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== Généralités ==
 
== Généralités ==
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La jeunesse n'est pas une [[Classe_sociale|classe sociale]]. Un jeune employé de caisse n'a aucun intérêt commun avec le jeune adjoint au PDG de sa chaîne d'hypermarché. Une jeune fonctionnaire n'a aucun intérêt commun avec la jeune adjointe d'un cabinet ministériel qui applique l'[[Austérité|austérité]], etc.
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=== Formation de la jeunesse ===
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Avant le [[capitalisme|capitalisme]], la jeunesse ne constituait pas un âge distinct. Ce qui fait émerger la jeunesse comme couche sociale, c’est l’institution scolaire. Avant le capitalisme, les futurs producteurs sont formés directement au contact des adultes dans le cadre de l’apprentissage. La nécessité d’inculquer une qualification même élémentaire à un grand nombre de futurs travailleurs sépare les jeunes des adultes dans le cadre de l’école. La jeunesse naît dans un mouvement de séparation institutionnelle, de « mise en quarantaine ». C’est la racine du fait que les jeunes vivent « dans leur propre monde » comme le disait Trotsky. L’école joue le rôle décisif, mais autres institutions pour encadrer la jeunesse : l’église, l’armée...
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Malgré cette tendance à avoir des repères communs, la jeunesse n'est pas une [[Classe_sociale|classe sociale]]. Un jeune employé de caisse n'a pas du tout les mêmes intérêts que le jeune adjoint au PDG de sa chaîne d'hypermarché. Une jeune fonctionnaire n'a pas du tout les mêmes intérêts que la jeune adjointe d'un cabinet ministériel qui applique l'[[Austérité|austérité]], etc.
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=== Radicalité ===
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Plusieurs facteurs expliquent que la jeunesse est généralement plus radicale :
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*Les jeunes sont soit en dehors de l’appareil de production, soit exploités depuis peu de temps. Ils/elles sont beaucoup moins exposé·es aux effets aliénants du travail, moins résigné·es, et ont moins de charges (
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*Ils et elles ne sont pas encore pleinement intégré·es à la société bourgeoise : le couple, les crédits etc ne pèsent pas encore sur les jeunes, qui sont libres de tout engagement (les jeunes scolarisés ne perdent pas de salaire quand ils font grève, les JT n’ont généralement pas de famille à nourrir).
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*Le poids des défaites du passé ne repose pas sur eux (mais l'aspect négatif et que les expériences du passé leur manquent également parfois).  
    
L'influence que parvient à avoir un parti dans la jeunesse est lié à sa radicalité. C'est ce qui faisait dire à [[Lénine|Lénine]] le parti ouvrier serait toujours le parti de la jeunesse :
 
L'influence que parvient à avoir un parti dans la jeunesse est lié à sa radicalité. C'est ce qui faisait dire à [[Lénine|Lénine]] le parti ouvrier serait toujours le parti de la jeunesse :
 
<blockquote>«&nbsp;''Nous sommes un parti de novateurs, et la jeunesse suit toujours de préférence les novateurs. Nous sommes un parti qui combat avec abnégation un vieux régime pourri. La jeunesse sera toujours la première à marcher pour une lutte où il faut faire don de soi […] Nous serons toujours le parti de la jeunesse dans notre classe d’avant-garde''&nbsp;!&nbsp;»<ref>Lénine, « La crise du menchevisme », Proletari, 7 déc. 1906, ibidem, p. 183.</ref></blockquote>  
 
<blockquote>«&nbsp;''Nous sommes un parti de novateurs, et la jeunesse suit toujours de préférence les novateurs. Nous sommes un parti qui combat avec abnégation un vieux régime pourri. La jeunesse sera toujours la première à marcher pour une lutte où il faut faire don de soi […] Nous serons toujours le parti de la jeunesse dans notre classe d’avant-garde''&nbsp;!&nbsp;»<ref>Lénine, « La crise du menchevisme », Proletari, 7 déc. 1906, ibidem, p. 183.</ref></blockquote>  
Trotsky faisait aussi le lien avec les "générations"&nbsp;:
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[[Trotsky|Trotsky]] faisait aussi le lien avec les "générations"&nbsp;:
 
