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Depuis 1928, la théorie de la révolution permanente a reçu de nombreuses vérifications. Beaucoup d'entre elles ont été, hélas, des vérifications à contrario, c'est-à-dire par des défaites de la révolution ou par des luttes révolutionnaires qui en sont restées à mi-chemin. Dans les décennies qui nous séparent de la fin de la deuxième guerre mondiale, plusieurs grands pays coloniaux ou semi-coloniaux (Brésil, Inde, Argentine, Algérie, Egypte, Chili, etc.) ont connu un développement économique non négligeable ou l'accession à l'indépendance politique ou les deux, mais en aucun cas un renversement du régime capitaliste. Pas un seul de ces pays n'a abouti à un régime de démocratie bourgeoise tant soit peut stable, comme l'envisageaient les sociaux-démocrates, ni à un régime intermédiaire de type « démocratie populaire nationale » comme l'imaginaient les staliniens et les post-staliniens. L'exemple chilien est particulièrement éloquent avec les illusions parlementaires qu'il comportait. Quant à l'Inde, malgré l'aide économique qu'elle a reçue de l'Ouest comme de l'Est, elle est désormais dans une ère de crises similaires à celles des autres pays à structure semi-coloniale. Face à ces vérifications par la négative, la théorie de la révolution permanente a eu des vérifications positives sur trois continents: en Europe avec les victoires des révolutions yougoslave et albanaise; en Asie avec des victoires colossales en Chine, au Vietnam et en Corée du Nord,. en Amérique avec la victoire de la révolution cubaine. La liste n'est pas close et pourrait s'accroître avant peu. En outre, sous une forme défigurée en raison des conditions militaropolicières qui les ont engendrées, les transformations sociales effectuées en Europe orientale et dans les Balkans au lendemain de la deuxième guerre mondiale, témoignent dans la même direction. Chacune de ces révolutions victorieuses nécessiterait une étude très détaillée parce que, outre la vérification de la théorie de la révolution permanente, elles ont apporté des enseignements spécifiques fort importants en relation avec les caractéristiques particulières de chacun des pays et des conditions dans lesquelles ces révolutions se sont accomplies. Dans un article qu'il écrivit à propos des « Mémoires Sur la révolution russe » du menchevik Soukhanov qui mettait en question la « maturité » de la Russie tsariste pour le socialisme, Lénine avait soulevé ce point : « Ces philistins européens (les sociaux-démocrates) ne s'imaginent même pas que les nouvelles révolutions dans les pays d'Orient à la population infiniment plus nombreuse et aux facteurs socieux infiniment plus variés présenteront à coup sûr beaucoup plus de traits particuliers que ce ne fut le cas pour la révolution russe. » (17 janvier 1923) Le présent exposé devant être suivi par des exposés détaillés consacrés aux principales de ces révolutions, aux problèmes qu'elles ont posés à la Quatrième Internationale et aux réponses qui y furent données, nous résumerons ici le développement de ces révolutions pour indiquer comment la théorie de la révolution permanente s'est vérifiée et quels traits particuliers, quelles « anomalies» pourrait-on dire, s'y sont manifestés. La Yougoslavie, comme les autres pays balkaniques et d'Europe centrale à l'exception de la Tchécoslovaquie, était un pays où les tâches de la révolution démocratique bourgeoise n'avalent pas été complètement accomplies même après la première guerre mondiale. Il y a lieu de remarquer que les partis socialistes de la IIe Internationale et, ensuite, les partis communistes , luttaient pour y effectuer des révolutions socialistes, se plaçant ainsi, sans s'en rendre compte, sur le plan de la révolution permanente. Pendant la deuxième guerre mondiale, le PC yougoslave engagea et dirigea une puissante lutte de partisans contre l'occupation allemande. Il tenta de s'entendre avec des forces armées bourgeoises, monarchistes et pro-alliées, mais celles-ci voyaient dans les forces sociales et militaires dirigées par le PC un danger plus grand que celui des armées allemandes et refusèrent de répondre à cette invitation. De sorte que la lutte armée sous la direction de pris un cours politique radicalise, le cours d'une révolution permanente, qui triompha liquidant en passant les forces monarchiste. A la libération, le nouveau pouvoir reposa sur l'armée issue de la lutte des