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En dépit de la guerre polono-ukrainienne en Galicie, cette République populaire d'Ukraine occidentale se maintint à l'est du territoire. Le 1<sup>er</sup> décembre 1918, ses représentants concluent un accord avec le Directoire de la République populaire ukrainienne, qui débouche sur une proclamation d'unification le 22 janvier 1919. (Mais l'union ne fut pas pleinement établie : les organismes gouvernementaux de la RPUO continuèrent de fonctionner séparément.)
 
En dépit de la guerre polono-ukrainienne en Galicie, cette République populaire d'Ukraine occidentale se maintint à l'est du territoire. Le 1<sup>er</sup> décembre 1918, ses représentants concluent un accord avec le Directoire de la République populaire ukrainienne, qui débouche sur une proclamation d'unification le 22 janvier 1919. (Mais l'union ne fut pas pleinement établie : les organismes gouvernementaux de la RPUO continuèrent de fonctionner séparément.)
 
[[Fichier:Ukraine-janvier-1919.jpg|centré]]
 
[[Fichier:Ukraine-janvier-1919.jpg|centré]]
Mais la question nationale ne fait pas tout, et en raison notamment des revendications paysannes insatisfaites, les masses perdent rapidement confiance dans Petlioura, qui devient un dictateur militaire. L’extrême gauche des [[Parti ukrainien des socialistes-révolutionnaires|SR ukrainiens]], dite ''borotbiste'', de plus en plus pro-communiste, affirme son influence idéologique parmi les masses.<ref group="Borotbistes">Ivan V Majstrenko, Borotʹbism. A chapter in the history of Ukrainian Communism,  Research Program on the USSR, New York 1954 (ou Soviet and post-Soviet politics and society, Vol. 61, Stuttgart Ibidem-Verl. 2007)</ref>
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Mais la question nationale ne fait pas tout, et en raison notamment des revendications paysannes insatisfaites, les masses perdent rapidement confiance dans Petlioura, qui devient un dictateur militaire. L’extrême gauche des [[Parti ukrainien des socialistes-révolutionnaires|SR ukrainiens]], dite ''borotbiste'', de plus en plus pro-communiste, affirme son influence idéologique parmi les masses.<ref group="BO">Ivan V Majstrenko, Borotʹbism. A chapter in the history of Ukrainian Communism,  Research Program on the USSR, New York 1954 (ou Soviet and post-Soviet politics and society, Vol. 61, Stuttgart Ibidem-Verl. 2007)</ref>
    
Durant l’année 1919, l’Ukraine fut secouée par de multiples pogroms contre les Juifs.
 
Durant l’année 1919, l’Ukraine fut secouée par de multiples pogroms contre les Juifs.
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La démocratie soviétique semble également avoir été très limitée, alors que le mot d'ordre « [[Tout le pouvoir aux soviets|tout le pouvoir aux soviets]] » était extrêmement populaire. ''« L’existence des soviets n’est autorisée que dans quelques grandes villes, mais même là leur rôle n’est que strictement consultatif. »''<ref name=":1" />  
 
La démocratie soviétique semble également avoir été très limitée, alors que le mot d'ordre « [[Tout le pouvoir aux soviets|tout le pouvoir aux soviets]] » était extrêmement populaire. ''« L’existence des soviets n’est autorisée que dans quelques grandes villes, mais même là leur rôle n’est que strictement consultatif. »''<ref name=":1" />  
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Les bolchéviks ont procédé à une russification linguistique et réprimé comme nationalistes ceux qui mettaient en avant la langue et la culture ukrainienne. Après coup, [[Skrypnyk]] établira une liste d’environ 200 ordonnances interdisant l’utilisation de la langue ukrainienne émises sous le gouvernement Rakovski par ''« divers pseudo spécialistes, bureaucrates soviétiques, pseudo communistes »''<ref name=":2">M. Skrypnyk, « Statti i promovy z natsionalnoho pytannia », Soutchasnist’, München 1974</ref>. Dans une lettre à Lénine, les communistes-borotbistes caractériseront la politique de ce gouvernement comme celle ''« d’expansion d’un impérialisme rouge (nationalisme russe) »'' donnant l’impression que ''« le pouvoir soviétique en Ukraine était tombé dans les mains des [[Cent-Noirs]] expérimentés en train de préparer une contre-révolution »''<ref group="Borotbistes">F. Silycky, « Lenin i borot’bisty », Novyi Journal n°118, 1975, pp. 230-231.</ref>.
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Les bolchéviks ont procédé à une russification linguistique et réprimé comme nationalistes ceux qui mettaient en avant la langue et la culture ukrainienne. Après coup, [[Skrypnyk]] établira une liste d’environ 200 ordonnances interdisant l’utilisation de la langue ukrainienne émises sous le gouvernement Rakovski par ''« divers pseudo spécialistes, bureaucrates soviétiques, pseudo communistes »''<ref name=":2">M. Skrypnyk, « Statti i promovy z natsionalnoho pytannia », Soutchasnist’, München 1974</ref>. Dans une lettre à Lénine, les communistes-borotbistes caractériseront la politique de ce gouvernement comme celle ''« d’expansion d’un impérialisme rouge (nationalisme russe) »'' donnant l’impression que ''« le pouvoir soviétique en Ukraine était tombé dans les mains des [[Cent-Noirs]] expérimentés en train de préparer une contre-révolution »''<ref group="BO">F. Silycky, « Lenin i borot’bisty », Novyi Journal n°118, 1975, pp. 230-231.</ref>.
    
