Modifications

Aller à la navigation Aller à la recherche
3 683 octets ajoutés ,  16 septembre 2019 à 23:31
aucun résumé des modifications
Ligne 2 : Ligne 2 :  
La '''[[Question_nationale|question nationale]] en Russie''' est un enjeu politique important du fait de la présence de nombreuses minorités ethniques au sein de la Russie et au sein de l'ancien [[Tsarisme|Empire tsariste]] et de l'[[URSS|URSS]]. Les [[POSDR|social-démocrates russes]] ont essayé d'y apporter chacun leurs réponses, et les luttes des minorités nationales en 1917 ont joué un rôle dans la [[Révolution_d'Octobre|révolution d'Octobre]].
 
La '''[[Question_nationale|question nationale]] en Russie''' est un enjeu politique important du fait de la présence de nombreuses minorités ethniques au sein de la Russie et au sein de l'ancien [[Tsarisme|Empire tsariste]] et de l'[[URSS|URSS]]. Les [[POSDR|social-démocrates russes]] ont essayé d'y apporter chacun leurs réponses, et les luttes des minorités nationales en 1917 ont joué un rôle dans la [[Révolution_d'Octobre|révolution d'Octobre]].
   −
== Premiers débats dans la social-démocratie ==
+
==Premiers débats dans la social-démocratie==
    
La [[Social-démocratie|social-démocratie]] du début du 20<sup>e</sup> siècle affirmait lutter contre l'oppression des [[Minorités_nationales|minorités nationales]], dans la continuité des mouvements démocrates du 19<sup>e</sup> siècle. Trotsky témoigne par exemple du rôle de la question nationale dans sa politisation&nbsp;: ''«&nbsp;Les hypocrites canailleries du professeur d'histoire à l'égard des Polonais, la méchanceté chicanière de Burnand [professeur français] à l'égard des Allemands, et les hochements de tête du petit pope parlant des "petits juifs" m'étaient également sensibles. L'inégalité des droits nationaux fut, probablement, une des causes cachées qui m'amenèrent à détester le régime.&nbsp;»<ref>Léon Trotsky, ''[https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/mavie/mv07.htm Ma vie, 5. La campagne et la ville]'', 1930</ref>''
 
La [[Social-démocratie|social-démocratie]] du début du 20<sup>e</sup> siècle affirmait lutter contre l'oppression des [[Minorités_nationales|minorités nationales]], dans la continuité des mouvements démocrates du 19<sup>e</sup> siècle. Trotsky témoigne par exemple du rôle de la question nationale dans sa politisation&nbsp;: ''«&nbsp;Les hypocrites canailleries du professeur d'histoire à l'égard des Polonais, la méchanceté chicanière de Burnand [professeur français] à l'égard des Allemands, et les hochements de tête du petit pope parlant des "petits juifs" m'étaient également sensibles. L'inégalité des droits nationaux fut, probablement, une des causes cachées qui m'amenèrent à détester le régime.&nbsp;»<ref>Léon Trotsky, ''[https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/mavie/mv07.htm Ma vie, 5. La campagne et la ville]'', 1930</ref>''
Ligne 18 : Ligne 18 :  
Trotsky souligne en même temps que l'opposition bolchévique à l'oppression centraliste de l'Etat ne signifiait pas que le parti abandonnait le centralisme volontaire et démocratique des ouvriers&nbsp;:
 
Trotsky souligne en même temps que l'opposition bolchévique à l'oppression centraliste de l'Etat ne signifiait pas que le parti abandonnait le centralisme volontaire et démocratique des ouvriers&nbsp;:
 
<blockquote>''«&nbsp;Déniant nettement à l’Etat bourgeois le droit d’imposer à une minorité nationale une résidence forcée ou bien même une langue officielle, le bolchevisme estimait en même temps que sa tâche vraiment sacrée était de lier, le plus étroitement possible, au moyen d’une discipline de classe volontaire, les travailleurs de différentes nationalités, en un seul tout. Ainsi il repoussait purement et simplement le principe nationalo-fédératif de la structure du parti. Une organisation révolutionnaire n’est pas le prototype de l’Etat futur, elle n’est qu’un instrument pour le créer. L’instrument doit être adéquat pour la fabrication du produit, mais ne doit nullement se l’assimiler. C’est seulement une organisation centraliste qui peut assurer le succès de la lutte révolutionnaire - même quand il s’agit de détruire l’oppression centraliste sur les nations.&nbsp;»<ref name="HRR40" />''</blockquote>  
 
<blockquote>''«&nbsp;Déniant nettement à l’Etat bourgeois le droit d’imposer à une minorité nationale une résidence forcée ou bien même une langue officielle, le bolchevisme estimait en même temps que sa tâche vraiment sacrée était de lier, le plus étroitement possible, au moyen d’une discipline de classe volontaire, les travailleurs de différentes nationalités, en un seul tout. Ainsi il repoussait purement et simplement le principe nationalo-fédératif de la structure du parti. Une organisation révolutionnaire n’est pas le prototype de l’Etat futur, elle n’est qu’un instrument pour le créer. L’instrument doit être adéquat pour la fabrication du produit, mais ne doit nullement se l’assimiler. C’est seulement une organisation centraliste qui peut assurer le succès de la lutte révolutionnaire - même quand il s’agit de détruire l’oppression centraliste sur les nations.&nbsp;»<ref name="HRR40" />''</blockquote>  
== La révolution de 1917 ==
+
==La révolution de 1917==
   −
=== Soulèvements ===
+
===Soulèvements===
    
Dans les régions avec de fortes minorités nationales, les institutions de classe comme les soviets manquaient souvent de légitimité et avaient une tendance à être dominées par les russes. Par exemple en Ukraine, la Rada (parlement) avait une forte base populaire (interclassiste) tandis que le Soviet regroupait des socialistes appartenant presque uniquement à la minorité russe. Les Grand-russes avaient tendance à être excluants vis-à-vis des militants portant des revendications nationales, les traitant de [[Réactionnaires|réactionnaires]].
 
Dans les régions avec de fortes minorités nationales, les institutions de classe comme les soviets manquaient souvent de légitimité et avaient une tendance à être dominées par les russes. Par exemple en Ukraine, la Rada (parlement) avait une forte base populaire (interclassiste) tandis que le Soviet regroupait des socialistes appartenant presque uniquement à la minorité russe. Les Grand-russes avaient tendance à être excluants vis-à-vis des militants portant des revendications nationales, les traitant de [[Réactionnaires|réactionnaires]].
Ligne 32 : Ligne 32 :  
A la fin de l’été lorsque, à l’initiative d’Ukrainiens, un Congrès des Nationalités de Russie se tint à Kiev. Y participèrent les délégués de 13 nations&nbsp;: 6 Biélorusses, 2 Géorgiens, 4 Estoniens, 10 Juifs, 11 Kazakhs, 10 Lettons, 9 Lituaniens, 10 Tatars, 6 Polonais, 6 Roumains de Bessarabie, 5 Turcs, 9 Ukrainiens, et les représentants du gouvernement de Petrograd. Parallèlement, 15 partis socialistes représentant les mêmes communautés nationales avec, en plus, le [[Fédération_révolutionnaire_arménienne|Dashnak arménien]], le parti nationaliste ossète, le [[Poale-Zion|Poale-Zion]] et le parti socialiste musulman se réunissaient pour définir les normes d’une politique des nationalités dans l’ex-Empire. La motion finale du Congrès se prononçait en faveur de l’élection non d’une seule [[Assemblée_constituante_(Russie)|assemblée constituante]], comme y invitaient les partis nationaux [[Parti_SR|SR]], mais d’une assemblée constituante pour chaque communauté nationale, chacune décidant ensuite de la sécession ou du rattachement à un Etat ou une fédération.
 