partisans. Sous l'influence de la bureaucratie du Kremlin, la marche de la révolution connut une période de stagnation, mais à la suite de l'intervention brutale de Staline contre Tito, elle reprit sa marche en avant. Bien qu'ayant condamné des années durant la théorie de la révolution permanente dans les assemblées de l'I.C., la direction du PC yougoslave fut amenée, sous la pression des circonstances, à aller au-delà de ses objectifs proclamés et de créer un État ouvrier . En Chine, la révolution de 1925-1927 écrasée, le mouvement ouvrier subit une répression si brutale qu'il disparut presque totalement dans les villes. Parallèlement à ce développement, la révolution vaincue fut prolongée par les combats d'armées paysannes dirigées par le PC chinois ou, plus exactement, par une aile de ce parti dirigée par Mao Tse- Tung qui finit par prendre la direction du parti après une longue lutte fractionnelle contre la fraction de Wang Minh totalement dépendante de Staline. Tout en acceptant formellement les conceptions stratégiques de Staline (révolution par étapes, révolution démocratique, collaboration avec le Kuomintang), la direction Mao Tse- Tung suivit pratiquement une ligne différente pour ne pas faire subir au parti le même sort que dans les années '20. La différence entre Mao et Wang Minh consiste en ce que Mao n'accepta jamais le désarmement des armées qu'il dirigeait ni leur passage et celui des régions qu'il contrôlait sous le commandement d'officiers et de fonctionnaires du Kuomintang. A partir de 1946, le PC, face à la pression de gigantesques soulèvements paysans, en prit la direction, détruisit les armées de Tchiang Kaï-Chek et, par suite, le pouvoir de la bourgeoisie chinoise. Mais il le fit dans des conditions très particulières, à savoir sans faire le moindre appel à des mobilisations ouvrières dans les villes, y compris à Pékin et à Shangaï. En 1949 était ainsi assurée la naissance d'un nouvel État ouvrier. La théorie de la révolution permanente se trouvait vérifiée à l'échelle de la Chine ainsi que le pronostic formulé par Trotsky en 1928. Le trait tout à fait particulier de cette révolution était que la classe ouvrière ne participa pas directement à la lutte pour le pouvoir dans les années décisives 1946-1949; c'est le parti ouvrier qui, dirigeant les armées paysannes, joua un rôle substitutiste par rapport au prolétariat. Ce trait trouve en partie son origine dans l'histoire de la Chine qui a connu, des siècles durant, des soulèvements paysans qui renversaient une dynastie pour la voir remplacer par une autre. Cette fois-ci, les paysans avaient trouvé une direction dans la personne d'un parti né dans les villes et se revendiquant de la classe ouvrière et du communisme. La direction Mao Tse- Tung mit environ douze ans avant de comprendre qu'elle n'avait pas dirigé une « révolution démocratique d'un type nouveau », comme elle l'avait pensé jusqu'alors, mais une révolution permanente. Cependant, elle ne sut pas faire une autocritique claire; elle combina sa découverte théorique tardive avec sa théorie passée et resta de ce fait dans la confusion théorique, ce qui ne contribua pas à clarifier la question de la révolution permanente auprès des militants communistes. Au Vietnam, la direction du PC a suivi une politique présentant des analogies avec celle du PC chinois, avec la différence qu'au lieu de se heurter à une bourgeoisie et à une direction bourgeoise forte (18), elle s'est battue principalement contre des puissances impérialistes avec lesquelles elle avait pendant assez longtemps espéré trouver un terrain d'entente. Elle a donc été amenée à mettre, au cours du combat, un accent plus fort sur l'aspect libération nationale de la lutte que sur son aspect émancipation sociale. A Cuba, la caractéristique toute particulière de la révolution a été que le PC cubain et les organisations ouvrières qu'il contrôlait ne jouèrent pas de rôle dirigeant dans celle-ci ; la direction en fut assurée par le Mouvement du 26 juillet et son armée de guérillas dirigée par Fidel Castro. Bien que dans cette direction il y a avait des communistes, comme Che Guevara, ce Mouvement défendit pendant des années une idéologie non marxiste, de caractère humaniste. C'est après la victoire de la révolution, c'est-à-dire après la destruction des armées de Batista et de son régime, que des différenciations se produisirent dans le Mouvement du 26 juillet arrivé au pouvoir. Fidel