<blockquote>«&nbsp;''Quand s’use un programme ou une organisation, s’use aussi la génération qui les a portés sur ses épaules. La rénovation du mouvement se fait par la jeunesse, libre de toute responsabilité pour le passé''&nbsp;»<ref>Léon Trotsky, [https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/trans/tran.htm Programme de transition], chapitre XX.</ref></blockquote>  
 
<blockquote>«&nbsp;''Quand s’use un programme ou une organisation, s’use aussi la génération qui les a portés sur ses épaules. La rénovation du mouvement se fait par la jeunesse, libre de toute responsabilité pour le passé''&nbsp;»<ref>Léon Trotsky, [https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/trans/tran.htm Programme de transition], chapitre XX.</ref></blockquote>  
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=== Récupération de la classe dominante ===
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La [[classe_dirigeante|classe dirigeante]], qui génère l'[[idéologie_dominante|idéologie dominante]], s'efforce de gommer l’affrontement entre classes sociales qui est au cœur des processus révolutionnaires. Elle cherche souvent à gommer les affrontements de classe (par exemple en occultant la grève générale dans Mai 68), et à réduire les mouvements de jeunesse à des révoltes morales, culturelles, etc. On essaie de les présenter comme un conflit générationnel, une révolution de la jeunesse pour plus de liberté. L’intérêt de présenter les choses ainsi pour les [[médias_bourgeois|médias bourgeois]], c’est qu’ainsi il ne peut s’agir que de révolutions dont l’objectif fondamental est une simple modernisation de la société capitaliste.
    
== Historique des organisations de jeunesse socialistes ==
 
== Historique des organisations de jeunesse socialistes ==
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En 1918, toutes les organisations de jeunesse socialistes d’Europe – à l’exception des allemands, français et néerlandais – avaient adhéré à l’UIOJS reconstituée.
 
En 1918, toutes les organisations de jeunesse socialistes d’Europe – à l’exception des allemands, français et néerlandais – avaient adhéré à l’UIOJS reconstituée.
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Bien qu’antimilitariste, l’UIOJS reconstituée est néanmoins partagée sur la manière de mettre fin au conflit. La faction centriste souhaite l'établissement d'un arbitrage contraignant tandis que l’aile gauche, influencée par la <span class="mw-redirect">révolution russe</span>, appelle à une révolution internationale pour combattre la guerre capitaliste. Cette division est à mettre en parallèle avec les divergences apparues lors de la [[Conférence_de_Zimmerwald|Conférence de Zimmerwald]] entre une majorité pacifiste et une gauche révolutionnaire.
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=== L'impact de la révolution d'Octobre ===
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Bien qu’antimilitariste, l’UIOJS reconstituée est néanmoins partagée sur la manière de mettre fin au conflit. La faction [[centriste|centriste]] souhaite l'établissement d'un arbitrage contraignant tandis que l’aile gauche, influencée par la <span class="mw-redirect">révolution russe</span> de 1917, appelle à une révolution internationale pour combattre la guerre capitaliste. Cette division est à mettre en parallèle avec les divergences apparues lors de la [[Conférence_de_Zimmerwald|Conférence de Zimmerwald]] entre une majorité pacifiste et une gauche révolutionnaire.
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La moyenne d’âge du [[parti_bolchévik|parti bolchévik]] est de 19 ans en 1917. En Russie, le rôle des jeunes (en particulier des étudiants) dans la fondation des partis révolutionnaires a également été prépondérant à la fin du 19<sup>e</sup> et début du 20<sup>e</sup> siècle.
    
