Modifications

Aller à la navigation Aller à la recherche
31 997 octets ajoutés ,  18 octobre 2017 à 14:43
Page créée avec « thumb|right|370x273px|Mise à mort de Wat Tyler qui mena une révolte contre le servage (1381)Le '''servage''' (du latin ''servus'' « escla... »
[[File:MortWatTyler.jpg|thumb|right|370x273px|Mise à mort de Wat Tyler qui mena une révolte contre le servage (1381)]]Le '''servage''' (du latin ''servus'' « esclave ») est la condition de quiconque est tenu par la loi, la coutume ou un accord, de vivre et de travailler sur une terre appartenant à une autre personne et de fournir à cette autre personne, contre rémunération ou gratuitement, certains services déterminés, sans pouvoir changer sa condition.

Le servage désigne à partir du [[Moyen_Âge|Moyen Âge]] la condition des paysans attachés à un [[Manse_(tenure)|manse]] servile, terre qu'ils cultivent et ne peuvent quitter.

== Origines ==

A la fin de l'[[Empire_romain|Empire romain]], le statut de [[Colonat_partiaire|colon]] évolue. Désormais, les colons, sont liés juridiquement à la terre qu'ils exploitent ou au propriétaire de la terre, dans une forme qui préfigure le servage. Les troubles sociaux et les [[Invasions_barbares|invasions]] qui accompagnent le [[Déclin_de_l'Empire_romain_d'Occident|déclin de l'empire]] poussent les grands propriétaires à se retirer sur leurs domaines (''villa''), dont ils organisent eux-mêmes la défense. Des esclaves en fuite et des familles de paysans viennent trouver refuge sur ces domaines. Le propriétaire alloue à chaque famille un lot de terre qu'elle peut cultiver pour son compte, en échange d'une part de la récolte et de temps de travail ([[Corvée|corvée]]) sur les terres du propriétaire. Les enfants des paysans héritent à leur tour du statut de dépendance de leurs parents. Progressivement ce système évolue vers le servage<ref name=":34">{{Ouvrage|langue=|auteur1=|prénom1=Mazoyer, Marcel,|nom1=Roudart, Laure|titre=Histoire des agricultures du monde : du néolithique à la crise contemporaine|passage=Chapitre VI Les systèmes agraires à jachère et culture attelée légère des régions tempérées|lieu=|éditeur=Éditions du Seuil|date=2002|pages totales=|isbn=9782020530613|oclc=300189713|lire en ligne=https://www.worldcat.org/oclc/300189713}}</ref>.

== Différence avec l'esclavage ==

&nbsp;Le servage est une institution caractérisant l'organisation socio-économique du [[Moyen_Âge|Moyen Âge]] et qui subsiste en [[Empire_tsariste|Russie]] jusqu'au milieu du 19<sup>e</sup> siècle et au Tibet jusqu'en 1959. Sa différence avec l'[[Esclavage|esclavage]] provient du statut juridique du serf, il n'est pas assimilé à une chose comme l'était l'esclave et dispose d'une personnalité juridique. Il peut se marier, posséder des biens et ne peut être vendu..

Les serfs sont une classe de travailleurs agricoles. Ils doivent résider et travailler dans un endroit, et cultiver la terre, propriété de leur seigneur, lequel peut être un noble, un dignitaire ecclésiastique ou une institution religieuse comme un monastère. De ce fait, le serf est juridiquement considéré non pas comme une «&nbsp;chose&nbsp;», un «&nbsp;bien meuble&nbsp;», mais comme une «&nbsp;personne&nbsp;», liée à une autre personne. Les serfs cultivent les terres de leur seigneur (la «&nbsp;[[Réserve_(histoire)|réserve seigneuriale]]&nbsp;»). En contrepartie, ils sont autorisés à travailler un lopin de terre (leur «&nbsp;[[Tenure_(féodalité)|tenure]]&nbsp;») pour nourrir leur famille et subvenir à leurs besoins.

À partir du 13<sup>e</sup> siècle, les serfs sont soumis de plus en plus à une taxe arbitraire appelée ''[[Taille_(impôt)|taille]]'', qui devient annuelle à partir de 1439. Les seigneurs ont le droit de [[Mainmorte|mainmorte]], en vertu duquel les serfs ne peuvent pas transmettre leurs biens. En échange, le seigneur protège le serf des brigands et lui doit son assistance alimentaire. Ainsi, le serf n'appartient pas à son seigneur, mais est attaché à la terre (souvent un [[Fief|fief]], dont le propriétaire ultime est plus haut dans la chaîne de vassalité), la contrepartie étant qu'il ne peut être chassé de cette terre, puisqu'il ne fait qu'un avec elle&nbsp;; en outre, il possède des biens, peut exercer une action et témoigner en justice, peut contracter (mariages, contrats de vente) plus ou moins librement (le plus souvent entre serfs).