et la plus grande partie de la direction, pour défendre les aspirations et revendications de la base sociale qui avait assuré leur victoire, se séparèrent des éléments bourgeois et petits-bourgeois avec lesquels ils avaient été associés et franchirent le pas qui les conduisit à un programme anticapitaliste, à la création d'un État ouvrier et, plus tard, au marxisme. Dans la 2e Déclaration de la Havane (février 1962), la direction cubaine se plaçait implicitement sur le plan de la révolution permanente mais en la limitant à l'Amérique latine. Les développements ultérieurs qui se produisirent à Cuba ont entraîné des reculs sur ce point, relativement à certains pays d'Amérique latine (Chili, Venezuela). L'intérêt de l'expérience de la révolution cubaine sur le plan de la construction du parti marxiste révolutionnaire est qu'elle met en relief certaines difficultés essentielles ainsi que des problèmes tactiques délicats que peut poser cette construction, en raison de la structure sociale des pays coloniaux et semi-coloniaux. Il ne faut pas oublier qu'en Europe, où le mouvement ouvrier est plus que centenaire, il a fallu dans bien des cas plusieurs décennies avant que ce mouvement ouvrier n'acquière son indépendance politique, organisationnelle par rapport aux formations bourgeoises et petites-bourgeoises. Dans les pays coloniaux et semi-coloniaux, le poids des couches sociales (paysannerie, certaines parties de la petite-bourgeoisie urbaine) dont le prolétariat doit rechercher l'alliance pour la conquête du pouvoir est considérable; leurs aspirations, leurs revendications et aussi leurs préjugés trouvent des expressions variées, mais on peut les englober sur un plan idéologique sous le terme général de populisme. Des idéologies populistes affectent dans ces pays, toutes sortes de milieux et d'institutions (Universités, églises, armées, ...) et, inévitablement, la classe ouvrière elle-même. Par exemple, la déclaration de Lula, le leader des métallos brésiliens, lors de la visite du Pape à Sao Paulo, déclaration dans laquelle il associe les noms du Christ et de Marx comme étant tous deux des bienfaiteurs de l'humanité. Qu'il se soit exprimé ainsi par confusion personnelle ou par opportunisme importe peu - le fait est qu'il a traduit de cette façon, des sentiments relativement répandus parmi les travailleurs qu'il représente. Les marxistes révolutionnaires ne peuvent et ne doivent pas ignorer une telle situation et, de ce fait, les organisations de type populiste dont une partie plus ou moins importante de leurs membres, éventuellement dans certains cas des membres de leurs directions, sont susceptibles, au cours des luttes, de franchir les pas qui les séparent du programme anticapitaliste, comme cela s'est passé effectivement avec le Mouvement du 26 juillet. Indépendamment du maintien indispensable d'une organisation propre des marxistes révolutionnaires reliée à la Quatrième Internationale, quelle démarche tactique faut-il suivre pour accélérer ce développement? Il n'existe pas de recette générale toute faite, chaque cas est spécifique. Il faut faire entrer en ligne de compte les le dire également en 1928 au sujet de la révolution chinoise. De vieux bolcheviks qui avaient participé à Octobre et commencé à mener la lutte contre la bureaucratie montante ont reculé devant une telle conclusion sur le plan théorique et politique. L'incompréhension et les résistances actuelles témoignent du poids toujours énorme du Kremlin sur la scène mondiale et du recul qu'a subi le mouvement ouvrier mondial dans le domaine de la théorie marxiste. Si le mouvement trotskyste a pu se maintenir, conserver l'acquis de l'Internationale communiste et l'enrichir, il n'a pu le faire jusqu'à présent que parmi des milieux trop limités. Mais cet obstacle si considérable qu'est le Kremlin n'a pu empêcher certaines révolutions des pays coloniaux et semi-coloniaux de vaincre. De nouvelles victoires dans ces pays, et ailleurs, viendront s'ajouter bientôt à la liste de celles qui ont déjà été remportées. Les bureaucraties au pouvoir dans les États ouvriers se heurtent à des résistances croissantes des masses travailleuses. L'emprise du stalinisme sur une partie du mouvement ouvrier s'affaiblit. Nous vivons vraiment dans l'ère de la révolution permanente. Il est certain que tôt ou tard, la théorie qui exprime au plus près la dynamique du monde actuel finira, elle aussi, par l'emporter .  