=== L'Internationale des Jeunes Communistes ===
 
=== L'Internationale des Jeunes Communistes ===
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En mars 1919, l'[[Internationale_communiste|Internationale communiste]] est créée à Moscou à l’initiative de [[Lénine|Lénine]]. Le 20 novembre 1919, l’UIOJS tient sa première conférence d’après-guerre à Berlin. La conférence se tient clandestinement dans une brasserie (l’interdiction du parti communiste en Allemagne ne sera levée qu’en décembre) et réunie 19 délégués représentant 14 pays. La décision est prise au cours de ce congrès de renommer l’organisation «&nbsp;Internationale des jeunes communistes&nbsp;» (IJC). Le congrès de Berlin est ainsi de fait le dernier de l’UIOJS et le premier de l’IJC.
 
En mars 1919, l'[[Internationale_communiste|Internationale communiste]] est créée à Moscou à l’initiative de [[Lénine|Lénine]]. Le 20 novembre 1919, l’UIOJS tient sa première conférence d’après-guerre à Berlin. La conférence se tient clandestinement dans une brasserie (l’interdiction du parti communiste en Allemagne ne sera levée qu’en décembre) et réunie 19 délégués représentant 14 pays. La décision est prise au cours de ce congrès de renommer l’organisation «&nbsp;Internationale des jeunes communistes&nbsp;» (IJC). Le congrès de Berlin est ainsi de fait le dernier de l’UIOJS et le premier de l’IJC.
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Il est décidé que l’IJC aurait son siège à Berlin et un programme politique est adopté. Un comité exécutif de cinq membres est aussi mis en place. Il est constitué de [[Leo_Flieg|Leo Flieg]] (Allemagne), Willi Münzenberg (Allemagne), [[Luigi_Polano|Luigi Polano]] (Italie), Oskar Samuelson (Suède), [[Lazar_Sackin|Lazar Sackin]] (Russie) et Willi Münzenberg (Allemagne), qui en prend la direction.
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Il est décidé que l’IJC aurait son siège à Berlin et un programme politique est adopté. Un comité exécutif de cinq membres est aussi mis en place. Il est constitué de [[Leo_Flieg|Leo Flieg]] (Allemagne), Willi Münzenberg (Allemagne), [[Luigi_Polano|Luigi Polano]] (Italie), Oskar Samuelson (Suède), [[Lazar_Sackin|Lazar Sackin]] (Russie) et Willi Münzenberg (Allemagne), qui en prend la direction. Elle compte jusqu’à 800 000 membres à son apogée en 1921. Elle est financièrement indépendante de l’IC. Les jeunes forment l’essentiel des troupes des PC au moment de la plus grande vague révolutionnaire que l’Europe ait connu (1918-1923). A tel point que dans certains pays, c’est la jeunesse socialiste qui se change en PC, en section de l’IC, comme en Belgique ou dans l’Etat Espagnol.
    
En URSS, les jeunesses communistes ("komsomol") deviennent un grand appareil du parti pour formater la jeunesse.
 
En URSS, les jeunesses communistes ("komsomol") deviennent un grand appareil du parti pour formater la jeunesse.
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<blockquote>«&nbsp;La JOC prétend défendre vos intérêts. Mais le pape et les curés qui la dirigent mènent la croisade contre la Russie soviétique.&nbsp;»<ref>Archives départementales de Seine-Maritime, 1M 315, Papillon de la Jeunesse communiste.</ref></blockquote>  
 
<blockquote>«&nbsp;La JOC prétend défendre vos intérêts. Mais le pape et les curés qui la dirigent mènent la croisade contre la Russie soviétique.&nbsp;»<ref>Archives départementales de Seine-Maritime, 1M 315, Papillon de la Jeunesse communiste.</ref></blockquote>  
 
Le mouvement se déconfessionnalisme peu à peu après 1945. Aujourd'hui en France, la JOC regroupe 10&nbsp;000 jeunes de 15 à 30 ans.
 
