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| Le '''3 avril 1918''', le Conseil Central des Syndicats publia son premier rapport détaillé sur la fonction du syndicat face aux problèmes de la « discipline dans le travail » et de « l'émulation ».<ref>Narodnoye khozyaistro, N° 2, 1918, p. 38.</ref> Les syndicats ''« ne devaient épargner aucun effort pour accroître la productivité du travail, ils devaient créer par conséquent dans les usines et les ateliers les bases indispensables au travail discipliné »''. Chaque syndicat devait établir une commission ''« pour fixer les normes de productivité pour chaque secteur et chaque catégorie de travailleurs »''. L'utilisation du travail aux pièces ''« pour élever la productivité du travail »'' était admise. On affirmait que ''« les primes de productivité, lorsque la norme établie était dépassée, pouvaient, dans certaines limites, être une mesure utile pour élever la productivité sans épuiser le travailleur »''. Enfin, si ''« des groupes isolés de travailleurs »'' refusaient de se soumettre à la discipline syndicale, ils pourraient en dernier ressort être expulsés du syndicat ''« avec toutes les conséquences qui en découlent »''. | | Le '''3 avril 1918''', le Conseil Central des Syndicats publia son premier rapport détaillé sur la fonction du syndicat face aux problèmes de la « discipline dans le travail » et de « l'émulation ».<ref>Narodnoye khozyaistro, N° 2, 1918, p. 38.</ref> Les syndicats ''« ne devaient épargner aucun effort pour accroître la productivité du travail, ils devaient créer par conséquent dans les usines et les ateliers les bases indispensables au travail discipliné »''. Chaque syndicat devait établir une commission ''« pour fixer les normes de productivité pour chaque secteur et chaque catégorie de travailleurs »''. L'utilisation du travail aux pièces ''« pour élever la productivité du travail »'' était admise. On affirmait que ''« les primes de productivité, lorsque la norme établie était dépassée, pouvaient, dans certaines limites, être une mesure utile pour élever la productivité sans épuiser le travailleur »''. Enfin, si ''« des groupes isolés de travailleurs »'' refusaient de se soumettre à la discipline syndicale, ils pourraient en dernier ressort être expulsés du syndicat ''« avec toutes les conséquences qui en découlent »''. |
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− | Le '''2<sup>e</sup> congrès pan-russe des syndicats se réunit en janvier 1919'''. Un conflit commence à apparaître entre la direction des syndicats, en accord avec le pouvoir, et la base. Dans leur motion du 23 janvier 1919, les syndicats commencent par s’aligner sur le texte gouvernemental en parlant eux aussi au passé du contrôle ouvrier. Mais ils font état d’un ''« conflit latent qui se livre dans le cadre des nouvelles formes organisationnelles que prend la vie économique »''. Ils tentaient de maintenir un certain rôle aux syndicats : ''« Suivre sans doute le travail des gestionnaires, non le précéder »'', mais en le ''« supervisant »''. À cette session, un texte qui maintenait le droit pour les ouvriers de faire grève était rejeté, au nom du fait que les ouvriers ne peuvent faire [[Grève|grève]] contre eux-mêmes. Dans le congrès, certains protestèrent contre le fait que le Commissariat au Travail ratifie les délégués élus par les syndicats pour les représenter dans les instances centrales. Ainsi l’ouvrier Perkin : | + | Le 28 septembre 1918, [[Mikhaïl Tomski|Tomski]] déclare au Premier Congrès Panrusse des Cheminots Communistes : ''« La tâche des communistes a été : premièrement, de créer des syndicats solides dans leurs industries respectives ; deuxièmement, de s'emparer de la direction de ces organisations par un travail tenace ; troisièmement, de rester à la tête de ces organisations ; quatrièmement, d'expulser tout groupe non prolétarien ; cinquièmement, de soumettre les syndicats à notre propre influence communiste »''<ref>Vserossiiskaya konferentsiya zheleznodorozhnikov komunistov [Première Conférence Panrusse des cheminots communistes], Moscou, 1919, p. 72</ref> |
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| + | Au sein des syndicats, les rapports entre base et sommet étaient de plus en plus bureaucratiques. En pratique, plus les syndicats assumaient les fonctions administratives d'une bureaucratie gestionnaire, plus ils devenaient bureaucratiques eux-mêmes<ref>Waldermar Koch, Die Bohchevistischen Gewerkshaften Icna 1932</ref>. |
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| + | Début 1919, il y avait 3 500 000 adhérents dans les syndicats. Il y en avait eu 2 600 000 au temps du Premier Congrès des syndicats, en janvier 1918, et 1 500 000 à la Conférence de juillet 1917.<ref><nowiki>Zinoviev, Desyaty s'yezd RKP (b) : Protokoly [Le Dixième Congrès du PCR (b) : compte rendu], Moscou, IMEL, 1933</nowiki></ref> |