A la fin de l’été lorsque, à l’initiative d’Ukrainiens, un Congrès des Nationalités de Russie se tint à Kiev. Y participèrent les délégués de 13 nations&nbsp;: 6 Biélorusses, 2 Géorgiens, 4 Estoniens, 10 Juifs, 11 Kazakhs, 10 Lettons, 9 Lituaniens, 10 Tatars, 6 Polonais, 6 Roumains de Bessarabie, 5 Turcs, 9 Ukrainiens, et les représentants du gouvernement de Petrograd. Parallèlement, 15 partis socialistes représentant les mêmes communautés nationales avec, en plus, le [[Fédération_révolutionnaire_arménienne|Dashnak arménien]], le parti nationaliste ossète, le [[Poale-Zion|Poale-Zion]] et le parti socialiste musulman se réunissaient pour définir les normes d’une politique des nationalités dans l’ex-Empire. La motion finale du Congrès se prononçait en faveur de l’élection non d’une seule [[Assemblée_constituante_(Russie)|assemblée constituante]], comme y invitaient les partis nationaux [[Parti_SR|SR]], mais d’une assemblée constituante pour chaque communauté nationale, chacune décidant ensuite de la sécession ou du rattachement à un Etat ou une fédération.
   −
=== Premières mesures soviétiques ===
+
===Premières mesures soviétiques===
    
Appliquant à la Russie elle-même ce qu’il exigeait formellement de tous les pays, le gouvernement soviétique décréta «&nbsp;''l’égalité et la souveraineté de tous les peuples de Russie''&nbsp;», c’est-à-dire le «&nbsp;''droit des peuples de Russie à disposer librement d’eux-mêmes, y compris le droit de sécession et de formation d’un État indépendant''&nbsp;», «&nbsp;''l’abolition de tout privilège et restriction de caractère national ou religieux&nbsp;''» et «&nbsp;''le libre développement des minorités nationales et groupes ethniques peuplant le territoire russe''&nbsp;».
 
Appliquant à la Russie elle-même ce qu’il exigeait formellement de tous les pays, le gouvernement soviétique décréta «&nbsp;''l’égalité et la souveraineté de tous les peuples de Russie''&nbsp;», c’est-à-dire le «&nbsp;''droit des peuples de Russie à disposer librement d’eux-mêmes, y compris le droit de sécession et de formation d’un État indépendant''&nbsp;», «&nbsp;''l’abolition de tout privilège et restriction de caractère national ou religieux&nbsp;''» et «&nbsp;''le libre développement des minorités nationales et groupes ethniques peuplant le territoire russe''&nbsp;».
Ligne 38 : Ligne 38 :  
En conséquence, la Finlande proclame son indépendance le 6 décembre 1917, l’Ukraine le 22 janvier 1918, la Pologne le 11 novembre 1918. On objecte souvent que le gouvernement soviétique a accordé l’indépendance à des peuples à peu de frais, car il n’occupait plus ces territoires du fait de l’avancée allemande. Mais, si l’indépendance (même formelle) de la plupart de ces pays a été reconnue à la fin de la guerre par les puissances impérialistes, c’est avant tout par la crainte que la frustration du sentiment national de ces peuples ne donne un nouveau souffle à la [[Vague_révolutionnaire_de_1917-1923|vague révolutionnaire qui déferle sur l’Europe]] à partir d’octobre 1917. Par ailleurs, le gouvernement soviétique supprima à l’intérieur de ses frontières toute discrimination en fonction de la nationalité ou de la religion — alors qu’à cette époque, dans bien des [[États_bourgeois|États bourgeois]], de telles restrictions étaient encore légales, y compris les restrictions pour l’accès à certains métiers pour les Juifs par exemple.
 
En conséquence, la Finlande proclame son indépendance le 6 décembre 1917, l’Ukraine le 22 janvier 1918, la Pologne le 11 novembre 1918. On objecte souvent que le gouvernement soviétique a accordé l’indépendance à des peuples à peu de frais, car il n’occupait plus ces territoires du fait de l’avancée allemande. Mais, si l’indépendance (même formelle) de la plupart de ces pays a été reconnue à la fin de la guerre par les puissances impérialistes, c’est avant tout par la crainte que la frustration du sentiment national de ces peuples ne donne un nouveau souffle à la [[Vague_révolutionnaire_de_1917-1923|vague révolutionnaire qui déferle sur l’Europe]] à partir d’octobre 1917. Par ailleurs, le gouvernement soviétique supprima à l’intérieur de ses frontières toute discrimination en fonction de la nationalité ou de la religion — alors qu’à cette époque, dans bien des [[États_bourgeois|États bourgeois]], de telles restrictions étaient encore légales, y compris les restrictions pour l’accès à certains métiers pour les Juifs par exemple.
   −
=== Evolutions ultérieures ===
+
Le 14 janvier 1918 est publiée la « Déclaration des droits du peuple travailleur et exploité », rédigée par Lénine, qui est un appel à la formation d’une fédération de républiques soviétiques, fondée sur l’alliance libre et volontaire des peuples. Cette affirmation explicite du principe fédératif est un vrai tournant par rapport aux positions antérieures des bolchéviks, qui – en dignes héritiers de la tradition jacobine – étaient hostiles au fédéralisme et favorables à un État unitaire et centralisé.
 +
 
 +
===Évolutions ultérieures===
    
Au cours des années suivant la révolution d'Octobre, 5 états indépendants furent créés, et au sein de la fédération russe 17 républiques autonomes et régions furent établies.
 
Au cours des années suivant la révolution d'Octobre, 5 états indépendants furent créés, et au sein de la fédération russe 17 républiques autonomes et régions furent établies.
Ligne 48 : Ligne 50 :  
Au fur et à mesure que le pouvoir se bureaucratise, il se russifie. Même si dans de nombreux organes soviétiques de base les minorités nationales sont bien représentées dans les régions non russes, les sommets sont de plus en plus grand-russes. En 1917, au Praesidium et au Politburo, Russes et non-Russes étaient à égalité&nbsp;; les non-Russes n’étaient plus que la moitié du nombre des Russes à la fin des années 1920.<ref>Marc Ferro, ''Des soviets au communisme bureaucratique'', 1980</ref>
 
Au fur et à mesure que le pouvoir se bureaucratise, il se russifie. Même si dans de nombreux organes soviétiques de base les minorités nationales sont bien représentées dans les régions non russes, les sommets sont de plus en plus grand-russes. En 1917, au Praesidium et au Politburo, Russes et non-Russes étaient à égalité&nbsp;; les non-Russes n’étaient plus que la moitié du nombre des Russes à la fin des années 1920.<ref>Marc Ferro, ''Des soviets au communisme bureaucratique'', 1980</ref>
   −
== Les différents mouvements ==
+
==Les différents mouvements==
   −
=== Finlande ===
+
===Finlande===
    
La Finlande faisait partie des pays les plus développés de l'[[Empire_tsariste|Empire tsariste]], et sa classe dirigeante avait réussi à obtenir une petite part d'autonomie. [[Trotsky|Trotsky]] raconte qu'en 1907, on appelait les nationalistes finnois révolutionnaire les ''«&nbsp;activistes&nbsp;»'', et que c'était des alliés des social-démocrates russes.<ref name="MaVie15">Léon Trotsky, ''[https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/mavie/mv17.htm Ma vie, 15. Jugement, déportation, évasion]'', 1930</ref>
 
La Finlande faisait partie des pays les plus développés de l'[[Empire_tsariste|Empire tsariste]], et sa classe dirigeante avait réussi à obtenir une petite part d'autonomie. [[Trotsky|Trotsky]] raconte qu'en 1907, on appelait les nationalistes finnois révolutionnaire les ''«&nbsp;activistes&nbsp;»'', et que c'était des alliés des social-démocrates russes.<ref name="MaVie15">Léon Trotsky, ''[https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/mavie/mv17.htm Ma vie, 15. Jugement, déportation, évasion]'', 1930</ref>
Ligne 64 : Ligne 66 :  
Après la [[Révolution_d'octobre|révolution d'octobre]], le pouvoir soviétique tente d'intervenir dans la guerre civile finlandaise.<span>​</span><ref>Yrjö Sirola, [https://www.marxists.org/francais/sirola/works/1920/08/finlande.htm ''La question nationale en Finlande''], 1920</ref><span>​ L</span>es nationalistes finlandais nobles et bourgeois annoncent aussitôt leur indépendance, mais sont en réalité prêts à se vassaliser devant le Reich allemand pour lui demander son aide contre la révolution attisée par les bolchéviks. Les rouges prennent bientôt Helsinki, et le gouvernement provisoire finlandais remplié à Vasaa demande l'aide des Allemands en février 1918. Ceux-ci fourniront des armes et des soldats. Les anciens ''«&nbsp;activistes&nbsp;»'' finnois ''«&nbsp;devinrent fascistes et les pires ennemis de la révolution d'Octobre&nbsp;»''.<ref name="MaVie15" />
 