 
Depuis 1928, la théorie de la révolution permanente a reçu de nombreuses vérifications. Beaucoup d'entre elles ont été, hélas, des vérifications à contrario, c'est-à-dire par des défaites de la révolution ou par des luttes révolutionnaires qui en sont restées à mi-chemin. Dans les décennies qui nous séparent de la fin de la deuxième guerre mondiale, plusieurs grands pays coloniaux ou semi-coloniaux (Brésil, Inde, Argentine, Algérie, Egypte, Chili, etc.) ont connu un développement économique non négligeable ou l'accession à l'indépendance politique ou les deux, mais en aucun cas un renversement du régime capitaliste. Pas un seul de ces pays n'a abouti à un régime de démocratie bourgeoise tant soit peut stable, comme l'envisageaient les sociaux-démocrates, ni à un régime intermédiaire de type « démocratie populaire nationale » comme l'imaginaient les staliniens et les post-staliniens. L'exemple chilien est particulièrement éloquent avec les illusions parlementaires qu'il comportait. Quant à l'Inde, malgré l'aide économique qu'elle a reçue de l'Ouest comme de l'Est, elle est désormais dans une ère de crises similaires à celles des autres pays à structure semi-coloniale. Face à ces vérifications par la négative, la théorie de la révolution permanente a eu des vérifications positives sur trois continents: en Europe avec les victoires des révolutions yougoslave et albanaise; en Asie avec des victoires colossales en Chine, au Vietnam et en Corée du Nord,. en Amérique avec la victoire de la révolution cubaine. La liste n'est pas close et pourrait s'accroître avant peu. En outre, sous une forme défigurée en raison des conditions militaropolicières qui les ont engendrées, les transformations sociales effectuées en Europe orientale et dans les Balkans au lendemain de la deuxième guerre mondiale, témoignent dans la même direction. Chacune de ces révolutions victorieuses nécessiterait une étude très détaillée parce que, outre la vérification de la théorie de la révolution permanente, elles ont apporté des enseignements spécifiques fort importants en relation avec les caractéristiques particulières de chacun des pays et des conditions dans lesquelles ces révolutions se sont accomplies. Dans un article qu'il écrivit à propos des « Mémoires Sur la révolution russe » du menchevik Soukhanov qui mettait en question la « maturité » de la Russie tsariste pour le socialisme, Lénine avait soulevé ce point : « Ces philistins européens (les sociaux-démocrates) ne s'imaginent même pas que les nouvelles révolutions dans les pays d'Orient à la population infiniment plus nombreuse et aux facteurs socieux infiniment plus variés présenteront à coup sûr beaucoup plus de traits particuliers que ce ne fut le cas pour la révolution russe. » (17 janvier 1923) Le présent exposé devant être suivi par des exposés détaillés consacrés aux principales de ces révolutions, aux problèmes qu'elles ont posés à la Quatrième Internationale et aux réponses qui y furent données, nous résumerons ici le développement de ces révolutions pour indiquer comment la théorie de la révolution permanente s'est vérifiée et quels traits particuliers, quelles « anomalies» pourrait-on dire, s'y sont manifestés. La Yougoslavie, comme les autres pays balkaniques et d'Europe centrale à l'exception de la Tchécoslovaquie, était un pays où les tâches de la révolution démocratique bourgeoise n'avalent pas été complètement accomplies même après la première guerre mondiale. Il y a lieu de remarquer que les partis socialistes de la IIe Internationale et, ensuite, les partis communistes , luttaient pour y effectuer des révolutions socialistes, se plaçant ainsi, sans s'en rendre compte, sur le plan de la révolution permanente. Pendant la deuxième guerre mondiale, le PC yougoslave engagea et dirigea une puissante lutte de partisans contre l'occupation allemande. Il tenta de s'entendre avec des forces armées bourgeoises, monarchistes et pro-alliées, mais celles-ci voyaient dans les forces sociales et militaires dirigées par le PC un danger plus grand que celui des armées allemandes et refusèrent de répondre à cette invitation. De sorte que la lutte armée sous la direction de pris un cours politique radicalise, le cours d'une révolution permanente, qui triompha liquidant en passant les forces monarchiste. A la libération, le nouveau pouvoir reposa sur l'armée issue de la lutte des partisans. Sous l'influence de la bureaucratie du Kremlin, la marche de la révolution connut une période de stagnation, mais à