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== Dialectique chinoise et dialectique hégélo-marxienne ==
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== La dialectique contemporaine et la science ==
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=== Négation de la dialectique au XX ===
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Après 1945, à la suite de la caricature du matérialisme dialectique (le ''diamat'') et l'affaire Lyssenko, cette dialectique dogmatique est fortement et diversement critiquée par les philosophes ([[Jean-Paul_Sartre|Jean-Paul Sartre]]) et les scientifiques (Jacques Monod, Guillaume Lecointre<ref>[[Guillaume Lecointre]], Préface de l'[http://www.editionskime.fr/histoire-des-philosophies-materialistes/ ''Histoire des philosophies matérialistes'' de Pascal Charbonnat, éd Syllepse 2007 (Kimé, 2013)]</ref>).
    
Dans la période de la guerre froide générant une crise philosophique, il y a une difficulté à reconnaître la dialectique comme un processus réel existant en dehors de l'idée pure et de l'action humaine pure. La dialectique est dans ce cas perçue comme une simple logique qui n'existe pas dans la nature. Dans ces visions, la dialectique est un produit de la pensée pure.
 
Dans la période de la guerre froide générant une crise philosophique, il y a une difficulté à reconnaître la dialectique comme un processus réel existant en dehors de l'idée pure et de l'action humaine pure. La dialectique est dans ce cas perçue comme une simple logique qui n'existe pas dans la nature. Dans ces visions, la dialectique est un produit de la pensée pure.
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&nbsp;En effet, selon Georges Gastaud<ref>George Gastaud (2005), Retour à la dialectique de la nature. in Sur la dialectique de la nature, ''Revue Etincelles''.</ref> :
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&nbsp;En effet, selon Georges Gastaud<ref>George Gastaud (2005), Retour à la dialectique de la nature. in Sur la dialectique de la nature, ''Revue Etincelles''.</ref>&nbsp;:
 
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« Durant plusieurs décennies, l’idée de dialectique de la nature n’a suscité qu’indifférence ou mépris dans les milieux universitaires. Pour les philosophes de type traditionnel, cette expression faisait figure de contradiction dans les termes : la dialectique relevant du registre de la logique, elle ne pouvait évidemment pas concerner la nature : car comment la matière, étrangère par définition à l’ordre du discours, pourrait-elle être en rien concernée par la contradiction et la négativité ? De même n’est-il pas absurde d’attribuer une histoire à la nature alors que des générations de philosophes ont appris en classe terminale que l’historicité est l’apanage du sujet humain ?
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«&nbsp;Durant plusieurs décennies, l’idée de dialectique de la nature n’a suscité qu’indifférence ou mépris dans les milieux universitaires. Pour les philosophes de type traditionnel, cette expression faisait figure de contradiction dans les termes&nbsp;: la dialectique relevant du registre de la logique, elle ne pouvait évidemment pas concerner la nature&nbsp;: car comment la matière, étrangère par définition à l’ordre du discours, pourrait-elle être en rien concernée par la contradiction et la négativité&nbsp;? De même n’est-il pas absurde d’attribuer une histoire à la nature alors que des générations de philosophes ont appris en classe terminale que l’historicité est l’apanage du sujet humain&nbsp;?
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Quant aux marxistes, ils avaient appris à regarder avec méfiance tout ce qui, de près ou de loin, semblait associé au diamat, un acronyme russe signifiant ” matérialisme dialectique ” mais désignant en français depuis la ” déstalinisation ” la version dogmatique de la philosophie marxiste en usage sous Staline. A la suite de Roger Garaudy, certains philosophes communistes s’engageaient alors dans une révision idéaliste du marxisme en privilégiant les œuvres de jeunesse de Marx et en recentrant leur interprétation du marxisme sur une conception purement anthropologique de la catégorie d’aliénation. D’autres, avec Althusser, empruntèrent le chemin en apparence inverse d’une révision scientiste et théoriciste de la philosophie marxiste, qu’ils prétendaient expurger de ses naïvetés idéalistes et hégéliennes ; au nombre de ces dernières, ils plaçaient l’idée d’une logique dialectique prétendant à l’universalité objective et ils répudiaient dans la foulée toute ontologie, toute conception du monde matérialiste-dialectique. Dans ces conditions, l’accès à la dialectique de la nature semblait définitivement muré puisque si les uns déclaraient incurablement dogmatique l’idée de dialectique de la nature, d’autres reléguaient au rang de scorie spéculative et métaphysique l’idée de dialectique de la nature ! Il n’y eut guère alors que le concept de reflet, clé de voûte de la théorie matérialiste de la connaissance, qui réussît à soulever contre lui autant de rejet méprisant parmi les intellectuels bien-pensants et autres ” marxologues ” ralliant à petit pas l’idéologie dominante !
