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[[Image:Berlin november1918.jpg|thumb|right|314x193px]]La '''révolution allemande''' désigne la période mouvementée de 1918 à 1923, qui a vu l'échec d'une tentative de [[Révolution socialiste|révolution socialiste]] et l'affaiblissement durable du [[Mouvement ouvrier|mouvement ouvrier]] allemand, et bien au delà, de par ses répercussions internationales.  
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[[Image:Berlin november1918.jpg|thumb|right|314x193px]]La '''révolution allemande''' désigne la période mouvementée de 1918 à 1923, qui a vu le renversement de l'empereur, l'échec d'une tentative de [[Révolution socialiste|révolution socialiste]], et l'affaiblissement durable du [[Mouvement ouvrier|mouvement ouvrier]] allemand, et bien au delà, de par ses répercussions internationales.  
    
== Contexte  ==
 
== Contexte  ==
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Suite à la [[Union sacrée (1914)|trahison de la social-démocratie]] que fut le soutien au déclenchement de la [[Première guerre mondiale|Première guerre mondiale]], l'Europe connut un des plus grands carnages de son histoire. Mais malgré les illusions chauvines, la [[Lutte de classe|lutte de classe]] était flagrante pour une bonne partie de la [[Classe ouvrière|classe ouvrière]] : la [[Bourgeoisie|bourgeoisie]] des pays belliqueux avec des groupes comme Krupp profitait grassement de la guerre tandis qu'eux formaient la chair à canon. De plus, les russes avaient été les premiers à ouvrir la voie : ils avaient forcé la fin du conflit par leur [[Révolution russe (1917)|révolution socialiste]]. Les dures restrictions imposées aux masses par la guerre allaient ouvrir une crise révolutionnaire en Europe, et principalement dans ce pays majeur du [[Capitalisme|capitalisme]] qu'est l'Allemagne. L'espoir des communistes révolutionnaires se portait donc sur l'issue de cette crise, car une [[Révolution socialiste|révolution socialiste]] ne peut être que mondiale...  
 
Suite à la [[Union sacrée (1914)|trahison de la social-démocratie]] que fut le soutien au déclenchement de la [[Première guerre mondiale|Première guerre mondiale]], l'Europe connut un des plus grands carnages de son histoire. Mais malgré les illusions chauvines, la [[Lutte de classe|lutte de classe]] était flagrante pour une bonne partie de la [[Classe ouvrière|classe ouvrière]] : la [[Bourgeoisie|bourgeoisie]] des pays belliqueux avec des groupes comme Krupp profitait grassement de la guerre tandis qu'eux formaient la chair à canon. De plus, les russes avaient été les premiers à ouvrir la voie : ils avaient forcé la fin du conflit par leur [[Révolution russe (1917)|révolution socialiste]]. Les dures restrictions imposées aux masses par la guerre allaient ouvrir une crise révolutionnaire en Europe, et principalement dans ce pays majeur du [[Capitalisme|capitalisme]] qu'est l'Allemagne. L'espoir des communistes révolutionnaires se portait donc sur l'issue de cette crise, car une [[Révolution socialiste|révolution socialiste]] ne peut être que mondiale...  
 
<blockquote>"La vérité absolue, c'est qu'à moins d'une révolution allemande, nous sommes perdus." [[Lénine|Lénine]], mars 1918<br></blockquote>  
 