Le mouvement se déconfessionnalisme peu à peu après 1945. Aujourd'hui en France, la JOC regroupe 10&nbsp;000 jeunes de 15 à 30 ans.
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=== L'Organisation juive de combat ===
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L'Organisation juive de combat (OJC) est le groupe qui mena l'[[Soulèvement_du_ghetto_de_Varsovie|insurrection du ghetto de Varsovie]] en 1941. C'était une lutte héroïque, 200 combattants armés en tout et pour tout, au milieu d’une population affamée, tenant tête à 2000 SS et supplétifs, avec tanks et aviation. L’OJC était un [[front_unique|front unique]] des organisations de jeunesse socialistes juives. Presque tous les combattants sont des très jeunes, le commandement&nbsp;: «&nbsp;110 ans à nous cinq&nbsp;». L’OJC organise des exécutions de policiers et de collabos, réquisitionne la fortune des riches, et résiste aux assauts nazis pendant plusieurs semaines.
    
=== Extrême droite ===
 
=== Extrême droite ===
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L’exemple des jeunesses hitlériennes et des ''ballilas'' mussoliniennes est dans tous les esprits.
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La révolte de la jeunesse ne se dirige pas automatiquement sur les bonnes cibles. Dans les années 1930, une partie non négligeable de la jeunesse était radicalisée vers l'[[extrême_droite|extrême droite]]. La première étape de la construction du [[nazisme|mouvement nazi]] en Allemagne a été de gagner la majorité chez les étudiants, ce qui a été fait bien avant que le parti nazi ne gagne des millions d’électeurs (même chose en Espagne et en Italie). Et une fois les fascismes au pouvoir, l'embrigadement de la jeunesse constitue une consolidation du régime (''ballilas'' de Mussolini, jeunesses hitlériennes...).
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Dans les années 1930, une partie non négligeable de la jeunesse était radicalisée vers l'extrême droite&nbsp;:
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En France aussi, l'extrême droite était extrêmement implantée dans la jeunesse, surtout étudiante :
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*les Camelots du Roi,  
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*les Camelots du Roi, jeunes de l'Action française
 
*les Jeunesses patriotes  
 
*les Jeunesses patriotes  
 
*les Fils et Filles de Croix-de-Feu  
 
*les Fils et Filles de Croix-de-Feu  
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Les JC sont en perpétuel affrontement avec ces mouvements, en particulier lors de la vente de ''L’Avant Garde''. Au congrès de l’Internationale communiste des jeunes le 9 août 1935, Raymond Guyot, secrétaire général de la JC, déclare que&nbsp;:
 
Les JC sont en perpétuel affrontement avec ces mouvements, en particulier lors de la vente de ''L’Avant Garde''. Au congrès de l’Internationale communiste des jeunes le 9 août 1935, Raymond Guyot, secrétaire général de la JC, déclare que&nbsp;:
 
<blockquote>«&nbsp;les ligues fascistes avaient avec elles le 6 février 1934 une certaine partie de la jeunesse en particulier des étudiants, des fils de commerçants, des employés, des jeunes chômeurs&nbsp;».<ref>Archives départementales de Seine-Saint-Denis, Archives du parti communiste français, 283 J69, Fonds Raymond Guyot, Internationale communiste des jeunes, le 9 août 1935</ref></blockquote>  
 
<blockquote>«&nbsp;les ligues fascistes avaient avec elles le 6 février 1934 une certaine partie de la jeunesse en particulier des étudiants, des fils de commerçants, des employés, des jeunes chômeurs&nbsp;».<ref>Archives départementales de Seine-Saint-Denis, Archives du parti communiste français, 283 J69, Fonds Raymond Guyot, Internationale communiste des jeunes, le 9 août 1935</ref></blockquote>  
Toutefois, après le tournant "unitaire" de 1934, les JC se retrouveront à tendre la main aux "fascistes" d'hier. Ainsi, le 18 juillet 1936 en «&nbsp;une&nbsp;» de ''L’Avant Garde,'' peut-on lire&nbsp;: «&nbsp;''Nous te tendons la main, jeunes volontaires nationaux.''&nbsp;»
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Toutefois, après le tournant "unitaire" de 1934, les JC se retrouveront à tendre la main aux "fascistes" d'hier. Ainsi, le 18 juillet 1936 en «&nbsp;une&nbsp;» de ''L’Avant Garde,'' peut-on lire&nbsp;: «&nbsp;''Nous te tendons la main, jeunes volontaires nationaux.''&nbsp;». Même pendant la [[Juin_1936_en_France|grève générale de juin 1936]], c'est l'Action française qui domine au Quartier latin.
    