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Quant aux marxistes, ils avaient appris à regarder avec méfiance tout ce qui, de près ou de loin, semblait associé au diamat, un acronyme russe signifiant ” matérialisme dialectique ” mais désignant en français depuis la ” déstalinisation ” la version dogmatique de la philosophie marxiste en usage sous Staline. A la suite de Roger Garaudy, certains philosophes communistes s’engageaient alors dans une révision idéaliste du marxisme en privilégiant les œuvres de jeunesse de Marx et en recentrant leur interprétation du marxisme sur une conception purement anthropologique de la catégorie d’aliénation. D’autres, avec Althusser, empruntèrent le chemin en apparence inverse d’une révision scientiste et théoriciste de la philosophie marxiste, qu’ils prétendaient expurger de ses naïvetés idéalistes et hégéliennes&nbsp;; au nombre de ces dernières, ils plaçaient l’idée d’une logique dialectique prétendant à l’universalité objective et ils répudiaient dans la foulée toute ontologie, toute conception du monde matérialiste-dialectique. Dans ces conditions, l’accès à la dialectique de la nature semblait définitivement muré puisque si les uns déclaraient incurablement dogmatique l’idée de dialectique de la nature, d’autres reléguaient au rang de scorie spéculative et métaphysique l’idée de dialectique de la nature&nbsp;! Il n’y eut guère alors que le concept de reflet, clé de voûte de la théorie matérialiste de la connaissance, qui réussît à soulever contre lui autant de rejet méprisant parmi les intellectuels bien-pensants et autres ” marxologues ” ralliant à petit pas l’idéologie dominante&nbsp;!
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Ce blocage intellectuel était encore aggravé par la méconnaissance profonde des écrits d’Engels dans laquelle se complait l’Université philosophante. »
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Ce blocage intellectuel était encore aggravé par la méconnaissance profonde des écrits d’Engels dans laquelle se complait l’Université philosophante.&nbsp;»
 
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Cependant en Chine, on met en lumière la dialectique de/dans la nature depuis des siècles. On l'associe au réel. Le sinologue [[François_Jullien|François Jullien]] montre qu'Hegel a eu tort de voir dans la dialectique chinoise un processus vide parce qu'elle s'exprime en dehors de la logique<ref>Jullien, F. (2012). ''Figures de l'immanence : Pour une lecture philosophique du Yi king, le Classique du changement''. Point.</ref>. Les regards et les actions (moment-position; ''shi wei'') <ref>Yves Richez (2017). ''[https://iste-editions.fr/products/detection-et-developpement-des-talents-en-entreprise Détection et développement des talents en entreprise]'' (p.84). éditions ISTE</ref><ref>Karl Marx use ainsi l' « action » dans le sens de « ''procès'' » dans son livre [[Le Capital]]. Le pédagogue [[John Dewey]] par sa connaissance d'Hegel de la même manière le terme « action » dans le sens de « ''procès'' ». Dewey est un des rares pragmatiques dialecticiens.</ref> associés au réel sont culturellement matérialistes<ref>Le matérialisme chinois est un [[matérialisme]] organique. Yves Richez ''(ISTE, 2017)</ref> avec des représentations immanentes, fractales, changeantes et athées du monde. En effet selon le sémiologue et anthropologue Yves Richez&nbsp;:
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Cependant au XX, quelques scientifiques comme [[Georges_Politzer|Georges Politzer]], [[Lev_Vigotsky|Lev Vigotsky]], [[Paul_Langevin|Paul Langevin]], [[Henri_Wallon_(1879-1962)|Henri Wallon]], [[J.B.S._Haldane|J.B.S. Haldane]], [[Stephan_Jay_Gould|Stephan Jay Gould]], [[Alexandre_Zinoviev|Alexandre Zinoviev]], [[Richard Lewontin]], [[William_Lawvere|William Lawvere]] reconnaissent ouvertement la dialectique dans l'objet de leurs études. Ils usent de démarche dialectique. Au {{s-|XXI|e}}, des ouvrages remettent en avant la dialectique dans les sciences comme ceux de&nbsp;: [[Bertell_Ollman|Bertell Ollman]], [[Patrick_Tort|Patrick Tort]], Pascal Charbonnat, [[Évariste_Sanchez-Palencia|Évariste Sanchez-Palencia]], [[Lucien_Sève|Lucien Sève]], [[Georges_Gastaud|Georges Gastaud]].
