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Les [[Red thirties|années 30 aux Etats-Unis]] ont été le théâtre d'une lutte des classes impressionnante. La grande bataille de 1934 à Minneapolis, dans laquelle des militants [[Trotskysme|trotskystes]] ont pris une part active, en est l'un des moments les plus aigus. {{#set:Date=1934}}  
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[[Image:TeamstersBattleStrike 1934.jpg|right|373x298px|TeamstersBattleStrike 1934.jpg]]La '''grève générale des camionneurs de Minneapolis de 1934''' fut un événement marquant de la [[Lutte de classe|lutte de classe]], dans le contexte agité des [[Red thirties|années 30 aux Etats-Unis]]. Elle est riche d'enseignements, en particulier pour le [[Trotskisme|mouvement trotskiste]] qui y a pris une part active. {{#set:Date=1934}}  
    
== Contexte  ==
 
== Contexte  ==
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Vu d’aujourd’hui, cette lutte exemplaire peut sembler surprenante : une grève massive, dirigée par les trotskystes, aux Etats-Unis ! Mais il faut savoir que dans la deuxième moitié des années 30, les Etats-Unis furent touchés par une énorme vague de luttes ouvrières.  
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[[Krach financier de 1929|Krach financier de 1929]]
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explose aux Etats-Unis, passant de 3,2% de la population active en 1929 à 25% en 1933. Dans le même temps, le
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et le nombre de syndiqués chuta considérablement, à 2 millions de travailleurs, moitié moins qu’en 1920. Les dirigeants de l’
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[[American Federation of Labor|American Federation of Labor]]
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(AFL), la seule centrale syndicale de l’époque, ne faisaient pas grand chose pour défendre leurs adhérents, pour la simple raison que, pour l'écrasante majorité, ils étaient dans la poche des patrons.
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Ce mouvement, marqué par des grèves très dures, et notamment par des occupations d’usine, conduisit à la création d’une nouvelle centrale syndicale, la CIO, qui défendait les travailleurs non-qualifiés. La grève de Minneapolis de 1934, organisée par des militants trotskystes, fut un signe avant-coureur de cette vague de luttes.  
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Puis, le vent commença à tourner. En 1932 et 1933 les travailleurs commencèrent à se défendre et le nombre de [[Grèves|grèves]] augmenta. Roosevelt, le nouveau Président [[Parti démocrate (USA)|démocrate]], chercha à devancer la vague ouvrière en lançant son “[[New Deal|New Deal]]” qui, à côté d’une augmentation de dépenses étatiques pour créer des emplois, imposait des Labor Boards (“Commissions Ouvrières”) dont la tâche était de trouver des “compromis” lors des conflits du travail, en imposant notamment des périodes sans grève lors d’un conflit.  
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Après le Krach financier de 1929, le chômage explosa, passant de 3,2% de la population active en 1929 à 25% en 1933. Dans le même temps, le salaire industriel moyen diminua de 20% et le nombre de syndiqués chuta considérablement, à 2 millions de travailleurs, moitié moins qu’en 1920. Les dirigeants de l’AFL, la seule centrale syndicale de l’époque, ne faisaient pas grand chose pour défendre leurs adhérents, pour la simple raison que, pour l'écrasante majorité, ils étaient dans la poche des patrons.  
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En retour, les [[travailleurs|travailleurs]] avaient le droit de “s’organiser dans les [[Syndicats|syndicats]] de leur choix”. Sans garantie légale pour l’appuyer, ce droit avait plus l’aspect d’une tromperie qu’autre chose. Mais face à un patronat résolument antisyndical, il pouvait offrir une ouverture aux [[militants|militants]] pour reconstruire un mouvement syndical. Ce fut la voie que suivirent les trotskystes de Minneapolis.  
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Puis, le vent commença à tourner. En 1932 et 1933 les travailleurs commencèrent à se défendre et le nombre de grèves augmenta. Roosevelt, le nouveau Président démocrate, chercha à devancer la vague ouvrière en lançant son “New Deal” qui, à côté d’une augmentation de dépenses étatiques pour créer des emplois, imposait des Labor Boards (“Commissions Ouvrières”) dont la tâche était de trouver des “compromis” lors des conflits du travail, en imposant notamment des périodes sans grève lors d’un conflit.
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== Les événements ==
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En retour, les travailleurs avaient le droit de “s’organiser dans les syndicats de leur choix”. Sans garantie légale pour l’appuyer, ce droit avait plus l’aspect d’une tromperie qu’autre chose. Mais face à un patronat résolument antisyndical, il pouvait offrir une ouverture aux militants pour reconstruire un mouvement syndical décimé par les effets de la crise, du chômage et par l’action d’une direction pourrie.
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=== Les origines de la lutte  ===
 