<blockquote>"La vérité absolue, c'est qu'à moins d'une révolution allemande, nous sommes perdus." [[Lénine|Lénine]], mars 1918<br></blockquote>  
En 1918, il n'y a pas de parti communiste en Allemagne. L'aile gauche du [[Sozialdemokratische_Partei_Deutschlands|Parti social-démocrate (SPD)]], comprenant les révolutionnaires, s'est regroupée dans l'[[USPD|USPD]], et considère qu'il faut attendre du mouvement montant de la classe ouvrière une régénération de la [[social-démocratie|social-démocratie]]. Sur le plan international, le [[Parti bolchévik|Parti bolchévik]] a été quasiment le seul à s'opposer à la guerre. Avec l'autorité morale qu'il acquiert ensuite du fait de la [[Révolution d'Octobre|Révolution d'Octobre]], il est le leader du courant révolutionnaire du [[Socialisme|socialisme]], qui sera baptisé [[Communiste|communiste]]. La toute nouvelle [[Internationale communiste|Internationale communiste]] va alors se fixer comme priorité d'étendre la révolution à l'Europe occidentale. En particulier, pendant 5 ans elle va travailler à reconstruire un parti ouvrier révolutionnaire en Allemagne.
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En 1918, il n'y a pas de parti communiste en Allemagne. L'aile gauche du [[Sozialdemokratische Partei Deutschlands|Parti social-démocrate (SPD)]], comprenant les révolutionnaires, s'est regroupée dans l'[[USPD|USPD]], et considère qu'il faut attendre du mouvement montant de la classe ouvrière une régénération de la [[Social-démocratie|social-démocratie]]. Sur le plan international, le [[Parti bolchévik|Parti bolchévik]] a fait partie de ceux qui se sont opposés à la guerre. Avec l'autorité morale qu'il acquiert ensuite du fait de la [[Révolution d'Octobre|Révolution d'Octobre]], il est le leader du courant révolutionnaire du [[Socialisme|socialisme]], qui sera baptisé [[Communiste|communiste]]. La toute nouvelle [[Internationale communiste|Internationale communiste]] va alors se fixer comme priorité d'étendre la révolution à l'Europe occidentale. En particulier, pendant 5 ans elle va travailler à reconstruire un parti ouvrier révolutionnaire en Allemagne.  
    
== Révolution de 1918-1919  ==
 
== Révolution de 1918-1919  ==
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''Article détaillé : [[Révolution_allemande_(1918-1919)|Révolution allemande de 1918 à 1919]]''
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''Article détaillé&nbsp;: [[Révolution allemande (1918-1919)|Révolution allemande de 1918 à 1919]]''  
    
=== Novembre 1918&nbsp;: révolution et dualité de pouvoir<br>  ===
 
=== Novembre 1918&nbsp;: révolution et dualité de pouvoir<br>  ===
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Mais concrètement, c’est une façade rouge qui a été jetée sur un appareil d’[[État|État]] intact, celui des bourgeois prussiens et de leur état major. Une direction de six sociaux-démocrates (3 SPD et 3 USPD) baptisés "commissaires du peuple" se met en place, au dessus des ministères maintenus tels quels. Ce gouvernement proclame dès le 12 novembre des mesures importantes&nbsp;: instauration (formelle) des libertés démocratiques élémentaires, début de législation du travail (promesse de la journée de huit heures, [[Conventions collectives|conventions collectives]], [[Chômage|allocations chômage]]...), que le patronat entérine dès le 15 en signant un accord avec les [[Syndicats|syndicats]] sur ces points. C’est que la [[Bourgeoisie|bourgeoisie]] risque de tout perdre&nbsp;: et elle en a conscience.  
 
