Nécrologie de Karl Marx (2)

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Le Figaro, 17 mars 1883


Le fondateur de l'Internationale, Karl Marx, est mort jeudi à Londres, à l’âge de soixante-neuf ans.

Chef du mouvement socialiste moderne, il mérite une biographie : Il est né dans la Prusse rhénane, à Trier (Trèves) en 1814. Son père, qui était avocat, lui fit faire ses études à Bonn, puis à Berlin. Karl Marx n’avait pas vingt et un ans quand il fonda avec ses amis Heine, Mess, Strauss et Engels, la Gazette rhénane, qui, menaçante pour le gouvernement, ne tarda, pas : a être supprimée.

Exilé de Cologne, Karl Marx vint à Paris, en 1843, avec sa jeune femme Berthe-Caroline de Westphalen et ses deux amis Arnold Ruge et Heine.

En collaboration avec ces derniers, il fonda les annales franco-allemandes, Deutsch-Franzœsischen Jahrbücher. De cette époque, datent ses relations avec tous les chefs de la démocratie française.

Il rêvait déjà d’asseoir sur la philosophie pratique les passions et les besoins du dix-neuvième siècle. Il publia divers ouvrages contre l’idéalisme allemand, entre autres, en 1847, la Misère de la philosophie.

Cet ouvrage fit prendre peur au gouvernement prussien, qui demanda son expulsion de France.

Il s’exila à Bruxelles, où il fit paraître le Manifeste des communistes.

On peut dire de cet ouvrage qu’il est le catéchisme du socialisme moderne.

Éclata la révolution du 24 février, qui eut des contre-coups en Allemagne.

Aussitôt Karl Marx partit pour Cologne où il ressuscita la Gazette rhénane. Son patrimoine et la fortune de sa femme lui permettaient, cette nouvelle tentative.

Dès les premiers numéros, il eut un procès. Appelé devant la Cour d’assises, il se défendit lui-même. Le jury l’acquitta.

Le gouvernement prit sa revanche en supprimant son journal et en le proscrivant.

De nouveau, il passa en France, où on voulut l’interner dans le Morbihan. Il se réfugia à Londres où il se fixa. Vint 1842. Il publia le 18 Brumaire, puis le Procès des communistes de Cologne, enfin la Critique de l’économie politique.

À Londres, sa maison devint le refuge des exilés, de 1852. Ses ouvrages le rendirent populaire.

En septembre 1864, il fonda l’association internationale des travailleurs, plus connue sous le nom, de l’Internationale, demandant comma une faveur d’être nommé secrétaire de la section, allemande, ce qui fut naturellement fait.

Cinq ans après, en 1809, Karl Marx publia la première partie de son grand ouvrage le Capital.

Cette première partie, avait pour sous-titre : La production des richesses.

La deuxième, qui est entièrement achevée, et que son vieil ami Engels doit faire prochainement, paraître, s’appellera : La Circulation des richesses.

La troisième partie, qui vraisemblablement ne paraîtra jamais, se fût appelée : Histoire du la théorie.

Il y a treize mois, Karl Marx perdait sa femme. C’est au chevet du lit de celle-ci qu’il contracta la maladie de poitrine à laquelle il a succombé et qu’aggrava encore, il y a quelques mois, la perte de sa fille qu’il avait mariée à M. Charles Longuet.

Les médecins l’envoyèrent en Algérie, puis à Nice. Depuis quoique temps, il vivait à Ventnor, dans l’île de Wight, où le climat est très doux.

Il se croyait guéri quand il revint à Londres, où il est mort quelques jours après son retour.

Bien qu’il soit réellement la père du socialisme moderne, Karl Marx, qui n’a jamais fait que travailler à son bureau et qui était fortuné, n’eût certainement pas tardé à passer pour réactionnaire. Il est mort assez tôt pour n’être pas dédaigné, comme l’ont été et le seront tour à tour tous ceux qu’on appelle aujourd’hui les quarante-huiteux.