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=== Radicalisation bolchévique, fronts communs et divergences ===
 
=== Radicalisation bolchévique, fronts communs et divergences ===
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Entre [[Révolution_de_Février_1917|février]] et [[Octobre_1917|octobre 1917]], les anarchistes et les [[Bolchéviks|bolchéviks]] collaborent très souvent dans l'action. La radicalisation des bolchéviks après les [[Thèses_d'Avril|thèses d'Avril]] de [[Lénine|Lénine]] en fait un pôle d'attraction très fort de tous les militants révolutionnaires sincères. Beaucoup de démocrates bourgeois ou de socialistes réformistes taxaient même les bolchéviks d'anarchistes durant cette période. Quand les thèses d'Avril de Lénine furent connues, un ancien membre du Comité central bolchevik, [[Joseph_Goldenberg|Goldenberg]], qui se tenait à cette époque en dehors du parti, déclara&nbsp;: ''«&nbsp;Pendant de nombreuses années, la place de Bakounine dans la révolution russe est restée inoccupée&nbsp;; maintenant, elle est prise par Lénine.&nbsp;»''<ref name="HRR22">Léon Trotsky, ''[https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/hrrusse/hrr22.htm Histoire de la révolution russe - 22. Le Congrès des soviets et la manifestation de Juin]'', 1930</ref> Lors de la [[Conférence_d'Etat_de_Moscou_(1917)|Conférence d'Etat de Moscou]], [[Milioukov|Milioukov]] accuse :
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Entre [[Révolution_de_Février_1917|février]] et [[Octobre_1917|octobre 1917]], les anarchistes et les [[Bolchéviks|bolchéviks]] collaborent très souvent dans l'action. La radicalisation des bolchéviks après les [[Thèses_d'Avril|thèses d'Avril]] de [[Lénine|Lénine]] en fait un pôle d'attraction très fort de tous les militants révolutionnaires sincères. Beaucoup de démocrates bourgeois ou de socialistes réformistes taxaient même les bolchéviks d'anarchistes durant cette période. Quand les thèses d'Avril de Lénine furent connues, un ancien membre du Comité central bolchevik, [[Joseph_Goldenberg|Goldenberg]], qui se tenait à cette époque en dehors du parti, déclara&nbsp;: ''«&nbsp;Pendant de nombreuses années, la place de Bakounine dans la révolution russe est restée inoccupée&nbsp;; maintenant, elle est prise par Lénine.&nbsp;»''<ref name="HRR22">Léon Trotsky, ''[https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/hrrusse/hrr22.htm Histoire de la révolution russe - 22. Le Congrès des soviets et la manifestation de Juin]'', 1930</ref> Lors de la [[Conférence_d'Etat_de_Moscou_(1917)|Conférence d'Etat de Moscou]], [[Milioukov|Milioukov]] accuse&nbsp;:
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<blockquote>''«&nbsp;En présence de faits évidents ces groupes plus modérés [SR, menchéviks] ont été forcés d'admettre que, parmi les bolcheviks, il y a des criminels et des traîtres. Mais ils n'admettent pas jusqu'à présent que l'idée même, l'idée fondamentale qui unit ces partisans des actes combatifs de l'anarcho-syndicalisme, est criminelle.&nbsp;»''</blockquote>  
''«&nbsp;En présence de faits évidents ces groupes plus modérés [SR, menchéviks] ont été forcés d'admettre que, parmi les bolcheviks, il y a des criminels et des traîtres. Mais ils n'admettent pas jusqu'à présent que l'idée même, l'idée fondamentale qui unit ces partisans des actes combatifs de l'anarcho-syndicalisme, est criminelle. »''
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Les anarchistes tendaient à être en tête dans toutes les manifestations radicales de Pétrograd, y compris dans celles que les bolchéviks considéraient comme [[Gauchistes|gauchistes]] dans la situation (en particulier dans les [[Journées_de_juillet_1917|journées de juillet]]). Ils posaient très peu la question du pouvoir et de la situation politique d'ensemble. Trotsky dresse le portrait critique suivant&nbsp;:
 
Les anarchistes tendaient à être en tête dans toutes les manifestations radicales de Pétrograd, y compris dans celles que les bolchéviks considéraient comme [[Gauchistes|gauchistes]] dans la situation (en particulier dans les [[Journées_de_juillet_1917|journées de juillet]]). Ils posaient très peu la question du pouvoir et de la situation politique d'ensemble. Trotsky dresse le portrait critique suivant&nbsp;:
 
