Différences entre les versions de « Travail »

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Au XVI<sup>ème</sup> siècle, le travail signifie «&nbsp;se donner de la peine pour&nbsp;». Cette fois, l'artisan parait aux esprits novateurs de la [[Renaissance|Renaissance]] et de la [[Réforme protestante|Réforme]] plus "utile" que le noble ou le clerc.  
 
Au XVI<sup>ème</sup> siècle, le travail signifie «&nbsp;se donner de la peine pour&nbsp;». Cette fois, l'artisan parait aux esprits novateurs de la [[Renaissance|Renaissance]] et de la [[Réforme protestante|Réforme]] plus "utile" que le noble ou le clerc.  
  
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Avec le développement du capitalisme, le [[Salariat|salariat]] moderne va naître avec une subordination à un patron qui est d'abord une nécessité vitale pour ceux qui n'ont rien d'autre que leur [[Force de travail|force de travail]], les [[Prolétaires|prolétaires]]. Ironiquement, malgré la hausse de la productivité, la pression engendrée par la concurrence pour le profit va accentuer la charge de travail pour la plupart des travailleurs. En accompagnement de ce mouvement, l'idéologie religieuse du "devoir de labeur" va souvent faire son retour dans le discours dominant.  
 
Avec le développement du capitalisme, le [[Salariat|salariat]] moderne va naître avec une subordination à un patron qui est d'abord une nécessité vitale pour ceux qui n'ont rien d'autre que leur [[Force de travail|force de travail]], les [[Prolétaires|prolétaires]]. Ironiquement, malgré la hausse de la productivité, la pression engendrée par la concurrence pour le profit va accentuer la charge de travail pour la plupart des travailleurs. En accompagnement de ce mouvement, l'idéologie religieuse du "devoir de labeur" va souvent faire son retour dans le discours dominant.  
  
A partir du XIX<sup>ème</sup> siècle, la critique socialiste va retourner contre la [[classe dominante|classe dominante]] son idéologie du travail. Elle va dénoncer les capitalistes en tant que riches oisifs, avec notamment des slogans comme "qui ne travaille pas ne mange pas". Ce thème se base sur une certaine fierté ouvrière de l'effort accompli, mais aussi, par là même, sur une part d'[[aliénation|aliénation]].
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A partir du XIX<sup>ème</sup> siècle, la critique socialiste va retourner contre la [[Classe dominante|classe dominante]] son idéologie du travail. Elle va dénoncer les capitalistes en tant que riches oisifs, avec notamment des slogans comme "qui ne travaille pas ne mange pas". Ce thème se base sur une certaine fierté ouvrière de l'effort accompli, mais aussi, par là même, sur une part d'[[Aliénation|aliénation]].  
  
 
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L'aile [[Réformiste|réformiste]], majoritaire, va faire passer l'idée qu'il y a "travail exploité" d'un côté et "travail décent" de l'autre. Cela tourne le dos à l'analyse marxiste de l'[[exploitation|exploitation]] et gomme l'inacceptable domination de classe. Politiquement, c'est surout une façon de faire rentrer le [[Mouvement ouvrier|mouvement ouvrier]] dans le cadre de ce que la bourgeoisie est prête à accepter avec un certain rapport de force.  
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L'aile [[Réformiste|réformiste]], majoritaire, va faire passer l'idée qu'il y a "travail exploité" d'un côté et "travail décent" de l'autre. Cela tourne le dos à l'analyse marxiste de l'[[Exploitation|exploitation]] et gomme l'inacceptable domination de classe. Politiquement, c'est surout une façon de faire rentrer le [[Mouvement ouvrier|mouvement ouvrier]] dans le cadre de ce que la bourgeoisie est prête à accepter avec un certain rapport de force.  
  