===Réactions anti-russes===
 
===Réactions anti-russes===
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[[Skrypnyk]] écrivait en juillet 1920 : ''« Notre tragédie en Ukraine consiste justement dans le fait que pour gagner la paysannerie et le prolétariat rural, une population de nationalité ukrainienne, nous devrions faire appel au soutien et aux forces d’une classe ouvrière russe ou russifiée réagissant avec répugnance même à la plus petite expression de la langue et de la culture ukrainienne. »''<ref name=":2" />
 
[[Skrypnyk]] écrivait en juillet 1920 : ''« Notre tragédie en Ukraine consiste justement dans le fait que pour gagner la paysannerie et le prolétariat rural, une population de nationalité ukrainienne, nous devrions faire appel au soutien et aux forces d’une classe ouvrière russe ou russifiée réagissant avec répugnance même à la plus petite expression de la langue et de la culture ukrainienne. »''<ref name=":2" />
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Les communistes [[borotbistes]], devenus bolcheviques, poursuivaient leur combat. Un de leurs dirigeants centraux, Vassyl Ellan-Blakytny écrivit alors : <blockquote>''« En se fondant sur les liens ethniques de la majorité du prolétariat urbain d’Ukraine avec le prolétariat, le semi-prolétariat et la petite-bourgeoisie de Russie et en tirant argument de la faiblesse du prolétariat industriel en Ukraine, une tendance que nous appelons colonisatrice revendique la construction du système économique dans le cadre intégré de la République russe, celui de l’ancien empire restauré auquel appartient l’Ukraine. Cette tendance poursuit la subordination totale du PC(b) d’Ukraine au parti russe et vise plus généralement à la dilution de toutes les jeunes forces prolétariennes des nations sans histoire dans la section nationale russe du Komintern. (...) En Ukraine, la force dirigeante naturelle de cette tendance est un secteur du prolétariat urbain et industriel qui n’a pas assimilé la réalité ukrainienne. Mais, au-delà et avant tout, ce qui constitue sa force, c’est la masse de la petite bourgeoisie urbaine russifiée qui a toujours été le soutien principal de la domination de la bourgeoisie russe en Ukraine. (...) La politique colonisatrice de grande puissance qui domine aujourd’hui en Ukraine est profondément préjudiciable à la révolution communiste. En ignorant les aspirations nationales, naturelles et légitimes, des masses laborieuses ukrainiennes hier opprimées, elle est entièrement réactionnaire et contre-révolutionnaire en tant qu’expression d’un vieux, mais toujours vivant, chauvinisme impérialiste grand-russe »''<ref>Cité par Popov, 1929</ref></blockquote>Entre-temps, l’extrême gauche social-démocrate formait un nouveau [[Parti communiste ukrainien (oukapiste)|Parti communiste ukrainien]] (dit « oukapiste »), pour continuer à revendiquer l’indépendance nationale et pour accueillir en son sein les éléments du borotbisme qui refusaient l’adhésion au bolchevisme. Issu de la tradition théorique de la social-démocratie allemande, ce nouveau parti était sur ce terrain beaucoup plus fort que le borotbisme, d’origine populiste, où on maîtrisait mieux l’art de la poésie que la science de l’économie politique. Mais il était moins lié aux masses<ref group="Borotbistes">J. E. Mace, Communism and the Dilemmas of National Liberation : National Communism in Soviet Ukraine, 1918-1933, Harvard University Press, Cambridge, 1983.</ref>. Masses qui, par ailleurs, étaient de plus en plus épuisées par cette révolution. Les [[oukapistes]] analysaient ainsi la situation, du point de vue de la nation et de la classe :<blockquote>''« Le fait que des dirigeants de la révolution prolétarienne en Ukraine s’appuient sur les couches supérieures, russes et russifiées, du prolétariat du pays et ignorent la dynamique de la révolution ukrainienne, ne leur permet pas de se défaire du préjugé de la Russie une et indivisible qui inonde toute la Russie soviétique. Une telle attitude conduit à la crise de la révolution ukrainienne, coupe le pouvoir soviétique des masses, aggrave la lutte nationale, pousse une masse considérable de travailleurs dans les bras de la petite bourgeoisie nationaliste ukrainienne et freine la différenciation entre le prolétariat et la petite bourgeoisie. »''<ref group="Borotbistes">Le mémorandum du PC ukrainien adressé au 2<sup>e</sup> congrès de l’Internationale communiste (été 1920), in Oukraiins’ka souspilno-politychna doumka v 20 stolitti : Dokumenty i materialy, vol. 1, Soutchasnist’, New York 1938, p. 456.