Luttes de classes en Inde
Les traditions égalitaires et utopiques semblent avoir compté fort peu dans le cas de l'Inde classique. Le bouddhisme, né dans l'Inde, ne s'y est pas solidement enraciné, et a « émigré » plus à l'est. La société aryenne, autoritaire et rigoureusement cloisonnée en castes, n'était pas favorable à l'éclosion des rêves égalitaires et des visions utopiques, dont les traditions chinoises, islamique et bouddhique sont si riches. Ou plutôt, pour poser le problème en termes plus nuancés et plus prudents, les grands textes sur lesquels se fonde notre connaissance de la civilisation indienne classique, si fortement imprégnés de cette rigidité aryenne, ne font guère place aux rêves d'une société meilleure.
Certains auteurs indiens ont pensé trouver dans l'Arthashastra, ce traité classique indien de la science des affaires publiques, un précurseur du « socialisme d'État ». Mais il s'agit en fait d'un manuel d'exercice du pouvoir, tout empreint de « totalitarisme à base économique » (Louis Renou). Les textes indiens classiques sont également muets sur les révoltes paysannes égalitaires qui ont pu se produire éventuellement à telle ou telle époque (alors que les annalistes chinois, tout liés qu'ils étaient à l'ordre mandarinal, s'en faisaient néanmoins l'écho).
Peut-être faudrait-il aussi, de ce point de vue, opposer l'Inde dravidienne à l'Inde védique, la première n'étant peut-être pas aussi fermée que la seconde à la pensée égalitaire et utopique, mais étant beaucoup moins bien connue. La tradition politico-religieuse tamil comporte par exemple le souvenir d'un âge d'or (Krithayuga), dont les mythes de justice et d'abondance sont souvent invoqués par les communistes de l'Inde du Sud et de Ceylan, encore de nos jours.
Ce qu'on pourrait aussi évoquer ici, c'est la tradition érémitique des sannyasin, des brahmines qui ont atteint le quatrième et dernier degré de la perfection spirituelle et qui se retirent du monde en méprisant les richesses. Mais il ne s'agit que d'un refus individualiste, qui abandonne la société au lieu de chercher à la changer ou au moins à la critiquer.
Contrairement à d'autres pays comme la Chine ou le monde musulman, les premiers socialistes indiens ont eu assez peu d'arguments d'autorité à puiser dans la tradition nationale.
Exception notable, le prédicateur religieux réformiste Swami Ramtirth (1873- 1906) tenta de fonder sur la religion une critique de la société coloniale bourgeoise de son temps. Il prêchait au Pendjab un « socialisme du Vedanta », affirmant que le Vedanta et le socialisme confluaient dans le refus de la propriété.
Notes et sources[modifier | modifier le wikicode]
- Jacques Droz, Histoire générale du socialisme, Tome 1, 1972