Sa condition de servage pouvait parfois être actée par «&nbsp;contrat&nbsp;», ce qui préfigurait le type de «&nbsp;liberté&nbsp;» généralisée plus tard dans la condition de [[prolétaire|prolétaire]] :
<blockquote>
«&nbsp;Moi, Berterius, dans la villa d'Asine, près de l'église de Saint-Pierre, devant le peuple assemblé et l'illustre Comte Teubolt, de mon plein gré, sans être ni forcé ni circonvenu, dans le libre exercice de ma volonté, j'ai mis la courroie à mon cou, selon la loi romaine, je me suis livré par les mains à Alvadius et à son épouse Ermengarde. Car il est établi que tout homme libre peut rendre meilleure ou pire sa condition personnelle. Donc, à partir de ce jour, vous et vos héritiers, vous ferez de moi et de mes proches ce que vous voudrez, ayant droit de nous posséder, de nous vendre, de nous donner ou de nous affranchir. Si de moi-même ou par le conseil d'hommes méchants, je veux me soustraire de votre service, vous pourrez me détenir et me punir, vous et vos régisseurs, comme tous vos autres serfs nés dans la condition servile.&nbsp;»<ref>Recueil des chartes de l'abbaye de Cluny, fin du IXe siècle, n°30, traduction de Alexandre Bruel, Paris, 1876-1903</ref>
</blockquote>
Mais s'il n'est pas nécessairement complètement dénué de droit d'[[Héritage_(droit)|héritage]], celui-ci est dans tous les cas fortement limité, en particulier par l'[[Échute|échute]]&nbsp;: en l'absence d'héritier direct, ses biens reviennent à son seigneur lors de son décès.<!--Ce qui lie le serf à son seigneur est un contrat analogue du contrat de vassalité : il lui doit fidélité,-->

L'Eglise et ses différentes structures (abbayes, monastères...) ont également détenu des serfs et même des esclaves. Néanmoins elle a eu tendance à pousser dans le sens de la transformation de l'esclavage en servage, et du servage en colonat.

Le [[Christianisme|christianisme]] s'opposait en général à ce que des chrétiens appartiennent à d'autres chrétiens (notamment depuis Léon III et le concile de Latran), ce qui n'a pas empêché l'institution du servage d'exister dans les terres dominées par le christianisme. Certains, comme Alcuin, conseiller de Charlemagne à la tête de l'Académie palatine, ou Raban Maur, autre artisan important de la «&nbsp;[[Renaissance_carolingienne|Renaissance carolingienne]]&nbsp;», considéraient l'esclavage et le servage comme légitimes<ref name="Allard" />&nbsp;; d'autres, tels l'évêque Jonas d'Orléans ou Agobard de Lyon pensaient qu'on devait traiter un esclave de la même façon qu'un homme libre&nbsp;; de façon marginale, Smaragde, l'abbé de Saint-Mihiel, réclamait jusqu'à l'abrogation de l'esclavage<ref name="Allard" />.

Selon l'historien Paul Allard (1913<ref name="Allard">[[Paul Allard]] (1913), ''Les Origines du servage en France'', Paris, J. Gabalda, 332 p. Voir en ligne, sur le [[Persée (portail)|portail Persée]], la [http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhef_0300-9505_1914_num_5_28_2124_t1_0512_0000_1 recension de 1914 par J. Duffo] : « Paul Allard. Les origines du servage en France », dans ''[[Revue d'histoire de l'Église de France]]'', 1914, n°28, p. 512-515.</ref>), le servage, d'origine romaine, aurait coexisté un temps avec l'[[Esclavage_en_Rome_antique|esclavage]], étant lié de très près avec le [[Colonat|colonat]]<!-- en raison de l'ancienneté de cette étude, le conditionnel demeure de rigueur, tant que ce n'est pas confirmé par des sources plus récentes -->. Au 4<sup>e</sup> siècle, une loi de Valentinien et Gratien aurait renforcé l'institution du colonat, en interdisant aux propriétaires de vendre des esclaves ruraux sans les terres cultivées par eux<ref name="Allard" />.

