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Le contrôle ouvrier est même envisagé par certains bolchéviks comme un levier pour l'[[Insurrection|insurrection]] révolutionnaire. Ainsi le 23 octobre le [[Soviet_de_Moscou|Soviet de Moscou]] adopte, sur proposition des [[Comités_d'usine|comités d'usine]], le "Décret révolutionnaire n°1" : les ouvriers et les employés dans les fabriques et les usines ne peuvent être désormais embauchés ou congédiés que du consentement des comités d'usine. Dans l'esprit des bolchéviks qui proposaient cette mesure, la résistance inévitable du gouvernement entraînerait un conflit ouvert. L'[[Insurrection_d'Octobre_1917|insurrection de Petrograd]] donna une raison plus immédiate au soulèvement.
 
Le contrôle ouvrier est même envisagé par certains bolchéviks comme un levier pour l'[[Insurrection|insurrection]] révolutionnaire. Ainsi le 23 octobre le [[Soviet_de_Moscou|Soviet de Moscou]] adopte, sur proposition des [[Comités_d'usine|comités d'usine]], le "Décret révolutionnaire n°1" : les ouvriers et les employés dans les fabriques et les usines ne peuvent être désormais embauchés ou congédiés que du consentement des comités d'usine. Dans l'esprit des bolchéviks qui proposaient cette mesure, la résistance inévitable du gouvernement entraînerait un conflit ouvert. L'[[Insurrection_d'Octobre_1917|insurrection de Petrograd]] donna une raison plus immédiate au soulèvement.
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En tant que [[Communistes|communistes]], les [[bolchéviks]] défendaient que l'objectif à terme était la [[Planification_de_la_production|planification de la production]]. Mais d'octobre 1917 au printemps 1918, il n'y a pas encore de nationalisations généralisées, au nom du fait que l'économie russe est arriérée, et qu'il vaut mieux trouver des compromis avec certains capitalistes. Beaucoup de nationalisations vont avoir lieu très vite sur l’initiative de comités d'usines. De fait, en janvier 1918 le [[Conseil suprême de l'économie nationale|Vesenkha]] déclara qu'aucune nationalisation ne devait intervenir sans son autorisation explicite, et ajoute en avril que toute entreprise nationalisée sans son autorisation ne recevrait pas de financement. Selon [[Voline]] : ''« Les anarchistes rejetaient le mot d'ordre vague, douteux, de « contrôle de la production ». Ils prêchaient l'expropriation progressive mais immédiate — de l'industrie privée par des organismes de production collective »''<ref>Voline La Révolution inconnue Paris, 1947, rééd. P. Belfond, Paris, 1970</ref>.
 
===Contrôle ouvrier et gestion ouvrière dans la jeune URSS===
 
===Contrôle ouvrier et gestion ouvrière dans la jeune URSS===
    
Déjà avant 1917, des débats ont lieu dans les [[Comités_d'usine|comités d'usine]] entre [[Bolchéviks|bolchéviks]] (qui défendent le contrôle ouvrier) et certains [[Anarchistes_russes|anarchistes]] qui avancent la [[Autogestion|gestion directe]]. Entre septembre et octobre, dans quelques usines les comités prirent effectivement la direction, face à des patrons qui tentaient de cesser l'activité.
 
Déjà avant 1917, des débats ont lieu dans les [[Comités_d'usine|comités d'usine]] entre [[Bolchéviks|bolchéviks]] (qui défendent le contrôle ouvrier) et certains [[Anarchistes_russes|anarchistes]] qui avancent la [[Autogestion|gestion directe]]. Entre septembre et octobre, dans quelques usines les comités prirent effectivement la direction, face à des patrons qui tentaient de cesser l'activité.
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Le [[Décret_sur_le_contrôle_ouvrier|''décret sur le contrôle ouvrier'']] fut le troisième publié par le nouveau pouvoir soviétique, juste après [[Insurrection_d'Octobre_1917|l'insurrection]]. La première proposition de Lénine laisse une assez grande place à l'autogestion, mais d'autres dirigeants bolchéviks veulent déjà la limiter fortement au profit du pouvoir de commissaires du gouvernement, au nom de l'efficacité. Lors du débat, il est proposé de n’introduire le contrôle ouvrier que dans les grandes usines et fabriques ou dans les chemins de fer. Plusieurs auteurs, comme l'historien Marc Ferro, ont fait remarquer que si ce décret semble s'appuyer sur la vitalité des <span class="mw-redirect">comités d'usine</span>, il marquerait plutôt un tournant centralisateur, limitant fortement les prérogatives des comités. En terme de représentation, le nombre de membres du bureau du conseil pan-russe des comités d'usine (créé par ce décret) est fixé d'avance à 5, alors que pour les syndicats la délégation est établie en fonction de leur nombre.
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Le [[Décret_sur_le_contrôle_ouvrier|''décret sur le contrôle ouvrier'']] fut le troisième publié par le nouveau pouvoir soviétique, juste après [[Insurrection_d'Octobre_1917|l'insurrection]]. La première proposition de Lénine laisse une assez grande place à l'autogestion, mais d'autres dirigeants bolchéviks veulent déjà la limiter fortement au profit du pouvoir de commissaires du gouvernement, au nom de l'efficacité. Lors du débat, il est proposé de n’introduire le contrôle ouvrier que dans les grandes usines et fabriques ou dans les chemins de fer. Plusieurs auteurs, comme l'historien [[Marc Ferro]], ont fait remarquer que si ce décret semble s'appuyer sur la vitalité des <span class="mw-redirect">comités d'usine</span>, il marquerait plutôt un tournant centralisateur, limitant fortement les prérogatives des comités. En terme de représentation, le nombre de membres du bureau du conseil pan-russe des comités d'usine (créé par ce décret) est fixé d'avance à 5, alors que pour les syndicats la délégation est établie en fonction de leur nombre.
    