</ref></blockquote>Ils reprenaient même ouvertement la notion de [[Révolution permanente|révolution permanente]] :<blockquote>''« Le prolétariat international a pour tâche d’attirer à la révolution communiste et à la construction d’une nouvelle société non seulement les pays capitalistes avancés mais aussi les peuples retardés des pays coloniaux en profitant des révolutions nationales de ces derniers. Pour accomplir cette tâche, il faut qu’il y participe et joue le rôle dirigeant dans la perspective de la révolution permanente. Il faut qu’il empêche la bourgeoisie d’arrêter les révolutions nationales au niveau de la réalisation du mot d’ordre de libération nationale ; qu’il poursuive la lutte jusqu’à la prise du pouvoir et à l’instauration de la dictature du prolétariat ; et qu’il conduise jusqu’au bout la révolution démocratique bourgeoise en constituant des États nationaux destinés à rejoindre le réseau international de l’union émergente des Républiques soviétiques. »'' Ceux-ci doivent s’appuyer ''« sur les forces du prolétariat national et sur les masses laborieuses du pays ainsi que sur l’aide mutuelle de tous les détachements de la révolution mondiale »''</blockquote>Après avoir réussi à repousser les troupes polonaises hors d'Ukraine, l'Armée rouge tente de poursuivre jusqu'à Varsovie, suite à la décision de la direction bolchévique, dont Lénine. Or, cela se termine en échec, les Polonais repoussant les Russes et se radicalisant dans l'antibolchévisme. Résultat, les bolchéviks doivent céder plus d’un cinquième du territoire ukrainien à la Pologne.
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Les communistes [[borotbistes]], devenus bolcheviques, poursuivaient leur combat. Un de leurs dirigeants centraux, Vassyl Ellan-Blakytny écrivit alors : <blockquote>''« En se fondant sur les liens ethniques de la majorité du prolétariat urbain d’Ukraine avec le prolétariat, le semi-prolétariat et la petite-bourgeoisie de Russie et en tirant argument de la faiblesse du prolétariat industriel en Ukraine, une tendance que nous appelons colonisatrice revendique la construction du système économique dans le cadre intégré de la République russe, celui de l’ancien empire restauré auquel appartient l’Ukraine. Cette tendance poursuit la subordination totale du PC(b) d’Ukraine au parti russe et vise plus généralement à la dilution de toutes les jeunes forces prolétariennes des nations sans histoire dans la section nationale russe du Komintern. (...) En Ukraine, la force dirigeante naturelle de cette tendance est un secteur du prolétariat urbain et industriel qui n’a pas assimilé la réalité ukrainienne. Mais, au-delà et avant tout, ce qui constitue sa force, c’est la masse de la petite bourgeoisie urbaine russifiée qui a toujours été le soutien principal de la domination de la bourgeoisie russe en Ukraine. (...) La politique colonisatrice de grande puissance qui domine aujourd’hui en Ukraine est profondément préjudiciable à la révolution communiste. En ignorant les aspirations nationales, naturelles et légitimes, des masses laborieuses ukrainiennes hier opprimées, elle est entièrement réactionnaire et contre-révolutionnaire en tant qu’expression d’un vieux, mais toujours vivant, chauvinisme impérialiste grand-russe »''<ref>Cité par Popov, 1929</ref></blockquote>Entre-temps, l’extrême gauche social-démocrate formait un nouveau [[Parti communiste ukrainien (oukapiste)|Parti communiste ukrainien]] (dit « oukapiste »), pour continuer à revendiquer l’indépendance nationale et pour accueillir en son sein les éléments du borotbisme qui refusaient l’adhésion au bolchevisme. Issu de la tradition théorique de la social-démocratie allemande, ce nouveau parti était sur ce terrain beaucoup plus fort que le borotbisme, d’origine populiste, où on maîtrisait mieux l’art de la poésie que la science de l’économie politique. Mais il était moins lié aux masses<ref group="BO">J. E. Mace, Communism and the Dilemmas of National Liberation : National Communism in Soviet Ukraine, 1918-1933, Harvard University Press, Cambridge, 1983.