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Ce fut la voie que suivirent les trotskystes de Minneapolis.
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== Les origines de la lutte  ==
      
En soi, la ville de Minneapolis était loin d’être idéale pour effectuer un travail syndical efficace, sans parler d’une intervention d’un groupe de trotskystes. Maillon-clé dans le réseau de distribution des produits agricoles et charbonniers, la ville jouait un rôle fondamental dans l’économie du nord-est des Etats-Unis. Les capitalistes en étaient parfaitement conscients : depuis la première guerre mondiale, l’organisation patronale locale, la Citizen’s Alliance (l’Alliance citoyenne) avait écrasé toute tentative de grève.  
 
En soi, la ville de Minneapolis était loin d’être idéale pour effectuer un travail syndical efficace, sans parler d’une intervention d’un groupe de trotskystes. Maillon-clé dans le réseau de distribution des produits agricoles et charbonniers, la ville jouait un rôle fondamental dans l’économie du nord-est des Etats-Unis. Les capitalistes en étaient parfaitement conscients : depuis la première guerre mondiale, l’organisation patronale locale, la Citizen’s Alliance (l’Alliance citoyenne) avait écrasé toute tentative de grève.  
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Dans le même temps, ils organisaient les travailleurs autour de revendications de base, comme la reconnaissance du syndicat par les patrons, une augmentation de salaires, la réduction des horaires, l’amélioration des conditions du travail et la protection de l’emploi.  
 
Dans le même temps, ils organisaient les travailleurs autour de revendications de base, comme la reconnaissance du syndicat par les patrons, une augmentation de salaires, la réduction des horaires, l’amélioration des conditions du travail et la protection de l’emploi.  
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== La première grève des camioneurs  ==
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=== La première grève des camioneurs  ===
    
En février 1934, au milieu d’un hiver dur comme seul le nord-est des Etats-Unis peut en connaître, la situation des camionneurs devint critique. Certains travaillaient de 3 heures du matin à 6 heures du soir, six jours par semaine, pour seulement $40 par mois (200 F). Même le comité exécutif de la Local 574, loyal à la direction nationale de Tobin, dut céder devant la pression de la base, appuyée par le combatif président de la Local, Bill Brown.<br>Le dimanche 4 février, une assemblée générale des travailleurs donna 48 heures aux patrons pour satisfaire leurs revendications. Appuyées par la Citizen’s Alliance, les entreprises du charbon refusèrent.  
 
En février 1934, au milieu d’un hiver dur comme seul le nord-est des Etats-Unis peut en connaître, la situation des camionneurs devint critique. Certains travaillaient de 3 heures du matin à 6 heures du soir, six jours par semaine, pour seulement $40 par mois (200 F). Même le comité exécutif de la Local 574, loyal à la direction nationale de Tobin, dut céder devant la pression de la base, appuyée par le combatif président de la Local, Bill Brown.<br>Le dimanche 4 février, une assemblée générale des travailleurs donna 48 heures aux patrons pour satisfaire leurs revendications. Appuyées par la Citizen’s Alliance, les entreprises du charbon refusèrent.  
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Suivant les règles du syndicat, la direction de la section avait contacté la direction nationale, demandant son approbation. Le jour-même où les patrons cédèrent, la réponse de Tobin tomba&nbsp;: “Nous ne pouvons pas appuyer cette grève”&nbsp;!  
 