Le nouveau pouvoir bolchévik - SR de gauche tente de normaliser la sphère gouvernementale. Un  soviet d'employés  avait  pris  le  contrôle  du  Commissariat  du  Peuple  des  Postes  et  Télégraphes  et  un  autre s'était  établi  dans  l'Amirauté.  Le  9  novembre ([[a.s]]),  le  commissaire  du  peuple  du  Ministère  (sic)  des Postes et Télégraphes, lançait un appel  qui  concluait  ainsi  :  ''«  je  déclare  qu'aucun  soi-disant  groupe d'initiative ou comité pour l'administration des Postes et Télégraphes ne peut usurper des fonctions qui  sont  celles  du  pouvoir  central,  et  celles  qui  m'appartiennent  en  tant  que  Commissaire  du Peuple »''.
 
Le nouveau pouvoir bolchévik - SR de gauche tente de normaliser la sphère gouvernementale. Un  soviet d'employés  avait  pris  le  contrôle  du  Commissariat  du  Peuple  des  Postes  et  Télégraphes  et  un  autre s'était  établi  dans  l'Amirauté.  Le  9  novembre ([[a.s]]),  le  commissaire  du  peuple  du  Ministère  (sic)  des Postes et Télégraphes, lançait un appel  qui  concluait  ainsi  :  ''«  je  déclare  qu'aucun  soi-disant  groupe d'initiative ou comité pour l'administration des Postes et Télégraphes ne peut usurper des fonctions qui  sont  celles  du  pouvoir  central,  et  celles  qui  m'appartiennent  en  tant  que  Commissaire  du Peuple »''.
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Début décembre, les comités d'usine publient un ''Manuel Pratique pour l’exécution du contrôle ouvrier dans l’industrie'' , initiative qui déplaît aux dirigeants bolcheviks. Le 13 décembre, les ''[[Izvestia|Izvestia]]'' publient les ''Instructions sur le contrôle ouvrier'', connues sous le nom de ''«&nbsp;Contre-manuel&nbsp;»''. Cependant globalement les ouvriers n'eurent pas de sentiment de dépossession à ce moment-là. L'antagonisme avec les anciens patrons était le plus fort (d'autant plus que cet antagonisme est avivé par le déclenchement de la [[Guerre_civile_russe|guerre civile]]), et a occulté la question de l'[[Autogestion|autogestion]] ou de la gestion centrale par l'Etat, considéré comme ''«&nbsp;[[Etat_ouvrier|ouvrier]]&nbsp;»''.
 
Début décembre, les comités d'usine publient un ''Manuel Pratique pour l’exécution du contrôle ouvrier dans l’industrie'' , initiative qui déplaît aux dirigeants bolcheviks. Le 13 décembre, les ''[[Izvestia|Izvestia]]'' publient les ''Instructions sur le contrôle ouvrier'', connues sous le nom de ''«&nbsp;Contre-manuel&nbsp;»''. Cependant globalement les ouvriers n'eurent pas de sentiment de dépossession à ce moment-là. L'antagonisme avec les anciens patrons était le plus fort (d'autant plus que cet antagonisme est avivé par le déclenchement de la [[Guerre_civile_russe|guerre civile]]), et a occulté la question de l'[[Autogestion|autogestion]] ou de la gestion centrale par l'Etat, considéré comme ''«&nbsp;[[Etat_ouvrier|ouvrier]]&nbsp;»''.
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Dans les premières années suivant la [[Révolution_d'octobre|Révolution d'octobre]], la question du contrôle ouvrier dans les entreprises fut au coeur de profonds débats et clivages dans le [[Parti_bolchévik|parti bolchévik]].
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Dans les premières années suivant la [[Révolution_d'octobre|Révolution d'octobre]], la question du contrôle ouvrier dans les entreprises fut au cœur de profonds débats et clivages dans le [[Parti_bolchévik|parti bolchévik]].
 
