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L''''armée russe en 1917''' était en guerre contre les Empires centraux (Allemagne, Autriche-Hongrie) aux côtés des Alliés, lorsque la révolution a éclaté. Elle a alors connu un rapide processus de décomposition, à mesure que les soldats contestaient de plus en plus la guerre que le gouvernement provisoire leur ordonnait de continuer. L'agitation bolchévique a progressivement gagné de l'influence dans l'armée, jusqu'à la [[Révolution_d'Octobre|Révolution d'Octobre]]. Au cours de la guerre civile qui a suivi, une Armée rouge a été créée pendant que l'ancienne armée a disparu.
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L''''armée russe en 1917''' était en guerre contre les Empires centraux (Allemagne, Autriche-Hongrie, Empire ottoman) aux côtés des Alliés, lorsque la [[Révolution_de_Février_1917|révolution]] a éclaté. Elle a alors connu un rapide processus de décomposition, à mesure que les soldats contestaient de plus en plus la [[Première_Guerre_mondiale|guerre]] que le [[Gouvernement_provisoire_russe|gouvernement provisoire]] leur ordonnait de continuer. L'agitation bolchévique a progressivement gagné de l'influence dans l'armée, jusqu'à la [[Révolution_d'Octobre|Révolution d'Octobre]]. Au cours de la [[Guerre_civile_russe|guerre civile]] qui a suivi, une [[Armée_rouge|Armée rouge]] a été créée sur les ruines de l'ancienne armée.
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== Pendant la guerre de 1914 ==
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Malgré quelques succès des troupes russes en août 1914, la situation tourne rapidement en défaveur de la Russie, qui n'est pas capable de soutenir un effort de guerre moderne, avec son [[Industrie|industrie]] insuffisante, ses [[Transports|transports]] lacunaires et son très mauvais ravitaillement. Au sein de la troupe, les pertes battent tous les records (1 700 000 morts et 5 950 000 blessés) et des mutineries éclatent, le moral des soldats se trouvant au plus bas. Ceux-ci supportent de moins en moins l’incapacité de leurs officiers (on a ainsi vu des unités monter au combat avec des balles ne correspondant pas au calibre de leur fusil), les brimades et les punitions corporelles en usage dans l’armée. En mai 1915, les armées russes reculent puis, au cours de l'hiver 1915-1916, le front se stabilise. À l'arrière, la situation se dégrade : les [[Grève|grèves]] se multipliaient dans les usines (plus d'un million de grévistes en 1916), et les accrochages avec la [[Police_et_milice_en_1917|police]] se font plus fréquents (4 morts en juin 1915, 16 morts en août...). Les lois de mobilisation provoquent en 1916 une révolte de taille au Kazakhstan. Fin 1916, le total des déserteurs atteint 1 million. Les pertes dans l'armée provoquent aussi un renouvellement dans les cadres, des monarchistes conservateurs étant remplacés par des libéraux.
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== 1917 : décomposition et insoumission dans l'armée ==
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=== Février à Petrograd ===
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Quand la [[révolution_de_Février|révolution de Février]] éclate à Petrograd, la police, particulièrement haïe par la population ouvrière, est vite débordée. Les régiments de soldats stationnés dans la ville sont appelés pour réprimer, mais finissent par basculer du côté des ouvriers. C'est ce qui signera la mort du [[tsarisme|tsarisme]].
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Fait significatif, les [[Cosaques|cosaques]], d’ordinaire à la pointe de la répression, laissent tranquille les manifestants, et certains discutent avec eux et se font ovationner par la foule. Beaucoup de Cosaques étaient usés et voulaient avant tout rentrer chez eux, dans leurs terres aux marges de l'Empire russe. La 4<sup>e</sup> compagnie du régiment Pavlovski a même ouvert le feu sur la police montée.
