre le vote Jean-Marie Le Pen à l’élection présidentielle de&nbsp;2002. Mais lors de la présidentielle de 2017, un catholique pratiquant sur deux a voté pour François Fillon au premier tour, et au second tour 4 sur 10 ont voté Marine Le Pen, et l'Eglise ne s'est pas positionnée.<ref>http://www.liberation.fr/debats/2018/04/02/henri-tincq-la-montee-des-forces-de-droite-au-sein-du-catholicisme-est-une-cruelle-deception_1640560</ref>
 
Au 20<sup>e</sup> siècle, dans un pays comme la France, l'Eglise catholique a connu à la fois un mouvement de lente érosion de son influence, et à la fois un déplacement vers la gauche de son centre de gravité idéologique. Toutefois à la fin du 20<sup>e</sup> siècle et au début du 21<sup>e</sup> siècle, on peut constater un revirement&nbsp;: les prêtres engagés à gauche sont vieillissants, les courants conservateurs et réactionnaires renforcent leur influence, notamment dans la jeunesse, et l'Eglise officielle subit la pression de ce rapport de force dégradé. Ainsi par exemple, dans les années 1980 et 1990, les ardinaux Jean-Marie Lustiger et Albert Decourtray faisaient des déclarations répétées contre le danger du [[Front_national|Front national]], et l'épiscopat se positionnait encore contre le vote Jean-Marie Le Pen à l’élection présidentielle de&nbsp;2002. Mais lors de la présidentielle de 2017, un catholique pratiquant sur deux a voté pour François Fillon au premier tour, et au second tour 4 sur 10 ont voté Marine Le Pen, et l'Eglise ne s'est pas positionnée.<ref>http://www.liberation.fr/debats/2018/04/02/henri-tincq-la-montee-des-forces-de-droite-au-sein-du-catholicisme-est-une-cruelle-deception_1640560</ref>
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On cite souvent une phrase de Marx comme étant la quintessance de sa pensée en matière de religion&nbsp;:
 
On cite souvent une phrase de Marx comme étant la quintessance de sa pensée en matière de religion&nbsp;:
<blockquote>''«&nbsp;La misère religieuse est, d'une part, l'expression de la misère réelle, et, d'autre part, la protestation contre la misère réelle. La religion est le soupir de la créature accablée par le malheur, l'âme d'un monde sans cœur, de même qu'elle est l'esprit d'une époque sans esprit. C'est l'opium du peuple.&nbsp;»''<ref name="contribution" /></blockquote>  
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''«&nbsp;La misère religieuse est, d'une part, l'expression de la misère réelle, et, d'autre part, la protestation contre la misère réelle. La religion est le soupir de la créature accablée par le malheur, l'âme d'un monde sans cœur, de même qu'elle est l'esprit d'une époque sans esprit. C'est l'opium du peuple.&nbsp;»''<ref name="contribution" />
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Cependant, il est insuffisant d'en rester là, car&nbsp;:
 
Cependant, il est insuffisant d'en rester là, car&nbsp;:
    
1. Cette métaphore n'est pas propre à Marx&nbsp;: on la trouve chez nombre d'auteurs, y compris [[Emmanuel_Kant|Kant]] ou [[Ludwig_Feuerbach|Feuerbach]]. [[Heinrich_Heine|Heinrich Heine]] écrit en 1840&nbsp;:
 
1. Cette métaphore n'est pas propre à Marx&nbsp;: on la trouve chez nombre d'auteurs, y compris [[Emmanuel_Kant|Kant]] ou [[Ludwig_Feuerbach|Feuerbach]]. [[Heinrich_Heine|Heinrich Heine]] écrit en 1840&nbsp;:
<blockquote>''«&nbsp;Bénie soit une religion, qui verse dans l'amer calice de l'humanité souffrante quelques douces et soporifiques gouttes d'opium spirituel, quelques gouttes d'amour, foi et espérance.&nbsp;»''</blockquote>  
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''«&nbsp;Bénie soit une religion, qui verse dans l'amer calice de l'humanité souffrante quelques douces et soporifiques gouttes d'opium spirituel, quelques gouttes d'amour, foi et espérance.&nbsp;»''
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Et en 1843, [[Moses_Hess|Moses Hess]] écrit&nbsp;:
 