la suite de l'intervention brutale de Staline contre Tito, elle reprit sa marche en avant. Bien qu'ayant condamné des années durant la théorie de la révolution permanente dans les assemblées de l'I.C., la direction du PC yougoslave fut amenée, sous la pression des circonstances, à aller au-delà de ses objectifs proclamés et de créer un État ouvrier . En Chine, la révolution de 1925-1927 écrasée, le mouvement ouvrier subit une répression si brutale qu'il disparut presque totalement dans les villes. Parallèlement à ce développement, la révolution vaincue fut prolongée par les combats d'armées paysannes dirigées par le PC chinois ou, plus exactement, par une aile de ce parti dirigée par Mao Tse- Tung qui finit par prendre la direction du parti après une longue lutte fractionnelle contre la fraction de Wang Minh totalement dépendante de Staline. Tout en acceptant formellement les conceptions stratégiques de Staline (révolution par étapes, révolution démocratique, collaboration avec le Kuomintang), la direction Mao Tse- Tung suivit pratiquement une ligne différente pour ne pas faire subir au parti le même sort que dans les années '20. La différence entre Mao et Wang Minh consiste en ce que Mao n'accepta jamais le désarmement des armées qu'il dirigeait ni leur passage et celui des régions qu'il contrôlait sous le commandement d'officiers et de fonctionnaires du Kuomintang. A partir de 1946, le PC, face à la pression de gigantesques soulèvements paysans, en prit la direction, détruisit les armées de Tchiang Kaï-Chek et, par suite, le pouvoir de la bourgeoisie chinoise. Mais il le fit dans des conditions très particulières, à savoir sans faire le moindre appel à des mobilisations ouvrières dans les villes, y compris à Pékin et à Shangaï. En 1949 était ainsi assurée la naissance d'un nouvel État ouvrier. La théorie de la révolution permanente se trouvait vérifiée à l'échelle de la Chine ainsi que le pronostic formulé par Trotsky en 1928. Le trait tout à fait particulier de cette révolution était que la classe ouvrière ne participa pas directement à la lutte pour le pouvoir dans les années décisives 1946-1949; c'est le parti ouvrier qui, dirigeant les armées paysannes, joua un rôle substitutiste par rapport au prolétariat. Ce trait trouve en partie son origine dans l'histoire de la Chine qui a connu, des siècles durant, des soulèvements paysans qui renversaient une dynastie pour la voir remplacer par une autre. Cette fois-ci, les paysans avaient trouvé une direction dans la personne d'un parti né dans les villes et se revendiquant de la classe ouvrière et du communisme. La direction Mao Tse- Tung mit environ douze ans avant de comprendre qu'elle n'avait pas dirigé une « révolution démocratique d'un type nouveau », comme elle l'avait pensé jusqu'alors, mais une révolution permanente. Cependant, elle ne sut pas faire une autocritique claire; elle combina sa découverte théorique tardive avec sa théorie passée et resta de ce fait dans la confusion théorique, ce qui ne contribua pas à clarifier la question de la révolution permanente auprès des militants communistes. Au Vietnam, la direction du PC a suivi une politique présentant des analogies avec celle du PC chinois, avec la différence qu'au lieu de se heurter à une bourgeoisie et à une direction bourgeoise forte (18), elle s'est battue principalement contre des puissances impérialistes avec lesquelles elle avait pendant assez longtemps espéré trouver un terrain d'entente. Elle a donc été amenée à mettre, au cours du combat, un accent plus fort sur l'aspect libération nationale de la lutte que sur son aspect émancipation sociale. A Cuba, la caractéristique toute particulière de la révolution a été que le PC cubain et les organisations ouvrières qu'il contrôlait ne jouèrent pas de rôle dirigeant dans celle-ci ; la direction en fut assurée par le Mouvement du 26 juillet et son armée de guérillas dirigée par Fidel Castro. Bien que dans cette direction il y a avait des communistes, comme Che Guevara, ce Mouvement défendit pendant des années une idéologie non marxiste, de caractère humaniste. C'est après la victoire de la révolution, c'est-à-dire après la destruction des armées de Batista et de son régime, que des différenciations se produisirent dans le Mouvement du 26 juillet arrivé au pouvoir. Fidel et la plus grande partie de la direction, pour défendre les aspirations et revendications de la base sociale qui avait assuré leur victoire, se séparèrent des éléments bourgeois et petits-bourgeois