Contrairement aux serfs, les esclaves sont la propriété privée d'un maître. En effet, les esclaves sont des outils vivants aux yeux des maîtres. Ce ne sont pas des personnes mais des biens meubles, comparables aux animaux domestiques, ils sont traités comme ceux-ci. À la ville et dans les campagnes, dans les ateliers, sur les navires, aux champs, les esclaves féminins ainsi que masculins, exclus du peuple, figuraient parmi les instruments de production. Là où le travail n'était pas imposé par la nécessité, l'esclavage n'existait pas. Les esclaves peuvent être achetés, vendus, négociés ou offerts en cadeau…

L'[[Église_romaine|Église]], opposée à l'esclavage et propriétaire de nombreuses terres disposant de serfs, aurait alors accordé à ces derniers, un certain nombre de droits, notamment ceux relatifs à l'héritage et au [[Mariage|mariage]]<ref name="Allard" />. À la fin du 19<sup>e</sup> et au début du 20<sup>e</sup> siècle, un débat opposait toutefois Ernest Renan et Ettore Cicotti d'un côté, et Paul Allard de l'autre, au sujet des serfs de l'Église&nbsp;: les premiers pensaient que les serfs de l'Église obtenaient moins facilement la liberté que les autres, tandis qu'Allard affirmait que le principe d'inaliénabilité, issu du [[Droit_canon|droit canon]], pouvait être assoupli, et qu'on ne pouvait déduire du [[Concile_d'Épaone|concile d'Épaone]] (417) que les esclaves ou les serfs des monastères ne pouvaient être affranchis<ref name="Allard" />. Selon P. Allard (1913), le ''Polyptyque d'Irminon'', inventaire de biens rédigé au 9<sup>e</sup> siècle par l'abbé de Saint-Germain-des-Prés, montre une grande variété des statuts de serfs dans l'Église<ref name="Allard" />. Mais c'est, selon lui, saint Benoît d'Aniane, moine [[Bénédictin|bénédictin]] des 8<sup>e</sup> et 9<sup>e</sup> siècles, qui marque une rupture, en refusant que son monastère, fondé en 807, possède des serfs<ref name="Allard" />.

== Servage personnel ou servage réel ==

=== Servage personnel ===

Dans le servage personnel, c'est la personne qui a le statut de serf, indépendamment de son activité ou de sa profession. Le serf est attaché à une terre qu'il doit exploiter soit à son propre compte, plus rarement au compte de son seigneur. Il est soumis à l'obligation juridique d'y rester, et doit accepter son nouveau seigneur quand cette terre est léguée ou vendue. Ce statut est héréditaire.

Pour devenir libre, le serf devait acheter sa «&nbsp;franchise&nbsp;», ou alors s'enfuir. En effet, le seigneur avait «&nbsp;[https://fr.wikipedia.org/wiki/Droit_de_suite_en_France#Ancien_Droit droit de suite]&nbsp;», lequel l’autorisait à poursuivre celui qui était en fuite de son domaine, et des accords d’«&nbsp;entrecours&nbsp;» par lesquels les seigneurs s’engageaient à se livrer mutuellement les fugitifs. Toutefois, à partir du 10<sup>e</sup> siècle, l'Église crée avec le roi et les comtes des terres de refuges ou [https://fr.wikipedia.org/wiki/Sauveté sauvetés] qui permettent à ceux qui s'y installent de s'affranchir des effets du ''droit de suite'' et les rend ainsi libres, eux et leurs familles. C'est le développement du nombre des sauvetés, des [[Villefranche_(ville)|villefranches]] puis des [[Bastide_(ville)|bastides]] qui fera disparaître complètement le servage.

Le servage personnel avait entièrement disparu en France avant le 14<sup>e</sup> siècle.

=== Servage réel ===

Dans le servage réel, le servage est un droit réel, ou plutôt une restriction des droits attachés à un domaine foncier, en particulier le droit d'aliéner. Ils se transmettent avec la propriété de celle-ci. Un homme libre qui acquiert une [[Tenure_(féodalité)|tenure]] ''servile'' devient serf. En plus de certaines servitudes, ce droit réel consistait essentiellement dans le fait de ne pas pouvoir vendre sa terre ou sa maison à un tiers, ni la léguer à son successeur. À la mort du serf, tous ses biens immeubles revenaient au seigneur qui, presque toujours, les concédait à nouveau à ses enfants capables de lui succéder. Le servage réel était plus connu sous l'appellation de mainmorte ou d'aubaine. Ces terres étaient aussi appelées «&nbsp;précaires&nbsp;» et correspondaient au statut de louage qui a été généralisé après la [[Révolution_française|Révolution]] par le [[Code_civil_(France)|Code civil]] de 1804. Celui qui était serf à titre réel avait les mêmes droits civils et politiques qu'un homme libre.

