Luttes de classes en Iran
Les tendances profondes à l'égalitarisme et à l'utopie, dont l'Orient classique offre tant d'exemples, se sont manifestées de façon particulièrement nette aux 5e-6e siècles dans l'Iran préislamique, alors gouverné par la dynastie des Sassanides. La société sassanide, fortement établie sur une base aristocratique qui pratiquait sur une grande échelle la polygamie des riches, et dont le zoroastrisme était la religion d'Etat, fut alors ébranlée par un mouvement égalitaire et prophétique, celui de Mazdak. Sa doctrine, qui dérive du manichéisme, insiste sur la supériorité de la lumière sur les ténèbres, sur la nécessité d'une libération de l'homme grâce à l'abstinence, à l'ascèse, à l'alimentation végétarienne. Il faut tuer la discorde et la haine; il faut donc abolir l'inégalité entre les hommes, et leur permettre de satisfaire librement leurs besoins. Les femmes et les biens doivent être mis en commun, de même que le feu, l'eau et les pâturages.
Dieu a créé des moyens de subsistance sur la Terre, selon la version du mazdakisme rapportée par la chronique sassanide, afin que tu les distribues également entre les hommes, de sorte qu'il n'ait pas plus qu'un autre. En effet, les hommes ont usé de violence l'un envers autre, chacun voulant satisfaire ses besoins aux dépens de son frère. Mais nous voyons cet état de choses, et nous ôtons aux riches leur opulence pour le bien des pauvres, et nous rendons aux indigents le superflu des riches. Si quelqu'un possède un superflu en propriété, femmes, esclaves et mobilier, nous le lui enlevons et nous le rendons égal aux autres, de sorte que personne ne puisse avoir plus qu'un autre. [1]
La véritable révolution sociale qu'impliquaient les idées de Mazdak fut, de façon très originale, soutenue par le monarque sassanide en personne, Kawadh I (qui régna de 488 à 531). Gagné aux idées de Mazdak, dont il fit son dastur (ministre), Kawadh semble avoir effectivement promulgué des lois sur la communauté des femmes, et laissé se développer des jacqueries égalitaires très violentes. Les émeutiers s'emparaient des châteaux, et se partageaient les terres et les femmes des grands. Mais Kawadh I s'était progressivement détourné de ses anciens amis, qui de leur côté cherchaient à le remplacer par son fils aîné Kaus (qui était de leur parti). En 529, les mazdakistes furent attirés à la cour sous prétexte d'une controverse théologique avec le clergé zoroastrien, et tous massacrés.
Notes et sources[modifier | modifier le wikicode]
- Jacques Droz, Histoire générale du socialisme, 1972
- ↑ Cité par A. CHRISTENSEN, Le règne du roi Kawadh I et le communisme mazdakiste, p. 31-32.