Suivant les règles du syndicat, la direction de la section avait contacté la direction nationale, demandant son approbation. Le jour-même où les patrons cédèrent, la réponse de Tobin tomba&nbsp;: “Nous ne pouvons pas appuyer cette grève”&nbsp;!  
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== La deuxième grève se prépare  ==
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=== La deuxième grève se prépare  ===
    
Forte de cette première victoire, la Local 574 commença à organiser tous les camionneurs de la ville. De moins de 80 syndiqués en 1933, ses effectifs passèrent à 3.000 travailleurs en avril 1934&nbsp;!<br>Ce pas en avant constituait une rupture fondamentale avec la tradition de l’AFL en général, et des Teamsters en particulier. Les Teamsters, comme tous les syndicats de l’AFL, étaient divisés selon le métier et l’employeur des syndiqués. Pour les militants de la Communist League, par contre, il fallait organiser tous les travailleurs d’une même industrie dans un seul syndicat.  
 
Forte de cette première victoire, la Local 574 commença à organiser tous les camionneurs de la ville. De moins de 80 syndiqués en 1933, ses effectifs passèrent à 3.000 travailleurs en avril 1934&nbsp;!<br>Ce pas en avant constituait une rupture fondamentale avec la tradition de l’AFL en général, et des Teamsters en particulier. Les Teamsters, comme tous les syndicats de l’AFL, étaient divisés selon le métier et l’employeur des syndiqués. Pour les militants de la Communist League, par contre, il fallait organiser tous les travailleurs d’une même industrie dans un seul syndicat.  
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C’était d’autant plus important parce que le comité exécutif de la Local — à l’exception de Bill Brown — demeurait hostile à la création d’un syndicat de lutte. Il est remarquable que pendant les six mois de lutte, aucun trotskyste ne fut élu à un poste de responsabilité au sein des structures syndicales proprement dites, même s’ils détenaient des postes-clés dans tous les organes de la grève.  
 
C’était d’autant plus important parce que le comité exécutif de la Local — à l’exception de Bill Brown — demeurait hostile à la création d’un syndicat de lutte. Il est remarquable que pendant les six mois de lutte, aucun trotskyste ne fut élu à un poste de responsabilité au sein des structures syndicales proprement dites, même s’ils détenaient des postes-clés dans tous les organes de la grève.  
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== Le mouvement grandit  ==
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=== Le mouvement grandit  ===
    
La Local proposa d’organiser une section de chômeurs et les dirigeants des organisations de chômeurs participèrent au comité de grève. Le moment venu, les 30.000 chômeurs de la ville, loin de se transformer en briseurs de grève , constituèrent des alliés fidèles de la grève.<br>Fait particulièrement marquant, les femmes ont été largement mobilisés au sein de la Women’s Auxiliary (“l’Auxiliaire des femmes”).  
 
La Local proposa d’organiser une section de chômeurs et les dirigeants des organisations de chômeurs participèrent au comité de grève. Le moment venu, les 30.000 chômeurs de la ville, loin de se transformer en briseurs de grève , constituèrent des alliés fidèles de la grève.<br>Fait particulièrement marquant, les femmes ont été largement mobilisés au sein de la Women’s Auxiliary (“l’Auxiliaire des femmes”).  
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Cherchant à briser la grève et à imposer une épreuve de force, les patrons annoncèrent qu’ils comptaient charger des camions au marché. Mais les piquets étaient là en force et une bataille rangée eut lieu. Des milliers de grévistes ont pu empêcher les jaunes de faire leur sale boulot. Lorsque les flics commencèrent à dégainer leurs revolvers, Bill Brown conduisit un camion parmi les policiers, permettant à des dizaines de grévistes de sauter sur l’ennemi et de semer le désarroi. Les flics se retirèrent et laissèrent la place aux travailleurs.  
 