Et en 1843, [[Moses_Hess|Moses Hess]] écrit&nbsp;:
<blockquote>''«&nbsp;La religion peut rendre supportable [...] la conscience malheureuse de la servitude [...] de la même façon que l'opium est d'une grande aide dans les maladies douloureuses.&nbsp;»''<ref>Cité par Michaël Löwy, </ref></blockquote>  
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''«&nbsp;La religion peut rendre supportable [...] la conscience malheureuse de la servitude [...] de la même façon que l'opium est d'une grande aide dans les maladies douloureuses.&nbsp;»''<ref>Cité par Michaël Löwy, </ref>
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2. Cette phrase apparaît, chez Marx, dans la ''[[Contribution_à_la_critique_de_la_philosophie_du_droit_de_Hegel|Contribution à la critique de la philosophie du droit de Hegel]]'', un article de 1844, époque à laquelle il est encore néo-[[Hégélianisme|hégélien]]&nbsp;: Marx voit la religion comme une aliénation de l'essence humaine, selon une analyse assez anhistorique qui ne fait pas appel aux [[Classes_sociales|classes sociales]]. En 1846, dans ''[[L'idéologie_allemande|L'idéologie allemande]]'', il engage pour la première fois une étude proprement marxiste de la religion comme fait social, et en particulier comme l'une des multiples formes de l'[[Idéologie|idéologie]].
 
2. Cette phrase apparaît, chez Marx, dans la ''[[Contribution_à_la_critique_de_la_philosophie_du_droit_de_Hegel|Contribution à la critique de la philosophie du droit de Hegel]]'', un article de 1844, époque à laquelle il est encore néo-[[Hégélianisme|hégélien]]&nbsp;: Marx voit la religion comme une aliénation de l'essence humaine, selon une analyse assez anhistorique qui ne fait pas appel aux [[Classes_sociales|classes sociales]]. En 1846, dans ''[[L'idéologie_allemande|L'idéologie allemande]]'', il engage pour la première fois une étude proprement marxiste de la religion comme fait social, et en particulier comme l'une des multiples formes de l'[[Idéologie|idéologie]].
    
A ce titre, la critique marxiste de la religion en fait quelque chose qui peut s'expliquer à partir des rapports sociaux, avec lesquels elle forme une totalité&nbsp;:
 
A ce titre, la critique marxiste de la religion en fait quelque chose qui peut s'expliquer à partir des rapports sociaux, avec lesquels elle forme une totalité&nbsp;:
<blockquote>''«&nbsp;Il est clair que tout bouleversement historique des conditions sociales entraîne en même temps le bouleversement des conceptions et des représentations des hommes et donc de leurs représentations religieuses.&nbsp;»''<ref>[[Karl Marx]], [[Friedrich Engels]], Compte rendu du livre de G.F. Daumer, « La religion de l’ère nouvelle », 1850, SR, page 94.</ref></blockquote>  
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''«&nbsp;Il est clair que tout bouleversement historique des conditions sociales entraîne en même temps le bouleversement des conceptions et des représentations des hommes et donc de leurs représentations religieuses.&nbsp;»''<ref>[[Karl Marx]], [[Friedrich Engels]], Compte rendu du livre de G.F. Daumer, « La religion de l’ère nouvelle », 1850, SR, page 94.</ref>
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Pour combattre les superstitions religieuses, il s'agit d'abord et avant tout de combattre les causes qui les font naître. C'est ce qui a amené le jeune [[Karl_Marx|Marx]] a élargir la critique de la religion, alors cheval de bataille des [[Jeunes-hégéliens|jeunes-hégéliens]], à la critique politique.
 