</ref>. Masses qui, par ailleurs, étaient de plus en plus épuisées par cette révolution. Les [[oukapistes]] analysaient ainsi la situation, du point de vue de la nation et de la classe :<blockquote>''« Le fait que des dirigeants de la révolution prolétarienne en Ukraine s’appuient sur les couches supérieures, russes et russifiées, du prolétariat du pays et ignorent la dynamique de la révolution ukrainienne, ne leur permet pas de se défaire du préjugé de la Russie une et indivisible qui inonde toute la Russie soviétique. Une telle attitude conduit à la crise de la révolution ukrainienne, coupe le pouvoir soviétique des masses, aggrave la lutte nationale, pousse une masse considérable de travailleurs dans les bras de la petite bourgeoisie nationaliste ukrainienne et freine la différenciation entre le prolétariat et la petite bourgeoisie. »''<ref group="BO">Le mémorandum du PC ukrainien adressé au 2<sup>e</sup> congrès de l’Internationale communiste (été 1920), in Oukraiins’ka souspilno-politychna doumka v 20 stolitti : Dokumenty i materialy, vol. 1, Soutchasnist’, New York 1938, p. 456.</ref></blockquote>Ils reprenaient même ouvertement la notion de [[Révolution permanente|révolution permanente]] :<blockquote>''« Le prolétariat international a pour tâche d’attirer à la révolution communiste et à la construction d’une nouvelle société non seulement les pays capitalistes avancés mais aussi les peuples retardés des pays coloniaux en profitant des révolutions nationales de ces derniers. Pour accomplir cette tâche, il faut qu’il y participe et joue le rôle dirigeant dans la perspective de la révolution permanente. Il faut qu’il empêche la bourgeoisie d’arrêter les révolutions nationales au niveau de la réalisation du mot d’ordre de libération nationale ; qu’il poursuive la lutte jusqu’à la prise du pouvoir et à l’instauration de la dictature du prolétariat ; et qu’il conduise jusqu’au bout la révolution démocratique bourgeoise en constituant des États nationaux destinés à rejoindre le réseau international de l’union émergente des Républiques soviétiques. »'' Ceux-ci doivent s’appuyer ''« sur les forces du prolétariat national et sur les masses laborieuses du pays ainsi que sur l’aide mutuelle de tous les détachements de la révolution mondiale »''</blockquote>Après avoir réussi à repousser les troupes polonaises hors d'Ukraine, l'Armée rouge tente de poursuivre jusqu'à Varsovie, suite à la décision de la direction bolchévique, dont Lénine. Or, cela se termine en échec, les Polonais repoussant les Russes et se radicalisant dans l'antibolchévisme. Résultat, les bolchéviks doivent céder plus d’un cinquième du territoire ukrainien à la Pologne.
    
La promesse faite par la direction bolchevique lors de l’offensive contre Dénikine, de convoquer un congrès constituant des soviets d’Ukraine censé se prononcer sur l'indépendance ou non, n’a jamais été réalisée.
 
La promesse faite par la direction bolchevique lors de l’offensive contre Dénikine, de convoquer un congrès constituant des soviets d’Ukraine censé se prononcer sur l'indépendance ou non, n’a jamais été réalisée.
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===Sur les borotbistes et les oukapistes===
 
===Sur les borotbistes et les oukapistes===
<references group="Borotbistes" />
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===Sur l'implantation bolchévique en Ukraine===
 
===Sur l'implantation bolchévique en Ukraine===

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