== Servage et exploitation ==

Succédant à l'esclavage, le servage, dans l'analyse [[Marxisme|marxiste]], représente l'une des trois formes d'exploitation du travail avec l'esclavage précisément et le salariat. Au niveau général, l'exploitation désigne le fait qu'une personne travaille gratuitement pour une autre. Ce travail gratuit peut prendre des formes simples, comme dans l'esclavage, ou complexes. Au niveau du servage, le serf se voit contraint de travailler gratuitement sur les terres du seigneur et de lui donner en nature une partie de sa récolte. Pour indiquer ce travail gratuit on dit qu'il est soumis à la [[Taille_(impôt)|taille]] et à la [[Corvée_seigneuriale|corvée seigneuriale]]&nbsp;: entretien du château, des douves ou des bois. C'est de ce temps que vient l'expression «&nbsp;taillable et corvéable à merci&nbsp;».

== Le servage en Europe ==

Dates d'abolition du servage (ou lien assimilé)&nbsp;:

*<abbr title="12ᵉ siècle" class="abbr">XII<sup>e</sup></abbr>&nbsp;siècle&nbsp;: duché de Normandie, duché de Bretagne
*1574&nbsp;: Angleterre
*1746&nbsp;: Valachie&nbsp;: 1746
*1749&nbsp;: Moldavie&nbsp;: 1749
*1771&nbsp;: Savoie&nbsp;: <time datetime="1771-12-19" class="nowrap date-lien">19 décembre 1771</time>
*1779&nbsp;: France&nbsp;: <time datetime="1779-08-08" class="nowrap date-lien">8 août 1779</time>&nbsp;: Louis XVI abolit le servage sur les domaines royaux
*1781&nbsp;: Autriche. Première abolition&nbsp;: <time datetime="1781-11-01" class="nowrap date-lien">1<sup>er</sup> novembre 1781</time> (1848)
*1781&nbsp;: Bohême. Première abolition&nbsp;: <time datetime="1781-11-01" class="nowrap date-lien">1<sup>er</sup> novembre 1781</time> (1848)
*1783&nbsp;: Bade&nbsp;: <time datetime="1783-07-23" class="nowrap date-lien">23 juillet 1783</time>
*1788&nbsp;: Danemark&nbsp;: <time datetime="1788-06-20" class="nowrap date-lien">20 juin 1788</time>
*1789&nbsp;: France&nbsp;: <time datetime="1789-11-03" class="nowrap date-lien">3 novembre 1789</time>
*1798&nbsp;: Suisse&nbsp;: <time datetime="1798-05-04" class="nowrap date-lien">4 mai 1798</time>
*1804&nbsp;: Schleswig-Holstein&nbsp;: <time datetime="1804-12-19" class="nowrap date-lien">19 décembre 1804</time>
*1807&nbsp;: duché de Varsovie (Pologne)&nbsp;: <time datetime="1807-07-22" class="nowrap date-lien">22 juillet 1807</time>
*1807&nbsp;: Prusse&nbsp;: <time datetime="1807-10-09" class="nowrap date-lien">9 octobre 1807</time> (1811-1823)
*1807&nbsp;: Mecklembourg&nbsp;: <time datetime="1807-10" class="nowrap date-lien">octobre 1807</time> (1820)
*1808&nbsp;: Bavière&nbsp;: <time datetime="1808-08-31" class="nowrap date-lien">31 août 1808</time>
*1812&nbsp;: Nassau&nbsp;: <time datetime="1812-09-01" class="nowrap date-lien">1<sup>er</sup> septembre 1812</time>
*1816&nbsp;: Estonie (Empire russe)&nbsp;: <time datetime="1816-03-23" class="nowrap date-lien">23 mars 1816</time>
*1817&nbsp;: Courlande (Empire russe)&nbsp;: <time datetime="1817-08-25" class="nowrap date-lien">25 août 1817</time>
*1817&nbsp;: Wurtemberg&nbsp;: <time datetime="1817-11-18" class="nowrap date-lien">18 novembre 1817</time>
*1819&nbsp;: Livonie (Empire russe)&nbsp;: <time datetime="1819-03-26" class="nowrap date-lien">26 mars 1819</time>
*1820&nbsp;: Mecklembourg&nbsp;: abolition effective en 1820 (1807)
*1823&nbsp;: Prusse&nbsp;: abolition effective en 1811-1823 (1807)
*1831&nbsp;: Hanovre
*1832&nbsp;: Saxe&nbsp;: <time datetime="1832-03-17" class="nowrap date-lien">17 mars 1832</time>
*1846&nbsp;: Tunisie&nbsp;: &nbsp;Le bey Ahmed&nbsp;<abbr title="premier" class="abbr">I<sup>er</sup></abbr> abolit l'esclavage le <time datetime="1846-04-29" class="nowrap date-lien">29 avril 1846</time>
*1848&nbsp;: Hongrie. Première abolition&nbsp;: <time datetime="1848-04-11" class="nowrap date-lien">11 avril 1848</time>
*1848&nbsp;: Croatie&nbsp;: <time datetime="1848-05-08" class="nowrap date-lien">8 mai 1848</time>
*1848&nbsp;: Autriche. Deuxième abolition&nbsp;: <time datetime="1848-09-07" class="nowrap date-lien">7 septembre 1848</time> (1781)
*1848&nbsp;: Bohême. Deuxième abolition&nbsp;: 1848, (1781)
*1853&nbsp;: Hongrie. Deuxième abolition&nbsp;: <time datetime="1853-03-02" class="nowrap date-lien">2 mars 1853</time>
*1858&nbsp;: Bulgarie&nbsp;: 1858&nbsp;: ''de jure'' par l’Empire ottoman (1880)
*1861&nbsp;: Russie&nbsp;: <time datetime="1861-02-19" class="nowrap date-lien">19 février 1861</time>
*1862&nbsp;: Tonga&nbsp;: 1862
*1880&nbsp;: Bulgarie&nbsp;: ''de facto'' en 1880 (1858 ''de jure'')
*1918&nbsp;: Bosnie-Herzégovine