<blockquote>''«&nbsp;De 1917 à 1921, le problème de la gestion de l'industrie devint le baromètre le plus sensible de l'affrontement des conceptions sur la création d'un nouvel ordre social... Ce fut de tous les sujets de conflit réel entre les factions communistes, le plus constant et le plus explosif.&nbsp;»''<ref>R. V. Daniels, ''The conscience of the revolution'', Harvard University Press, 1960, p. 81.</ref></blockquote>  
 
<blockquote>''«&nbsp;De 1917 à 1921, le problème de la gestion de l'industrie devint le baromètre le plus sensible de l'affrontement des conceptions sur la création d'un nouvel ordre social... Ce fut de tous les sujets de conflit réel entre les factions communistes, le plus constant et le plus explosif.&nbsp;»''<ref>R. V. Daniels, ''The conscience of the revolution'', Harvard University Press, 1960, p. 81.</ref></blockquote>  
En 1918 le bolchevik [[Ivan_Skvortsov-Stepanov|Stepanov]] publie une brochure intitulée ''Du contrôle ouvrier à la gestion ouvrière de l’industrie et de l’agriculture''.
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Une critique récurrente que faisaient les dirigeants bolchéviks aux comités d'usine étaient qu'ils étaient trop localistes et anarchisants. Ainsi le bolchevik [[Ivan_Skvortsov-Stepanov|Stepanov]] publie en 1918 une brochure intitulée ''Du contrôle ouvrier à la gestion ouvrière de l’industrie et de l’agriculture'', dans laquelle il écrit :  ''« Au  lieu  d'une  rapide  normalisation  de  toute  la  production  et  de  la distribution, au lieu de mesures qui auraient constitué une approche vers une organisation socialiste de la  société,  nous  trouvons  une  pratique  qui  rappelle  les  rêves  anarchistes  des  communes  productives autonomes  ».''
    
Le premier congrès pan-russe des [[Syndicats_en_Russie|syndicats]] se réunit les 7-11 janvier 1918, avec des délégués [[Bolcheviks|bolcheviks]], [[Mencheviks|mencheviks]] et [[Parti_SR|SR]]. Il adopte un texte qui revient largement sur la logique du décret sur le contrôle ouvrier. Il est affirmé que ''«&nbsp;pour que le contrôle ouvrier puisse apporter le maximum d’avantages au prolétariat, il est nécessaire de rejeter une fois pour toutes toute idée d’éparpiller ce contrôle en donnant aux ouvriers des entreprises le droit de prendre des décisions ayant valeur opératoire sur des questions qui affectent la vie même de leur entreprise&nbsp;»''. Les comités d’usine doivent opérer sur ''«&nbsp;la base d’un plan général formulé par les instances supérieures du contrôle ouvrier et les organes qui décident de l’organisation de l’économie&nbsp;»''. Enfin, il faut rendre ''«&nbsp;clair à leurs délégués le fait que le contrôle ne signifie pas le transfert de l’entreprise aux ouvriers, le contrôle ouvrier n’étant que le premier pas vers la socialisation&nbsp;».''
 
Le premier congrès pan-russe des [[Syndicats_en_Russie|syndicats]] se réunit les 7-11 janvier 1918, avec des délégués [[Bolcheviks|bolcheviks]], [[Mencheviks|mencheviks]] et [[Parti_SR|SR]]. Il adopte un texte qui revient largement sur la logique du décret sur le contrôle ouvrier. Il est affirmé que ''«&nbsp;pour que le contrôle ouvrier puisse apporter le maximum d’avantages au prolétariat, il est nécessaire de rejeter une fois pour toutes toute idée d’éparpiller ce contrôle en donnant aux ouvriers des entreprises le droit de prendre des décisions ayant valeur opératoire sur des questions qui affectent la vie même de leur entreprise&nbsp;»''. Les comités d’usine doivent opérer sur ''«&nbsp;la base d’un plan général formulé par les instances supérieures du contrôle ouvrier et les organes qui décident de l’organisation de l’économie&nbsp;»''. Enfin, il faut rendre ''«&nbsp;clair à leurs délégués le fait que le contrôle ne signifie pas le transfert de l’entreprise aux ouvriers, le contrôle ouvrier n’étant que le premier pas vers la socialisation&nbsp;».''

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