== Autonomie de la jeunesse ==
 
== Autonomie de la jeunesse ==
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=== Étudiants ===
 
=== Étudiants ===
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Au XIXe siècle et durant une bonne partie du XXe siècle, jusqu’aux années 1960 environ, les étudiants n’étaient, quant à eux, pas socialement liés à la [[Classe_ouvrière|classe ouvrière]]. Ils étaient au contraire une très faible minorité des classes d’âge concernées, issus très généralement de la moyenne et de la grande [[Bourgeoisie|bourgeoisie]]. Mais la prolongation même de leurs études contribuait à aiguiser leur esprit critique. Dès lors, ils se trouvèrent fréquemment à l’initiative de mouvements insurrectionnels, liés non à des revendications économiques, mais à des objectifs politiques et démocratiques, lorsqu’il s’agissait de lutter contre un régime autocratique, pour la conquête et la défense de certaines libertés. Les étudiants participèrent ainsi aux grandes révolutions européennes du XIXe siècle. En France, lors des journées de juillet 1830 qui mirent à bas la monarchie restaurée, celle de Charles&nbsp;X, les étudiants participèrent au pillage d’armureries, donnèrent les premiers coups de feu contre l’armée du roi et aidèrent à dresser les premières barricades&nbsp;; dans les quartiers populaires de l’Est parisien, étudiants républicains et ouvriers participèrent ensemble à la résistance armée, puis à l’offensive finalement victorieuse. En février 1848, ils furent aussi très présents parmi les insurgés qui renversèrent le régime de Louis-Philippe et proclamèrent la République, mais aussi parmi les révolutionnaires du «&nbsp;[[Printemps_des_peuples|printemps des peuples]]&nbsp;» un peu partout en Europe. Dans chacun de ces moments révolutionnaires, le rôle de la classe ouvrière a été moteur et véritablement déterminant&nbsp;; mais les étudiants ont souvent concouru à déclencher les mouvements.
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Au 19<sup>e</sup> siècle et durant une bonne partie du 20<sup>e</sup> siècle, jusqu’aux années 1960 environ, les étudiants n’étaient, quant à eux, pas socialement liés à la [[Classe_ouvrière|classe ouvrière]]. Ils étaient au contraire une très faible minorité des classes d’âge concernées, issus très généralement de la moyenne et de la grande [[Bourgeoisie|bourgeoisie]]. Mais la prolongation même de leurs études contribuait à aiguiser leur esprit critique. Dès lors, ils se trouvèrent fréquemment à l’initiative de mouvements insurrectionnels, liés non à des revendications économiques, mais à des objectifs politiques et démocratiques, lorsqu’il s’agissait de lutter contre un régime autocratique, pour la conquête et la défense de certaines libertés. Les étudiants participèrent ainsi aux grandes révolutions européennes du 19<sup>e</sup> siècle. En France, lors des journées de juillet 1830 qui mirent à bas la monarchie restaurée, celle de Charles&nbsp;X, les étudiants participèrent au pillage d’armureries, donnèrent les premiers coups de feu contre l’armée du roi et aidèrent à dresser les premières barricades&nbsp;; dans les quartiers populaires de l’Est parisien, étudiants républicains et ouvriers participèrent ensemble à la résistance armée, puis à l’offensive finalement victorieuse. En février 1848, ils furent aussi très présents parmi les insurgés qui renversèrent le régime de Louis-Philippe et proclamèrent la République, mais aussi parmi les révolutionnaires du «&nbsp;[[Printemps_des_peuples|printemps des peuples]]&nbsp;» un peu partout en Europe. Dans chacun de ces moments révolutionnaires, le rôle de la classe ouvrière a été moteur et véritablement déterminant&nbsp;; mais les étudiants ont souvent concouru à déclencher les mouvements.
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Cette sensibilité particulière des étudiants à la défense des libertés démocratiques leur a souvent fait rejoindre les ouvriers en lutte. Le cas de la Russie au début du XXe siècle est à cet égard frappant. Subissant directement les contraintes d’un régime particulièrement oppressif, les étudiants se soulevèrent à maintes reprises contre le tsarisme. C’est pourquoi, dès 1901, Lénine en appelait à la jonction des travailleurs et des étudiants&nbsp;:
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Cette sensibilité particulière des étudiants à la défense des libertés démocratiques leur a souvent fait rejoindre les ouvriers en lutte. Le cas de la Russie au début du 20<sup>e</sup> siècle est à cet égard frappant. Subissant directement les contraintes d’un régime particulièrement oppressif, les étudiants se soulevèrent à maintes reprises contre le [[tsarisme|tsarisme]]. C’est pourquoi, dès 1901, [[Lénine|Lénine]] en appelait à la jonction des travailleurs et des étudiants&nbsp;:
 