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=== Négation de la négation au XXI ===
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==== La dialectique chinoise ====
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Si depuis le XX, les chercheurs rejettent la dialectique, en Chine, on met en lumière la dialectique de/dans la nature depuis des siècles. On l'associe au réel. Le sinologue [[François_Jullien|François Jullien]] montre qu'Hegel a eu tort de voir dans la dialectique chinoise un processus vide parce qu'elle s'exprime en dehors de la logique<ref>Jullien, F. (2012). ''Figures de l'immanence : Pour une lecture philosophique du Yi king, le Classique du changement''. Point.</ref>. Les regards et les actions (moment-position; ''shi wei'') <ref>Yves Richez (2017). ''[https://iste-editions.fr/products/detection-et-developpement-des-talents-en-entreprise Détection et développement des talents en entreprise]'' (p.84). éditions ISTE</ref><ref>Karl Marx use ainsi l' « action » dans le sens de « ''procès'' » dans son livre [[Le Capital]]. Le pédagogue [[John Dewey]] par sa connaissance d'Hegel de la même manière le terme « action » dans le sens de « ''procès'' ». Dewey est un des rares pragmatiques dialecticiens.</ref> associés au réel sont culturellement matérialistes<ref>Le matérialisme chinois est un [[matérialisme]] organique. Yves Richez ''(ISTE, 2017)</ref> avec des représentations immanentes, fractales, changeantes et athées du monde. En effet selon le sémiologue et anthropologue Yves Richez&nbsp;:
 
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«&nbsp;Certes, la pensée chinoise développe elle aussi une pensée dite ''astraite'', mais le principe s'oriente pricipalement sur le «&nbsp;procès des choses&nbsp;»<ref>Yves Richez, ISTE, p.49</ref>.
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«&nbsp;la pensée chinoise développe elle aussi une pensée dite ''astraite'', mais le principe s'oriente pricipalement sur le «&nbsp;procès des choses&nbsp;»<ref>Yves Richez, ISTE, p.49</ref>.
