Il y a lieu de moderniser cette vision de la monnaie née du troc par “ cristallisation ”, à la lueur des travaux récents de recherche à la fois économique et anthropologique sur la naissance de la monnaie. Cette fable reprise d'Adam Smith depuis Menger par tout le courant marginaliste et néo-libéral insiste sur le caractère naturel du marché et de la marchandise dans une approche dont la nature idéologique ne va échapper à personne.
Une approche plus fouillée situe la naissance de la monnaie dans le préalable du crédit, ce qui transforme la monnaie en créance. Créance anonymisée qui s'ouvre donc à tout et à tous pour devenir cet “ équivalent général ” dont tout le monde tombera d'accord, sans que là se précise encore de manière claire le type d'organisation sociale et de rapports sociaux qui se cachent derrière : qui gouverne son institution et qui en profite.
Ainsi peuvent s'expliquer plus simplement les transformations de formes de la monnaie, en particulier sa dématérialisation qui n'a plus besoin de métal précieux – or ou argent – pour la laisser fonctionner ; mais aussi l'accaparement de ses circuits par la finance privée au détriment des institutions étatiques qui l'avaient initialement établie pour ouvrir les marchés et les étendre à l'ensemble de leur juridiction et de leurs conquêtes.