Après la [[Révolution_d'octobre|révolution d'octobre]], le pouvoir soviétique tente d'intervenir dans la guerre civile finlandaise.<span>​</span><ref>Yrjö Sirola, [https://www.marxists.org/francais/sirola/works/1920/08/finlande.htm ''La question nationale en Finlande''], 1920</ref><span>​ L</span>es nationalistes finlandais nobles et bourgeois annoncent aussitôt leur indépendance, mais sont en réalité prêts à se vassaliser devant le Reich allemand pour lui demander son aide contre la révolution attisée par les bolchéviks. Les rouges prennent bientôt Helsinki, et le gouvernement provisoire finlandais remplié à Vasaa demande l'aide des Allemands en février 1918. Ceux-ci fourniront des armes et des soldats. Les anciens ''«&nbsp;activistes&nbsp;»'' finnois ''«&nbsp;devinrent fascistes et les pires ennemis de la révolution d'Octobre&nbsp;»''.<ref name="MaVie15" />
   −
=== Pologne ===
+
===Pologne===
    
La Pologne proclame son indépendance. La [[Guerre_russo-polonaise|guerre russo-polonaise]] (1919-1921) fut aussi une des conséquences de la guerre non résolues à [[Brest-Litovsk|Brest-Litovsk]].
 
La Pologne proclame son indépendance. La [[Guerre_russo-polonaise|guerre russo-polonaise]] (1919-1921) fut aussi une des conséquences de la guerre non résolues à [[Brest-Litovsk|Brest-Litovsk]].
   −
=== Ukraine ===
+
Violemment hostile aux Soviets, le régime polonais du Maréchal Pilsudski, manipulé et soutenu par l’impérialisme français, envahit l’Ukraine soviétique en avril 1920 et arrive jusqu’à Kiev. La contre-offensive de l’Armée Rouge l’oblige bientôt à battre en retraite, mais les forces soviétiques poursuivent l’envahisseur et violent la frontière polonaise, arrivant en août aux portes de Varsovie – avant d’être obligées, à leur tour, de se replier vers leur point de départ. La décision d’envahir la Pologne fut prise par la direction soviétique, sous l’impulsion de Lénine lui-même. Il ne s’agissait pas, bien entendu, d’un projet d’annexion de la Pologne, mais d’« aider » les communistes polonais à prendre le pouvoir, en établissant une république soviétique polonaise. Il n’empêche qu’il s’est agi bel et bien d’une violation évidente du principe d’autodétermination des peuples : comme l’avait répété moult fois Lénine lui-même, ce n’était pas à l’Armée Rouge d’imposer le communisme à d’autres peuples.
 +
 
 +
===Ukraine===
    
L'Ukraine était importante pour la Russie, pour son blé, pour le charbon du Donetz et le minerai de Krivol-Rog. A ce titre les bourgeois trouvaient beaucoup plus intolérables les vélléités d'indépendance de l'Ukraine que celle de la Finlande par exemple. Mais les révolutionnaires russes craignaient&nbsp;aussi l'impact d'une séparation. En avril 1917, [[Lénine|Lénine]] disait&nbsp;: ''«&nbsp;Si les Ukrainiens voient que nous avons une république des soviets, ils ne se sépareront pas&nbsp;; mais si nous avons une république de Milioukov, ils se sépareront.&nbsp;»''
 
L'Ukraine était importante pour la Russie, pour son blé, pour le charbon du Donetz et le minerai de Krivol-Rog. A ce titre les bourgeois trouvaient beaucoup plus intolérables les vélléités d'indépendance de l'Ukraine que celle de la Finlande par exemple. Mais les révolutionnaires russes craignaient&nbsp;aussi l'impact d'une séparation. En avril 1917, [[Lénine|Lénine]] disait&nbsp;: ''«&nbsp;Si les Ukrainiens voient que nous avons une république des soviets, ils ne se sépareront pas&nbsp;; mais si nous avons une république de Milioukov, ils se sépareront.&nbsp;»''
Ligne 86 : Ligne 90 :  
Bien plus tard, en 1939, Trotsky défend le droit à l'autodétermination de l'Ukraine en 1939 contre l'[[URSS|URSS]], bien qu'il considère cette dernière comme un [[Etat_ouvrier|Etat ouvrier]].<ref>Léon Trotsky, ''[https://www.marxists.org/francais/trotsky/oeuvres/1939/07/lt19390730.htm L’indépendance de l’Ukraine et les brouillons sectaires]'', 30 juillet 1939</ref>&nbsp;
 
Bien plus tard, en 1939, Trotsky défend le droit à l'autodétermination de l'Ukraine en 1939 contre l'[[URSS|URSS]], bien qu'il considère cette dernière comme un [[Etat_ouvrier|Etat ouvrier]].<ref>Léon Trotsky, ''[https://www.marxists.org/francais/trotsky/oeuvres/1939/07/lt19390730.htm L’indépendance de l’Ukraine et les brouillons sectaires]'', 30 juillet 1939</ref>&nbsp;
   −
=== Russie blanche (Biélorussie) ===
+
===Russie blanche (Biélorussie)===
    
En Russie Blanche, les propriétaires terriens étaient polonais, et le fonctionnariat était russe. Une population juive était importante dans les villes. L’influence du front proche aggrava le fardeau sur la paysannerie biélorusse, mais permit aussi de la gagner à l'influence bolchévique. Aux élections pour l’Assemblée constituante, la masse écrasante des paysans de la Russie Blanche votera pour les bolcheviks.
 
En Russie Blanche, les propriétaires terriens étaient polonais, et le fonctionnariat était russe. Une population juive était importante dans les villes. L’influence du front proche aggrava le fardeau sur la paysannerie biélorusse, mais permit aussi de la gagner à l'influence bolchévique. Aux élections pour l’Assemblée constituante, la masse écrasante des paysans de la Russie Blanche votera pour les bolcheviks.
   −
=== Pays baltes (Lettonie, Lituanie et Estonie) ===
+
===Pays baltes (Lettonie, Lituanie et Estonie)===
    
En Estonie et Lettonie, les villages ruraux étaient depuis longtemps opposés aux villes où vivaient la bourgeoisie allemande, russe et juive. Cette lutte séculaire poussa, au début de la guerre, bien des milliers de travailleurs lettons et estoniens à s’engager volontairement dans l’armée. Les régiments de chasseurs composés de journaliers et de paysans lettons comptaient parmi les meilleurs sur le front. Cependant, en mai, ils se prononçaient déjà pour le [[Tout_le_pouvoir_aux_soviets|pouvoir des soviets]].
 
En Estonie et Lettonie, les villages ruraux étaient depuis longtemps opposés aux villes où vivaient la bourgeoisie allemande, russe et juive. Cette lutte séculaire poussa, au début de la guerre, bien des milliers de travailleurs lettons et estoniens à s’engager volontairement dans l’armée. Les régiments de chasseurs composés de journaliers et de paysans lettons comptaient parmi les meilleurs sur le front. Cependant, en mai, ils se prononçaient déjà pour le [[Tout_le_pouvoir_aux_soviets|pouvoir des soviets]].
Ligne 100 : Ligne 104 :  
La Lettonie a fini par voter à 72&nbsp;% pour les bolcheviks. Les Lettons sont nombreux dans les Gardes rouges qui prennent le Palais d'Hiver, ou encore dans l'Armée rouge et la [[Tchéka|Tchéka]]. Pourtant, les [[Pays_baltes|pays baltes]] échappent au régime soviétique au cours de la guerre<ref>Marc Ferro, ''Les tabous de l'Histoire'', 2005.</ref>.
 