<blockquote>''«&nbsp;Comme toujours, en présence de grands événements et de grandes masses, ils manifestaient leur inconsistance organique. Ils niaient d'autant plus facilement le pouvoir d'État qu'ils ne comprenaient pas du tout l'importance du Soviet comme organe du nouvel État. D'ailleurs, abasourdis par la révolution, ils gardaient le plus souvent le silence, tout simplement, sur la question de l'État. Ils manifestaient leur autonomie, principalement, dans le domaine d'un médiocre putschisme. L'impasse économique et l'exaspération croissante des ouvriers de Pétrograd créaient pour les anarchistes certaines positions d'appui. Incapables d'évaluer sérieusement le rapport des forces sur toute l'échelle nationale, prêts à considérer chaque poussée d'en bas comme le dernier coup de la délivrance, ils accusaient parfois les bolcheviks de pusillanimité et même de conciliation. Mais, d'ordinaire, ils se bornaient à grogner. La réaction des masses devant les manifestations des anarchistes permettait parfois aux bolcheviks de mesurer le degré de pression de la vapeur révolutionnaire.&nbsp;»''<ref>Léon Trotsky, ''[https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/hrrusse/hrr21.htm Histoire de la révolution russe - 21. Regroupements dans les masses]'', 1930</ref></blockquote>  
 
<blockquote>''«&nbsp;Comme toujours, en présence de grands événements et de grandes masses, ils manifestaient leur inconsistance organique. Ils niaient d'autant plus facilement le pouvoir d'État qu'ils ne comprenaient pas du tout l'importance du Soviet comme organe du nouvel État. D'ailleurs, abasourdis par la révolution, ils gardaient le plus souvent le silence, tout simplement, sur la question de l'État. Ils manifestaient leur autonomie, principalement, dans le domaine d'un médiocre putschisme. L'impasse économique et l'exaspération croissante des ouvriers de Pétrograd créaient pour les anarchistes certaines positions d'appui. Incapables d'évaluer sérieusement le rapport des forces sur toute l'échelle nationale, prêts à considérer chaque poussée d'en bas comme le dernier coup de la délivrance, ils accusaient parfois les bolcheviks de pusillanimité et même de conciliation. Mais, d'ordinaire, ils se bornaient à grogner. La réaction des masses devant les manifestations des anarchistes permettait parfois aux bolcheviks de mesurer le degré de pression de la vapeur révolutionnaire.&nbsp;»''<ref>Léon Trotsky, ''[https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/hrrusse/hrr21.htm Histoire de la révolution russe - 21. Regroupements dans les masses]'', 1930</ref></blockquote>  
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Pendant la grande [[Journées_de_juin_1917|manifestation du 18 juin]], des anarchistes attaquèrent des prisons et libérèrent des prisonniers, pour la plupart criminels de droit commun. Trotsky laisse entendre que la libération fut anormalement facile et qu'il pourrait s'agir d'un coup monté d'[[Agents_provocateurs|agents provocateurs]].<ref name="HRR22" /> Le ministre de la Justice Péréverzev, qui s'était déconsidéré quelques jours auparavant avec l'affaire de la villa Dournovo, résolut de prendre sa revanche et, sous prétexte de rechercher les détenus évadés, fit procéder à une nouvelle incursion dans la villa. Les anarchistes résistèrent, l'un d'eux fut tué au cours de la fusillade, la villa fut saccagée. Les ouvriers du quartier de Vyborg, qui considéraient la villa comme leur appartenant, donnèrent l'alarme. Plusieurs usines débrayèrent. L'alarme fut transmise à d'autres rayons ainsi qu'aux casernes.
 
Pendant la grande [[Journées_de_juin_1917|manifestation du 18 juin]], des anarchistes attaquèrent des prisons et libérèrent des prisonniers, pour la plupart criminels de droit commun. Trotsky laisse entendre que la libération fut anormalement facile et qu'il pourrait s'agir d'un coup monté d'[[Agents_provocateurs|agents provocateurs]].<ref name="HRR22" /> Le ministre de la Justice Péréverzev, qui s'était déconsidéré quelques jours auparavant avec l'affaire de la villa Dournovo, résolut de prendre sa revanche et, sous prétexte de rechercher les détenus évadés, fit procéder à une nouvelle incursion dans la villa. Les anarchistes résistèrent, l'un d'eux fut tué au cours de la fusillade, la villa fut saccagée. Les ouvriers du quartier de Vyborg, qui considéraient la villa comme leur appartenant, donnèrent l'alarme. Plusieurs usines débrayèrent. L'alarme fut transmise à d'autres rayons ainsi qu'aux casernes.
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=== Kropotkine à la Conférence d'Etat d'août 1917 ===
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Lors de la [[Conférence_d'Etat_de_Moscou_(1917)|Conférence d'Etat de Moscou]], Kérensky tente de renforcer sa position, notamment en faisant intervenir des fondateurs du socialisme russe, devenus bien inoffensifs. Parmi eux, [[Kropotkine|Kropotkine]], devenu [[Social-chauvin|chauvin]] et [[conciliateur|conciliateur]]. Il appelle ''«&nbsp;tout le peuple russe à rompre une fois pour toutes avec le [[zimmerwald|zimmerwaldisme]]&nbsp;»''. Il rappelle que la défaite militaire entraînerait non seulement la perte de grands territoires et des contributions, mais ajoute : ''«&nbsp;il y a quelque chose de pire que tout cela : c'est la psychologie d'un pays vaincu.&nbsp;»'' En revanche Kropotkine vante le camp des alliés :
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''«&nbsp;Tous commencent à comprendre qu'il faut édifier une vie nouvelle sur de nouveaux principes socialistes... Lloyd George prononce des discours pénétrés d'esprit socialiste... En Angleterre, en France et en Italie, se forme une nouvelle intelligence de la vie, pénétrée de socialisme, malheureusement étatiste.&nbsp;»''
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Il défend quant à lui une République fédérative ''«&nbsp;telle que nous en voyons une aux Etats-Unis&nbsp;»''. Et enfin il termine par un appel ouvert à la [[collaboration_de_classe|collaboration de classe]] :
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''«&nbsp;Promettons-nous donc enfin entre nous que nous ne nous diviserons plus en parties droite et gauche de ce théâtre... Car enfin nous avons tous une seule et même patrie, et, pour elle, nous devons tenir ou tomber au besoin, nous tous, ceux de droite et ceux de gauche.&nbsp;»''
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Pour [[Trotsky|Trotsky]], ''«&nbsp;l'anarchie représentée par Kropotkine se trouva peut-être le plus fantomatique de tous les spectres de la conférence d'Etat.&nbsp;»'' <ref>Léon Trotsky, ''[https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/hrrusse/hrr31.htm Histoire de la révolution russe - 31. La conférence d'Etat à Moscou]'', 1930</ref>
    
