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{{InfoCalendrierJulien}}La '''conférence d'État''', qui se déroule à Moscou à partir du 12 au 14 août 1917 (a.s), était une tentative de [[Kerenski|Kerenski]] de renforcer le pouvoir d'Etat autour de lui, après la crise ouverte par l'échec de l'[[Offensive_Kerensky|offensive de juin]] et les [[Journées_de_juillet_1917|journées de juillet]].
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{{InfoCalendrierJulien}}La '''conférence d'État''', qui se déroule à Moscou à partir du 12 au 15 août 1917 (a.s), était une tentative de [[Kerenski|Kerenski]] de renforcer le pouvoir d'Etat autour de lui, après la crise ouverte par l'échec de l'[[Offensive_Kerensky|offensive de juin]] et les [[Journées_de_juillet_1917|journées de juillet]].
    
== Contexte ==
 
== Contexte ==
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=== Les délégués ===
 
=== Les délégués ===
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La conférence d'État, s'ouvre au Grand Opéra de Moscou le 12 août. Sont invités, d'après la liste officielle, ''« les représentants des organisations politiques, sociales, démocratiques, nationales, commerciales et industrielles, coopératives, les dirigeants des organes de la démocratie, les hauts représentants de l'armée, des institutions scientifiques, des universités, les membres de la Douma d'Etat des quatre législatures »''.
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La conférence d'État, s'ouvre au Grand Opéra de Moscou le 12 août. Sont notamment invités :
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*488 députés des 4 précédentes [[Douma_d'État_de_l'Empire_russe|doumas]],
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*129 représentants de soviets de paysans,  
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*100 représentants de soviets d'ouvriers et de soldats,  
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*147 représentants de [[doumas_municipales|doumas municipales]],  
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*117 représentants de l'[[armée|armée]],  
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*313 représentants de [[cooperatives|cooperatives]],  
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*150 représentants de milieux bancaires et commerciaux,  
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*176 représentants de [[Syndicats_en_Russie|syndicats]],  
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*118 représentants de [[zemstvos|zemstvos]],  
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*83 représentants de l'[[intelligentsia|intelligentsia]],  
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*58 représentants d'organisations de [[Minorités_nationales_en_Russie|minorités nationales]],
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*24 représentants du [[clergé|clergé]].  
    
On prévoyait environ 1500 participants; il s'en rassembla environ 2500, et l'élargissement était tout à l'avantage de l'aile droite. Le journal moscovite des [[Socialistes-révolutionnaires|socialistes-révolutionnaires]] écrivait avec reproche à l'adresse de son gouvernement : ''« Contre 150 représentants du travail surgissent 120 représentants de la classe commerçante et industrielle. Contre 100 députés paysans sont invités 100 représentants de propriétaires de terres. Contre 100 représentants du soviet il y aura 300 membres de la Douma d'Etat... »''.
 
On prévoyait environ 1500 participants; il s'en rassembla environ 2500, et l'élargissement était tout à l'avantage de l'aile droite. Le journal moscovite des [[Socialistes-révolutionnaires|socialistes-révolutionnaires]] écrivait avec reproche à l'adresse de son gouvernement : ''« Contre 150 représentants du travail surgissent 120 représentants de la classe commerçante et industrielle. Contre 100 députés paysans sont invités 100 représentants de propriétaires de terres. Contre 100 représentants du soviet il y aura 300 membres de la Douma d'Etat... »''.
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Une large place fut accordée aux délégués de
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Les bolcheviks avaient décidé de lire, au nom du parti, une déclaration et de quitter la conférence. Mais les dirigeants conciliateurs des soviets s'opposèrent à ce que les bolchéviks soient présents dans la délégation des soviets. Seuls quelques rares bolcheviks seront présents en tant que délégués de syndicats.
    