 
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Les notion d'Être et d'intelligence n'existent pas. On parle de «&nbsp;mode opératoire&nbsp;»<ref>Chez [[Henri Wallon]] « on ne saurait distinguer l'intelligence de ses opérations » selon la formulation d' [[Émile Jalley]] pour résumer ''Principe de psychologie appliquée'' (1930). Yves Richez emploie le terme de « Mode Opératoire Naturel » (MoON). Il a mis à jour 10 MoON dont 20 composantes cœurs.</ref>. La perception des choses est donc spontanément syncrétique<ref>Édouard Claparède découvre chez l'enfant une perception syncrétique ou globale des choses. L'enfant a cependant des difficultés à les abstraire soit à sortir des détails. Or, l'éducation chinoise qui actualise le « mode opératoire naturel » linguistique type figuratif ([https://iste-editions.fr/products/detection-et-developpement-des-talents-en-entreprise Yves Richez, ISTE, 2017]) sort l'enfant de ses « confusions syncrétiques » pour aller vers une généralisation/globalisation du réel. Le chinois développe ainsi ce qu'Henri Wallon nomme un « syncrétisme informelle » dans ''les origines de la pensée chez l'enfant'' p. 269.</ref>. Il n'y a pas besoin de méthode d'[[Abstraction|abstraction]] ou de passage de l'abstrait au concret. La pensée chinoise est «&nbsp;insipide&nbsp;» (''dan'') <ref>Yves Richez, ISTE, 2017, p.187 : « La notion d'insipidité au sens chinois renvoie au silence intérieur et à l'indifférence (sans avis arrêté, sans distinction ni préférence, détaché du matériel et honneurs mondains) »</ref>. Elle ne passe pas par des procédures logiques. Chez les asiatiques, le langage syllabaire et idéographique<ref>Ce langage syllabaire et idéographique concrétise la composante figuratif du « mode opératoire naturel » linguistique chez Yvez Richez, ISTE, 2017.</ref> concrétisent directement la dialectique de/dans la nature dans ses représentations. La dialectique des choses est ainsi retranscrite dans les idéogrammes au quotidien; et dans les figures immanentes très symbolisés comme le Ying et le Yang, ou les figures du Yi-King<ref>Jullien, F. (2012). ''Figures de l'immanence : Pour une lecture philosophique du Yi king, le Classique du changement''. Point.</ref>. Junji Itō exploite dans son manga Spirale le mouvement dialectique d'une société capitaliste dans toute sa [[Contradiction|contradiction]]<ref>Postface de Masaru Satō in Junji Itō, ''Spirale'' (2011). Tonkam.</ref>. La spirale est une des formes de la dialectique. Elle a été aussi mise en avant par Hegel.
 
Les notion d'Être et d'intelligence n'existent pas. On parle de «&nbsp;mode opératoire&nbsp;»<ref>Chez [[Henri Wallon]] « on ne saurait distinguer l'intelligence de ses opérations » selon la formulation d' [[Émile Jalley]] pour résumer ''Principe de psychologie appliquée'' (1930). Yves Richez emploie le terme de « Mode Opératoire Naturel » (MoON). Il a mis à jour 10 MoON dont 20 composantes cœurs.</ref>. La perception des choses est donc spontanément syncrétique<ref>Édouard Claparède découvre chez l'enfant une perception syncrétique ou globale des choses. L'enfant a cependant des difficultés à les abstraire soit à sortir des détails. Or, l'éducation chinoise qui actualise le « mode opératoire naturel » linguistique type figuratif ([https://iste-editions.fr/products/detection-et-developpement-des-talents-en-entreprise Yves Richez, ISTE, 2017]) sort l'enfant de ses « confusions syncrétiques » pour aller vers une généralisation/globalisation du réel. Le chinois développe ainsi ce qu'Henri Wallon nomme un « syncrétisme informelle » dans ''les origines de la pensée chez l'enfant'' p. 269.</ref>. Il n'y a pas besoin de méthode d'[[Abstraction|abstraction]] ou de passage de l'abstrait au concret. La pensée chinoise est «&nbsp;insipide&nbsp;» (''dan'') <ref>Yves Richez, ISTE, 2017, p.187 : « La notion d'insipidité au sens chinois renvoie au silence intérieur et à l'indifférence (sans avis arrêté, sans distinction ni préférence, détaché du matériel et honneurs mondains) »</ref>. Elle ne passe pas par des procédures logiques. Chez les asiatiques, le langage syllabaire et idéographique<ref>Ce langage syllabaire et idéographique concrétise la composante figuratif du « mode opératoire naturel » linguistique chez Yvez Richez, ISTE, 2017.</ref> concrétisent directement la dialectique de/dans la nature dans ses représentations. La dialectique des choses est ainsi retranscrite dans les idéogrammes au quotidien; et dans les figures immanentes très symbolisés comme le Ying et le Yang, ou les figures du Yi-King<ref>Jullien, F. (2012). ''Figures de l'immanence : Pour une lecture philosophique du Yi king, le Classique du changement''. Point.</ref>. Junji Itō exploite dans son manga Spirale le mouvement dialectique d'une société capitaliste dans toute sa [[Contradiction|contradiction]]<ref>Postface de Masaru Satō in Junji Itō, ''Spirale'' (2011). Tonkam.</ref>. La spirale est une des formes de la dialectique. Elle a été aussi mise en avant par Hegel.