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Des femmes interpellaient les troupes, s’agrippaient aux fusils et demandaient aux soldats de se joindre à elles. Une scène décrite par Trotsky : ''« Les soldats s’émeuvent, se sentent tout penauds, s’entre-regardent avec anxiété, hésitent encore ; l’un d’eux, enfin, se décide avant les autres et les baïonnettes se relèvent dans un mouvement de repentir au-dessus des épaules des assaillants, le barrage s’ouvre, l’air retentit de hourras joyeux et reconnaissants, les soldats sont entourés, de toutes parts s’élèvent des discussions, des reproches, des appels. »''
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En revanche des [[Junkers|junkers]] (élèves officiers) ont tiré sur la foule, faisant de nombreux morts.
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=== Février sur le front ===
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Les hommes de la contre-révolution sont encore là, partout, dans l'appareil militaire, dans les hautes sphères politiques. Le général Alexeiev, chef d’état-major des armées depuis août 1915 et perçu comme un « démocrate » par beaucoup de politiciens, est maintenu à ce poste par le gouvernement provisoire (il dirigera des [[armées_blanches|armées blanches]] après [[Révolution_d'Octobre_1917|Octobre]]). Alexeiev donne le 3&nbsp;mars l’ordre à ses troupes de ''« capturer et, dès que possible, assigner devant une cour martiale dont les sentences seront immédiatement exécutoires »'' les délégations de soldats de Pétrograd qui se rendent sur le front pour étendre la révolution.
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Mais les nouvelles se répandent inexorablement, et transforment radicalement l'ambiance dans les tranchées. Partout on s'auto-organise, on forme des comités de régiments, et on adresse des doléances au [[Soviet_de_Petrograd|soviet de Petrograd]] qui est vu par les masses comme le coeur de la révolution. Dans l’armée, le [[Prikaze_n°1|prikaze n°1]] (ordre du jour) émis par le soviet de Petrograd interdit les brimades humiliantes des officiers et instaure pour les soldats les droits de réunion, de pétition et de presse. Les soldats s'interrogeaient entre eux du regard au moindre geste suspect d'un officier, l'obéissance n'allait plus de soi.
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Il y eut un peu plus de conflits au front, où la violence était bien plus présente. Les officiers censurèrent dans un premier temps les nouvelles de Pétrograd. Certains soldats apprirent la révolution du côté allemand... Cela ne fit qu'augmenter la défiance envers les officiers une fois les nouvelles apprises. Les troupes qui basculaient du côté de la révolution s'accrochaient un petit ruban rouge. Des soldats s'en prenaient aux officiers qui gardaient des portraits du tsar. Des représailles eurent lieu là où les sévices des officiers avaient été particulièrement violents. Par exemple à Helsingfors (maintenant Helsinki) et à Svéaborg, le soulèvement violent dura une nuit et un jour, et les officiers les plus détestés furent précipités sous la glace. ''«&nbsp;A en juger par ce que raconte Skobélev de la conduite des autorités de Helsingfors et de la flotte – écrit Soukhanov pourtant bien peu disposé à l'indulgence à l'égard de " l'obscure soldatesque " – on doit seulement s'étonner que ces excès aient été si insignifiants.&nbsp;»'' Trotsky précise&nbsp;: ''«&nbsp;Les bolcheviks tout aussi souvent que les conciliateurs allèrent prévenir des excès chez les soldats. Mais les vengeances sanglantes étaient aussi inévitables que le choc en retour après un coup de feu.&nbsp;»<ref>Léon Trotsky, ''[https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/hrrusse/hrr13.htm Histoire de la révolution russe - 13. L’armée et la guerre]'', 1930</ref>''
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=== Le double pouvoir ===
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Les comités de régiment devaient bien être tolérés par les officiers, comme les [[comités_d'usine|comités d'usine]] par les patrons, ou les [[soviets|soviets]] par les [[Doumas_municipales|Douma]]. Le rapport de force était trop en leur faveur. Parmi les soldats, qui sont en majorité des paysans conscrits, ce sont les [[socialistes-révolutionnaires|socialistes-révolutionnaires]] (SR) qui sont hégémoniques. Les délégués SR des différents comités de régiment élisent des comités d'armée, avec lesquels l'Etat-major est obligé de composer.
