Lettre à Albert Goldman, 9 mai 1939

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Comment s'y prendre en France

Cher Camarade Goldman,

Je vous envoie mes lettres aux sections française et belge avec des copies pour le S.I. et votre comité national. Je ne les envoie pas directement aux sections auxquelles elles sont désignées, parce que je ne veux pas que ces lettres arrivent en France avant vous. Vous pouvez les remettre vous-même au moment propice.

Il est clair pour moi que Naville et les autres membres du comité central veulent que leurs propres positions et activités soient le moins possible altérées. Ils ne peuvent pas continuer à l’ancienne manière parce que les difficultés matérielles sont trop grandes et leur manque de succès trop évident. Ils sont prêts à abandonner l’important fardeau de leur organisation à la condition que l’oncle Sam leur assure la possibilité de publier leur journal et leur revue. De cette façon, ils sauveraient la face et auraient même la possibilité de polémiquer contre la fraction Rous, le S.I. et ainsi de suite. C’est la signification véritable de leurs propres propositions, que j’ai reçues hier et dont je vous joins copie.

Extérieurement, leurs propositions sont au moins un peu semblables aux nôtres, mais l’esprit en est tout à fait différent, pour ne pas dire opposé. C’est pourquoi une confusion entre les deux propositions ou un compromis pourri pourraient, à mon avis, être fatals. Les raisons en sont claires d’après mes lettres françaises. Il faudra que quelqu’un les traduise en anglais pour les délégués et pour le comité national.

J’imagine la procédure pour les délégués de la façon suivante :

Pendant les deux ou trois premiers jours, un certain nombre de grandes discussions auront lieu, destinées particulièrement à l’information des délégués, sans aucune proposition de leur part. Il faut donner aux camarades français la possibilité d’exprimer leurs objectifs et souhaits véritables. Ce n’est qu’après cette discussion, ou cette série de discussions, qu’une session élargie du S.I. avec les Belges, etc. prendra sa décision sous une forme parfaitement catégorique, comme le dernier mot de l’Internationale sur cette situation. Il faudrait préparer une assemblée générale pour annoncer la décision. Il serait peut-être mieux de tenir deux assemblées générales des membres, une avant la décision et une après la discussion avec les sommets, afin d’entendre la voix de la base et de lui donner la satisfaction d’avoir été entendue avant la décision, une seconde assemblée pour l’annonce de la décision, avec toute une série d’orateurs préparés d’avance, pour la défendre.

En ce qui concerne Naville et quelques autres (vous trouverez lesquels) qui devraient entrer au S.I. et au comité de rédaction de la publication en français, la décision doit être plus catégorique encore et toute démission de leur part devrait être rejetée et condamnée. C’est mon opinion que le ton des discussions devrait être extrêmement amical et le ton des décisions extrêmement ferme et impitoyable, de même que pour tout ce qui concerne l’application des décisions. A partir d’un certain moment, ils doivent sentir que l’Internationale ne permettra pas qu’on badine avec elle. C’est un moment psychologique important, non seulement pour les jeunes, mais pour quelques-uns des dirigeants.

Il y a également un danger qu’après avoir accepté formellement les décisions, les camarades dirigeants restant à l’extérieur du P.S.O.P. puissent essayer d’organiser et de guider leur propre fraction à l’intérieur du P.S.O.P. Il est bien entendu impossible d’empêcher un tel travail « illégal » simplement par des décisions générales, mais à cet égard sera également décisive la composition du comité de rédaction du journal français. En même temps, le secrétariat international pourrait nommer une commission spéciale de trois camarades, disons : Naville, le délégué américain et un troisième, un bon, avec la mission d’observer la situation française jour après jour. Une telle commission pourrait tracer une limite morale pour les camarades français.

Il nous faut paralyser l’influence démoralisante de la clique Molinier sur le P.S.O.P., surtout sur ses jeunesses. Si une lettre de moi, caractérisant Molinier et sa clique (je les connais très bien) peut être utile, vous pouvez m’écrire, voire me câbler, je l’écrirai aussitôt.

Au cas où quelques camarades français protesteraient à cause du retard avec lequel ma lettre leur aurait été remise, si vous estimez ce délai nécessaire, je vous donne à vous et à votre compagnon de voyage le droit de déclarer que je vous ai donné le plein pouvoir suivant :

« Chers Camarades, je suis d’accord avec la ligne générale de votre comité national sur la question française. Je réponds dans le même esprit aux camarades français, mais je ne suis pas certain que ma lettre ne puisse pas vous gêner d’une façon ou d’une autre dans votre activité à Paris. Je mets ces lettres à votre entière disposition, vous pouvez les remettre quand vous l’estimerez bon, ou même ne pas les remettre du tout. Fraternellement. »

Il me semble que c’est là tout ce que je puis dire d’ici. Bonne chance et meilleurs vœux.