La Lettonie a fini par voter à 72&nbsp;% pour les bolcheviks. Les Lettons sont nombreux dans les Gardes rouges qui prennent le Palais d'Hiver, ou encore dans l'Armée rouge et la [[Tchéka|Tchéka]]. Pourtant, les [[Pays_baltes|pays baltes]] échappent au régime soviétique au cours de la guerre<ref>Marc Ferro, ''Les tabous de l'Histoire'', 2005.</ref>.
   −
=== Juifs ===
+
===Juifs===
    
{{Article détaillé|Question juive en Russie}}
 
{{Article détaillé|Question juive en Russie}}
    
Il y avait environ 4% de [[Juifs|Juifs]] dans la population de l'Empire russe au début du 20<sup>e</sup> siècle.<ref>https://web.archive.org/web/20070328175501/http://www.jewishencyclopedia.com/table.jsp?table_id=427&volid=11&title=STATISTICS</ref> Les [[Pogroms|pogroms]] contre les juifs étaient fréquents et attisés par les nobles réactionnaires et les [[Cent-Noirs|Cent-Noirs]]. Un véritable [[racisme_d'État|racisme d'État]] avait été mis en place, avec une législation spécifique pour les Juifs.
 
Il y avait environ 4% de [[Juifs|Juifs]] dans la population de l'Empire russe au début du 20<sup>e</sup> siècle.<ref>https://web.archive.org/web/20070328175501/http://www.jewishencyclopedia.com/table.jsp?table_id=427&volid=11&title=STATISTICS</ref> Les [[Pogroms|pogroms]] contre les juifs étaient fréquents et attisés par les nobles réactionnaires et les [[Cent-Noirs|Cent-Noirs]]. Un véritable [[racisme_d'État|racisme d'État]] avait été mis en place, avec une législation spécifique pour les Juifs.
 +
 +
Les organisations juives de Russie ont été nombreuses à reprendre la revendication d'[[Autonomie nationale-culturelle|autonomie nationale-culturelle]] développée par les [[austro-marxistes]]. Notamment, le [[Bund juif|Bund]] défendit cette position qui fut très majoritairement rejetée lors du congrès du POSDR de 1903. Les bolchéviks comme les menchéviks étaient bien sûr pour la suppression de toutes les lois antisémites de Russie, mais opposés à des formes d'organisations séparées dans le mouvement ouvrier et dans l'Etat (ils défendaient le droit au séparatisme territorial des minorités nationales, mais cela ne concernait pas les Juifs qui n'avaient pas territoire spécifique). Dans un texte polémique<ref>Lénine, ''[https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1913/10/vil19131000e.htm Notes critiques sur la question nationale],'' 1913</ref>, Lénine compare même l’idée bundiste d’écoles juives distinctes avec celle des écoles ségréguées pour Noirs au sud des Etats-Unis.
 +
 +
Néanmoins aux lendemains de la prise du pouvoir, les bolcheviks adoptèrent une politique inspirée dans une large mesure par l’autonomie nationale culturelle. Le yiddish obtint le statut de langue officielle en Ukraine et en Biélorussie, et des revues, bibliothèques, journaux, maisons d’éditions, théâtres, et même des centaines d’écoles en yiddish se sont développés. À Kiev fut créé un Institut universitaire juif qui rivalisait avec le célèbre YIVO de Vilnius. Bref, sous l’égide des soviets, et dans le cadre d’une politique d’autonomie culturelle, on assista à une véritable floraison culturelle yiddish – encadrée, il est vrai, par le « despotisme éclairé » de la Yevsekzia, la section juive du parti bolchevique, composée en large partie d’anciens bundistes et sionistes de gauche gagnés au communisme par la Révolution d’Octobre.
    
L'[[Antisémitisme|antisémitisme]] était très répandu dans la population, et quand les [[Soviets|soviets]] se sont constitués en 1917, ils ont eu à le combattre parmi les soldats, les ouvriers et les paysans. Parmi l'influence de masse qu'ont atteinte les [[Bolchéviks|bolchéviks]], il y avait parfois des poussées ''«&nbsp;d'antisémitisme populaire&nbsp;»'', dirigées contre les [[Menchéviks|menchéviks]], le [[Gouvernement_provisoire_(Russie)|gouvernement provisoire]]...&nbsp; Les cadres du [[Parti_bolchévik|parti bolchévik]] tentaient de combattre ce phénomène comme ils pouvaient <ref>Brendan McGeever, ''[http://alencontre.org/societe/histoire/les-bolcheviks-et-lantisemitisme.html Les Bolcheviks et l’antisémitisme]'', 19 juillet 2017</ref>, incités par des groupes juifs auto-organisés au sein du camp révolutionnaire<ref>Revue Période, ''[http://revueperiode.net/auto-organisation-des-juifs-et-bolchevisme-lantisemitisme-dans-la-revolution-russe/ Auto-organisation des juifs et bolchévisme : l’antisémitisme dans la révolution russe]'', 2016</ref>.
 
L'[[Antisémitisme|antisémitisme]] était très répandu dans la population, et quand les [[Soviets|soviets]] se sont constitués en 1917, ils ont eu à le combattre parmi les soldats, les ouvriers et les paysans. Parmi l'influence de masse qu'ont atteinte les [[Bolchéviks|bolchéviks]], il y avait parfois des poussées ''«&nbsp;d'antisémitisme populaire&nbsp;»'', dirigées contre les [[Menchéviks|menchéviks]], le [[Gouvernement_provisoire_(Russie)|gouvernement provisoire]]...&nbsp; Les cadres du [[Parti_bolchévik|parti bolchévik]] tentaient de combattre ce phénomène comme ils pouvaient <ref>Brendan McGeever, ''[http://alencontre.org/societe/histoire/les-bolcheviks-et-lantisemitisme.html Les Bolcheviks et l’antisémitisme]'', 19 juillet 2017</ref>, incités par des groupes juifs auto-organisés au sein du camp révolutionnaire<ref>Revue Période, ''[http://revueperiode.net/auto-organisation-des-juifs-et-bolchevisme-lantisemitisme-dans-la-revolution-russe/ Auto-organisation des juifs et bolchévisme : l’antisémitisme dans la révolution russe]'', 2016</ref>.
Ligne 118 : Ligne 126 :  
Un grand nombre de juifs figureront parmi les dissidents russes émigrés. Certains ont remarqué, que parmi les juifs résidant aux Etats-Unis, les juifs d'origine soviétique étaient plus racistes que la moyenne, ce qui s'expliquerait par un rejet de la politique soviétique de soutien aux tiers-mondistes et à son opposition à Israël.<ref>AntidoteZine, ''[https://antidotezine.com/2017/11/27/peculiar-racism/ On the Peculiar Racism of Soviet Émigrés]'', 27 novembre 2017</ref>
 
Un grand nombre de juifs figureront parmi les dissidents russes émigrés. Certains ont remarqué, que parmi les juifs résidant aux Etats-Unis, les juifs d'origine soviétique étaient plus racistes que la moyenne, ce qui s'expliquerait par un rejet de la politique soviétique de soutien aux tiers-mondistes et à son opposition à Israël.<ref>AntidoteZine, ''[https://antidotezine.com/2017/11/27/peculiar-racism/ On the Peculiar Racism of Soviet Émigrés]'', 27 novembre 2017</ref>
   −
=== Allemands ===
+
===Allemands===
    
Il existait d'importantes minorités allemandes dans certaines régions de l'Empire (Allemands de la Volga, notamment). Le déclenchement de la Guerre de 1914 contre l'Allemagne a déclenché une vague d'hostilité à leur encontre.
 
Il existait d'importantes minorités allemandes dans certaines régions de l'Empire (Allemands de la Volga, notamment). Le déclenchement de la Guerre de 1914 contre l'Allemagne a déclenché une vague d'hostilité à leur encontre.
Ligne 124 : Ligne 132 :  
Par ailleurs, étant donnée l'histoire des influences allemandes, ''«&nbsp;les états-majors et la Douma accusaient de germanophilie la Cour impériale&nbsp;»''. C'est d'ailleurs par [[Nationalisme|nationalisme]] que [[Saint-Petersbourg|Saint-Petersbourg]], nom allemand, fut renommée en Petrograd dès le début de la guerre. En mai 1915, la foule saccage des maisons allemandes à Moscou.
 