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En occident, ce mouvement dialectique en spirale est également mis en avant en science - avec méthode d'abstraction - notamment par Henri Wallon et Jean Piaget en psychologie<ref>[[Émile Jalley]], Wallon lecteur de Freud et Piaget : trois études suivies des textes de Wallon sur la psychanalyse et d'un lexique des termes techniques, Paris, Éditions sociales, coll. « Terrain », 1981</ref> , ou entre autres par Stephen Jay Gould en paléontologie.
 
En occident, ce mouvement dialectique en spirale est également mis en avant en science - avec méthode d'abstraction - notamment par Henri Wallon et Jean Piaget en psychologie<ref>[[Émile Jalley]], Wallon lecteur de Freud et Piaget : trois études suivies des textes de Wallon sur la psychanalyse et d'un lexique des termes techniques, Paris, Éditions sociales, coll. « Terrain », 1981</ref> , ou entre autres par Stephen Jay Gould en paléontologie.
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Si d'une point de vue général, la dialectique classique chinoise et la dialectique hégélo-marxienne sont analogues et communes, les modes opératoires sont antagonistes générant ainsi des écarts culturels. En effet, pour citer Yves Richez&nbsp;:
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==== Le renouveau dialectique en occident ====
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Au XX, la négation de la dialectique matérialisme a été au profit des démarches empiriques et pragmatiques en science. Cependant, il existe au XXI une émergence de la dialectique en science marquée en France notemment par [[Lucien_Sève|Lucien Sève]] , [[Émile_Jalley|Émile Jalley]], [[Évariste_Sanchez-Palencia|Évariste Sanchez-Palencia]], [[George_Gastaud|George Gastaud]] entre autres<ref>Cf Les défenseurs dans la [[Bibliographie sur le matérialisme dialectique]]</ref>. Cette émergence des démarches dialectiques ne sont pas sans lien avec la crise en science et en philosophie.
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Si d'une point de vue générale, la dialectique classique chinoise et la dialectique hégélo-marxienne sont analogues et communes, les modes opératoires sont antagonistes générant ainsi des écarts culturels. En effet, pour citer Yves Richez&nbsp;:
 
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«&nbsp;''D'un côté l'alphabet dissocie le signe et l'idée (la chose pensée), de l'autre, le sinogramme associe de manière étroite le signe et la pensée. Cela peut expliquer pourquoi notre culture est si riche en concepts, au même titre que cela explique pourquoi la pensée chinoise, que ce soit d'un point de vue scientifique, réflexion stratégique, artistique, soit restée en proximité du réel. D'un côté, une science euclidienne fondée sur le raisonnement (logismos), de l'autre une science chinoise (philosophia perenis) élaborée à partir d'un matérialisme organique.''&nbsp;»<ref>Yves Richez, ISTE, 2017, p.53</ref>. &nbsp;
 
«&nbsp;''D'un côté l'alphabet dissocie le signe et l'idée (la chose pensée), de l'autre, le sinogramme associe de manière étroite le signe et la pensée. Cela peut expliquer pourquoi notre culture est si riche en concepts, au même titre que cela explique pourquoi la pensée chinoise, que ce soit d'un point de vue scientifique, réflexion stratégique, artistique, soit restée en proximité du réel. D'un côté, une science euclidienne fondée sur le raisonnement (logismos), de l'autre une science chinoise (philosophia perenis) élaborée à partir d'un matérialisme organique.''&nbsp;»<ref>Yves Richez, ISTE, 2017, p.53</ref>. &nbsp;
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«&nbsp;[...] la méthode dialectique n'est rien d'autre qu'une pensée scientifique dans des conditions où, pour paraphraser Marx, les méthodes d'investigation expérimentale et empirique doivent laisser la place à la force de l'abstraction, à des postulats théoriques et à des déductions appliquées à une interconnexion changeante et complexe de relation et de processus. John Stuart Mill avait déjà tenté de décrire une telle méthode, mais Dieu sait pourquoi on ne l'a jamais rapprochée à la dialectique. En Russie, Tchernychevski, qui avait traduit Mill en russe, l'avait également évoquée.&nbsp;». <ref>Zinoviev, A. (1991). Ma thèse. in Alexandre Zinoviev, ''Les confessions d'un homme en trop (p.324). éd. éditions Folio.</ref>.