=== France ===

En France, le servage a fortement diminué avec l'essor économique de la fin du [[Moyen_Âge|Moyen Âge]] qui permit aux serfs de racheter leur liberté, l'esclavage de traite ayant disparu au milieu du 11<sup>e</sup> siècle et le servage étant progressivement remplacé par l'[[Société_d'Ancien_Régime_en_France#Les_trois_ordres_de_la_société|ordre des laboratores]] qui offre librement son travail en échange de garanties assurant des moyens élémentaires d'existence<ref>{{ouvrage|auteur=Mathieu Arnoux|titre=Le temps des laboureurs. Travail, ordre social et croissance en Europe, {{XIe}}-{{XIVe}} siècle|éditeur=Albin Michel|date=2012|pages totales=378|isbn=|lire en ligne=}}.</ref>. Un acte d'affranchissement, appelé «&nbsp;lettres de manumission&nbsp;» leur est remis.

Le servage personnel avait disparu après la [[Guerre_de_Cent_Ans|guerre de Cent Ans]], car le manque de main-d'œuvre (la [[Grande_Peste|Grande Peste]] à elle seule a emporté entre 1/4 et 1/3 de la population) a favorisé la concurrence entre nobles et le débauchage des serfs. À cette époque, les nobles du voisinage proposaient aux serfs de racheter leur contrat pour venir s'installer librement sur leurs nombreuses terres en friche, ce qui obligeait le noble local à faire de même pour conserver son personnel. Plus généralement, les autorités ecclésiastiques et royales créaient des sauvetés, des villefranches et accordaient des lettres de franchises à des villes existantes, afin d'attirer et de fixer sur leur territoire toute la population servile ou mécontente de son sort. En Aquitaine, on voit les rois de France et d'Angleterre faire assaut de concurrence en créant une multitude de [[Bastides|bastides]] dotées du plus grand nombre de privilèges et d'exemptions fiscales pour attirer la population.

Par l'Édit du 8 août 1779, le roi Louis XVI abolit le servage sur les domaines royaux, et abolit le «&nbsp;droit de suite&nbsp;» dans tout le royaume. Cette ordonnance avait été favorisée par l'intervention de [[Voltaire|Voltaire]], qui avait plaidé en 1778 la cause des serfs. Il autorise en outre les titulaires de [[Domaines_engagés|domaines engagés]] qui se croiraient «&nbsp;lésés&nbsp;» par cette réforme à remettre au roi les domaines concernés en échange de contreparties financières. Afin de favoriser l'imitation de son acte royal d'affranchissement des serfs dans les domaines royaux, l'ordonnance précise que ''«&nbsp;considérant bien moins ces affranchissements comme une aliénation, que comme un retour au [[Droit_naturel|droit naturel]], nous avons exempté ces sortes d'actes [d'affranchissement] des formalités et des [[Fiscalité_dans_l'Ancien_Régime|taxes]] auxquelles l'antique sévérité des maximes féodales les avaient assujettis&nbsp;»''<ref name="FL" />.