=== L'impuissance de Kerenski et des conciliateurs ===
 
=== L'impuissance de Kerenski et des conciliateurs ===
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=== Les bolchéviks et la grève générale ===
 
=== Les bolchéviks et la grève générale ===
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Les bolcheviks décidèrent de lire, au nom du parti, une déclaration et de quitter la conférence. Seuls quelques rares bolcheviks seront présents en tant que délégués de syndicats.
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Non admis à la conférence, les bolchéviks sont en revanche très actifs dans les usines et les quartiers ouvriers, où ils deviennent hégémoniques et organisent de plus en plus l'ensemble de la vie quotidienne. Le 3 août, dans quelques grandes usines de la capitale, ont lieu des élections aux caisses de maladie. Les bolcheviks raflent 190 sièges sur 230. C'est un vaste mouvement de fond. Le parti comprend alors 240 000 membres. Dans les usines et les assemblées inter-quartiers de Petrograd, les ouvriers organisent des rondes, des tours de garde, des rendez-vous d'information à heures fixes. La [[Garde_rouge_(Russie)|Garde rouge]] (détachements ouvriers armés) s'organise de plus en plus ouvertement et prend contact avec les soldats dans les casernes. Dans les syndicats aussi, et le plus souvent sous l'impulsion de bolcheviks, on prend ses marques, on répartit les tâches en vue d'un éventuel coup d'État.
 
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Les bolchéviks sont en revanche très actifs dans les usines et les quartiers ouvriers, où ils deviennent hégémoniques et organisent de plus en plus l'ensemble de la vie quotidienne. Le 3 août, dans quelques grandes usines de la capitale, ont lieu des élections aux caisses de maladie. Les bolcheviks raflent 190 sièges sur 230. C'est un vaste mouvement de fond. Le parti comprend alors 240 000 membres. Dans les usines et les assemblées inter-quartiers de Petrograd, les ouvriers organisent des rondes, des tours de garde, des rendez-vous d'information à heures fixes. La [[Garde_rouge_(Russie)|Garde rouge]] (détachements ouvriers armés) s'organise de plus en plus ouvertement et prend contact avec les soldats dans les casernes. Dans les syndicats aussi, et le plus souvent sous l'impulsion de bolcheviks, on prend ses marques, on répartit les tâches en vue d'un éventuel coup d'État.
      
Face au danger d'une contre-révolution, les agitateurs bolchéviks obtenaient beaucoup d'echo. Le journal moscovite des bolcheviks écrivait : ''« Si les soviets sont impuissants le prolétariat doit se resserrer autour de ses organisations viables. »'' L'état d'esprit dans les usines était tellement hostile à la conférence d'Etat que l'idée, venue d'en bas, d'une [[Grève_générale|grève générale]], fut adoptée presque sans opposition à la réunion des représentants de toutes les cellules de l'organisation moscovite des bolcheviks.
 
Face au danger d'une contre-révolution, les agitateurs bolchéviks obtenaient beaucoup d'echo. Le journal moscovite des bolcheviks écrivait : ''« Si les soviets sont impuissants le prolétariat doit se resserrer autour de ses organisations viables. »'' L'état d'esprit dans les usines était tellement hostile à la conférence d'Etat que l'idée, venue d'en bas, d'une [[Grève_générale|grève générale]], fut adoptée presque sans opposition à la réunion des représentants de toutes les cellules de l'organisation moscovite des bolcheviks.
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=== L'émergence de Kornilov ===
 