Pour combattre les superstitions religieuses, il s'agit d'abord et avant tout de combattre les causes qui les font naître. C'est ce qui a amené le jeune [[Karl_Marx|Marx]] a élargir la critique de la religion, alors cheval de bataille des [[Jeunes-hégéliens|jeunes-hégéliens]], à la critique politique.
<blockquote>''«&nbsp;Le véritable bonheur du peuple exige que la religion soit supprimée en tant que bonheur illusoire du peuple. Exiger qu'il soit renoncé aux illusions concernant notre propre situation, c'est exiger qu'il soit renoncé a une situation qui a besoin d'illusions. La critique de la religion est donc, en germe, la critique de cette vallée de larmes, dont la religion est l'auréole. [...] La critique de la religion désillusionne l'homme, pour qu'il pense, agisse, forme sa réalité comme un homme désillusionné, devenu raisonnable, pour qu'il se meuve autour de lui et par suite autour de son véritable soleil. La religion n'est que le soleil illusoire qui se meut autour de l'homme, tant qu'il ne se meut pas autour de lui-même.&nbsp;»''<ref name="contribution" /></blockquote>  
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''«&nbsp;Le véritable bonheur du peuple exige que la religion soit supprimée en tant que bonheur illusoire du peuple. Exiger qu'il soit renoncé aux illusions concernant notre propre situation, c'est exiger qu'il soit renoncé a une situation qui a besoin d'illusions. La critique de la religion est donc, en germe, la critique de cette vallée de larmes, dont la religion est l'auréole. [...] La critique de la religion désillusionne l'homme, pour qu'il pense, agisse, forme sa réalité comme un homme désillusionné, devenu raisonnable, pour qu'il se meuve autour de lui et par suite autour de son véritable soleil. La religion n'est que le soleil illusoire qui se meut autour de l'homme, tant qu'il ne se meut pas autour de lui-même.&nbsp;»''<ref name="contribution" />
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====Chez Engels====
 
====Chez Engels====
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Engels a une approche&nbsp;[[Dialectique|dialectique]]&nbsp;de la religion, attentive aux deux aspects et au deux rôles, conservateur et protestataire, de la religion, mais en mettant souvent l'accent sur le second aspect. Ainsi, il met en lumière sa dimension anticipatrice et utopique de l'idéologie religieuse de Münzer&nbsp;:
 
Engels a une approche&nbsp;[[Dialectique|dialectique]]&nbsp;de la religion, attentive aux deux aspects et au deux rôles, conservateur et protestataire, de la religion, mais en mettant souvent l'accent sur le second aspect. Ainsi, il met en lumière sa dimension anticipatrice et utopique de l'idéologie religieuse de Münzer&nbsp;:
<blockquote>''«&nbsp;Sa doctrine politique correspondait exactement à cette conception religieuse révolutionnaire et dépassait tout autant les rapports sociaux et politiques existants que sa théologie dépassait les conceptions religieuses de l’époque. [...] Ce programme, qui était moins la synthèse des revendications des plébéiens de l’époque, qu’une anticipation géniale des conditions d’émancipation des éléments prolétariens en germe parmi ces plébéiens, exigeait l’instauration immédiate sur terre du Royaume de Dieu, du royaume [[Millénarisme|millénaire]] des prophètes, par le retour de l’Eglise à son origine et par la suppression de toutes les institutions en contradiction avec cette Eglise, prétendument primitive, mais en réalité, toute nouvelle. Pour Munzer, le royaume de Dieu n’était pas autre chose qu’une société où il n’y aurait plus aucune différence de classes, aucune propriété privé, au aucun pouvoir d’Etat étranger, autonome, s’opposant aux membres de la société.&nbsp;»''<span style="background-color: white"><ref>Karl Marx, Friedrich Engels, ''Sur la religion'', Paris, Editions sociales, 1960, p. 114.</ref></span></blockquote>  
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''«&nbsp;Sa doctrine politique correspondait exactement à cette conception religieuse révolutionnaire et dépassait tout autant les rapports sociaux et politiques existants que sa théologie dépassait les conceptions religieuses de l’époque. [...] Ce programme, qui était moins la synthèse des revendications des plébéiens de l’époque, qu’une anticipation géniale des conditions d’émancipation des éléments prolétariens en germe parmi ces plébéiens, exigeait l’instauration immédiate sur terre du Royaume de Dieu, du royaume [[Millénarisme|millénaire]] des prophètes, par le retour de l’Eglise à son origine et par la suppression de toutes les institutions en contradiction avec cette Eglise, prétendument primitive, mais en réalité, toute nouvelle. Pour Munzer, le royaume de Dieu n’était pas autre chose qu’une société où il n’y aurait plus aucune différence de classes, aucune propriété privé, au aucun pouvoir d’Etat étranger, autonome, s’opposant aux membres de la société.&nbsp;»''<span style="background-color: white"><ref>Karl Marx, Friedrich Engels, ''Sur la religion'', Paris, Editions sociales, 1960, p. 114.</ref></span>
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On est là très loin d'une théorie de la religion comme reflet de la société&nbsp;: elle n'est pas l'expression des conditions existantes, mais une anticipation géniale des théories communistes de l'avenir.
 
