« Ombres » de la patrie

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Sur la même page, nous avons jugé extraordinairement instructif et même presque symbolique de parler de cinq figures politiques, ou plus exactement de quatre, et de… Bourtsev ! Occupons-nous, en premier lieu, du général Doumbadzé.

« Ivan Antonovitch débuta au Caucase comme officier, et on ne signale rien de spécial à cette époque. Par contre, la Russie entière a entendu parler des années passées à Yalta, dès 1906, par le colonel Doumbadzé. Son nom ne quittait pas les journaux. Géorgien de naissance, il était partisan du « Renouveau Russe », membre actif de « l’Alliance du peuple russe ». [Ici, la censure est passée…] Il était le vrai maître à Yalta, sévère et diligent. Ses directives étaient courtes et incisives. Il n’aimait pas les vains discours et renvoyait les journalistes, des incapables, selon lui. Il interdit la publication des journaux à Yalta et veilla à la protection des droits familiaux dans la ville débauchée. » Le général a été envoyé en retraite. A ce qu’il semble cela s’est fait sans tapage, pour raisons de santé, comme on dit administrativement.

Les cas des autres honorables fonctionnaires sont pires.

« Le général Komissarov a été renvoyé sans préavis. Il avait servi dans le corps des gendarmes de Pétrograd. Son nom fut accolé à celui de Azew. Dans l’affaire ainsi nommée, la réponse du pouvoir à la Douma fut fondée sur les renseignements fournis par Komissarov. Ce dernier, chef d’escadron, s’agita un instant comme la queue d’une comète (Azew) puis disparut. Le bon peuple pensait : il est fini. Mais il devint, suivant la hiérarchie naturelle, colonel et général ! Il était assis sur le trône à Rostov et dirigeait. Survinrent des déclarations de qui ?… (les voleurs se volent entre eux, Votre Excellence !) et le général fut « balancé ».

La troisième information prend une apparence incomparablement plus modeste. « Par ordre du Ministre de l’Intérieur, l’assesseur collégial détaché auprès dudit ministre, Manassévitch-Manouilov, est relevé de ses fonctions ». Un assesseur quelconque, pensera le lecteur inattentif. Mais pas du tout ! Il est connu comme publiciste écrivant dans Novoe Vrémia sous le pseudonyme de « Masque ». Mais sa principale profession était d’être policier. Il se rendit à Paris et alla voir Hervé. Revenu au pays natal, une perquisition fit découvrir 100.000 roubles, dans la doublure d’un pantalon. Il est sous les verrous. Aucune trace du pantalon.

L’assesseur ferait preuve de peu de grandeur d’âme s’il se désespérait ! Sait-on jamais dans quelle direction roule la roue de la vie ? À ce propos, la carrière du prêtre Vostorgov est un précieux témoignage. « Le clergé moscovite fut mis en émoi par une nouvelle sensationnelle : la désignation d’un archiprêtre, un certain Vostorgov déjà arrivé à Moscou. Le métropolite Makarie réunit les hautes instances ecclésiastiques pour décider de la candidature de Vostorgov. Bonne ? Réponse affirmative. Et Vostorgov, le document en poche, repartit pour Pétrograd. »

Et voilà ! Il a volé, trafiqué : il est mêlé, de près ou de loin, à un crime… bref un candidat pour le bagne… et il est archiprêtre ! Ne perdez pas courage général Komissarov !

Et pour la bonne bouche… Bourtsev est arrivé à Moscou pour certains travaux dans le Musée historique. Il se rendra ensuite à Saratov travailler dans le Musée Radichevsky. Le grand Bourtsev, la terreur des espions et des provocateurs (à l’exclusion de ceux qui le menèrent par le bout du nez), va de musée en musée, indifférent au sort de l’ex-chef d’escadron Komissarov. Mais que fait-il au juste dans les musées ? Qui sait ? Peut-être glane-t-il des informations sur : comment conserver le pantalon de Manassévitch ?