=== L'émergence de Kornilov ===
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Au sein de la conférence, le commandant en chef de l'armée, le général [[Lavr_Kornilov|Lavr Kornilov]], rafle la vedette à Kerenski et apparaît comme l'homme à la poigne suffisamment solide pour ramener l'ordre. Dès qu'il arrive à la gare de Moscou le 13 août (a.s), il reçoit un chaleureux accueil des capitalistes, des cosaques, des dirigeants du clergé. Le cadet Roditchev termina son discours d'accueil par cette exclamation : ''« Sauvez la Russie, et le peuple reconnaissant vous couronnera. »'' Des sanglots patriotiques éclatèrent. Morozova, négociante millionnaire, se précipita à genoux.
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Au sein de la conférence, le commandant en chef de l'armée, le général [[Lavr_Kornilov|Lavr Kornilov]], rafle la vedette à Kerenski et apparaît comme l'homme à la poigne suffisamment solide pour ramener l'ordre. Dès qu'il arrive à la gare de Moscou le 13 août (a.s), il reçoit un chaleureux accueil des capitalistes, des cosaques, des dirigeants du clergé. Le cadet Roditchev termina son discours d'accueil par cette exclamation : ''« Sauvez la Russie, et le peuple reconnaissant vous couronnera. »'' Des sanglots patriotiques éclatèrent. Morozova, négociante millionnaire, se précipita à genoux. A son entrée dans la salle de la conférence, Kornilov est ovationné par la droite de la salle, tandis que la gauche reste globalement assise, surtout les soldats. C'est l'inverse lorsque paraît Kerensky.
    
A l'origine, Kornilov est sans doute le plus républicain de tous les généraux russes. Il se déclare favorable à une certaine démocratisation de l'armée, mais entend que l'évolution soit étroitement contrôlée par l'État-major : il avait réprimé les mouvements démocratiques dans ses propres troupes, y avait interdit les meetings et avait fait fusiller les déserteurs. A la conférence d'État, il annonce clairement son objectif de dissoudre tous les comités populaires nés de la révolution que sont les soviets d'usine, de quartier, de caserne, les comités de quartier. Il annonce en outre qu'il imposera la peine de mort à l'arrière et militarisera les chemins de fer et les usines d'armement.
 
A l'origine, Kornilov est sans doute le plus républicain de tous les généraux russes. Il se déclare favorable à une certaine démocratisation de l'armée, mais entend que l'évolution soit étroitement contrôlée par l'État-major : il avait réprimé les mouvements démocratiques dans ses propres troupes, y avait interdit les meetings et avait fait fusiller les déserteurs. A la conférence d'État, il annonce clairement son objectif de dissoudre tous les comités populaires nés de la révolution que sont les soviets d'usine, de quartier, de caserne, les comités de quartier. Il annonce en outre qu'il imposera la peine de mort à l'arrière et militarisera les chemins de fer et les usines d'armement.
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=== Les discours ===
 
=== Les discours ===
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Les discours de la Conférence d'Etat étaient chargés de tabous. On ne prononça pas le nom des bolchéviks, qui pourtant étaient la crainte principale des possédants. [[Plekhanov|Plekhanov]] mentionna seulement, en passant, ''« le Lenine de triste mémoire »'', comme s'il parlait d'un adversaire éliminé. Pour ne pas agacer les réactionnaires en parlant de [[République|république]], Kerensky salua ''« les représentants de la terre russe »'' au nom du gouvernement de ''« l'Etat russe »''. La [[Mouvement_paysan_en_Russie|question agraire]] fut aussi largement esquivée, et notamment [[Tchernov|Tchernov]] fut prié de ne rien dire.
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Les discours de la Conférence d'Etat étaient chargés de tabous. On ne prononça pas le nom des bolchéviks, qui pourtant étaient la crainte principale des possédants. [[Plekhanov|Plekhanov]] mentionna seulement, en passant, ''« le Lenine de triste mémoire »'', comme s'il parlait d'un adversaire éliminé. Pour ne pas agacer les réactionnaires en parlant de [[République|république]], Kerensky salua ''« les représentants de la terre russe »'' au nom du gouvernement de ''« l'Etat russe »''. La [[Mouvement_paysan_en_Russie|question agraire]] fut aussi largement esquivée, et notamment [[Tchernov|Tchernov]] fut prié de ne rien dire, et il fut largement attaqué par les réactionnaires ([[Milioukov|Milioukov]] rappela par exemple qu'il avait été [[Conférence_de_Zimmerwald_(1915)|zimmerwaldien]]).
    