avec lesquels ils avaient été associés et franchirent le pas qui les conduisit à un programme anticapitaliste, à la création d'un État ouvrier et, plus tard, au marxisme. Dans la 2e Déclaration de la Havane (février 1962), la direction cubaine se plaçait implicitement sur le plan de la révolution permanente mais en la limitant à l'Amérique latine. Les développements ultérieurs qui se produisirent à Cuba ont entraîné des reculs sur ce point, relativement à certains pays d'Amérique latine (Chili, Venezuela). L'intérêt de l'expérience de la révolution cubaine sur le plan de la construction du parti marxiste révolutionnaire est qu'elle met en relief certaines difficultés essentielles ainsi que des problèmes tactiques délicats que peut poser cette construction, en raison de la structure sociale des pays coloniaux et semi-coloniaux. Il ne faut pas oublier qu'en Europe, où le mouvement ouvrier est plus que centenaire, il a fallu dans bien des cas plusieurs décennies avant que ce mouvement ouvrier n'acquière son indépendance politique, organisationnelle par rapport aux formations bourgeoises et petites-bourgeoises. Dans les pays coloniaux et semi-coloniaux, le poids des couches sociales (paysannerie, certaines parties de la petite-bourgeoisie urbaine) dont le prolétariat doit rechercher l'alliance pour la conquête du pouvoir est considérable; leurs aspirations, leurs revendications et aussi leurs préjugés trouvent des expressions variées, mais on peut les englober sur un plan idéologique sous le terme général de populisme. Des idéologies populistes affectent dans ces pays, toutes sortes de milieux et d'institutions (Universités, églises, armées, ...) et, inévitablement, la classe ouvrière elle-même. Par exemple, la déclaration de Lula, le leader des métallos brésiliens, lors de la visite du Pape à Sao Paulo, déclaration dans laquelle il associe les noms du Christ et de Marx comme étant tous deux des bienfaiteurs de l'humanité. Qu'il se soit exprimé ainsi par confusion personnelle ou par opportunisme importe peu - le fait est qu'il a traduit de cette façon, des sentiments relativement répandus parmi les travailleurs qu'il représente. Les marxistes révolutionnaires ne peuvent et ne doivent pas ignorer une telle situation et, de ce fait, les organisations de type populiste dont une partie plus ou moins importante de leurs membres, éventuellement dans certains cas des membres de leurs directions, sont susceptibles, au cours des luttes, de franchir les pas qui les séparent du programme anticapitaliste, comme cela s'est passé effectivement avec le Mouvement du 26 juillet. Indépendamment du maintien indispensable d'une organisation propre des marxistes révolutionnaires reliée à la Quatrième Internationale, quelle démarche tactique faut-il suivre pour accélérer ce développement? Il n'existe pas de recette générale toute faite, chaque cas est spécifique. Il faut faire entrer en ligne de compte les le dire également en 1928 au sujet de la révolution chinoise. De vieux bolcheviks qui avaient participé à Octobre et commencé à mener la lutte contre la bureaucratie montante ont reculé devant une telle conclusion sur le plan théorique et politique. L'incompréhension et les résistances actuelles témoignent du poids toujours énorme du Kremlin sur la scène mondiale et du recul qu'a subi le mouvement ouvrier mondial dans le domaine de la théorie marxiste. Si le mouvement trotskyste a pu se maintenir, conserver l'acquis de l'Internationale communiste et l'enrichir, il n'a pu le faire jusqu'à présent que parmi des milieux trop limités. Mais cet obstacle si considérable qu'est le Kremlin n'a pu empêcher certaines révolutions des pays coloniaux et semi-coloniaux de vaincre. De nouvelles victoires dans ces pays, et ailleurs, viendront s'ajouter bientôt à la liste de celles qui ont déjà été remportées. Les bureaucraties au pouvoir dans les États ouvriers se heurtent à des résistances croissantes des masses travailleuses. L'emprise du stalinisme sur une partie du mouvement ouvrier s'affaiblit. Nous vivons vraiment dans l'ère de la révolution permanente. Il est certain que tôt ou tard, la théorie qui exprime au plus près la dynamique du monde actuel finira, elle aussi, par l'emporter .  
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Pierre Frank  
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Article adapté d'un article de [[Pierre Frank]], publié dans la revue ''[[Quatrième Internationale (revue)|Quatrième Internationale]]'', avril-mai-juin 1981.