Mais concrètement, c’est une façade rouge qui a été jetée sur un appareil d’[[État|État]] intact, celui des bourgeois prussiens et de leur état major. Une direction de six sociaux-démocrates (3 SPD et 3 USPD) baptisés "commissaires du peuple" se met en place, au dessus des ministères maintenus tels quels. Ce gouvernement proclame dès le 12 novembre des mesures importantes&nbsp;: instauration (formelle) des libertés démocratiques élémentaires, début de législation du travail (promesse de la journée de huit heures, [[Conventions collectives|conventions collectives]], [[Chômage|allocations chômage]]...), que le patronat entérine dès le 15 en signant un accord avec les [[Syndicats|syndicats]] sur ces points. C’est que la [[Bourgeoisie|bourgeoisie]] risque de tout perdre&nbsp;: et elle en a conscience.  
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Comme au début de toute [[révolution socialiste|révolution socialiste]], il y a situation de double pouvoir avec un pouvoir ouvrier embryonnaire, face à un État bourgeois fragilisé. Mais l’existence des conseils en soi ne suffit pas. "Les masses ne sont pas mûres", affirment les chefs sociaux-démocrates, en faisant leur maximum pour ravaler les conseils au rang d’auxiliaires consultatifs. Le gouvernement provisoire convoque des élections à une Assemblée Constituante pour le 16 février 1919. Les conseils d’ouvriers et de soldats doivent, eux, tenir leur congrès à Berlin le 16 décembre 1918. Et c'est exactement dans les termes cités "Assemblée nationale ou gouvernement des conseils" qu'est formulé le deuxième point de l'ordre du jour de ce congrès. Et malgré les arguments [[marxistes|marxistes]] inlassablement avancés par [[Rosa Luxemburg|Rosa Luxemburg]], le poids du [[SPD|SPD]] qui tranchera... pour la voie de l'[[État_bourgeois|État]] (bourgeois) pour construire le [[socialisme|socialisme]]...<br>  
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Comme au début de toute [[Révolution socialiste|révolution socialiste]], il y a situation de double pouvoir avec un pouvoir ouvrier embryonnaire, face à un État bourgeois fragilisé. Mais l’existence des conseils en soi ne suffit pas. "Les masses ne sont pas mûres", affirment les chefs sociaux-démocrates, en faisant leur maximum pour ravaler les conseils au rang d’auxiliaires consultatifs. Le gouvernement provisoire convoque des élections à une Assemblée Constituante pour le 16 février 1919. Les conseils d’ouvriers et de soldats doivent, eux, tenir leur congrès à Berlin le 16 décembre 1918. Et c'est exactement dans les termes cités "Assemblée nationale ou gouvernement des conseils" qu'est formulé le deuxième point de l'ordre du jour de ce congrès. Et malgré les arguments [[Marxistes|marxistes]] inlassablement avancés par [[Rosa Luxemburg|Rosa Luxemburg]], le poids du [[SPD|SPD]] qui tranchera... pour la voie de l'[[État bourgeois|État]] (bourgeois) pour construire le [[Socialisme|socialisme]]...<br>  
    
=== Janvier 1919&nbsp;: boucherie&nbsp;social-démocrate  ===
 
=== Janvier 1919&nbsp;: boucherie&nbsp;social-démocrate  ===
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Après le congrès des conseils, la [[Réaction|réaction]] relève la tête. Le social-démocrate [[Noske|Noske]], dont la profession de foi est "je hais la révolution comme la peste", s'acoquine avec les [[Corps Francs|Corps Francs]], des groupes [[Paramilitaires|paramilitaires]] d'[[Extrême-droite|extrême-droite]]. Ces troupes serviront à la bourgeoisie pour mater la révolution ouvrière, incarnée par les conseils. Elles n'attendant qu'un prétexte, qui leur sera donné par l'inexpérience des révolutionnaires allemands, qui déclenchent une insurrection non suivie par la base.<br>
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Après le congrès des conseils, la [[Réaction|réaction]] relève la tête. Le social-démocrate [[Noske|Noske]], dont la profession de foi est "je hais la révolution comme la peste", s'acoquine avec les [[Corps Francs|Corps Francs]], des groupes [[Paramilitaires|paramilitaires]] d'[[Extrême-droite|extrême-droite]]. Ces troupes serviront à la bourgeoisie pour mater la révolution ouvrière, incarnée par les conseils. Elles n'attendant qu'un prétexte, qui leur sera donné par l'inexpérience des révolutionnaires allemands, qui déclenchent une insurrection non suivie par la base.<br>  
    
Des combats entre [[Corps-francs|corps-francs]] et ouvriers avancés ont lieu dans toute l'Allemagne, mais sans coordination, la défense des travailleurs est vaincue. Après deux "semaines sanglantes", les conseils ouvriers issus de la révolution de novembre auront été liquidés, et les leaders Luxemburg et Liebknecht y auront laissé leur peau, comme des milliers de travailleurs.  
 
Des combats entre [[Corps-francs|corps-francs]] et ouvriers avancés ont lieu dans toute l'Allemagne, mais sans coordination, la défense des travailleurs est vaincue. Après deux "semaines sanglantes", les conseils ouvriers issus de la révolution de novembre auront été liquidés, et les leaders Luxemburg et Liebknecht y auront laissé leur peau, comme des milliers de travailleurs.  
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C’est vers l'[[USPD|USPD]], et non vers le [[KPD|KPD]], que se tournent en masse les travailleurs allemands au fur et à mesure que l’abomination de la politique social-démocrate les prend à la gorge. Cet afflux radicalise ce parti, qui prend position en 1919 contre le régime parlementaire et pour le pouvoir des conseils, et dont l'aile gauche fonde beaucoup d'espoirs sur la Russie des soviets et l'Internationale communiste.  
 