 
«&nbsp;[...] la méthode dialectique n'est rien d'autre qu'une pensée scientifique dans des conditions où, pour paraphraser Marx, les méthodes d'investigation expérimentale et empirique doivent laisser la place à la force de l'abstraction, à des postulats théoriques et à des déductions appliquées à une interconnexion changeante et complexe de relation et de processus. John Stuart Mill avait déjà tenté de décrire une telle méthode, mais Dieu sait pourquoi on ne l'a jamais rapprochée à la dialectique. En Russie, Tchernychevski, qui avait traduit Mill en russe, l'avait également évoquée.&nbsp;». <ref>Zinoviev, A. (1991). Ma thèse. in Alexandre Zinoviev, ''Les confessions d'un homme en trop (p.324). éd. éditions Folio.</ref>.
 
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Les militants trotskistes [[Alan_Woods|Alan Woods]] et [[Ted_Grant|Ted Grant]] considèrent que le matérialisme dialectique demeure un outil méthodologique valable pour la recherche scientifique. Ils reconnaissent cependant que même si les chercheurs, selon eux, usent dans leurs travaux de démarches dialectiques, sont pour la plupart réticents à employer l'expression {{citation|matérialisme dialectique}}, du fait du discrédit idéologique désormais rattaché à ce concept<ref>Alan Woods, Ted Grant, ''Reason in Revolt: Dialectical Philosophy and Modern Science'', Algora Publishing, 2003, pages 187-191</ref>. Cependant doivent-ils employer l'expression pour être ou paraître «&nbsp;matérialisme dialectique&nbsp;» comme les chercheurs soviétiques le font excessivement à partir des années 50&nbsp;? Or, le psychologue français Henri Wallon utilisait seulement l'expression «&nbsp;matérialisme dialectique&nbsp;» (24 fois) dans ses écrits politiques. C'est d'ailleurs, le premier a l'avoir employé dans une publication en 1936. Il emploie par contre abondamment des termes de la dialectique dans ses études en psychologie. Cependant, il emploie très peu le mot «&nbsp;dialectique&nbsp;» (49 fois) contrairement à son collègue [[Jean_Piaget|Jean Piaget]]<ref>[[Émile Jalley]], ''Wallon et Piaget : pour une critique de la psychologie contemporaine'' (p.237), Paris, L'Harmattan, coll. « Questions contemporaines », 2006</ref>. Aujourd'hui, des scientifiques comme [[Richard_C._Lewontin|Richard C. Lewontin]] ou [[Richard_Levins|Richard Levins]] - ouvertement marxistes - continuent de se référer explicitement aux principes du matérialisme dialectique dans leurs études sur la nature et l'évolution<ref>Michael R. Redclift et Graham Woodgate, ''International Handbook of Environmental Sociology'', Edward Elgar Publishing Ltd, 2010, page 115</ref>.
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Les militants trotskistes [[Alan_Woods|Alan Woods]] et [[Ted_Grant|Ted Grant]] considèrent que le matérialisme dialectique demeure un outil méthodologique valable pour la recherche scientifique. Ils reconnaissent cependant que même si les chercheurs, selon eux, usent dans leurs travaux de démarches dialectiques, sont pour la plupart réticents à employer l'expression ''«&nbsp;matérialisme dialectique&nbsp;»'', du fait du discrédit idéologique désormais rattaché à ce concept<ref>Alan Woods, Ted Grant, ''Reason in Revolt: Dialectical Philosophy and Modern Science'', Algora Publishing, 2003, pages 187-191</ref>. Cependant doivent-ils employer l'expression pour être ou paraître ''«&nbsp;matérialisme dialectique&nbsp;»'' comme les chercheurs soviétiques le font excessivement à partir des années 50&nbsp;?