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| + | Le '''2<sup>e</sup> congrès pan-russe des syndicats se réunit du 16 au 25 janvier 1919'''<ref>Vtoroi vserossiiski s'yezd professionalnykh soyuzov stenograficheski otchet [Second Congrès Panrusse des syndicats, rapport sténographié], Moscou, Editions Syndicales Centrales, 1919,</ref>. Un conflit commence à apparaître entre la direction des syndicats, en accord avec le pouvoir, et la base. La résistance qui avait été menée naguère par les comités contre les syndicats se déplaça au sein du mouvement syndical, opposant d’une certaine façon les organisations de base à l’appareil de la direction syndicale. Dans leur motion du 23 janvier 1919, les syndicats commencent par s’aligner sur le texte gouvernemental en parlant eux aussi au passé du contrôle ouvrier. Mais ils font état d’un ''« conflit latent qui se livre dans le cadre des nouvelles formes organisationnelles que prend la vie économique »''. Ils tentaient de maintenir un certain rôle aux syndicats : ''« Suivre sans doute le travail des gestionnaires, non le précéder »'', mais en le ''« supervisant »''. Lénine parla de l'« inévitable étatisation des syndicats », tout en parlant de fonction éducatrice des syndicats vis-à-vis des travailleurs dans l'art de l'administration, et de « dépérissement de l'État » futur. |
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| + | À cette session, un texte qui maintenait le droit pour les ouvriers de faire grève était rejeté, au nom du fait que les ouvriers ne peuvent faire [[Grève|grève]] contre eux-mêmes. [[Mikhaïl Tomski|Tomski]] souligna ''« qu'au moment où les syndicats déterminent les salaires et les conditions de travail, les grèves ne peuvent plus être tolérées. Il est nécessaire de mettre des points sur les i »''. Dans le congrès, certains protestèrent contre le fait que le Commissariat au Travail ratifie les délégués élus par les syndicats pour les représenter dans les instances centrales. Ainsi l’ouvrier Perkin : |
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| ''« Si dans une réunion syndicale nous choisissons un élu, si la classe ouvrière a le droit dans certains cas d’exprimer ses volontés, on aurait pu penser que cet élu pourrait nous représenter auprès du Commissariat au Travail. Eh bien non. Bien que nous l’ayons élu, il faut que ce choix soit ratifié. »<ref name="Ferro" />'' | | ''« Si dans une réunion syndicale nous choisissons un élu, si la classe ouvrière a le droit dans certains cas d’exprimer ses volontés, on aurait pu penser que cet élu pourrait nous représenter auprès du Commissariat au Travail. Eh bien non. Bien que nous l’ayons élu, il faut que ce choix soit ratifié. »<ref name="Ferro" />'' |
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− | La résistance qui avait été menée naguère par les comités contre les syndicats se déplaça au sein du mouvement syndical, opposant d’une certaine façon les organisations de base à l’appareil de la direction syndicale.
| + | Un autre délégué au Congrès, Chirkin, affirma par exemple que ''« même s'il existe dans la plupart de nos régions des institutions représentant le mouvement syndical, les membres de ces institutions ne sont ni élus, ni ratifiés ; quand il y a des élections et que les individus élus ne plaisent pas au Conseil Central ou aux pouvoirs locaux, les élections sont annulées très facilement et les élus remplacés par d'autres individus, plus dociles »''. |
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| + | [[Solomon Losovski|Lozovski]], qui avait quitté le parti, parla en tant qu'internationaliste indépendant contre la politique bolchevik dans les syndicats. |
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| + | Une résolution fut adoptée demandant ''« qu'un statut officiel garantisse les prérogatives administratives des syndicats »''. On y parlait d’ ''« étatisation des syndicats (...) dans la mesure où ses fonctions s'élargissaient toujours davantage et se fondaient avec celles de l'appareil gouvernemental d'administration et de contrôle de l'industrie »''. Le Commissaire au Travail, V. V. Shmidt, accepta que ''« les organes du Commissariat du Travail eux-mêmes puissent être construits à partir de l'appareil syndical »''. Et, pour finir, le deuxième Congrès mit en place un Exécutif, investi de l'autorité suprême entre les Congrès. Les décrets de cet Exécutif seraient ''« obligatoires pour tous les syndicats dans les affaires de leur juridiction et pour chaque membre de ces syndicats ». « La violation des décrets ou le refus de les appliquer de la part de syndicats particuliers, seront sanctionnés par leur expulsion de la famille des syndicats prolétariens »'' |
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| Le 4 décembre 1919, la 8<sup>e</sup> conférence du parti bolchévik vote les statuts des factions communistes dans les syndicats. Il s'agit de faire en sorte que les communistes appliquent les directives votées centralement en votant en bloc dans les instances syndicales. L'idée est résumé par la formule selon laquelle un communiste dans un syndicat doit être ''« d'abord un communiste, ensuite un syndicaliste »''. | | Le 4 décembre 1919, la 8<sup>e</sup> conférence du parti bolchévik vote les statuts des factions communistes dans les syndicats. Il s'agit de faire en sorte que les communistes appliquent les directives votées centralement en votant en bloc dans les instances syndicales. L'idée est résumé par la formule selon laquelle un communiste dans un syndicat doit être ''« d'abord un communiste, ensuite un syndicaliste »''. |
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| ===1920-21 : ''« Militarisation du travail »''=== | | ===1920-21 : ''« Militarisation du travail »''=== |