C’est vers l'[[USPD|USPD]], et non vers le [[KPD|KPD]], que se tournent en masse les travailleurs allemands au fur et à mesure que l’abomination de la politique social-démocrate les prend à la gorge. Cet afflux radicalise ce parti, qui prend position en 1919 contre le régime parlementaire et pour le pouvoir des conseils, et dont l'aile gauche fonde beaucoup d'espoirs sur la Russie des soviets et l'Internationale communiste.  
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La direction du KPD, soutenue par l'IC, va alors décider à l'été 1919 d'exclure les gauchistes pour pouvoir se rapprocher de la gauche de l'USPD. Cela représente la moitié des effectifs (50 000 militants qui vont fonder le [[KAPD|KAPD]]) mais conduira en décembre 1920 à la fusion dans le [[Vereinigte Kommunistische Partei Deutschlands|Parti communiste unifié d'Allemagne (VKPD)]], avec 350 000 membres. [[Lénine|Lénine]] et l'Internationale auront joué un rôle fondamental en critiquant tant les positions de l'USPD que des gauchistes, et en offrant une ligne politique claire au prolétariat allemande.<br>  
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La direction du KPD, soutenue par l'IC, va alors décider à l'été 1919 d'exclure les gauchistes pour pouvoir se rapprocher de la gauche de l'USPD. Cela représente la moitié des effectifs (50 000 militants qui vont fonder le [[KAPD|KAPD]]) mais conduira en décembre 1920 à la fusion dans le [[Vereinigte Kommunistische Partei Deutschlands|Parti communiste unifié d'Allemagne (VKPD)]], avec 350 000 membres. [[Lénine|Lénine]] et l'Internationale auront joué un rôle fondamental en critiquant tant les positions de l'USPD que des gauchistes, et en offrant une ligne politique claire au prolétariat allemande. Cette fusion aura été menée par [[Paul Levi]].<br>  
    
Début janvier 1921, une réunion unitaire de métallos de Stuttgart adopte à l’initiative des communistes un appel aux dirigeants des centrales syndicales réclamant d’eux qu’ils organisent le combat pour les revendications urgentes (baisse des prix, hausse des allocations chômage, baisse des impôts sur les salaires et imposition des grosses fortunes, contrôle ouvrier sur le ravitaillement, l’inventaire de la production, désarmement des bandes réactionnaires et armement du prolétariat contre elles). Le VKPD publie cette adresse et la reprend à son compte. Il envoie le 7 janvier à toutes les organisations ouvrières (partis et syndicats) une «lettre ouverte» proposant une action commune sur un certain nombre de revendications recoupant largement celle des métallos de Stuttgart. Aucun parti ou centrale syndicale ne répond positivement à cette lettre . Mais, en mettant en avant la nécessité d’une action unitaire sur des revendications "transitoires", c’est-à-dire tournées contre les capitalistes et leur politique sans faire un préalable de l’adoption de son programme, le [[VKPD|VKPD]] va remporter des succès considérables et élargir son audience. Des assemblées ouvrières se tiennent dans tous les secteurs et adoptent la lettre ouverte. Un pont est ainsi lancé entre les travailleurs communistes et ceux qui suivent les sociaux-démocrates. Les dirigeants syndicaux sont contraints, par le succès de la lettre ouverte, de durcir le ton à l’égard du gouvernement et de lancer eux-mêmes des combats partiels. La "Lettre ouverte", les revendications transitoires, le front unique, sont attaqués au sein du parti par sa "gauche" mais aussi par [[Bela Kun|Bela Kun]], et derrière lui [[Zinoviev|Zinoviev]]. Ils considèrent cette tactique comme de l’opportunisme. Bela Kun, émissaire arrogant de l’I.C. aux moeurs d’aventurier qui repoussent nombre de vieux dirigeants communistes, utilise le prestige de l’Internationale pour pousser le PC "à l’offensive", "théorie" qu’il oppose au combat pour gagner la majorité de la classe ouvrière. Lénine tranchera le débat en soutenant, par écrit, puis au troisième congrès de l’I.C., la "Lettre ouverte": "ceux qui n’ont pas compris que la tactique de la «lettre ouverte» était obligatoire doivent être exclu de l’Internationale dans un délai maximum d’un mois après le congrès". Mais entre-temps, "l'offensive" a fait de terribles dégâts. <br>  
 