Sur la composition de la salle, [[Soukhanov|Soukhanov]] écrit :
 
Sur la composition de la salle, [[Soukhanov|Soukhanov]] écrit :
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Kérenski se fait chaudement applaudir par l'ensemble de la salle en avertissant que toutes nouvelles tentatives contre le pouvoir ''« seront nettement réprimées par le fer et dans le sang. »'' Il lance aussi un avertissement à Kornilov : ''« Quelque soient les ultimatums qui me viendraient de quiconque, je saurai soumettre cet homme à la volonté du pouvoir suprême et à moi qui en suis le chef. »'' Il ne reçoit des applaudissements que de la moitié gauche de la conférence.
 
Kérenski se fait chaudement applaudir par l'ensemble de la salle en avertissant que toutes nouvelles tentatives contre le pouvoir ''« seront nettement réprimées par le fer et dans le sang. »'' Il lance aussi un avertissement à Kornilov : ''« Quelque soient les ultimatums qui me viendraient de quiconque, je saurai soumettre cet homme à la volonté du pouvoir suprême et à moi qui en suis le chef. »'' Il ne reçoit des applaudissements que de la moitié gauche de la conférence.
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Quand Kérenski fait un discours jurant fidélité aux Alliés (c'est-à-dire continuer la guerre impérialiste), et impulse une ovation des diplomates alliés, seuls quelques internationalistes refusent. D'une loge occupée par des officiers, un cri : ''« Martov, debout! »'' Martov resta ferme.
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Quand Kérenski fait un discours jurant fidélité aux Alliés (c'est-à-dire continuer la guerre impérialiste), et impulse une ovation des diplomates alliés, seuls quelques internationalistes refusent. D'une loge occupée par des officiers, un cri : ''« Martov, debout! »'' Martov resta ferme. Kéresnki lanca aussi des leçons de morale teintées de menaces à l'adresse des [[Minorités_nationales_en_Russie|minorités nationales]], exigeant qu'elles restent fidèles à son gouvernement.
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L'achevêque Platon, au nom du concile ecclésiastique (qui accueille chaleureusement Kornilov), fait un discours dans lequel il reproche aux intervenants de ne pas avoir évoqué Dieu, et au gouvernement d'être composé de criminels incrédules.
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Le général Kalédine, ataman des [[cosaques|cosaques]] du Don, prononça un discours exprimant encore plus franchement les souhaits de la réaction que Kornilov. Tout en se défendant d'être contre-révolutionnaire (il rappela que le gouvernement provisoire avait fait appel à ses troupes contre les [[bolchéviks|bolchéviks]], il utilisa le terme de [[République|République]]...), il exposa clairement les objectifs de mise au pas des soldats, des ouvriers et des paysans.
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[[Tchkhéidzé|Tchkhéidzé]] prend ensuite la parole au nom de la ''« démocratie révolutionnaire »''. Certains à gauche lancent : ''« Vive le chef de la révolution russe ! »''. Il rassure les droites en disant que les démocrates ne veulent pas le monopole du pouvoir et sont prêts à soutenir tout pouvoir capable de sauvegarder les intérêts du pays. Il s'oppose à l'idée d'abolir les soviets ou les comités d'armée... en soulignant que ce sont eux qui évitent l'anarchie et permettent la continuation de la guerre. Il appelle les classes privilégiées à quelques concessions dans l'intérêt général, tout en déclarant que les propriétaires de terres doivent être protégés contre les expropriations. Il diffère la question nationale jusqu'à la Constituante, il ne dit rien de concret sur la paix...