Par ailleurs, étant donnée l'histoire des influences allemandes, ''«&nbsp;les états-majors et la Douma accusaient de germanophilie la Cour impériale&nbsp;»''. C'est d'ailleurs par [[Nationalisme|nationalisme]] que [[Saint-Petersbourg|Saint-Petersbourg]], nom allemand, fut renommée en Petrograd dès le début de la guerre. En mai 1915, la foule saccage des maisons allemandes à Moscou.
   −
=== Turkestan (Ouzbékistan, Kazakhstan) ===
+
===Turkestan (Ouzbékistan, Kazakhstan)===
    
Le Turkestan russe (Asie centrale) avait été conquis dans la deuxième moitié du 19<sup>e</sup> siècle par les armées tsaristes et soumis à une exploitation coloniale. On y retrouve le développement de monocultures (coton en particulier), un clivage spatial entre villes-villages d’indigènes d’un côté, de colons de l’autre – dont le nombre avait considérablement augmenté après l’achèvement en 1906 de la construction de la ligne ferroviaire reliant Moscou à Tashkent –, et une opposition frontale entre les uns et les autres – les occupants russes, ukrainiens, allemands (ethniques) et juifs, divisés nationalement dans le reste de la Russie, faisant avant tout ici figure, unie, de Blancs face aux musulmans.
 
Le Turkestan russe (Asie centrale) avait été conquis dans la deuxième moitié du 19<sup>e</sup> siècle par les armées tsaristes et soumis à une exploitation coloniale. On y retrouve le développement de monocultures (coton en particulier), un clivage spatial entre villes-villages d’indigènes d’un côté, de colons de l’autre – dont le nombre avait considérablement augmenté après l’achèvement en 1906 de la construction de la ligne ferroviaire reliant Moscou à Tashkent –, et une opposition frontale entre les uns et les autres – les occupants russes, ukrainiens, allemands (ethniques) et juifs, divisés nationalement dans le reste de la Russie, faisant avant tout ici figure, unie, de Blancs face aux musulmans.
Ligne 144 : Ligne 152 :  
Un conflit éclate en 1921 au sein de la Turkkommissia entre&nbsp;:
 
Un conflit éclate en 1921 au sein de la Turkkommissia entre&nbsp;:
   −
*[[Tomsky|Tomsky]], qui affirme appliquer la [[NEP|NEP]], et donc défend l’introduction immédiate de l’impôt en nature mais le statu quo en terme de partage de terre. Sa position est soutenue par les colons russes.  
+
*[[Tomsky|Tomsky]], qui affirme appliquer la [[NEP|NEP]], et donc défend l’introduction immédiate de l’impôt en nature mais le statu quo en terme de partage de terre. Sa position est soutenue par les colons russes.
*[[Georgui_Safarov|Safarov]], qui préconise la mise en place de [[Comités_de_paysans_pauvres|comités de paysans pauvres]], le partage des terres des koulaks (donc localement surtout de colons russes) et l’incitation à la polarisation de classes au sein de la population musulmane. Sa position est soutenu par de nombreux musulmans.<ref>Georgui Safarov, « L’Évolution de la question nationale », Bulletin communiste, 2ème année, n ° 4, 27 janvier 1921</ref>  
+
*[[Georgui_Safarov|Safarov]], qui préconise la mise en place de [[Comités_de_paysans_pauvres|comités de paysans pauvres]], le partage des terres des koulaks (donc localement surtout de colons russes) et l’incitation à la polarisation de classes au sein de la population musulmane. Sa position est soutenu par de nombreux musulmans.<ref>Georgui Safarov, « L’Évolution de la question nationale », Bulletin communiste, 2ème année, n ° 4, 27 janvier 1921</ref>
    
Début août 1921, [[Adolf_Ioffé|Ioffé]] est envoyé par le [[Politburo|Politburo]] au Turkestan pour arbitrer le différend et œuvrer à un compromis permettant de lutter contre l’exclusion des musulmans de l’exercice du pouvoir sans pour autant s’aliéner les masses travailleuses russes, qui forment l’essentiel des «&nbsp;forces rouges au Turkestan&nbsp;».<ref> Lénine, « À M. P. Tomski » (1919), in Oeuvres, tome 45, p. 230 </ref>
 
Début août 1921, [[Adolf_Ioffé|Ioffé]] est envoyé par le [[Politburo|Politburo]] au Turkestan pour arbitrer le différend et œuvrer à un compromis permettant de lutter contre l’exclusion des musulmans de l’exercice du pouvoir sans pour autant s’aliéner les masses travailleuses russes, qui forment l’essentiel des «&nbsp;forces rouges au Turkestan&nbsp;».<ref> Lénine, « À M. P. Tomski » (1919), in Oeuvres, tome 45, p. 230 </ref>
Ligne 155 : Ligne 163 :  
Le 14 octobre, le Politburo se réunit à nouveau. Il démet et Safarov et Tomski de leurs fonctions et ordonne la réorganisation de la Turkkommissia et du Bureau du Parti au Turkestan (Turkburo) sous la supervision de [[Grigori_Sokolnikov|Sokolnikov]]. Fin décembre, Lénine envoie à ce dernier, «&nbsp;sous ''secret''&nbsp;» un message. Continuant de penser que «&nbsp;Safarov a raison (''tout au moins en partie'')&nbsp;», il prie Sokolnikov «&nbsp;de mener une enquête ''objective'' pour ne pas laisser la zizanie, le grabuge et la vindicte gâcher le travail au Turkestan&nbsp;». Lénine vient alors de recevoir une lettre de Safarov qui lui a signifié son désir de se retirer de tout poste de responsabilité dans la politique soviétique en Orient. Il lui répond sans ménagement, mais néanmoins en signe de soutien&nbsp;: «&nbsp;Ne vous énervez pas c’est inadmissible et honteux, vous n’êtes pas une demoiselle de 14 ans. […] Il faut continuer à travailler, sans partir où que ce soit. Savoir réunir avec diligence et calme les documents contre les auteurs de cette affaire inepte.&nbsp;» <ref>Lénine, « À G. I. Safarov » (1921), in Oeuvres, tome 45, p. 417.</ref> Safarov n’obtiendra pas gain de cause, malgré l'appui de Lénine, qui n'était pas tout-puissant au sein des différentes instances du pouvoir soviétique.
 
Le 14 octobre, le Politburo se réunit à nouveau. Il démet et Safarov et Tomski de leurs fonctions et ordonne la réorganisation de la Turkkommissia et du Bureau du Parti au Turkestan (Turkburo) sous la supervision de [[Grigori_Sokolnikov|Sokolnikov]]. Fin décembre, Lénine envoie à ce dernier, «&nbsp;sous ''secret''&nbsp;» un message. Continuant de penser que «&nbsp;Safarov a raison (''tout au moins en partie'')&nbsp;», il prie Sokolnikov «&nbsp;de mener une enquête ''objective'' pour ne pas laisser la zizanie, le grabuge et la vindicte gâcher le travail au Turkestan&nbsp;». Lénine vient alors de recevoir une lettre de Safarov qui lui a signifié son désir de se retirer de tout poste de responsabilité dans la politique soviétique en Orient. Il lui répond sans ménagement, mais néanmoins en signe de soutien&nbsp;: «&nbsp;Ne vous énervez pas c’est inadmissible et honteux, vous n’êtes pas une demoiselle de 14 ans. […] Il faut continuer à travailler, sans partir où que ce soit. Savoir réunir avec diligence et calme les documents contre les auteurs de cette affaire inepte.&nbsp;» <ref>Lénine, « À G. I. Safarov » (1921), in Oeuvres, tome 45, p. 417.</ref> Safarov n’obtiendra pas gain de cause, malgré l'appui de Lénine, qui n'était pas tout-puissant au sein des différentes instances du pouvoir soviétique.
   −
=== Caucase (Géorgie, Arménie, Azerbaïdjan, Tchétchénie, Daghestan) ===
+
===Caucase (Géorgie, Arménie, Azerbaïdjan, Tchétchénie, Daghestan)===
    
Dans les villes de la Géorgie prédominait la population russe et arménienne.
 