Début janvier 1921, une réunion unitaire de métallos de Stuttgart adopte à l’initiative des communistes un appel aux dirigeants des centrales syndicales réclamant d’eux qu’ils organisent le combat pour les revendications urgentes (baisse des prix, hausse des allocations chômage, baisse des impôts sur les salaires et imposition des grosses fortunes, contrôle ouvrier sur le ravitaillement, l’inventaire de la production, désarmement des bandes réactionnaires et armement du prolétariat contre elles). Le VKPD publie cette adresse et la reprend à son compte. Il envoie le 7 janvier à toutes les organisations ouvrières (partis et syndicats) une «lettre ouverte» proposant une action commune sur un certain nombre de revendications recoupant largement celle des métallos de Stuttgart. Aucun parti ou centrale syndicale ne répond positivement à cette lettre . Mais, en mettant en avant la nécessité d’une action unitaire sur des revendications "transitoires", c’est-à-dire tournées contre les capitalistes et leur politique sans faire un préalable de l’adoption de son programme, le [[VKPD|VKPD]] va remporter des succès considérables et élargir son audience. Des assemblées ouvrières se tiennent dans tous les secteurs et adoptent la lettre ouverte. Un pont est ainsi lancé entre les travailleurs communistes et ceux qui suivent les sociaux-démocrates. Les dirigeants syndicaux sont contraints, par le succès de la lettre ouverte, de durcir le ton à l’égard du gouvernement et de lancer eux-mêmes des combats partiels. La "Lettre ouverte", les revendications transitoires, le front unique, sont attaqués au sein du parti par sa "gauche" mais aussi par [[Bela Kun|Bela Kun]], et derrière lui [[Zinoviev|Zinoviev]]. Ils considèrent cette tactique comme de l’opportunisme. Bela Kun, émissaire arrogant de l’I.C. aux moeurs d’aventurier qui repoussent nombre de vieux dirigeants communistes, utilise le prestige de l’Internationale pour pousser le PC "à l’offensive", "théorie" qu’il oppose au combat pour gagner la majorité de la classe ouvrière. Lénine tranchera le débat en soutenant, par écrit, puis au troisième congrès de l’I.C., la "Lettre ouverte": "ceux qui n’ont pas compris que la tactique de la «lettre ouverte» était obligatoire doivent être exclu de l’Internationale dans un délai maximum d’un mois après le congrès". Mais entre-temps, "l'offensive" a fait de terribles dégâts. <br>  
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=== 1921&nbsp;: le fiasco gauchiste de "l'action de mars" <br>  ===
 