=== Union anarcho-syndicaliste et Fédération anarcho-communiste ===
 
=== Union anarcho-syndicaliste et Fédération anarcho-communiste ===
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[[Voline|Voline]], à son retour en Russie en juillet 1917, adhére à l’Union de propagande anarcho-syndicaliste de Pétrograd, laquelle publie bientôt l’hebdomadaire puis quotidien ''[[Goloss_Trouda|Goloss Trouda]] (La Voix du travail'').
 
[[Voline|Voline]], à son retour en Russie en juillet 1917, adhére à l’Union de propagande anarcho-syndicaliste de Pétrograd, laquelle publie bientôt l’hebdomadaire puis quotidien ''[[Goloss_Trouda|Goloss Trouda]] (La Voix du travail'').
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Il existait également une [[Fédération_anarcho-communiste_de_Petrograd|Fédération anarcho-communiste]], dont la principale figure était [[Iosif_Solomonovich_Bleikhman|I. S Bleikhman]]. Selon [[Alexander_Rabinowitch|A. Rabinowitch<ref>Alexander Rabinowitch, ''Prelude to Revolution – The Petrograd Bolsheviks and the July 1917 Uprising'', 1968, Indiana University Press, réédition 1991, Midland Books</ref>]], Goloss Trouda était marginale, mais la Fédération était implantée parmi les soldats et ouvriers de Pétrograd et de sa région (dont [[Kronstadt|Kronstadt]]), et en particulier dans le 1<sup>er</sup> régiment de mitrailleurs, qui fut à l’avant-garde de l’effervescence révolutionnaire de l’été 1917.
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Il existait également une [[Fédération_anarcho-communiste_de_Petrograd|Fédération anarcho-communiste]], dont la principale figure était [[Iosif_Solomonovich_Bleikhman|I. S Bleikhman]]. Selon [[Alexander_Rabinowitch|A. Rabinowitch]]<ref>Alexander Rabinowitch, ''Prelude to Revolution – The Petrograd Bolsheviks and the July 1917 Uprising'', 1968, Indiana University Press, réédition 1991, Midland Books</ref>, ''Goloss Trouda'' était marginale, mais la Fédération était implantée parmi les soldats et ouvriers de Pétrograd et de sa région (dont [[Kronstadt|Kronstadt]]), et en particulier dans le 1<sup>er</sup> régiment de mitrailleurs, qui fut à l’avant-garde de l’effervescence révolutionnaire de l’été 1917.
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Goloss Trouda et la Fédération étaient assez hostiles l'une envers l'autre. Dans le ''Goloss Trouda'' du 27&nbsp;janvier 1918 il est écrit que le programme anarcho-communiste est une ''«&nbsp;collection de phrases creuses&nbsp;». ''La propagande de la Fédération était assez abstraite et grandiloquante&nbsp;: un tract diffusé au début de l’été 1917 appelait à la destruction immédiate de tous les gouvernements autocratiques et parlementaires, du système capitaliste, de l’armée, la police et toutes les frontières, prônant une société communale "totalement libre", sans gouvernement ni lois, où la liberté individuelle serait absolue, les paysans posséderaient la terre et les usines appartiendraient aux travailleurs.
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''Goloss Trouda'' et la Fédération étaient assez hostiles l'une envers l'autre. Dans le ''Goloss Trouda'' du 27&nbsp;janvier 1918 il est écrit que le programme anarcho-communiste est une ''«&nbsp;collection de phrases creuses&nbsp;». ''La propagande de la Fédération était assez abstraite et grandiloquante&nbsp;: un tract diffusé au début de l’été 1917 appelait à la destruction immédiate de tous les gouvernements autocratiques et parlementaires, du système capitaliste, de l’armée, la police et toutes les frontières, prônant une société communale "totalement libre", sans gouvernement ni lois, où la liberté individuelle serait absolue, les paysans posséderaient la terre et les usines appartiendraient aux travailleurs.
    
=== Cronstadt ===
 
=== Cronstadt ===

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