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Or, le psychologue français Henri Wallon utilisait seulement l'expression «&nbsp;matérialisme dialectique&nbsp;» (24 fois) dans ses écrits politiques. C'est d'ailleurs, le premier a l'avoir employé dans une publication en 1936. Il emploie par contre abondamment des termes de la dialectique dans ses études en psychologie. Cependant, il emploie très peu le mot «&nbsp;dialectique&nbsp;» (49 fois) contrairement à son collègue [[Jean_Piaget|Jean Piaget]]<ref>[[Émile Jalley]], ''Wallon et Piaget : pour une critique de la psychologie contemporaine'' (p.237), Paris, L'Harmattan, coll. « Questions contemporaines », 2006</ref>. Aujourd'hui, des scientifiques comme [[Richard_C._Lewontin|Richard C. Lewontin]] ou [[Richard_Levins|Richard Levins]] - ouvertement marxistes - continuent de se référer explicitement aux principes du matérialisme dialectique dans leurs études sur la nature et l'évolution<ref>Michael R. Redclift et Graham Woodgate, ''International Handbook of Environmental Sociology'', Edward Elgar Publishing Ltd, 2010, page 115</ref>.
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==== Méthode d'[[Abstraction|abstraction]] ou démarche dialectique ====
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Toute la manière de concevoir, chez Marx, ce n'est pas une doctrine, c'est une méthode. Elle n'offre pas de dogmes tout apprêtés, mais des points de repère pour une recherche ultérieure, et la méthode de cette recherche.<ref>Engels, lettre à Weiner Sombart in ''Le Capital'' de Karl Marx, Friedrich Engels, éd. Folio Essai, 2008  (ISBN 978-2-07-035574-7), t. 1, partie Introduction générale par Maximilien Rubel (1968), p. 74</ref>
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Dans notre langage alphasyllabaire et phonétique, la dialectique permet dans les sciences de rendre intelligibles et abordables les [[Contradiction|contradictions]] (tendances antagoniques), c'est-à-dire des situations insolites et paradoxales que l'on rencontre dans les observations et les expériences scientifiques<ref>[[Évariste Sanchez-Palencia]], ''Promenade dialectique dans les sciences'', éd. Hermann, 2012, p.7</ref>.
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Selon [[Évariste_Sanchez-Palencia|Évariste Sanchez-Palencia]], la dialectique permet de résoudre des problèmes scientifiques [[Contradiction|contradictoires]], insolites et paradoxaux dans tous les domaines de connaissances dont les mathématiques appliqués. «&nbsp;|Mais, c'est surtout la sociologie et la psychologie de la recherche, les méthodes de productions de connaissances, si éloignés d'une logique communément admise mais très peu convaincante, qui peuvent trouver dans la dialectique un cadre permettant une ébauche de cohérence.»<ref>[[Évariste Sanchez-Palencia]], ''Promenade dialectique dans les sciences'', éd. Hermann, 2012, p.7</ref> En effet,«&nbsp;la dialectique n'est pas une logique avec des lois strictes, mais un cadre général dans lequel s'inscrivent les phénomènes évolutifs&nbsp;».
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Par ailleurs, [[Jean_Cavaillès|Jean Cavaillès]] et [[William_Lawvere|William Lawvere]] montrent contre Hegel qu'il existe une dialectique en mathématique&nbsp;:
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«&nbsp;Hegel distinguait les connaissances philosophique et mathématique par l’absence de dialectique de la seconde [Heg06, Préface, XLVIII sq. ]. En décrivant la nature dialectique de la pratique mathématique, Cavaillès et Lawvere ont paradoxalement montré, contre Hegel, ce que l’histoire des mathématiques avait de profondément hegelien&nbsp;: le concept philosophique immanent au concept mathématique.&nbsp;»<ref>Baptiste Mélès, « Pratique mathématique et lectures de Hegel, de Jean Cavaillès à William Lawvere », Philosophia Scientiæ [En ligne], 16-1 | 2012, mis en ligne le 01 avril 2015, consulté le 08 novembre 2018. URL : http://journals.openedition.org/philosophiascientiae/725 ; DOI : 10.4000/philosophiascientiae.725 .</ref>
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