=== 1921&nbsp;: le fiasco gauchiste de "l'action de mars" <br>  ===
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En mars 1921, le PC allemand, sous la pression des Bela Kun et autres proches de Zinoviev, fait une terrible rechute gauchiste. Lors de son Comité Central des 16 et 17 mars, l'un de ses dirigeants s'exclame même&nbsp;: "de ce jour, nous brisons avec la tradition du parti. Jusqu’à maintenant, nous avions attendu et maintenant nous prenons l’initiative, nous forçons la révolution". Non content de rompre avec sa tradition, c’est le parti même qui va être près de se briser. L’occasion va venir vite. Le gouvernement saxon social-démocrate décide d’envoyer la police occuper des secteurs miniers, bastions communistes, officiellement pour désarmer les bandes qui y sévissent, en réalité pour ôter aux ouvriers les armes qu'ils avaient prises lors du [[Putsch de Kapp|putsch de Kapp]]. En quête d'une occasion (prête pour cela y compris à monter des provocations, escomptant que la répression s'en suivant galvanise les masses), la direction du PC allemand décide en majorité d'utiliser cette intervention militaire. [[Die Rote Fahne|Die Rote Fahne]] somme les ouvriers sociaux-démocrates de choisir leur camp ("qui n'est pas avec moi est contre moi"). Le 22 mars, le PC, conjointement avec le [[KAPD|KAPD]] gauchiste, appelle à la [[Grève générale|grève générale]] en Saxe, puis (à la veille de la fermeture des usines pour Pâques&nbsp;!) dans toute l’Allemagne le 24 mars. Une semaine durant, les communistes vont essayer d’entraîner les autres travailleurs, sans succès. Au contraire, "l’action de mars" dresse les autres travailleurs contre les communistes, isole ces derniers. Les manifestations convoquées avec le KAPD sont squelettiques. Dans les entreprises, une répression terrible va s’abattre contre les militants communistes qui se sont ainsi isolés et exposés aux coups du patronat qui les licencie à tour de bras, les jetant dans la misère, ou directement dans les prisons. En quelques mois, les effectifs du VKPD vont fondre de 350 000 à 150 000. Ce n'est pas tout. S'ensuit une terrible crise de direction. [[Paul Levi|Paul Levi]] avait démissionné - [[Lénine|Lénine]] s’en était indigné - peu auparavant de la présidence du VKPD pour protester contre les méthodes des émissaires de l'Internationale. Dès avril, Levi critique publiquement dans une brochure "l'action de mars", démontrant au passage que la "centrale" (l’exécutif) du Parti cherchait par tout moyen – y compris la provocation - à passer à "l’offensive". Pour les communistes allemands durement éprouvés pour être entrés en grève seule, c'est un coup de couteau dans le dos. Levi est exclu. Une grande partie de la direction prend sa défense (notamment [[Clara Zetkin|Clara Zetkin]], vieille militante [[Spartakiste|spartakiste]]). De l’autre côté se manifeste une "gauche" du parti revendiquant fièrement la catastrophe de mars ([[Ruth Fischer|Ruth Fischer]]). Le parti est profondément divisé, quoique officiellement soudé dans la défense de "l’offensive".
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En mars 1921, le PC allemand, sous la pression des Bela Kun et autres proches de Zinoviev, fait une terrible rechute gauchiste. Lors de son Comité Central des 16 et 17 mars, l'un de ses dirigeants s'exclame même&nbsp;: "de ce jour, nous brisons avec la tradition du parti. Jusqu’à maintenant, nous avions attendu et maintenant nous prenons l’initiative, nous forçons la révolution". Non content de rompre avec sa tradition, c’est le parti même qui va être près de se briser. L’occasion va venir vite. Le gouvernement saxon social-démocrate décide d’envoyer la police occuper des secteurs miniers, bastions communistes, officiellement pour désarmer les bandes qui y sévissent, en réalité pour ôter aux ouvriers les armes qu'ils avaient prises lors du [[Putsch de Kapp|putsch de Kapp]]. En quête d'une occasion (prête pour cela y compris à monter des provocations, escomptant que la répression s'en suivant galvanise les masses), la direction du PC allemand décide en majorité d'utiliser cette intervention militaire. [[Die Rote Fahne|Die Rote Fahne]] somme les ouvriers sociaux-démocrates de choisir leur camp ("qui n'est pas avec moi est contre moi"). Le 22 mars, le PC, conjointement avec le [[KAPD|KAPD]] gauchiste, appelle à la [[Grève générale|grève générale]] en Saxe, puis (à la veille de la fermeture des usines pour Pâques&nbsp;!) dans toute l’Allemagne le 24 mars. Une semaine durant, les communistes vont essayer d’entraîner les autres travailleurs, sans succès. Au contraire, "l’action de mars" dresse les autres travailleurs contre les communistes, isole ces derniers. Les manifestations convoquées avec le KAPD sont squelettiques. Dans les entreprises, une répression terrible va s’abattre contre les militants communistes qui se sont ainsi isolés et exposés aux coups du patronat qui les licencie à tour de bras, les jetant dans la misère, ou directement dans les prisons. En quelques mois, les effectifs du VKPD vont fondre de 350 000 à 150 000. Ce n'est pas tout. S'ensuit une terrible crise de direction. [[Paul Levi|Paul Levi]] avait démissionné - [[Lénine|Lénine]] s’en était indigné - peu auparavant de la présidence du VKPD pour protester contre les méthodes des émissaires de l'Internationale. Dès avril, Levi critique publiquement dans une brochure "l'action de mars", démontrant au passage que la "centrale" (l’exécutif) du Parti cherchait par tout moyen – y compris la provocation - à passer à "l’offensive". Pour les communistes allemands durement éprouvés pour être entrés en grève seule, c'est un coup de couteau dans le dos. Levi est exclu. Une grande partie de la direction prend sa défense (notamment [[Clara Zetkin|Clara Zetkin]], vieille militante [[Spartakiste|spartakiste]]). De l’autre côté se manifeste une "gauche" du parti revendiquant fièrement la catastrophe de mars ([[Ruth Fischer|Ruth Fischer]]). Le parti est profondément divisé, quoique officiellement soudé dans la défense de "l’offensive".  
    