Dans les villes de la Géorgie prédominait la population russe et arménienne.
Ligne 171 : Ligne 179 :  
Au Daghestan le pouvoir soviétique dut en grande partie son existence aux partisans du dirigeant musulman Ali Hadji Akushinskii.
 
Au Daghestan le pouvoir soviétique dut en grande partie son existence aux partisans du dirigeant musulman Ali Hadji Akushinskii.
   −
=== Bachkirie ===
+
Parmi les erreurs commises à cette époque, on peut mentionner l’intégration forcée à la République soviétique d’Azerbaïdjan de la région du Haut-Karabakh, peuplée en majorité d’Arméniens – un contentieux qui allait exploser à la fin des années 1980.
 +
 
 +
===Bachkirie===
    
La Bachkirie fut un important champ de bataille lors de la [[Guerre_civile_russe|Guerre civile russe]]. Le 23 mars 1919, la Bachkirie devint la première république autonome créée au sein de la [[RSFSR|<span class="mw-redirect">RSFSR</span>]].
 
La Bachkirie fut un important champ de bataille lors de la [[Guerre_civile_russe|Guerre civile russe]]. Le 23 mars 1919, la Bachkirie devint la première république autonome créée au sein de la [[RSFSR|<span class="mw-redirect">RSFSR</span>]].
   −
=== Tatars et bouriates ===
+
===Tatars et bouriates===
    
Les meilleures terres avaient été saisies, sous le régime tsariste, par des propriétaires nobles et des paysans russes cossus. Le réveil de l’esprit d’indépendance nationale signifiait ici avant tout la lutte contre les colonisateurs, qui eux défendaient avec acharnement contre ''«&nbsp;le séparatisme&nbsp;»'' des Asiatiques l’unité de la Russie. Des [[Pogroms|pogroms]] contre les bouriates furent menés sous la direction de greffiers de canton et sous-officiers SR revenus du front.
 
Les meilleures terres avaient été saisies, sous le régime tsariste, par des propriétaires nobles et des paysans russes cossus. Le réveil de l’esprit d’indépendance nationale signifiait ici avant tout la lutte contre les colonisateurs, qui eux défendaient avec acharnement contre ''«&nbsp;le séparatisme&nbsp;»'' des Asiatiques l’unité de la Russie. Des [[Pogroms|pogroms]] contre les bouriates furent menés sous la direction de greffiers de canton et sous-officiers SR revenus du front.
Ligne 181 : Ligne 191 :  
Le militant tatar [[Mirsäyet_Soltanğäliev|Mirsäyet Soltanğäliev]] (Sultan-Galiev) rejoint les [[Bolchéviks|bolchéviks]] en novembre 1917.
 
Le militant tatar [[Mirsäyet_Soltanğäliev|Mirsäyet Soltanğäliev]] (Sultan-Galiev) rejoint les [[Bolchéviks|bolchéviks]] en novembre 1917.
   −
=== Mongolie ===
+
===Mongolie===
    
L’opinion publique chinoise appuyait le fait – et l’appuie toujours dans une certaine mesure – que la Mongolie faisait partie de la Chine, malgré des différences linguistiques et culturelles et sans prendre en compte le souhait des Mongols.
 
L’opinion publique chinoise appuyait le fait – et l’appuie toujours dans une certaine mesure – que la Mongolie faisait partie de la Chine, malgré des différences linguistiques et culturelles et sans prendre en compte le souhait des Mongols.
Ligne 195 : Ligne 205 :  
La [[République_populaire_mongole|République populaire mongole]], satellite de l'URSS, est proclamée en 1924. L'indépendance de la Mongolie a par la suite été reconnue par les régimes chinois de Tchang Kai-chek comme de Mao.
 
La [[République_populaire_mongole|République populaire mongole]], satellite de l'URSS, est proclamée en 1924. L'indépendance de la Mongolie a par la suite été reconnue par les régimes chinois de Tchang Kai-chek comme de Mao.
   −
=== Chinois ===
+
===Chinois===
    
Un grand nombre de Chinois vivaient et travaillaient en Sibérie à la fin de l'Empire russe<ref>https://en.wikipedia.org/wiki/Chinese_in_the_Russian_Revolution_and_in_the_Russian_Civil_War</ref>. Beaucoup de ces travailleurs migrants ont été transférés vers la partie européenne de la Russie et dans l'Oural pendant la [[Première_Guerre_mondiale|Première Guerre mondiale]], en raison de la pénurie aiguë de main d'oeuvre. Par exemple, en 1916, il y avait environ 5 000 ouvriers chinois dans le gouvernorat de Novgorod. En 1916-1917 environ 2.000 ouvriers chinois travaillaient à la construction de fortifications russes autour du golfe de Finlande. Un grand nombre d'entre eux étaient des condamnés pour vol<ref>https://en.wikipedia.org/wiki/Honghuzi</ref>, transférés à partir des bagnes ([[Katorga|''katorga'']]) extrême-orientaux, par exemple Harbin.
 
Un grand nombre de Chinois vivaient et travaillaient en Sibérie à la fin de l'Empire russe<ref>https://en.wikipedia.org/wiki/Chinese_in_the_Russian_Revolution_and_in_the_Russian_Civil_War</ref>. Beaucoup de ces travailleurs migrants ont été transférés vers la partie européenne de la Russie et dans l'Oural pendant la [[Première_Guerre_mondiale|Première Guerre mondiale]], en raison de la pénurie aiguë de main d'oeuvre. Par exemple, en 1916, il y avait environ 5 000 ouvriers chinois dans le gouvernorat de Novgorod. En 1916-1917 environ 2.000 ouvriers chinois travaillaient à la construction de fortifications russes autour du golfe de Finlande. Un grand nombre d'entre eux étaient des condamnés pour vol<ref>https://en.wikipedia.org/wiki/Honghuzi</ref>, transférés à partir des bagnes ([[Katorga|''katorga'']]) extrême-orientaux, par exemple Harbin.
Ligne 201 : Ligne 211 :  
Après la [[Révolution_russe_(1917)|Révolution russe]], certains d'entre eux sont restés en Finlande et ont participé comme volontaires dans la [[Guerre_civile_finlandaise|guerre civile finlandaise]] du côté communiste. Après 1917, beaucoup de ces travailleurs chinois se sont joints à l'[[Armée_rouge|Armée rouge]]. La grande majorité de ces Chinois avait peu de traditions politiques et s'engagent avec les rouges essentiellement pour obtenir des droits. Les armées blanches quant à elles exerçaient un racisme violent envers eux.
 
Après la [[Révolution_russe_(1917)|Révolution russe]], certains d'entre eux sont restés en Finlande et ont participé comme volontaires dans la [[Guerre_civile_finlandaise|guerre civile finlandaise]] du côté communiste. Après 1917, beaucoup de ces travailleurs chinois se sont joints à l'[[Armée_rouge|Armée rouge]]. La grande majorité de ces Chinois avait peu de traditions politiques et s'engagent avec les rouges essentiellement pour obtenir des droits. Les armées blanches quant à elles exerçaient un racisme violent envers eux.
   −
=== Islam ===
+
===Islam===
[[File:Tract-Jihad-1914.jpg|frame|right|189x253px|Tract tsariste de 1914 appelant les populations musulmanes du Caucase à se joindre à la Guerre sainte contre les Alliés]]  
+
[[File:Tract-Jihad-1914.jpg|right|594x594px|Tract tsariste de 1914 appelant les populations musulmanes du Caucase à se joindre à la Guerre sainte contre les Alliés|vignette]]  
 