Cherchant à briser la grève et à imposer une épreuve de force, les patrons annoncèrent qu’ils comptaient charger des camions au marché. Mais les piquets étaient là en force et une bataille rangée eut lieu. Des milliers de grévistes ont pu empêcher les jaunes de faire leur sale boulot. Lorsque les flics commencèrent à dégainer leurs revolvers, Bill Brown conduisit un camion parmi les policiers, permettant à des dizaines de grévistes de sauter sur l’ennemi et de semer le désarroi. Les flics se retirèrent et laissèrent la place aux travailleurs.  
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== C'est la guerre&nbsp;!  ==
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=== C'est la guerre&nbsp;!  ===
    
Le lendemain, les patrons revinrent à l’offensive, renforcés par 1500 policiers et leurs “députés”. Plusieurs d’entre eux considéraient que leur victoire était certaine. Comme s’est rappelé Jim Cannon&nbsp;:  
 
Le lendemain, les patrons revinrent à l’offensive, renforcés par 1500 policiers et leurs “députés”. Plusieurs d’entre eux considéraient que leur victoire était certaine. Comme s’est rappelé Jim Cannon&nbsp;:  
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Les négociateurs syndicaux, placés sous le contrôle de la base grâce à des assemblées générales régulières, décidèrent qu’un accord était possible&nbsp;: avec une hausse des salaires, l’amélioration des conditions de travail et, avant tout, la reconnaissance du syndicat, le mouvement sortait victorieux. Les patrons, ébranlés, avaient cédé une deuxième fois après seulement six jours de lutte.  
 
Les négociateurs syndicaux, placés sous le contrôle de la base grâce à des assemblées générales régulières, décidèrent qu’un accord était possible&nbsp;: avec une hausse des salaires, l’amélioration des conditions de travail et, avant tout, la reconnaissance du syndicat, le mouvement sortait victorieux. Les patrons, ébranlés, avaient cédé une deuxième fois après seulement six jours de lutte.  
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== Jamais deux sans trois...  ==
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=== Jamais deux sans trois...  ===
    
Mais il apparut rapidement que le patronat comptait résister. L’accord aurait dû s’appliquer à tous les travailleurs de l’industrie du transport, y compris aux “sédentaires”, c’est-à-dire à ceux qui travaillaient dans les entrepôts ou dans les marchés. Les patrons décidèrent de façon unilatérale de limiter l’application de l’accord aux seuls camionneurs et chargeurs.<br>Ce point était fondamental, parce que ce qui était en jeu c’était la réalité du syndicat en tant qu’organisateur de tous les travailleurs de l’industrie, et pas seulement de quelques métiers relativement privilégiés. Une troisième grève se profilait, et vers la fin juin, la Local 574, qui dépassait les 7.000 adhérents, organisa une assemblée générale qui exigea l’application de l’accord à tous les travailleurs de l’industrie et une nouvelle hausse des salaires  
 
Mais il apparut rapidement que le patronat comptait résister. L’accord aurait dû s’appliquer à tous les travailleurs de l’industrie du transport, y compris aux “sédentaires”, c’est-à-dire à ceux qui travaillaient dans les entrepôts ou dans les marchés. Les patrons décidèrent de façon unilatérale de limiter l’application de l’accord aux seuls camionneurs et chargeurs.<br>Ce point était fondamental, parce que ce qui était en jeu c’était la réalité du syndicat en tant qu’organisateur de tous les travailleurs de l’industrie, et pas seulement de quelques métiers relativement privilégiés. Une troisième grève se profilait, et vers la fin juin, la Local 574, qui dépassait les 7.000 adhérents, organisa une assemblée générale qui exigea l’application de l’accord à tous les travailleurs de l’industrie et une nouvelle hausse des salaires  
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Les 10.000 lecteurs de The Organizer pouvaient bien en rire. Ils n’avaient rien à craindre des “rouges” qui se sont montrés courageux et entièrement dévoués à la cause des travailleurs. Les patrons, par contre, avaient réellement peur, précisément parce que les trotskystes commençaient à avoir une influence de masse.  
 