Néanmoins, l'ordonnance ne fut guère appliquée, car il aurait fallu que le roi rachète aux propriétaires supérieurs des terres en mainmorte la valeur patrimoniale de ce droit qui revenait à rendre tous les fermiers des abbayes propriétaires du domaine qu'ils exploitaient.

À la veille de la [[Révolution_française|Révolution]], le vrai servage, c'est-à-dire le servage personnel, avait complètement disparu depuis plus de cinq siècles, sauf dans les îles d'Amérique où il existait des [[Esclavage|esclaves]] régis par le statut du [[Code_noir|Code noir]]. L'abolition des [[Privilège_(droit_médiéval)|privilèges]] lors de la célèbre [[Nuit_du_4_août|nuit du 4 août]] 1789 n'a donc eu aucun effet sur l'abolition du servage.

En métropole, le servage qui subsistait était un servage réel qui consistait dans la persistance de terres qui étaient détenues en mainmorte ou en précaires. Autrement dit, leur possesseur ne pouvait pas les aliéner en les vendant ou en les léguant à leurs enfants. Le plus souvent, les biens fonciers, terres ou maisons, étaient détenus en censive, c'est-à-dire comme une propriété héréditaire avec la charge de payer au seigneur une redevance fixe annuelle assez modique et inchangée depuis le 13<sup>e</sup> siècle. Les terres ou les maisons sous statut servile étaient l'équivalent des censives, sauf qu'elles étaient inaliénables, comme actuellement pour un locataire qui ne peut pas revendre son titre d'occupation ou sous-louer.

Lors de la vente des [[Biens_nationaux|biens nationaux]], c'est l'ancien statut de servage réel, rebaptisé «&nbsp;louage d'ouvrage&nbsp;» puis [[Fermage|fermage]], qui a été préféré et généralisé en 1801 par le Code civil&nbsp;: l'ancien seigneur ayant été remplacé par un bourgeois propriétaire et l'ancien censitaire par un locataire libre, c'est-à-dire précaire.

=== Bretagne ===

Le duché de Bretagne fut l'un des premiers États d'Europe à abolir le servage au 10<sup>e</sup> siècle, avec l'avènement d'Alain Barbetorte<ref>''[http://www.historia-nostra.com/index.php?option=com_content&task=view&id=642&Itemid=58 Serf : le vassal du vassal]'', ''Historia Nostra'', 19 août 2007.</ref><sup>,</sup><ref>Henri Sée, « Notes sur les origines de l'organisation municipale en Bretagne », ''Annales de Bretagne'', volume 35, numéro 3, 1921, pages 388 à 401.</ref>.

=== Bourbonnais et Nivernais (bordelage) ===

Dans le Bourbonnais et le Nivernais existait une forme de servage appelée bordelage. Cette redevance consiste en une proportion de la production agricole payable en nature ou en argent. En deçà de 4 lieues entre les terres et le domicile du seigneur l'impôt est portable. Les terres soumises à ce système ne se transmettent qu'en ligne directe. Les droits de mutation sont très élevés.

=== Pologne et Lituanie ===

En Pologne-Lituanie, existait le statut de ''serf-paysan''. Ainsi, sur les domaines seigneuriaux, le nombre de jours de servage dans la semaine était limité et variable avec les époques, le cultivateur pouvant s'occuper de son lopin personnel le reste du temps. Or, le temps seigneurial eut toujours tendance à s'alourdir&nbsp;:&nbsp; quelques jours dans l'année au 13<sup>e</sup> siècle, 1 jour par semaine au 14<sup>e</sup> siècle, 4 jours par semaine au 16<sup>e</sup> siècle et de 6 au 18<sup>e</sup> siècle. En principe, le septième jour étant consacré au repos, le serf-[[Paysan|paysan]] ne pouvait plus cultiver son lopin personnel. En revanche, le nombre de jours de servage ne fut jamais limité sur le domaine royal.

=== Royaume-Uni ===

Le [[Parlement_d'Angleterre|Parlement d'Angleterre]] adopta en 1259 les [[Provisions_de_Westminster|Provisions de Westminster]], qui comprennent les premières dispositions légales relatives à la [[Mainmorte|mainmorte]]. En 1381, la [[Révolte_de_Wat_Tyler|Révolte des paysans]], lors de la [[Guerre_de_Cent_Ans|guerre de Cent Ans]], qui voit les serfs s'emparer de Londres afin de réclamer l'abolition du servage, est écrasée. Celui-ci perdura, et n'a été définitivement aboli en Angleterre qu'en 1574, par Élisabeth I<sup>re</sup>, et en Écosse par George III, à la fin du 18<sup>e</sup> siècle<ref>[http://www.1902encyclopedia.com/S/SLA/slavery-12.html Entrée esclavage] dans l'''Encyclopædia Britannica'', ed. 1902.</ref>.