Dans la perspective communiste, le travail répond aux besoins définis collectivement, sans l'injonction à travailler du capitalisme. La formidable productivité du travail rend possible de diminuer drastiquement le temps de travail. C'est pour cela que dès 1880, un socialiste français, Paul Lafargue, écrit [[Le droit à la paresse|''Le droit à la paresse'']]. Un siècle plus tard (1977), un collectif publie un livre intitulé ''Travailleur deux heures par jour<ref>[http://bouquinsscannes.blog.24heures.ch/archive/2010/02/25/travailler-2-heures-par-jour-adret-1977.html Travailler deux heures par jour], [http://www.adretclimat.org/article_details.php3?id=3&amp;amp;amp;amp;amp;amp;amp;amp;id_article=302 Collectif Adret], 1977</ref>''. Aujourd'hui, il existe une forte critique de l'aliénation du travail, notamment dans les milieux autonomes. Le potentiel de réduction du travail est devenu plus grand que jamais, mais le capitalisme est toujours là. Et par conséquent, l'idéologie dominante reste celle de la valorisation du travail. Cette valorisation est totalement hypocrite, puisqu'elle provient de ceux qui exploitent les travailleurs, mais on ne peut pas faire comme si elle n'existait pas. Ceux qui dans la société actuelle trouvent des moyens de moins travailler sont souvent très mal perçus. Mais les communistes doivent défendre une vision de classe : le prolétaire qui freine au travail fait de la résistance légitime, c'est le rentier ou l'actionnaire le vrai oisif.&nbsp;<br>
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Dans la perspective communiste, le travail répond aux besoins définis collectivement, sans l'injonction à travailler du capitalisme. La formidable productivité du travail rend possible de diminuer drastiquement le temps de travail. C'est pour cela que dès 1880, un socialiste français, Paul Lafargue, écrit [[Le droit à la paresse|''Le droit à la paresse'']]. Un siècle plus tard (1977), un collectif publie un livre intitulé ''Travailleur deux heures par jour<ref>[http://bouquinsscannes.blog.24heures.ch/archive/2010/02/25/travailler-2-heures-par-jour-adret-1977.html Travailler deux heures par jour], [http://www.adretclimat.org/article_details.php3?id=3&amp;amp;amp;amp;amp;amp;amp;amp;amp;id_article=302 Collectif Adret], 1977</ref>''. Aujourd'hui, il existe une forte critique de l'aliénation du travail, notamment dans les milieux autonomes. Le potentiel de réduction du travail est devenu plus grand que jamais, mais le capitalisme est toujours là. Et par conséquent, l'idéologie dominante reste celle de la valorisation du travail. Cette valorisation est totalement hypocrite, puisqu'elle provient de ceux qui exploitent les travailleurs, mais on ne peut pas faire comme si elle n'existait pas. Ceux qui dans la société actuelle trouvent des moyens de moins travailler sont souvent très mal perçus. Mais les communistes doivent défendre une vision de classe&nbsp;: le prolétaire qui freine au travail fait de la résistance légitime, c'est le rentier ou l'actionnaire le vrai oisif.&nbsp;<br>  
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*d'un côté la droite et l'extrême droite réactionnaires hurlaient que la gauche et l'extrême gauche allaient inciter les travailleurs à la fainéantise, et que cela ruinerait la Nation, etc...
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1848 : Victor Hugo est avec les bourgeois républicains qui ferment les ateliers nationaux (travaux publics pour chômeurs) accusés de rendre fainéant<ref>[http://www.matisse.lettres.free.fr/contemplations/lafargue.htm PAUL LAFARGUE / LA LEGENDE DE VICTOR HUGO (extraits)]</ref>
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1936 : Suite aux concessions accordées aux travailleurs (congés payés notamment), Léon Blum se rappellera de ce la droite disait : «On me reprochait d'avoir fait perdre le goût du travail aux ouvriers français et d'avoir encouragé chez eux ce que des personnages officiels ont appelé l'esprit de jouissance et de facilité.»
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2007 :&nbsp;par démagogie, Sarkozy se revendique de la "gauche de Jaurès et de Blum", celle qui avait le sens du travail !
  
 
== Etymologie et mots voisins  ==
 
== Etymologie et mots voisins  ==

Version du 7 octobre 2012 à 21:54

TravailCliparts.png

Un travail est une activité humaine qui transforme la matière pour réaliser une production en vue de l'échange.