== Conquête de la majorité et défaite sans combat  ==
 
== Conquête de la majorité et défaite sans combat  ==
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''Article détaillé : [[Révolution_allemande_(1922-1923)|Révolution allemande de 1922 à 1923]]''<br>
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''Article détaillé&nbsp;: [[Révolution allemande (1922-1923)|Révolution allemande de 1922 à 1923]]''<br>  
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=== 1922-1923 : ligne juste et conditions objectives...<br>  ===
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=== 1922-1923&nbsp;: ligne juste et conditions objectives...<br>  ===
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Tout au long de l’année 1922, la bourgeoisie allemande tente de reprendre un à un les acquis ouvriers de la [[Révolution_allemande_(1918-1919)|révolution de 1918]]. Face à cette offensive, le Parti Communiste prend des initiatives sur tous les terrains. Les 3<sup>ème</sup> et 4<sup>ème</sup> Congrès de l'[[Internationale communiste|Internationale communiste]] ont défini la ligne du [[front unique|front unique]] et du [[gouvernement ouvrier|gouvernement ouvrier]] : proposer les actions les plus larges possibles, sur une base de [[Classe_sociale|classe]], et la mise en application va être directe (conseils d'usine, comités de contrôle des prix, appel à soutenir la grève des cheminots...), et fructueuse : soit la proposition rencontre un succès fortifiant le parti, soit en étant refusée elle éclaire la contradiction entre la base ouvrière de la social-démocratie et sa direction bourgeoise. Le parti commet quelques graves erreurs, comme la participation à un "front républicain", et son niveau théorique est extrêmement faible, mais son influence grandit toujours plus.<br>  
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Tout au long de l’année 1922, la bourgeoisie allemande tente de reprendre un à un les acquis ouvriers de la [[Révolution allemande (1918-1919)|révolution de 1918]]. Face à cette offensive, le Parti Communiste prend des initiatives sur tous les terrains. Les 3<sup>ème</sup> et 4<sup>ème</sup> Congrès de l'[[Internationale communiste|Internationale communiste]] ont défini la ligne du [[Front unique|front unique]] et du [[Gouvernement ouvrier|gouvernement ouvrier]]&nbsp;: proposer les actions les plus larges possibles, sur une base de [[Classe sociale|classe]], et la mise en application va être directe (conseils d'usine, comités de contrôle des prix, appel à soutenir la grève des cheminots...), et fructueuse&nbsp;: soit la proposition rencontre un succès fortifiant le parti, soit en étant refusée elle éclaire la contradiction entre la base ouvrière de la social-démocratie et sa direction bourgeoise. Le parti commet quelques graves erreurs, comme la participation à un "front républicain", et son niveau théorique est extrêmement faible, mais son influence grandit toujours plus.<br>  
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En janvier 1923, l’armée française envahit la Ruhr, pour saisir directement la production au titre des réparations de guerre. L'Allemagne sombre dans une grave crise économique et sociale, et la réaction nationaliste se renforce, au détriment du gouvernement qui perd peu à peu tout son crédit. Les PC engagent une campagne internationaliste contre l'occupation française, et le KPD organise directement les ouvriers dans la résistance, tout en gardant le cap de la lutte de classe. Les structures d'auto-organisation des travailleurs (dans les usines et dans les villes) se multiplient et l'influence des communistes y est incontestable. Le 9 août une grève générale lancée par les conseils s’étend à tout le pays. Cuno démissionne au bout de deux jours, et un nouveau gouvernement est constitué avec des ministres sociaux-démocrates. <br>
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En janvier 1923, l’armée française envahit la Ruhr, pour saisir directement la production au titre des réparations de guerre. L'Allemagne sombre dans une grave crise économique et sociale, et la réaction nationaliste se renforce, au détriment du gouvernement qui perd peu à peu tout son crédit. Les PC engagent une campagne internationaliste contre l'occupation française, et le KPD organise directement les ouvriers dans la résistance, tout en gardant le cap de la lutte de classe. Les structures d'auto-organisation des travailleurs (dans les usines et dans les villes) se multiplient et l'influence des communistes y est incontestable. Le 9 août une grève générale lancée par les conseils s’étend à tout le pays. Cuno démissionne au bout de deux jours, et un nouveau gouvernement est constitué avec des ministres sociaux-démocrates. <br>  
    