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[[Tseretelli|Tseretelli]] défendit lui aussi les soviets, du moins pour l'instant : ''« On ne peut encore enlever ces échafaudages, l'édifice de la libre Russie révolutionnaire n'étant pas entièrement construit »''. Il rappelle qu'après l'insurrection de Février, ''« les masses populaires, à proprement parler, n'avaient foi en personne qu'en elles-mêmes »'' et que seuls les efforts des socialistes [[conciliateurs|conciliateurs]] avaient ''« remis au gouvernement de coalition toutes les fonctions d'Etat »''. Lorsqu'il tente une question rhétorique : ''« qui donc avait dressé la poitrine pour défendre le pays contre l'anarchie [[[Journées_de_juillet_1917|en juillet]]] ? »'', une réponse cinglante tombe de la droite : ''« les cosaques et les junkers ! »'' Cela sonnait comme un avertissement qu'il n'y aurait aucune reconnaissance de la part de la réaction.
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[[Rodzianko|Rodzianko]], ancien leader de la Douma, fit un discours patriotique... alors que la veille le journal de [[Gorki|Gorki]] avait révélé qu'il faisait du profit en vendant des pièces de fusil inutilisables.
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Le général Alexeïev renouvela les calomnies sur les bolchéviks ''« dans les poches desquels tintaient mélodieusement les marks allemands »'', et appelait à la discipline dans l'armée et à suspendre la révolution ''«  pour un certain temps »''.Il conclut en disant ''« Il faut des mesures et non des demi-mesures. »'' [[Trotsky|Trotsky]] commente : ''« Là-dessus, les bolcheviks étaient aussi d'accord. »''
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Un des représentants de nationalités opprimées suppliait le gouvernement d'agir, car dans leurs régions, c'étaient encore les mêmes fonctionnaires, les mêmes lois, la même oppression. La Russie révolutionnaire doit montrer qu'elle est ''« la mère et non point la marâtre de tous les peuples »''.
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De manière générale, les nombreux représentants des élites ou des milieux intellectuels aisés faisaient des déclarations "désintéressées", "idéalistes", démocratiques, etc. Roditchev, [[Parti_KD|KD]] et propriétaire de domaines, accuse les ouvriers d'être trop matérialistes et de chercher à s'enrichir. Le professeur Ozerov, homme de science et délégué des banques agraires, s'écrie : ''« Le soldat dans la tranchée doit penser à la guerre et non au partage de la terre. »'' Un maître de l'industrie lourde, Von Ditmar, termina même par un hymne en l'honneur de "liberté, égalité, fraternité".
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Pour renforcer sa position, Kérensky a ensuite organisé des prises de parole de fondateurs des mouvements socialistes russes, devenus bien inoffensifs : [[Brechkovskaïa|Brechkovskaïa]], [[Kropotkine|Kropotkine]] et [[Plékhanov|Plékhanov]].
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[[Kropotkine|Kropotkine]] appelle ''« tout le peuple russe à rompre une fois pour toutes avec le [[zimmerwald|zimmerwaldisme]] »''. Il rappelle que la défaite militaire entraînerait non seulement la perte de grands territoires et des contributions, mais ajoute : ''« il y a quelque chose de pire que tout cela : c'est la psychologie d'un pays vaincu. »'' En revanche Kropotkine vante le camp des alliés :
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''«&nbsp;Tous commencent à comprendre qu'il faut édifier une vie nouvelle sur de nouveaux principes socialistes... Lloyd George prononce des discours pénétrés d'esprit socialiste... En Angleterre, en France et en Italie, se forme une nouvelle intelligence de la vie, pénétrée de socialisme, malheureusement étatiste.&nbsp;»''
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Il défend quant à lui une République fédérative ''«&nbsp;telle que nous en voyons une aux Etats-Unis&nbsp;»''. Et enfin il termine par un appel ouvert à la [[collaboration_de_classe|collaboration de classe]] :
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''«&nbsp;Promettons-nous donc enfin entre nous que nous ne nous diviserons plus en parties droite et gauche de ce théâtre... Car enfin nous avons tous une seule et même patrie, et, pour elle, nous devons tenir ou tomber au besoin, nous tous, ceux de droite et ceux de gauche.&nbsp;»''