Les 10.000 lecteurs de The Organizer pouvaient bien en rire. Ils n’avaient rien à craindre des “rouges” qui se sont montrés courageux et entièrement dévoués à la cause des travailleurs. Les patrons, par contre, avaient réellement peur, précisément parce que les trotskystes commençaient à avoir une influence de masse.  
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Voyant que leur tentative de déstabiliser la Local ne marchait pas, la Citizen’s Alliance décida d’attaquer les grévistes. Le vendredi 20 juillet, les flics lancèrent un guet-apens contre deux camions de grévistes non-armés. Sans la moindre provocation, la police tira, laissant 65 blessés et deux morts — Henry Ness and John Belor. Mais même cette haine meurtrière n’arrivait pas à mettre fin à la grève. Ce soir-là, 15.000 travailleurs participèrent à un meeting de protestation. Le lendemain les piquets furent quatre fois plus nombreux. The Organizer appela à une journée de grève de tous les travailleurs de la ville, et le jour de l’enterrement de Henry Ness, mardi 24 juillet, 50.000 travailleurs assistèrent aux<br>funérailles.  
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Voyant que leur tentative de déstabiliser la Local ne marchait pas, la Citizen’s Alliance décida d’attaquer les grévistes. Le vendredi 20 juillet, les flics lancèrent un guet-apens contre deux camions de grévistes non-armés. Sans la moindre provocation, la police tira, laissant 65 blessés et deux morts — Henry Ness and John Belor. Mais même cette haine meurtrière n’arrivait pas à mettre fin à la grève. Ce soir-là, 15.000 travailleurs participèrent à un meeting de protestation. Le lendemain les piquets furent quatre fois plus nombreux. The Organizer appela à une journée de grève de tous les travailleurs de la ville, et le jour de l’enterrement de Henry Ness, mardi 24 juillet, 50.000 travailleurs assistèrent aux funérailles.  
    
Les jours suivants, les flics tentèrent de faire rouler les camions. A chaque fois ils furent bloqués par les piquets. Le Gouverneur Olson décida de mettre fin au mouvement. Il ordonna l’arrestation de deux des dirigeants de la CLA, Jim Cannon et Max Schactman, cherchant à décapiter le mouvement. En même temps, il proposa un compromis et menaça d’imposer la loi martiale en cas de refus.  
 
Les jours suivants, les flics tentèrent de faire rouler les camions. A chaque fois ils furent bloqués par les piquets. Le Gouverneur Olson décida de mettre fin au mouvement. Il ordonna l’arrestation de deux des dirigeants de la CLA, Jim Cannon et Max Schactman, cherchant à décapiter le mouvement. En même temps, il proposa un compromis et menaça d’imposer la loi martiale en cas de refus.  
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== La répression du gouvernement  ==
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=== La répression du gouvernement  ===
    
La Local, considérant que le compromis d’Olson représentait néanmoins une victoire partielle, en particulier en ce qui concernait la reconnaissance des travailleurs de “l’intérieur”, accepta l’accord. Les patrons, eux, le refusèrent. La loi martiale fut immédiatement imposée et, comme cela était prévisible, elle toucha avant tout les grévistes. Loin d’être “neutre”, l’Etat punissait les travailleurs pour le refus exprimé par les patrons&nbsp;!  
 
La Local, considérant que le compromis d’Olson représentait néanmoins une victoire partielle, en particulier en ce qui concernait la reconnaissance des travailleurs de “l’intérieur”, accepta l’accord. Les patrons, eux, le refusèrent. La loi martiale fut immédiatement imposée et, comme cela était prévisible, elle toucha avant tout les grévistes. Loin d’être “neutre”, l’Etat punissait les travailleurs pour le refus exprimé par les patrons&nbsp;!  
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En l’espace de six mois, Minneapolis, de ville totalement dominée par les patrons, se transforma en ville de syndiqués. Dans le même temps la Local 574 était passée de 70 syndiqués à 7.000, et elle était contrôlée démocratiquement par la base.  
 