<blockquote>«&nbsp;''Les meilleurs représentants de nos classes instruites ont prouvé et consacré, comme en fait foi le sang de milliers de révolutionnaires suppliciés par le gouvernement, leur capacité et leur volonté de secouer de leurs pieds la poussière de la société bourgeoise pour rejoindre les rangs des socialistes. Et il est indigne du titre de socialiste, l’ouvrier qui peut voir d’un œil indifférent le gouvernement envoyer la troupe contre la jeunesse universitaire. L’étudiant a aidé l’ouvrier&nbsp;; l’ouvrier doit venir au secours de l’étudiant''&nbsp;»<ref>Lénine, « Enrôlement forcé de 183 étudiants », Iskra, février 1901, republié in Lénine, Textes sur la jeunesse, Moscou, Editions du progrès, 1970, p. 81.</ref></blockquote>  
 
<blockquote>«&nbsp;''Les meilleurs représentants de nos classes instruites ont prouvé et consacré, comme en fait foi le sang de milliers de révolutionnaires suppliciés par le gouvernement, leur capacité et leur volonté de secouer de leurs pieds la poussière de la société bourgeoise pour rejoindre les rangs des socialistes. Et il est indigne du titre de socialiste, l’ouvrier qui peut voir d’un œil indifférent le gouvernement envoyer la troupe contre la jeunesse universitaire. L’étudiant a aidé l’ouvrier&nbsp;; l’ouvrier doit venir au secours de l’étudiant''&nbsp;»<ref>Lénine, « Enrôlement forcé de 183 étudiants », Iskra, février 1901, republié in Lénine, Textes sur la jeunesse, Moscou, Editions du progrès, 1970, p. 81.</ref></blockquote>  
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L'année 1968 et plus généralement les années 1970 sont aussi un exemple majeur de radicalisation politique de la jeunesse.
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Le système capitaliste a besoin après-guerre d’une massification de l’enseignement supérieur qui fait naître un groupe social de centaines de milliers voire de millions de lycéens et d’étudiants. En se massifiant, la couche des étudiants devient (en moyenne) moins bourgeoise et plus populaire. Par ailleurs, les grandes luttes à l'échelle internationale dans la décennie précédente ([[Révolution_chinoise_(1949)|en Chine]], [[révolution_cubaine|à Cuba]], [[guerre_d'Algérie|en Algérie]], [[guerre_du_Vietnam|au Vietnam]]..) stimulent une radicalisation, qui se fait largement en dehors des partis staliniens et social-démocrates, peu attractifs, et donc ces étudiants sont moins encadrés par les bureaucraties. De fait, les [[mouvements_étudiants|mouvements étudiants]] ont la particularité d'être généralement [[Auto-organisation|auto-organisés]] ([[coordination_étudiante|coordinations étudiantes]] avec délégués des différentes universités mobilisées...).
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En France ce qui était au départ une manif de 30 000 étudiants pour la libération de militants arrêtés par la police se transforme en affrontements avec la police qui débouchent sur une grève générale de 10 millions de travailleurs. Mais 68, c’est aussi le mouvement étudiant au Pakistan qui déclenche une crise sociale telle que le régime dictatorial chute, le mouvement massif qui déclenche également des crises sociales importantes en Egypte ou au Mexique, et c’est encore l’occupation de l’université de Belgrade en juin 68 qui déclenche le mouvement révolutionnaire contre la dictature bureaucratique.
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=== Au sein des partis ouvriers ===
 