=== Octobre 1923&nbsp;: prise du pouvoir préparée... et c'est tout<br>  ===
 
=== Octobre 1923&nbsp;: prise du pouvoir préparée... et c'est tout<br>  ===
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Le [[KPD|KPD]] est alors fort de centaines de milliers de membres et jouit d'une influence sans équivalent. L'[[Internationale communiste|Internationale]] décide alors d’orienter le parti vers la prise du pouvoir, malgré les doutes de la direction allemande, qui ne voit pas à quel point la situation est révolutionnaire. Un plan est élaboré, et ses premières phases se déroulent comme prévu. Le 10 octobre, les communistes forment en Saxe et en Thuringe un [[gouvernement ouvrier|gouvernement ouvrier]] avec les sociaux-démocrates de gauche. Le gouvernement fédéral envoie l'armée, qui s'approche prudemment de la Saxe.  
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Le [[KPD|KPD]] est alors fort de centaines de milliers de membres et jouit d'une influence sans équivalent. L'[[Internationale communiste|Internationale]] décide alors d’orienter le parti vers la prise du pouvoir, malgré les doutes de la direction allemande, qui ne voit pas à quel point la situation est révolutionnaire. Un plan est élaboré, et ses premières phases se déroulent comme prévu. Le 10 octobre, les communistes forment en Saxe et en Thuringe un [[Gouvernement ouvrier|gouvernement ouvrier]] avec les sociaux-démocrates de gauche. Le gouvernement fédéral envoie l'armée, qui s'approche prudemment de la Saxe.  
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L'appel à la [[grève générale|grève générale]] en soutien à la Saxe ouvrière est proposé par plusieurs secteurs, et étouffé par le KPD qui attend l'heure H, ne voulant pas de combat prématuré. Mais quand elle sonne, les sociaux-démocrates de gauche s’opposent irrévocablement à l’appel à la grève générale. Pire encore, Brandler s’aligne sur eux et accepte le renvoi de cette question …en commission. La direction du KPD annule dans la foulée l’ordre de l’insurrection. Quelques jours plus tard, les communistes sont chassés de leurs ministères. Aucune résistance. C’est un incommensurable gâchis, une défaite sans combat et sur toute la ligne. "L'octobre allemand", aboutissement de tout un processus révolutionnaire ouvert par la chute du Kaiser en novembre 1918, échoue lamentablement. <br>  
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L'appel à la [[Grève générale|grève générale]] en soutien à la Saxe ouvrière est proposé par plusieurs secteurs, et étouffé par le KPD qui attend l'heure H, ne voulant pas de combat prématuré. Mais quand elle sonne, les sociaux-démocrates de gauche s’opposent irrévocablement à l’appel à la grève générale. Pire encore, Brandler s’aligne sur eux et accepte le renvoi de cette question …en commission. La direction du KPD annule dans la foulée l’ordre de l’insurrection. Quelques jours plus tard, les communistes sont chassés de leurs ministères. Aucune résistance. C’est un incommensurable gâchis, une défaite sans combat et sur toute la ligne. "L'octobre allemand", aboutissement de tout un processus révolutionnaire ouvert par la chute du Kaiser en novembre 1918, échoue lamentablement. <br>  
    
== Un prix terriblement lourd <br>  ==
 
== Un prix terriblement lourd <br>  ==
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