Véganisme

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Le véganisme est à la fois un mode de vie et un mouvement politique visant à le généraliser[1]. Il consiste à vouloir abolir, autant que faire se peut, toute forme d'exploitation et de cruauté envers les animaux et ce dans tous les aspects (donc en ne se limitant aucunement à l'alimentation : habillement, transport loisir, cosmétique, expérience, etc.), ce en partant du fait qu'ils peuvent ressentir la douleur[2] et ont un donc un intérêt à l'éviter et aussi la mort puisque la douleur est un moyen à cette fin. Cela implique l'abolition du statut de propriétés des animaux[3], donc une démarchandisation de ceux-ci.

Il est généralement confondu avec l'anti-spécisme. Certes ce dernier lui fournit un fondement théorique, mais qui va aussi plus loin et ne lui est donc pas nécessaire. De plus, l'anti-spécisme est parfois réduit à de la pure philosophie qui n'engagerait à aucune action.

1 Portée intrinsèque et public[modifier | modifier le wikicode]

Quoi qu'usuellement considéré dans une approche dualiste, avec d'un côté les humains et de l'autre les animaux, il est possible au contraire d'en adopter une lecture holiste (par exemple par darwinisme), qui inclurait les humains.

Toutefois de par le fait que les premiers concernés ne peuvent que très difficilement s'exprimer et lutter, et les multiples problèmes qui auxquels font face les humains dans les sociétés capitalistes et antérieures, le véganisme est, au moins jusqu'au premier quart du 21e siècle, marginal et ne peut que difficilement obtenir de l'énergie politique hormis d'une manière disproportionnée chez les bourgeois et les travailleurs intellectuels blancs.

De plus, le sort infligé aux animaux non-humains (parfois qualifié de « Shoah animale ») par l'humanité peut inspirer un mépris de l'humanité, ce qui conduit alors à une mauvaise image du véganisme dans les luttes pour l'émancipation humaine. À cela se rajoute une confusion courante entre le véganisme et l'animalisme, qui est plus large et plus susceptible d'incorporer des éléments réactionnaires (comme Brigitte Bardot), ce qui une fois de plus nuit à l'image du véganisme et donc à son potentiel attrait chez les progressistes.

Quoi qu'usuellement gentiment contestataire ou juste éducationniste, quand il n'est pas réduit exclusivement à un mode de vie, le véganisme peut politiquement aller plus loin. Les échanges inégaux peuvent mener à une analyse véganiste décoloniale[4]. La thématique très générale de l'exploitation et de l'action « radicale » peut aussi conduire à un intérêt chez les anti-capitalistes ou revendiqués comme tels[5]. Historiquement, bien avant que le véganisme soit conceptualisé et créé par scission d'avec le végétarisme (qui peut se borner à l'alimentation et autorise les sous-produits animaux même s'il est possible de faire autrement[6]), son idée pouvait être présente d'une manière souvent très latente chez des socialistes (Louise Michel[7], Élisée Reclus[8], Rosa Luxembourg[9], etc.[10]).

2 Naturalisme : un anti-fétichisme latent[modifier | modifier le wikicode]

Au premier abord, le véganisme semble pouvoir être casé dans « la pensée du Vivant ». Cette impression peut être renforcée par le fait que la REV (Révolution Écologique pour le Vivant) soit, au moins jusqu'en 2023 compris, le seul parti en France à le promouvoir, le Parti animaliste ne le prônant lui pas.

Toutefois, le véganisme se propose d'aller, autant que faire se peut, contre le rapport aux animaux des sociétés passées et actuelles. Il vise à rompre avec le suprémacisme humain comme idéologie et le supposé « ordre naturel » au sein du quel il serait tout en haut et donc légitime à imposer ce que bon lui semble aux « inférieurs ». Ce geste de volonté de rupture avec la tradition fait montre d'un anti-fétichisme de l'état actuel des choses, comme notamment dans la lutte pour le socialisme.

Mais le véganisme est un rapport pratique, avant tout en tout cas. N'étant pas une doctrine philosophique ou que secondairement, son potentiel anti-naturaliste ne peut trouver son plein développement, car c'est le rapport concret qui est avant tout son objet. En revanche, l'anti-spécisme peut lui faire passer l'anti-naturalisme à un stade élaboré[11].

3 Notes et sources[modifier | modifier le wikicode]

  1. Renan Larue, Valéry Giroux, Le véganisme, Presses Universitaires de France, collection « Que sais-je ? », 2017 et 2019.
  2. Il est question de sentience. Par simplification, il est usuellement considéré que tous les animaux sont sentients, mais ce n'est pas le cas au sens scientifique du terme (pour les éponges par exemple), et c'est incertain pour certains, mais en ce cas bien des végans appliquent le principe de précaution.
  3. Gary Francione, Introduction aux droits des animaux, éditions L'Âge d'Homme, 2015.
  4. Sandra Guimarães, entretien 25 en 3 parties par le podcast Comme un poisson dans l'eau, fin 2023.
  5. Punjo, Animalisme (série de 2 vidéos), 2020 ; NPA, « Qu'avons-nous à apprendre des luttes antispécistes ? Avec Tiphaine Lagarde », Google YouTube, 27 aout 2023 ; Bündnis Marxismus und Tierbefreiung, « 18 thèses sur le marxisme et la libération animale », site web de la tendance CLAIRE du NPA ; camarades de Lutte Ouvrière, « Communisme, Antispécisme », Ligue Internationaliste Marxiste Anti-Spéciste Écologiste, Trotskyste.
  6. Historiquement, il était impossible de s'en passer totalement. En effet, la vitamine B12 est un nutriment essentiel chez l'humain et il ne peut être obtenu directement ou indirectement par les végétaux (et c'est le seul en ce cas). Cela explique l'échec historique du végétalisme, alors dit légumisme, qui en tant que mode alimentaire sans produit d'origine animale fait parti de l'idéal végan.
  7. Mémoires de Louise Michel, écrits par elle-même, chapitre XI, 1886.
  8. Élisée Reclus, « À propos du végétarisme », 1901.
  9. « Pendant qu'on déchargeait la voiture, les bêtes restaient immobiles, totalement épuisées, et l'un des buffles, celui qui saignait, regardait droit devant lui avec, sur son visage sombre et ses yeux noirs et doux, un air d'enfant en pleurs. C'était exactement l'expression d'un enfant qu'on vient de punir durement et qui ne sait pour quel motif et pourquoi, qui ne sait comment échapper à la souffrance et à cette force brutale… J'étais devant lui, l'animal me regardait, les larmes me coulaient de mes yeux, c'étaient ses larmes. Il n'est pas possible, devant la douleur d'un frère chéri, d'être secouée de sanglots plus douloureux que je ne l'étais dans mon impuissance devant cette souffrance muette. », dans Rosa Luxemburg, lettre à Sonia Liebknecht, prison de Breslau, décembre 1917.
  10. Cause animale, luttes sociales, éditions Le Passager clandestin 2021.
  11. La Révolution antispéciste, PUF-2018, Alpga-2023.