=== Saint-Empire romain germanique ===

Le droit allemand distinguait, le «&nbsp;serf passif&nbsp;» et le «&nbsp;serf réel&nbsp;». Mais seul, le «&nbsp;serf réel&nbsp;» possédaient des droits sociaux et/ou politiques à l'instar des hommes libres.

Ainsi, le «&nbsp;serf passif&nbsp;» travaillait sur la réserve d’un seigneur, et était donc obligé de payer, outre les charges au seigneur, un [[Impôt|impôt]] public, ''la Bede'' ou ''le Schatzung''&nbsp;; alors que le «&nbsp;serf réel&nbsp;» ne travaillait pas sur la réserve d’un seigneur, mais exploitait les terres de la ferme sous toutes sortes de baux ([[Louage|louage]], [[Métayage|métayage]], [[Fermage|fermage]], etc.). Le grand juriste allemand Justus Möser s'est constamment attaché dans ses écrits à définir, et si possible développer, les capacités politiques et sociales liées à ces deux formes de servage.

=== Scandinavie ===

Le servage est étroitement lié au [[Féodalisme|féodalisme]] et en Scandinavie (Finlande, Norvège et Suède) où le féodalisme ne fut jamais vraiment établi, le servage n'a jamais réellement existé. Cependant en Suède, une forme de contrat proche du servage a existé entre le 18<sup>e</sup> siècle et jusqu'en 1945, le [[Statare|statare]].

=== Russie ===

Dans l'[[Empire_russe|Empire russe]], le servage généralisé, touchant des millions de personnes (les «&nbsp;âmes&nbsp;»), a duré du début du 17<sup>e</sup> siècle jusqu'en 1861. Lors de son abolition par Alexandre II le 19 février 1861, on estimait à 40&nbsp;% de la population le nombre de serfs. En 1785, un rapport remis à Catherine II de Russie précise que&nbsp;: «&nbsp;Les effectifs de l’armée russe sont de 500 000 hommes avec 9&nbsp;% de nobles, 3&nbsp;% de bourgeois et 50&nbsp;% de serfs&nbsp;; le reste de soldats&nbsp;».<ref>https://fr.wikipedia.org/wiki/Abolition_du_servage_de_1861</ref>

== Le servage en Asie ==

Dates d'abolition du servage (ou lien assimilé)&nbsp;:

*1923&nbsp;: Afghanistan
*1956&nbsp;: Bhouta
*1959&nbsp;: région autonome du Tibet&nbsp;: <time datetime="1959-03-28" class="nowrap date-lien">28 mars 1959</time>

=== Chine et Tibet ===

Plusieurs manuscrits découverts dans les grottes de Mogao à Dunhuang, dans le Gansu concernent l'esclavage ou le servage sous les [[Dynastie_Tang|Tang]] et au 10<sup>e</sup> siècle<ref>Michel Soymié, [http://books.google.fr/books?id=U9mXEzvC9fcC&printsec=frontcover&source=gbs_v2_summary_r&cad=0#v=onepage&q=&f=false ''Contributions aux études sur Touen-houang''], Librairie Droz, 1979.</ref>.

Au Tibet, le servage a existé jusqu'à son abolition en 1959. Les taxes et corvées concernaient les familles et non pas les individus<ref name="KB">Katia Buffetrille, [http://books.google.fr/books?id=OUq0F1W0MxIC&pg=PA352&lpg=PA350&ots=R8eT5JgPYb&dq=servage+tibet+buffetrille&hl=fr&output=html_text ''Le Tibet est-il chinois : Conditions de vie''], 2002.</ref>. Selon le sociologue chinois Rong Ma<ref> Rong Ma, ''Population and Society in Tibet'', Hong Kong University Press, 2010</ref>, la société tibétaine se divisait en deux grands groupes, d'une part les abbés et les nobles, d'autre part les ''mi-ser'', répartis en trois sous-groupes&nbsp;:

*les ''tre-ba'', serfs attachés de façon héréditaire au domaine d'un monastère ou d'une famille noble; outre un lopin personnel, ils travaillaient la terre du seigneur (la [[Réserve_(histoire)|réserve]]) gratuitement et fournissaient divers services (corvées) au seigneur ou au gouvernement&nbsp;;
*les ''du-jung'', au statut de serfs héréditaires mais qui, moyennant une redevance et la fourniture de corvées à leur seigneur d'origine, pouvaient louer de la terre ou s'embaucher auprès d'un ''tre-ba''&nbsp;;
*les ''nangsan'', domestiques attachés de façon héréditaire à un manoir et ayant le statut d'esclaves.