En l’espace de six mois, Minneapolis, de ville totalement dominée par les patrons, se transforma en ville de syndiqués. Dans le même temps la Local 574 était passée de 70 syndiqués à 7.000, et elle était contrôlée démocratiquement par la base.  
   −
== Le rôle des trotskystes  ==
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== Enseignements ==
   −
Comme l’avait pensé les trotskystes, l’intervention des révolutionnaires avait permis non seulement de changer radicalement la situation dans la ville, mais aussi de montrer à la masse des travailleurs que la direction officielle des syndicats n’était pas capable de mener à bien les luttes ouvrières et qu’il faudrait une direction révolutionnaire.
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=== L'auto-organisation sur une base de classe ===
   −
Comme l’a dit Jim Cannon, huit ans plus tard&nbsp;:
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L’axe fondamental de la politique des révolutionnaires était de s’appuyer avant tout sur l’auto-organisation des travailleurs, la [[démocratie ouvrière|démocratie ouvrière]] et la défense organisée du mouvement. Ces leçons sont toujours fondamentales pour les travailleurs du monde entier. L’organisation démocratique de la grève, exprimée à travers les assemblées générales dont les décisions étaient souveraines, permit à tous les militants d’être actifs durant la grève. Le contrôle de la base sur la grève fut aussi exprimé par le comité de grève, élu et révocable. Enfin, à travers leur Organizing Committee, les trotskystes ont permis à la base de s’organiser au sein du syndicat aux côtés de, et, si nécessaire, opposés à, la direction officielle.  
<blockquote>“Je ne pense pas qu’il y avait une différence importante entre les grévistes de Minneapolis et ceux qui étaient impliqués dans une centaine d’autres grèves partout dans le pays à cette époque. Presque toutes les grèves ont été menées de façon très militante par les travailleurs. La différence était dans la direction et la politique de la grève. Dans presque toutes les autres grèves le militantisme des travailleurs de base était freiné d’en haut. Les dirigeants se sont laissés impressionner par le gouvernement, par les journaux, par l’Eglise et par un tas d’autres choses. (...) Toute grève moderne exige une direction politique. Les grèves de cette époque ont amené le gouvernement, ses institutions au coeur de chaque situation. (...) Le mouvement ouvrier moderne doit être dirigé politiquement parce que, à chaque pas, il est confronté au gouvernement. Nos gars étaient prêts à cela, parce qu’ils étaient politiques, inspirés par des conceptions politiques (...) Ils ne croyaient en rien et en<br>personne, à l’exception de la politique de la lutte de classe et de la capacité des travailleurs de gagner à travers leur force de masse et la solidarité.” </blockquote>
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L’axe fondamental de la politique des révolutionnaires était de s’appuyer avant tout sur l’auto-organisation des travailleurs, la démocratie ouvrière et la défense organisée du mouvement. Ces leçons sont toujours fondamentales pour les travailleurs du<br>monde entier. L’organisation démocratique de la grève, exprimée à travers les assemblées générales dont les décisions étaient souveraines, permit à tous les militants d’être actifs durant la grève. Le contrôle de la base sur la grève fut aussi exprimé par le comité de grève, élu et révocable. Enfin, à travers leur Organizing Committee, les trotskystes ont permis à la base de s’organiser au sein du syndicat aux côtés de, et, si nécessaire, opposés à, la direction officielle.  
      
Dans le combat, la Local 574 a compris l’importance de la défense et de l’extension de la grève. Chaque acte de brutalité rencontrait une riposte similaire et était utilisé afin de mobiliser le soutien d’autres secteurs. La Women’s Auxiliary jouait un rôle fondamental en organisant le soutien de la grève et en étendant le mouvement.  
 