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[[Plékhanov|Plékhanov]] fit un discours très droitier dans lequel il taclait [[Lénine|Lénine]] et prônait comme seule issue l'entente entre industriels et ouvriers.
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Boublikov, industriel des chemins de fers, créé un événement symbolique : ''«&nbsp; Si, hier le noble leader de la révolution, Tseretelli, a tendu la main au monde industriel, qu'il sache que cette main ne restera pas suspendue!&nbsp;»'' Le journal des [[menchéviks|menchéviks]] rapporte ensuite : ''«&nbsp;Quand Boublikov termine, Tseretelli s'approche de lui et lui serre la main. Tempête d'ovations&nbsp;»''. Une poignée de mains très hypocrite puisque le même Boublikov faisait 8 jours plus tôt au congrès des industriels une diatribe contre les leaders des soviets. [[Milioukov|Milioukov]] reconnaîtra que c'était ''«&nbsp;insincère, mais pratiquement indispensable pour la classe qui avait trop à perdre&nbsp;»''.
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Kéresnki lanca aussi des leçons de morale teintées de menaces à l'adresse des [[Minorités_nationales_en_Russie|minorités nationales]], exigeant qu'elles restent fidèles à son gouvernement.
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Peu avant la fin de la conférence, Nagaïev, jeune officier cosaque, membre d'une délégation soviétique, déclara que les travailleurs cosaques ne suivaient pas Kaledine, que les hommes du front n'avaient point confiance en leur commandement supérieur. La gauche applaudit chaudement Nagaïev : ''«&nbsp;Gloire à la cosaquerie révolutionnaire!&nbsp;»'' La droite s'énerve, des voix lâchent ''«&nbsp;Les marks allemands!&nbsp;»'' Le ton monte, la salle se remplit d'un vacarme infernal, les délégués des soviets bondissent de leurs places, menacent du poing la loge des officiers. La sonnette présidentielle tinte sans arrêt et une bagarre est évitée de justesse.
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Finalement [[Kerensky|Kerensky]] fait un discours de clôture qui véhicule encore de dernières paroles hypocrites de conciliation, mais qui se finit aussi par une envolée mélodramatique qui exprime l'impasse du gouvernement provisoire, le durcissement bonapartiste et l'agonie de la communion nationale de Février :
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''«&nbsp;Aujourd'hui, citoyens de la terre russe, je ne me livrerai plus à des rêveries... Que le cœur se pétrifie... que se dessèchent toutes ces fleurs et songeries sur la nature humaine qu'aujourd'hui, du haut de cette tribune, l'on a foulées aux pieds. Eh bien, je les écraserai moi-même! Il n'y en aura plus ! Je jetterai loin de moi les clefs d'un cœur qui aime l'humanité, je penserai seulement à l'Etat.&nbsp;»''
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</blockquote>
 
== Suites ==
 
== Suites ==
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*Léon Trotsky, ''[https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/hrrusse/hrr30.htm Histoire de la révolution russe - 30. Kerensky et Kornilov]'', 1930  
 
*Léon Trotsky, ''[https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/hrrusse/hrr30.htm Histoire de la révolution russe - 30. Kerensky et Kornilov]'', 1930  
 
*Léon Trotsky, ''[https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/hrrusse/hrr31.htm Histoire de la révolution russe - 31. La conférence d'Etat à Moscou]'', 1930  
 
*Léon Trotsky, ''[https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/hrrusse/hrr31.htm Histoire de la révolution russe - 31. La conférence d'Etat à Moscou]'', 1930  
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*The Great Soviet Encyclopedia, [http://encyclopedia2.thefreedictionary.com/Moscow+State+Conference+of+1917 ''Moscow State Conference of 1917''], 1979
    
[[Category:Russie / URSS]] [[Category:Histoire]]
 
[[Category:Russie / URSS]] [[Category:Histoire]]

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