Au moment de la révolution de 1917, il y avaient environ 10% de musulmans dans la population de l'Empire. Les musulmans ne formaient pas un peuple en tant que tel, ils étaient d'ethnies différentes, et ces divisions ethniques (tatars, non tatars...) primaient parfois sur l'identité musulmane. Sous le [[Tsarisme|tsarisme]], la liberté religieuse leur était refusée.<ref>Dave Crouch, [http://revuesocialisme.pagesperso-orange.fr/s9crouch.html ''Les bolcheviks, l’Islam et la liberté religieuse''], 2003</ref><ref>Dave Crouch, ''[https://www.marxists.org/history/etol/newspape/isj2/2006/isj2-110/crouch.html The Bolsheviks and Islam]'', 2006</ref>
 
Au moment de la révolution de 1917, il y avaient environ 10% de musulmans dans la population de l'Empire. Les musulmans ne formaient pas un peuple en tant que tel, ils étaient d'ethnies différentes, et ces divisions ethniques (tatars, non tatars...) primaient parfois sur l'identité musulmane. Sous le [[Tsarisme|tsarisme]], la liberté religieuse leur était refusée.<ref>Dave Crouch, [http://revuesocialisme.pagesperso-orange.fr/s9crouch.html ''Les bolcheviks, l’Islam et la liberté religieuse''], 2003</ref><ref>Dave Crouch, ''[https://www.marxists.org/history/etol/newspape/isj2/2006/isj2-110/crouch.html The Bolsheviks and Islam]'', 2006</ref>
   Ligne 227 : Ligne 237 :  
En réaction, des milliers d’enfants musulmans, spécialement des filles, furent retirés des écoles soviétiques&nbsp; par leur famille et démissionnèrent des jeunesses communistes. Des femmes non voilées furent agressées dans les rues, parfois violées et des milliers d’entre elles furent tuées. De nombreux [[Vieux_bolchéviks|''Vieux bolchéviks'']] musulmans furent éliminés, et la liberté religieuse disparut.
 
En réaction, des milliers d’enfants musulmans, spécialement des filles, furent retirés des écoles soviétiques&nbsp; par leur famille et démissionnèrent des jeunesses communistes. Des femmes non voilées furent agressées dans les rues, parfois violées et des milliers d’entre elles furent tuées. De nombreux [[Vieux_bolchéviks|''Vieux bolchéviks'']] musulmans furent éliminés, et la liberté religieuse disparut.
   −
=== Sibériens ===
+
===Sibériens===
    
''«&nbsp;Aux allogènes sibériens écrasés par les conditions naturelles et l’exploitation, leur état primitif, économique et culturel ne permettait pas en général de s’élever au niveau où commencent les revendications nationales. La vodka, le fisc et l’orthodoxie forcée étaient depuis des siècles les principaux leviers du pouvoir de l’État. La maladie que les Italiens appelaient la " maladie française " et que les Français appelait le " mal napolitain " se dénommait chez les peuples sibériens le " mal russe "&nbsp;: cela indique de quelle source venaient les semences de la civilisation. La Révolution de Février n’est pas arrivée jusque-là- Il faudra attendre longtemps encore l’aurore pour les chasseurs et les conducteur de rennes des immensités polaires.&nbsp;»<ref name="HRR40" />''
 
''«&nbsp;Aux allogènes sibériens écrasés par les conditions naturelles et l’exploitation, leur état primitif, économique et culturel ne permettait pas en général de s’élever au niveau où commencent les revendications nationales. La vodka, le fisc et l’orthodoxie forcée étaient depuis des siècles les principaux leviers du pouvoir de l’État. La maladie que les Italiens appelaient la " maladie française " et que les Français appelait le " mal napolitain " se dénommait chez les peuples sibériens le " mal russe "&nbsp;: cela indique de quelle source venaient les semences de la civilisation. La Révolution de Février n’est pas arrivée jusque-là- Il faudra attendre longtemps encore l’aurore pour les chasseurs et les conducteur de rennes des immensités polaires.&nbsp;»<ref name="HRR40" />''
   −
=== Votiaks, Tchouvaches, Zyrianes ===
+
===Votiaks, Tchouvaches, Zyrianes===
    
''«&nbsp;Au-dessus de la masse paysanne ou pastorale se détachait des couches supérieures un léger tégument d’intellectuels. Avant de s’élever jusqu’à un programme d’administration nationale autonome, la lutte se menait autour des questions d’un alphabet que l’on voudrait avoir à soi, d’un maître à soi - parfois... d’un prêtre à soi. Ces êtres les plus opprimés devaient constater par une amère expérience que les patrons instruits de l’État ne leur permettraient pas de bon gré de s’élever. Retardataires entre tous, ils se trouvaient forcés de chercher un allié dans la classe la plus révolutionnaire. C’est ainsi que, par les éléments de gauche de leur jeune intellectualité (...) commençaient à se frayer des voies vers les bolchéviks.&nbsp;»''
 
''«&nbsp;Au-dessus de la masse paysanne ou pastorale se détachait des couches supérieures un léger tégument d’intellectuels. Avant de s’élever jusqu’à un programme d’administration nationale autonome, la lutte se menait autour des questions d’un alphabet que l’on voudrait avoir à soi, d’un maître à soi - parfois... d’un prêtre à soi. Ces êtres les plus opprimés devaient constater par une amère expérience que les patrons instruits de l’État ne leur permettraient pas de bon gré de s’élever. Retardataires entre tous, ils se trouvaient forcés de chercher un allié dans la classe la plus révolutionnaire. C’est ainsi que, par les éléments de gauche de leur jeune intellectualité (...) commençaient à se frayer des voies vers les bolchéviks.&nbsp;»''
   −
=== Cosaques ===
+
===Cosaques===
    
Les [[Cosaques|Cosaques]], qui ne sont pas réellement une éthnie, ont majoritairement rejoint les [[Armées_blanches|armées blanches]], même s'il y en eut aussi dans l'[[Armée_rouge|Armée rouge]].
 
Les [[Cosaques|Cosaques]], qui ne sont pas réellement une éthnie, ont majoritairement rejoint les [[Armées_blanches|armées blanches]], même s'il y en eut aussi dans l'[[Armée_rouge|Armée rouge]].
   −
== Considérations générales ==
+
==Considérations générales==
   −
=== Les types de régions dominées ===
+
===Les types de régions dominées===
    
Selon [[Trotsky|Trotsky]], ''«&nbsp;la Russie s’était constituée non point comme un État national, mais comme un État de nationalités, cela répondait à son caractère arriéré&nbsp;»''. Il distinguait deux groupes&nbsp;:
 
Selon [[Trotsky|Trotsky]], ''«&nbsp;la Russie s’était constituée non point comme un État national, mais comme un État de nationalités, cela répondait à son caractère arriéré&nbsp;»''. Il distinguait deux groupes&nbsp;:
   −
*celui des nations [[Asiatisme|asiatiques]], moins développées que la nation grand-russe  
+
*celui des nations [[Asiatisme|asiatiques]], moins développées que la nation grand-russe
*celui des nations plus développées, mais néanmoins dominées politiquement et militairement (Pologne, Lituanie, provinces baltes, Finlande).<ref name="HRR40" />  
+
*celui des nations plus développées, mais néanmoins dominées politiquement et militairement (Pologne, Lituanie, provinces baltes, Finlande).<ref name="HRR40" />
    
Le philosophe anglais [[Bertrand_Russel|Bertrand Russel]] racontait après son voyage en Russie en 1920&nbsp;:
 
Le philosophe anglais [[Bertrand_Russel|Bertrand Russel]] racontait après son voyage en Russie en 1920&nbsp;:
Ligne 252 : Ligne 262 :  
''«&nbsp;Il est incontestable qu’à l’heure actuelle, Trotski et l’Armée rouge disposent de l’appui d’un très grand nombre de nationalistes. Les opérations ayant pour but de reconquérir la Russie d’Asie ont même ravivé chez ces derniers un sentiment impérialiste, quoiqu’il soit certain que beaucoup d’entre ceux chez qui j’ai cru reconnaître ce sentiment s’en défendraient avec indignation.&nbsp;»''<span>​</span>''<ref>Bertrand Russell, [https://bibdig.biblioteca.unesp.br/bitstream/handle/10/6534/la-pratique-et-la-theorie-du-bolchevisme.pdf ''Pratique et théorie du bolchevisme''], 1920</ref>''<span>​</span>
 