=== Au sein des partis ouvriers ===
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Au début des années 1960, une majorité de jeunes socialistes allèrent rejoindre des partis tout nouvellement fondés, qui se disaient anticapitalistes et revendiquaient l’indépendance de l’Algérie&nbsp;: le [[Parti_socialiste_autonome|Parti socialiste autonome]] (PSA) puis le [[Parti_socialiste_unifié|Parti socialiste unifié]] (PSU).
 
Au début des années 1960, une majorité de jeunes socialistes allèrent rejoindre des partis tout nouvellement fondés, qui se disaient anticapitalistes et revendiquaient l’indépendance de l’Algérie&nbsp;: le [[Parti_socialiste_autonome|Parti socialiste autonome]] (PSA) puis le [[Parti_socialiste_unifié|Parti socialiste unifié]] (PSU).
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C’est bien souvent des jeunes qu’est venue la contestation contre les bureaucraties dans le mouvement ouvrier. Ce fut le cas par exemple au sein du [[PCF|PCF]] lors de la crise de 1931, dite du groupe «&nbsp;Barbé-Célor&nbsp;», dirigeants des Jeunesses communistes accusés par l’appareil [[Stalinien|stalinien]] de tenir des réunions fractionnelles clandestines au sein du parti et taxés de «&nbsp;[[Gauchisme|gauchisme]]&nbsp;»&nbsp;; ce fut encore le cas pendant la guerre d’Algérie lors de la crise dite «&nbsp;Servin-Canova&nbsp;», et ses rebondissements en 1965 quand, à l’issue d’un travail d’opposition puis de fraction à l’intérieur de l’[[Union_des_étudiants_communistes|Union des étudiants communistes]] (UEC), une centaine de jeunes militants (parmi lesquels Alain Krivine) furent exclus et fondèrent la [[Jeunesse_communiste_révolutionnaire|Jeunesse communiste révolutionnaire]] (JCR).
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C’est bien souvent des jeunes qu’est venue la contestation contre les [[bureaucraties|bureaucraties]] dans le mouvement ouvrier. Ce fut le cas par exemple au sein du [[PCF|PCF]] lors de la crise de 1931, dite du groupe «&nbsp;Barbé-Célor&nbsp;», dirigeants des Jeunesses communistes accusés par l’appareil [[Stalinien|stalinien]] de tenir des réunions fractionnelles clandestines au sein du parti et taxés de «&nbsp;[[Gauchisme|gauchisme]]&nbsp;»&nbsp;; ce fut encore le cas pendant la guerre d’Algérie lors de la crise dite «&nbsp;Servin-Canova&nbsp;», et ses rebondissements en 1965 quand, à l’issue d’un travail d’opposition puis de fraction à l’intérieur de l’[[Union_des_étudiants_communistes|Union des étudiants communistes]] (UEC), une centaine de jeunes militants (parmi lesquels [[Alain_Krivine|Alain Krivine]]) furent exclus et fondèrent la [[Jeunesse_communiste_révolutionnaire|Jeunesse communiste révolutionnaire]] (JCR).
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=== Plus récemment ===
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La jeunesse a joué un rôle majeur dans les [[révolutions_arabes|révolutions arabes de 2011]] qui ont renversé les dictateurs Moubarak (Egypte) et Ben Ali (Tunisie). Les jeunes en armes étaient en première ligne pour défendre les bastions révolutionnaires (place Tahrir, quartiers insurgés de Tunis...). Les martyrs morts avant (comme Mohamed Bouazizi) ou pendant le soulèvement sont en grande majorité des jeunes. Des lycéens et collégiens ont obtenu que les programmes scolaires soient purgés de toutes références aux soi-disant réalisations positives de Moubarak et ont aboli les châtiments corporels. Les clubs de supporters ultra, très jeunes, ont été à l'avant garde des affrontements avec la police. Les mobilisations ont eu lieu dans une grande solidarité avec les grèves ouvrières (souvent elles-mêmes menées par des jeunes travailleurs), et par ailleurs la conscience de l'importance de la classe ouvrière était présente, comme le montre ce texte du bloggeur et militant révolutionnaire Hossam El-Hamalawy&nbsp;:
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«&nbsp;Tout le temps où nous étions place Tahrir, nous pouvions contrôler la place Tahrir, mais nous ne contrôlions pas le reste du pays. Hosni Mubarak et son entourage étaient toujours en place et tenaient le bâton du pouvoir entre les mains. (…) Mais les grèves généralisées de mercredi et jeudi ont changé la situation. Les étudiants pouvaient manifester et occuper leurs universités pendant toute une année. Le gouvernement peut les fermer. Les juges pouvaient organiser des manifs héroïques. Le gouvernement peut fermer les tribunaux-il a des cours militaires. Si les journalistes manifestent, le gouvernement peut fermer les journaux. Mais les travailleurs, s’ils font grève, c’est «&nbsp;game over&nbsp;». La partie est terminée parce que la machine ne marchera pas. Il n’y a pas d’argent qui circule, il n’y a plus de trains plus de bus, les usines ne tournent plus. C’est «&nbsp;game over&nbsp;». <ref>http://www.jadaliyya.com/pages/index/1387/english-translation-of-interview-with-hossam-el-ha</ref>
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</blockquote>
 