Dans le combat, la Local 574 a compris l’importance de la défense et de l’extension de la grève. Chaque acte de brutalité rencontrait une riposte similaire et était utilisé afin de mobiliser le soutien d’autres secteurs. La Women’s Auxiliary jouait un rôle fondamental en organisant le soutien de la grève et en étendant le mouvement.  
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== Un combat permanent  ==
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En dirigeant le mouvement, les révolutionnaires ont montré que le syndicalisme, s’il veut vraiment défendre l’intérêt des travailleurs, doit être basé sur la [[lutte de classe|lutte de classe]] et non pas sur la collaboration de classe. Enfin, dans la meilleure tradition du syndicalisme révolutionnaire, les travailleurs de Minneapolis ont montré ce que les travailleurs peuvent gagner s’ils combattent les patrons en se fiant seulement à leurs propres besoins et intérêts.
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=== Le rôle d'une direction révolutionnaire ===
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A Minneapolis, l’intervention des [[trotskistes|trotskistes]] a permis non seulement de changer radicalement la situation, mais aussi de montrer à la masse des travailleurs que les directions syndicales n’étaient pas capables de faire gagner les travailleurs et qu’il faudrait une direction révolutionnaire.
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Comme l’a dit [[James Cannon|James Cannon]], huit ans plus tard&nbsp;:
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<blockquote>“Je ne pense pas qu’il y avait une différence importante entre les grévistes de Minneapolis et ceux qui étaient impliqués dans une centaine d’autres grèves partout dans le pays à cette époque. Presque toutes les grèves ont été menées de façon très militante par les travailleurs. La différence était dans la direction et la politique de la grève. Dans presque toutes les autres grèves le militantisme des travailleurs de base était freiné d’en haut. Les dirigeants se sont laissés impressionner par le gouvernement, par les journaux, par l’Eglise et par un tas d’autres choses. (...) Toute grève moderne exige une direction politique. Les grèves de cette époque ont amené le gouvernement, ses institutions au coeur de chaque situation. (...) Le mouvement ouvrier moderne doit être dirigé politiquement parce que, à chaque pas, il est confronté au gouvernement. Nos gars étaient prêts à cela, parce qu’ils étaient politiques, inspirés par des conceptions politiques (...) Ils ne croyaient en rien et en personne, à l’exception de la politique de la lutte de classe et de la capacité des travailleurs de gagner à travers leur force de masse et la solidarité.” </blockquote>
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=== Le combat dans les syndicats de masse ===
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Fait significatif, tout cela s’est déroulé au sein du syndicat le plus conservateur qui existait au sein d’une fédération syndicale extrêmement conservatrice. Ni l’un ni l’autre n’avait une tradition d’organisation des travailleurs non-qualifiés, tous les deux étaient largement minoritaires au sein de la [[classe ouvrière|classe ouvrière]], dont la majorité écrasante était non-syndiquée.
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Et pourtant, les révolutionnaires ont reconnu qu’ils ne pouvaient pas contourner les syndicats, par exemple en créant un syndicat rouge, pour la simple raison que, malgré leur direction plus que pourrie, celle-ci serait capable de reprendre l’initiative si une direction alternative n’avait pas été construite sur la base de la démocratie ouvrière, permettant à la masse de travailleurs de mettre leurs dirigeants à l’épreuve.<br>
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== Suites ==
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Fait significatif, tout cela s’est déroulé au sein du syndicat le plus conservateur qui existait au sein d’une fédération syndicale extrêmement conservatrice. Ni l’un ni l’autre n’avait une tradition d’organisation des travailleurs non-qualifiés, tous les deux étaient largement minoritaires au sein de la classe ouvrière, dont la majorité écrasante était non-syndiquée.<br>Et pourtant, les révolutionnaires ont reconnu qu’ils ne pouvaient pas contourner les syndicats, par exemple en créant un syndicat rouge, pour la simple raison que, malgré leur direction plus que pourrie, celle-ci serait capable de reprendre l’initiative si une direction alternative n’avait pas été construite, sur la base de la démocratie ouvrière, et permettant la masse de travailleurs de mettre leurs dirigeants à l’épreuve.  