''«&nbsp;Il est incontestable qu’à l’heure actuelle, Trotski et l’Armée rouge disposent de l’appui d’un très grand nombre de nationalistes. Les opérations ayant pour but de reconquérir la Russie d’Asie ont même ravivé chez ces derniers un sentiment impérialiste, quoiqu’il soit certain que beaucoup d’entre ceux chez qui j’ai cru reconnaître ce sentiment s’en défendraient avec indignation.&nbsp;»''<span>​</span>''<ref>Bertrand Russell, [https://bibdig.biblioteca.unesp.br/bitstream/handle/10/6534/la-pratique-et-la-theorie-du-bolchevisme.pdf ''Pratique et théorie du bolchevisme''], 1920</ref>''<span>​</span>
 
</blockquote>  
 
</blockquote>  
=== Question nationale et question sociale ===
+
===Question nationale et question sociale===
    
Les questions nationale et sociale étaient étroitement imbriquées dans les régions dominées de l'[[Empire_russe|Empire]]. Souvent, les bourgeois et petit-bourgeois des villes étaient de peuples différents de la majorité locale et rurale. Dans les cas où ils coïncidaient avec des contradictions de classes (Lettonie notamment), les antagonismes nationaux prenaient une acuité particulière. Mais dans beaucoup de régions peu développées, les ouvriers aussi étaient des colons russes.
 
Les questions nationale et sociale étaient étroitement imbriquées dans les régions dominées de l'[[Empire_russe|Empire]]. Souvent, les bourgeois et petit-bourgeois des villes étaient de peuples différents de la majorité locale et rurale. Dans les cas où ils coïncidaient avec des contradictions de classes (Lettonie notamment), les antagonismes nationaux prenaient une acuité particulière. Mais dans beaucoup de régions peu développées, les ouvriers aussi étaient des colons russes.
Ligne 260 : Ligne 270 :  
[[Trotski|Trotski]] souligne que cela touchait profondément les soviets, qui restaient essentiellement urbains.
 
[[Trotski|Trotski]] souligne que cela touchait profondément les soviets, qui restaient essentiellement urbains.
 
<blockquote>''«&nbsp;Sous la direction des partis conciliateurs, les soviets affectaient constamment d’ignorer les intérêts nationaux de la population autochtone. Là était une des causes de la faiblesse des soviets en Ukraine. Les soviets de Riga et de Reval oubliaient les intérêts des Lettons et des Estoniens. Le soviet conciliateur de Bakou négligeait les intérêts d’une population principalement turkmène. Sous une fausse enseigne d’internationalisme, les soviets menaient fréquemment la lutte contre la défensive nationaliste ukrainienne ou musulmane, camouflant la russification oppressive exercée par les villes. Il se passera encore bien du temps, même sous la domination des bolcheviks, avant que les soviets de la périphérie aient appris à parler dans la langue du village.&nbsp;»''</blockquote>  
 
<blockquote>''«&nbsp;Sous la direction des partis conciliateurs, les soviets affectaient constamment d’ignorer les intérêts nationaux de la population autochtone. Là était une des causes de la faiblesse des soviets en Ukraine. Les soviets de Riga et de Reval oubliaient les intérêts des Lettons et des Estoniens. Le soviet conciliateur de Bakou négligeait les intérêts d’une population principalement turkmène. Sous une fausse enseigne d’internationalisme, les soviets menaient fréquemment la lutte contre la défensive nationaliste ukrainienne ou musulmane, camouflant la russification oppressive exercée par les villes. Il se passera encore bien du temps, même sous la domination des bolcheviks, avant que les soviets de la périphérie aient appris à parler dans la langue du village.&nbsp;»''</blockquote>  
=== Les minorités parmi les révolutionnaires ===
+
===Les minorités parmi les révolutionnaires===
    
Une attaque récurrente des [[Réactionnaires|réactionnaires]] contre le camp des soviets était la proportion plus élevée que la moyenne des militants issus de minorités nationales parmi les dirigeants soviétiques. Le Comité exécutif du [[Soviet_de_Pétrograd|Soviet de Pétrograd]] fut le premier visé, pour la présence de Juifs, Géorgiens, Lettons, Polonais et autres.
 
Une attaque récurrente des [[Réactionnaires|réactionnaires]] contre le camp des soviets était la proportion plus élevée que la moyenne des militants issus de minorités nationales parmi les dirigeants soviétiques. Le Comité exécutif du [[Soviet_de_Pétrograd|Soviet de Pétrograd]] fut le premier visé, pour la présence de Juifs, Géorgiens, Lettons, Polonais et autres.
Ligne 272 : Ligne 282 :  
''En tout cas, l'intelligentsia allogène de 1917 était partagée entre les mêmes partis que l'intelligentsia purement russe, souffrait des mêmes vices et commettait les mêmes fautes, et c'étaient justement les allogènes, parmi les mencheviks et les socialistes-révolutionnaires, qui faisaient parade d'un zèle particulier pour la défense de l'unité de la Russie.&nbsp;»<ref>Léon Trotsky, ''[https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/hrrusse/hrr12.htm Histoire de la révolution russe - 12. Le Comité exécutif]'', 1930</ref>''
 
''En tout cas, l'intelligentsia allogène de 1917 était partagée entre les mêmes partis que l'intelligentsia purement russe, souffrait des mêmes vices et commettait les mêmes fautes, et c'étaient justement les allogènes, parmi les mencheviks et les socialistes-révolutionnaires, qui faisaient parade d'un zèle particulier pour la défense de l'unité de la Russie.&nbsp;»<ref>Léon Trotsky, ''[https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/hrrusse/hrr12.htm Histoire de la révolution russe - 12. Le Comité exécutif]'', 1930</ref>''
   −
== Notes ==
+
==Notes==
    
<references />
 
<references />
   −
== Sources ==
+
==Sources==
   −
*[https://fr.wikipedia.org/wiki/Groupes_ethniques_d'Union_soviétique https://fr.wikipedia.org/wiki/Groupes_ethniques_d'Union_soviétique]
+
*https://fr.wikipedia.org/wiki/Groupes_ethniques_d'Union_soviétique
*Lénine, [https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1903/07/vil19030715.htm La question nationale dans notre programme], 1903  
+
*Lénine, [https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1903/07/vil19030715.htm La question nationale dans notre programme], 1903
*Lénine, [https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1913/10/vil19131000.htm Notes critiques sur la question nationale], 1913  
+
*Lénine, [https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1913/10/vil19131000.htm Notes critiques sur la question nationale], 1913
*Lénine, [https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1913/06/vil19130600.htm Thèses sur la question nationale], 1913  
+
*Lénine, [https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1913/06/vil19130600.htm Thèses sur la question nationale], 1913
*Michael Löwy,&nbsp;[http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article2438 ''Lénine contre Staline&nbsp;: la question nationale''], <span class="reference-text">''Critique communiste'', n° 150, automne 1997</span>  
+
*Michael Löwy,&nbsp;[http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article2438 ''Lénine contre Staline&nbsp;: la question nationale''], <span class="reference-text">''Critique communiste'', n° 150, automne 1997</span>
*Jeremy Smith, ''The Bolsheviks and the National Question, 1917-1923'', Houndmills et New York, Palgrave MacMillan, 1999  
+
*Jeremy Smith, ''The Bolsheviks and the National Question, 1917-1923'', Houndmills et New York, Palgrave MacMillan, 1999
 
*Eric Blanc, ''Anti-Colonial Marxism: Oppression & Revolution in the Czarist Borderlands, 1881-1917, ''Historical Materialism Book Series, Brill, 2017  
 
*Eric Blanc, ''Anti-Colonial Marxism: Oppression & Revolution in the Czarist Borderlands, 1881-1917, ''Historical Materialism Book Series, Brill, 2017  
   −
[[Category:Russie / URSS]] [[Category:Nationalisme]]
+
[[Category:Russie / URSS]]  
 +
[[Category:Nationalisme]]

Menu de navigation