== Notes et sources ==
 
== Notes et sources ==
   −
Revue du Centre d'histoire de Science Po, [http://www.histoire-politique.fr/index.php?numero=04&rub=dossier Les jeunes, sujets et enjeux politiques (France, XXe siècle)]
+
*Field Brohm, ''Jeunesse et Révolution'', Maspéro, 1975
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*Ernest Mandel, [http://www.ernestmandel.org/new/ecrits/article/les-etudiants-les-intellectuels-et ''Les étudiants, les intellectuels et la lutte des classes''], Éditions La Brèche, 1979, Paris
 +
*<span class="notice-heada" draggable="yes" dragtype="notice" id="drag_noti_656"><span class="header_title" notice="656">Le miroir de l'Internationale Communiste de la Jeunesse 1914-1924</span> / Philippe ANDRÉA ''in Quatrième Internationale, 42e année / 3e série, n°14 (1er juillet 1984)''</span>
 +
*Revue du Centre d'histoire de Science Po, [http://www.histoire-politique.fr/index.php?numero=04&rub=dossier Les jeunes, sujets et enjeux politiques (France, XXe siècle)]  
 +
*[http://www.internationalcamp.org/spip.php?article279 Le rôle de la jeunesse et de la classe ouvrière dans la révolution – à la lumière des révolutions au Sud de la Méditerranée], 2011
    
<references /><br/> <br/> &nbsp;
 
<references /><br/> <br/> &nbsp;
    
[[Category:Théorie]] [[Category:Politique révolutionnaire]]
 
[[Category:Théorie]] [[Category:Politique révolutionnaire]]

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