+
La grève de Minneapolis de 1934 fut un signe avant-coureur de la vague de luttes ouvrières qui secouèrent les Etats-Unis dans la deuxième moitié des années 1930.
   −
Au bout du compte les grévistes ont gagné la reconnaissance syndicale. Dans une ville isolée dans le vaste continent nordaméricain, ils n’auraient pas pu attendre beaucoup plus. En soi, la reconnaissance syndicale était un acquis fondamental. Encore plus, l’influence des trotskystes a fait en sorte que Minneapolis avait une signification encore plus importante.
+
== Notes et sources<br>  ==
   −
En dirigeant le mouvement, les révolutionnaires ont montré que le syndicalisme, s’il veut vraiment défendre l’intérêt des travailleurs, doit être basé sur la lutte de classe et non pas sur la collaboration de classe. Enfin, dans la meilleure tradition du syndicalisme révolutionnaire, les travailleurs de Minneapolis ont montré ce que les travailleurs peuvent gagner s’ils combattent les patrons en se fiant seulement à leurs propres besoins et intérêts.
+
[http://www.pouvoir-ouvrier.org/histoire/1934.html 1934&nbsp;: Guerre des classes à Minneapolis], Pouvoir ouvrier, 24 février 2002
   −
Comme l’a dit Jim Cannon dans les pages de The Organizer&nbsp;:  
+
http://en.wikipedia.org/wiki/Minneapolis_Teamsters_Strike_of_1934
<blockquote>“Local 574 ne croit pas à la théorie selon laquelle le capital et le travail sont des frères, et que pour que le petit frère travail puisse gagner quelques miettes, il doit être un gentil petit garçon et faire appel aux meilleurs sentiments de son grand frère capital. Pour nous, la question entre le capital et le travail est un combat permanent entre la classe des travailleurs exploités et la classe des parasites exploiteurs. C’est une guerre. Et dans cette guerre, comme dans les autres, ce qui décide, c’est le pouvoir. Les exploiteurs sont organisés pour nous écraser. Nous devons organiser notre classe pour riposter.”<br>“Minneapolis et sa signification” de James P. Cannon (1934) “Entravés sur la voie de l’auto-organisation par leur confiance dans l’administration de Roosevelt, et par la trahison de la bureaucratie ouvrière, les travailleurs prendront encore la voie de la lutte avec une détermination plus ferme et des objectifs plus clairs. Et ils chercheront de meilleurs dirigeants. A ce moment, la nouvelle aile gauche du mouvement ouvrier prendra le dessus. Les militants révolutionnaires pourront bondir en avant et se trouver à la tête de sections importantes du mouvement s’ils savent saisir les opportunités et comprendre les tâches. Dans ce but, ils doivent être organisés politiquement et travailler ensemble dans un corps discipliné; ils doivent forger sans délai le nouveau parti de la Quatrième Internationale. Ils doivent se mettre à l’intérieur du mouvement grandissant, quelque soit sa forme initiale, y rester, et former son cours de l’intérieur.<br>Ils doivent montrer une capacité pour l’organisation et l’agitation, pour la responsabilité et pour le militantisme. Ils doivent convaincre les travailleurs de leur capacité non seulement à organiser et à diriger des grèves de façon résolue, mais aussi de leur capacité à trouver des accords avantageux au bon moment et à consolider les acquis. En un mot, les militants modernes du mouvement ouvrier doivent convaincre les travailleurs de leur capacité à diriger le mouvement tout au long de l’année et à défendre leurs intérêts à tout moment.<br>Si elle remplit ce préalable, la nouvelle aile gauche des syndicats peut prendre forme et grandir à pas de géant. Et l’aile gauche, à son tour, constituera la base du nouveau parti, le véritable parti communiste. A l’échelle locale, dans un petit secteur du mouvement ouvrier, l’exemple des camarades de Minneapolis a montré la voie. La Ligue Communiste Internationale a le droit d’être fier de cet exemple et d’en faire un modèle qu’il faut étudier et suivre.” </blockquote>
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''Article de Pouvoir Ouvrier''
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[[Catégorie:Histoire]] [[Category:États-Unis]]
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[[Catégorie:Histoire]] [[Catégorie:États-Unis]]

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