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Publié dans la revue Quatrième Internationale, avril-mai-juin 1981. Notes: 1)Léon Trotsky, « La Révolution permanente » (éditions Idées NRF p.40) 2)F. Engels, « La Guerre des paysans ». 3)« ...Bernstein, «Socialisme et démocratie dans la grande révolution anglaise ». 4)Daniel Guerin, « La lutte des classes dans la Première république ». 5)Manifeste des Egaux, Buenarotti. 6)Dans un article écrit pour un journal allemand en 1844, Engels déclarait que, sur la question de la révolution permanente, Marx et lui s'étaient trouvé d'accord avec les pensées de Marat qui ne voulait pas que la révolution soit dite « achevée, terminée, mais déclarée en permanence ». 7)Cf Marx-Engels Werke tome 7 pages 553-554. 8)A propos de l'Adresse, D. Riazanov qui parle des « fautes commises par Marx et Engels pendant la révolution de 1848 » écrit que Lénine la savait pour ainsi dire par coeur et la citait féquemment (Marx et Engels, éditions Anthropos, Paris)µ 9)Soulignons que les textes de Marx destinés à Vera Zassoulitch, du fait qu'ils ont été retrouvés et publiés une quarantaine d'années après avoir été écrits, ont été ignoré de Lénine. Il n'est pas sûr que Trotsky lui-même les ait connus quand il écrivit l' «Histoire de la Révolution russe ». 10)Annexe à L. Trotsky, Staline. Dans ce texte, Trotsky indique aussi la part et les limites de la contribution de Parvus à la théorie de la révolution permanente. 11)Cf Pierre Frank, Histoire de l'IC, tome 1 12)Cf. R. Rosdolky, Fr. Engels und das problem der geschichtslosen 13)Le Marxisme et l'Asie, H Carrère d'Encausse et Stuart Schramm 14)C'est à dire la période mai-juillet 1927 15)Ecrite en 1928 cf l Internationale communiste après Lénine (éditions PUF) 16)La révolution permanente 17)IC, pages 202-207 18)La seule période où la direction vietnamienne eut à s'opposer à une direction bourgeoise relativement importante, c'est à la suite des accords de Genève de 1954. Le pays se trouvait divisé entre le Nord, où était déjà établi un Etat ouvrier, et le Sud où l'impérialisme américain s'efforcait d'en faire une base pour reconquérir le Nord  
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Notes:  
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1)Léon Trotsky, « La Révolution permanente » (éditions Idées NRF p.40)  
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2)F. Engels, « La Guerre des paysans ».
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3)« ...Bernstein, «Socialisme et démocratie dans la grande révolution anglaise ».  
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4)Daniel Guerin, « La lutte des classes dans la Première république ».
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5)Manifeste des Egaux, Buenarotti.  
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6)Dans un article écrit pour un journal allemand en 1844, Engels déclarait que, sur la question de la révolution permanente, Marx et lui s'étaient trouvé d'accord avec les pensées de Marat qui ne voulait pas que la révolution soit dite « achevée, terminée, mais déclarée en permanence ».  
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7)Cf Marx-Engels Werke tome 7 pages 553-554.  
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8)A propos de l'Adresse, D. Riazanov qui parle des « fautes commises par Marx et Engels pendant la révolution de 1848 » écrit que Lénine la savait pour ainsi dire par coeur et la citait féquemment (Marx et Engels, éditions Anthropos, Paris).
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9)Soulignons que les textes de Marx destinés à Vera Zassoulitch, du fait qu'ils ont été retrouvés et publiés une quarantaine d'années après avoir été écrits, ont été ignoré de Lénine. Il n'est pas sûr que Trotsky lui-même les ait connus quand il écrivit l' «Histoire de la Révolution russe ».  
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10)Annexe à L. Trotsky, ''Staline''. Dans ce texte, Trotsky indique aussi la part et les limites de la contribution de Parvus à la théorie de la révolution permanente.  
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11)Cf Pierre Frank, Histoire de l'IC, tome 1  
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12)Cf. R. Rosdolky, Fr. Engels und das problem der geschichtslosen  
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13)Le Marxisme et l'Asie, H Carrère d'Encausse et Stuart Schramm  
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14)C'est à dire la période mai-juillet 1927  
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15)Ecrite en 1928 cf l Internationale communiste après Lénine (éditions PUF)  
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16)La révolution permanente  
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17)IC, pages 202-207  
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18)La seule période où la direction vietnamienne eut à s'opposer à une direction bourgeoise relativement importante, c'est à la suite des accords de Genève de 1954. Le pays se trouvait divisé entre le Nord, où était déjà établi un Etat ouvrier, et le Sud où l'impérialisme américain s'efforcait d'en faire une base pour reconquérir le Nord  
    
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