Selon Rong Ma, à la différence des paysans tibétains, les paysans [[Han_(ethnie)|Han]] étaient juridiquement libres et aucun paysan Han ne souhaitait s'installer au Tibet pour se retrouver serf.

À partir de 1959, après avoir réprimé ce qu'il qualifie de [[Soulèvement_tibétain_de_1959|révolte de l'ancienne classe privilégiée de l'ancien Tibet]], le gouvernement maoïste transforme profondément le pays, avec notamment l'abolition du servage<ref>''Cent questions sur le Tibet'', publication du gouvernement chinois, 2001. Question 13</ref>. Une controverse existe sur la terminologie à employer pour définir le statut et les conditions de vie de cette partie de la population. Le débat est devenu un argument politique dans la confrontation entre la [[République_populaire_de_Chine|République populaire de Chine]] et le [[Gouvernement_tibétain_en_exil|Gouvernement tibétain en exil]] ainsi qu'un sujet de discussion pour quelques universitaires sur la notion même de servage, au sens occidental, dans le cadre de l'ancien Tibet<ref name="TibetBarnett">Robert Barnett, « What were the conditions regarding human rights in Tibet before democratic reform? », dans ''Authenticating Tibet: Answers to China’s 100 Questions'' (sous la direction de Anne-Marie Blondeau and Katia Buffetrille), University of California Press, 2008, p. 81-83, {{ISBN|978-0-520-24464-1|978-0-520-24928-8}}.</ref>.

=== Bhoutan ===

Au Bhoutan, le roi Jigme Dorji Wangchuck abolit, en 1956, le servage et l'esclavage, décréta l'interdiction de toutes les appellations péjoratives associées aux serfs, et rélisa une [[Réforme_agraire|réforme agraire]] en distribuant les terres des grands propriétaires et des institutions monastiques<ref> ''[http://books.google.fr/books?id=_EWuvGysPSIC&printsec=frontcover&hl=fr#v=onepage&q&f=false Bhutan Foreign Policy and Government Guide]'', Global Investment and Business Center, Inc. Staff, International Business Publications, USA, 2000, 350 pages, {{ISBN|0739737198|9780739737194}}</ref><ref>Françoise Pommaret, ''Bhoutan'', Éditions Olizane, 2010</ref>.

=== Népal ===

Dans les zones tibétaines du Népal, les serfs furent émancipés dans les années 1960. Le journaliste Thomas Laird a enquêté sur les anciens serfs du Mustang, région où les seigneurs possédaient les terres, les maisons des serfs et régissaient tous les aspects de la vie de ces derniers<ref>Thomas Laird, ''[http://books.google.fr/books?id=As_4aQjGaUEC&pg=PA444&dq=%22Laird+has+interviewed+former%22&hl=fr&sa=X&ei=EHdRUY_3IeuS7AbTooGQDQ&ved=0CDIQ6AEwAA#v=onepage&q=%22Laird%20has%20interviewed%20former%22&f=false The story of Tibet. Conversations with the Dalai Lama]'', 2006, 496 p., note 318, p. 444</ref>.

== Bibliographie ==

*[http://archive.wikiwix.com/cache/?url=http://www2.ohchr.org/french/law/esclavage_abolition.htm Convention supplémentaire relative à l'abolition de l'esclavage, de la traite des esclaves et des institutions et pratiques analogues à l'esclavage] - ONU, 7 septembre 1956
*Freedman (Paul), Bourin (Monique) dir., ''Forms of Servitude in Northern and Central Europe. Decline, Resistance and Expansion'', Brepols, 2005.
*Dominique Barthélémy, article «&nbsp;serf&nbsp;» dans Claude Gauvard, Alain de Libera, Michel Zink (dir.), ''Dictionnaire du Moyen Âge'', Paris, PUF, 1<sup>re</sup> édition, 2002, {{ISBN|2130530575}}, p. 1325-1327.
*Paul Allard, ''Les Origines du servage en France'', Paris, J. Gabalda, 1913 (Voir en ligne la [http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhef_0300-9505_1914_num_5_28_2124_t1_0512_0000_1 recension de 1914 par J. Duffo])

== Notes et références ==

<references />

[[Category:Histoire]]

Menu de navigation