1 Définition

Historiquement, le premier travail est un travail purement de survie : cueillette, chasse, construction d'abris... Il s'agit d'agir sur la nature pour l'adapter à ses besoins et se protéger de son hostilité.

2 Idéologies sur le travail

2.1 Antiquité

Les sociétés antiques sont basées sur le travail des esclaves. Seul cet emploi massif de la force d'autrui permet à une classe de "citoyens" de s'affranchir du travail le plus pénible, et parfois, d'inventer pour eux des formes de démocratie. L'idéologie antique des classes dominantes est claire sur le travail manuel, c'est une activité dégradante.

2.2 Moyen-Âge

La noblesse médiévale est en continuité avec les classes dominantes antiques sur l'essentiel : elle considère que sa nature supérieure l'exempte de travail, celui-ci revenant aux serfs. Les nobles ne participent qu'aux activités guerrières, avec bien sûr une répartition en fonction de leur rang : les honneurs pour les uns, les risques pour les autres.

Le christiannisme enseigne aux serfs que le travail dans la peine est nécessaire, à la fois pour le bien de la communauté, mais aussi pour expier le pêché originel, et qu'ils doivent payer des impôts aux protecteurs de leurs corps (seigneurs) et de leurs âmes (clergé). Dans un contexte où rien ne ressemble plus au travail agricole d'une année que le travail agricole de l'année suivante, avec les forts prélèvements des classes exploiteuses, il fallait une idéologie de résignation au travail.

Certains travaux revenaient au clergé des monastères, généralement ceux qui produisaient des biens plus rares (bière, fromage...).

2.3 Renaissance, Lumières

Le développement des forces productives, dans l'agriculture mais aussi dans l'artisanat où les innovations donnent lieu à des inventions plus visibles, va peu à peu transformer la connotation du travail.

A partir du XVème siècle, l'aspect "créateur" du travail est mis en avant.

Au XVIème siècle, le travail signifie « se donner de la peine pour ». Cette fois, l'artisan parait aux esprits novateurs de la Renaissance et de la Réforme plus "utile" que le noble ou le clerc.

2.4 Capital vs Travail

Avec le développement du capitalisme, le salariat moderne va naître avec une subordination à un patron qui est d'abord une nécessité vitale pour ceux qui n'ont rien d'autre que leur force de travail, les prolétaires. Ironiquement, malgré la hausse de la productivité, la pression engendrée par la concurrence pour le profit va accentuer la charge de travail pour la plupart des travailleurs. En accompagnement de ce mouvement, l'idéologie religieuse du "devoir de labeur" va souvent faire son retour dans le discours dominant.

A partir du XIXème siècle, la critique socialiste va retourner contre la classe dominante son idéologie du travail. Elle va dénoncer les capitalistes en tant que riches oisifs, avec notamment des slogans comme "qui ne travaille pas ne mange pas". Ce thème se base sur une certaine fierté ouvrière de l'effort accompli, mais aussi, par là même, sur une part d'aliénation.

2.5 Epoque contemporaine

Le combat syndicaliste et socialiste pour de meilleures conditions de travail et pour la limitation du temps de travail va bien sûr avoir des effets profonds sur la perception du travail.

L'aile réformiste, majoritaire, va faire passer l'idée qu'il y a "travail exploité" d'un côté et "travail décent" de l'autre. Cela tourne le dos à l'analyse marxiste de l'exploitation et gomme l'inacceptable domination de classe. Politiquement, c'est surout une façon de faire rentrer le mouvement ouvrier dans le cadre de ce que la bourgeoisie est prête à accepter avec un certain rapport de force.