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Mais les socialistes [[conciliateurs|conciliateurs]] ([[menchéviks|menchéviks]] et [[Parti_SR|SR]]) faisaient tout pour calmer les esprits.
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=== La vague d'octobre ===
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Dans le courant d'octobre, il y eut dans l'armée de nouvelles élections de comités, partout avec un changement marqué dans le sens des bolcheviks. Dans le corps cantonné sous Dvinsk, ''«&nbsp;les vieux soldats raisonnables&nbsp;»'' se trouvèrent tous blackboulés aux élections pour les comités de régiment et de compagnie; leurs places furent occupées par des soldats combattifs. Le baron Budberg (un chef militaire) les décrivait comme ''«&nbsp;de sombres et ignares sujets aux yeux irrités, étincelants, aux gueules de loups (...)&nbsp;Partout ont lieu de nouvelles élections de comités et partout sont élus seulement des bolcheviks et des défaitistes.&nbsp;»'' Il enrageait de devoir faire des concessions :&nbsp; ''«&nbsp;On ne peut tenir tête à un ramassis d'hyènes, de chacals et de moutons en jouant du violon. Le salut n'est que dans la possibilité d'une application très large du fer rouge.&nbsp;»'' Mais il se lamente : ''«&nbsp;Ce fer manque et l'on ne sait où le prendre.&nbsp;»''
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Les commissaires du gouvernement commençaient à éviter les missions dans les régiments où ils n'étaient plus les bienvenus.
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Le Comité conciliateur de la 5° armée, depuis longtemps déjà resté en suspens, continuait à expédier à Petrograd des télégrammes, menaçant de rétablir l'ordre à l'arrière par la baïonnette. Le 23, il fut réélu. Le président du nouveau Comité bolcheviste se trouva être le docteur [[Skliansky|Skliansky]], jeune organisateur excellent qui bientôt donna toute latitude à ses talents dans le domaine de la formation de l'Armée rouge.
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L'adjoint au commissaire gouvernemental du front Nord communiquait, le 22 octobre, au ministre de la Guerre que les idées du bolchevisme avaient dans l'armée un succès toujours croissant, que la masse voulait la paix et que même l'artillerie, qui avait résisté jusqu'au dernier moment, était devenue ''«&nbsp;accessible à la propagande défaitiste&nbsp;»'', ajoutant : ''«&nbsp;Le gouvernement provisoire ne jouit d'aucune autorité&nbsp;»''
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Le 23, les représentants de différents contingents du front défilèrent devant le [[Soviet_de_Petrograd|Soviet de Petrograd]] en réclamant la paix; en cas contraire, les troupes se jetteraient sur l'arrière et ''«&nbsp;extermineraient tous les parasites qui se disposaient à guerroyer encore une dizaine d'années&nbsp;»''.
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Sur les fronts plus éloignés, sud-ouest et roumain, les [[bolcheviks|bolcheviks]] étaient encore des raretés, des êtres étranges. Mais les dispositions des soldats étaient les mêmes. [[Eugénie_Boch|Eugénie Boch]] raconte que, dans le 2° corps de la Garde, cantonné aux environs de Jmerinka, sur soixante mille soldats, il y avait tout juste un jeune communiste et deux sympathisants; ce qui n'empêcha pas le corps, pendant les journées d'octobre, de marcher pour soutenir l'insurrection. Le jour même de l'insurrection de Petrograd (24 octobre), le baron Budberg écrivait : ''«&nbsp;Le dénouement approche et il ne peut y avoir aucun doute sur l'issue; sur notre front, il n'y a déjà plus un seul contingent qui ne soit au pouvoir des bolcheviks.&nbsp;»''
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Comme les cavaliers, les motocyclistes, originaires de familles paysannes cossues et riches, ou de la moyenne bourgeoisie des villes, constituent les éléments les plus conservateurs de l'armée.
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== Notes ==
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<references />
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