On est là très loin d'une théorie de la religion comme reflet de la société&nbsp;: elle n'est pas l'expression des conditions existantes, mais une anticipation géniale des théories communistes de l'avenir.
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Des millénarismes similaires ont également existé dans la sphère musulmane, par exemple les Qarmates au 10<sup>e</sup> siècle en Irak, Syrie, Palestine et dans la région de Bahreïn où ils fondèrent un état (~903-1077) aux prétentions égalitaires.<ref>https://fr.wikipedia.org/wiki/Qarmates</ref>
 
Des millénarismes similaires ont également existé dans la sphère musulmane, par exemple les Qarmates au 10<sup>e</sup> siècle en Irak, Syrie, Palestine et dans la région de Bahreïn où ils fondèrent un état (~903-1077) aux prétentions égalitaires.<ref>https://fr.wikipedia.org/wiki/Qarmates</ref>
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=== Les religions en Extrême-orient ===
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===Les religions en Extrême-orient===
 
D'assez fortes différences existent entre la façon dont les institutions religieuses se sont développées dans des pays comme le Japon et la Chine. Il n'y a pas eu de domination exclusive d'un clergé comme cela a pu être le cas avec l’[[Église catholique]] en occident.  
 
D'assez fortes différences existent entre la façon dont les institutions religieuses se sont développées dans des pays comme le Japon et la Chine. Il n'y a pas eu de domination exclusive d'un clergé comme cela a pu être le cas avec l’[[Église catholique]] en occident.  
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Ceci étant dit, les phénomènes de diffusion massive de tel courant, plutôt dans les couches populaires ou plutôt dans telle couche dirigeante, peut souvent être relié à des facteurs matériels et intérêts de classe. Par exemple :
 
Ceci étant dit, les phénomènes de diffusion massive de tel courant, plutôt dans les couches populaires ou plutôt dans telle couche dirigeante, peut souvent être relié à des facteurs matériels et intérêts de classe. Par exemple :
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* Le Japon médiéval a  connu au 13<sup>e</sup> siècle des formes de [[Millénarisme#Millénarismes japonais|dissidences religieuses populaires que l'on peut rapprocher du millénarisme]] en Occident (écoles amidistes de Hônen et Shinran ou hérésies de Ippen et Nichiren...), en contestation des principaux monastères qui accumulaient du pouvoir économique et militaire.<ref>Pierre-François Souyri, ''Histoire du Japon médiéval'', 2013</ref>
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*Le Japon médiéval a  connu au 13<sup>e</sup> siècle des formes de [[Millénarisme#Millénarismes japonais|dissidences religieuses populaires que l'on peut rapprocher du millénarisme]] en Occident (écoles amidistes de Hônen et Shinran ou hérésies de Ippen et Nichiren...), en contestation des principaux monastères qui accumulaient du pouvoir économique et militaire.<ref>Pierre-François Souyri, ''Histoire du Japon médiéval'', 2013</ref>
 
*Le Zen se développe plutôt parmi l'élite guerrière du shôgunat, qui apprécie sa simplicité et l'absence de nécessité d'études.
 
*Le Zen se développe plutôt parmi l'élite guerrière du shôgunat, qui apprécie sa simplicité et l'absence de nécessité d'études.
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Il faut également noter que les communautés villageoises ont souvent structuré leur organisation d'autodéfense communale (''ikki'') à l'occasion de leurs regroupements sur les lieux de cultes locaux (rendus aux esprits ''kami'' dans les sanctuaires ''shintô'').
    
===L'essor du protestantisme===
 
===L'essor du protestantisme===

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