Dans la perspective communiste, le travail répond aux besoins définis collectivement, sans l'injonction à travailler du capitalisme. La formidable productivité du travail rend possible de diminuer drastiquement le temps de travail. C'est pour cela que dès 1880, un socialiste français, Paul Lafargue, écrit Le droit à la paresse. Un siècle plus tard (1977), un collectif publie un livre intitulé Travailleur deux heures par jour[1]. Aujourd'hui, il existe une forte critique de l'aliénation du travail, notamment dans les milieux autonomes. Le potentiel de réduction du travail est devenu plus grand que jamais, mais le capitalisme est toujours là. Et par conséquent, l'idéologie dominante reste celle de la valorisation du travail. Cette valorisation est totalement hypocrite, puisqu'elle provient de ceux qui exploitent les travailleurs, mais on ne peut pas faire comme si elle n'existait pas. Ceux qui dans la société actuelle trouvent des moyens de moins travailler sont souvent très mal perçus. Mais les communistes doivent défendre une vision de classe : le prolétaire qui freine au travail fait de la résistance légitime, c'est le rentier ou l'actionnaire le vrai oisif. 

A chaque fois que de grands débats ont eu lieu sur le temps de travail, ou sur les allocations chômage, un clivage droite-gauche a eu tendance à ressortir :

  • d'un côté le mouvement ouvrier réclamant de meilleures conditions de travail ou des allocations pour être moins soumis à la violence du chômage (et donc au chantage patronal), avec parfois le soutien de la gauche bourgeoise
  • d'un côté la droite et l'extrême droite réactionnaires hurlaient que la gauche et l'extrême gauche allaient inciter les travailleurs à la fainéantise, et que cela ruinerait la Nation, etc...

1848 : Victor Hugo est avec les bourgeois républicains qui ferment les ateliers nationaux (travaux publics pour chômeurs) accusés de rendre fainéant[2]

1936 : Suite aux concessions accordées aux travailleurs (congés payés notamment), Léon Blum se rappellera de ce la droite disait : «On me reprochait d'avoir fait perdre le goût du travail aux ouvriers français et d'avoir encouragé chez eux ce que des personnages officiels ont appelé l'esprit de jouissance et de facilité.»

2007 : par démagogie, Sarkozy se revendique de la "gauche de Jaurès et de Blum", celle qui avait le sens du travail !

3 Etymologie et mots voisins

3.1 Travail

Le mot travail vient du terme bas latin trepalium (attesté en 582), déformation du mot tripalium. Le tripalium était un instrument formé de trois pieux, deux verticaux et un placé en transversale, auquel on attachait les animaux pour les ferrer ou les soigner, ou les esclaves pour les punir. Au Moyen-Âge, vers 1080, le verbe tripaliare signifie en latin populaire « torturer avec le trepalium ». Ce même verbe va lui même donner vers 1130 le nom travail.

Il faut noter aussi la proximité du verbe latin tribulare « presser avec la herse, écraser (le blé) », qui dans l'Europe médiévale a donné au figuré « tourmenter; torturer l'âme pour éprouver sa foi ».

Au XIIème siècle, le mot travail désigne aussi un tourment (psychologique) ou une souffrance physique (le travail d'accouchement).

Puis, le terme "Travail" refoule progressivement les deux termes usités au Moyen Âge : Labeur et Ouvrage.

3.2 Labeur

Le mot labeur, tout comme le mot labour, a pour origine le mot latin labor, qui signifie une peine que l'on endure. Au XIIème siècle, avec les durs travaux aux champs, on retrouve sans surprise le sens de labeur comme généralisation/abstraction de labour :

  • labour : "fruit du travail pénible de la terre"
  • labeur : "travail pénible"

3.3 Ouvrage

L'ouvrage, qui désigne autant l'acte que l'oeuvre du travail, provient du latin ŏpus. Il a donné directement "ouvrier" en italien : operaio.

3.4 Work

Dans les langues anglo-saxonnes, un autre terme est fréquemment employé : work (anglais), werk (allemand), verk (Scandinavie)... Ces termes, qui renvoient à l'action de faire ont pour origine l'anglo-saxon woerc, le grec ancien ἔργ et le proto-indo-européen wérǵ.

4 Notes et sources

Etymologie/Lexicographie de travail sur le CNRTL

Etymologie/Lexicographie de labeur sur le CNRTL