Super-impérialisme

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Le "super-impérialisme" était une théorie du marxiste Karl Kautsky, qui a été combattue par Lénine, et s'est avérée cruellement démentie par la Première guerre mondiale.

1 Contexte

Pendant la Belle-Epoque, le capitalisme semblait capable pour beaucoup d'observateurs d'apporter lentement mais sûrement le progrès social à l'humanité. Cette conception s'est aussi immiscée dans les rangs de l'Internationale ouvrière (Deuxième internationale), où elle a fourni un semblant d'idéologie à la frange réformiste qui pratiquait de plus en plus la collaboration de classe.

L'aile révisionniste était groupée autour de Bernstein, l'aile défendant le marxisme et la révolution autour de Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht. Au centre de l'appareil social-démocrate, Karl Kautsky tentait surtout de ne pas trancher les questions les plus polémiques et de maintenir l'unité de l'organisation (centrisme).

La position de la social-démocratie était officiellement la paix, au nom du refus des prolétaires de s'entretuer, donc l'opposition à la guerre par la désobéissance des travailleurs et la grève générale pour paralyser le militarisme. Malheureusement, les intérêts liant les dirigeants bourgeois de la social-démocratie de s'entendre avec leurs gouvernements respectifs ont été plus forts, et ceux-ci ont voté les crédits de guerre en légitimant "l'Union sacrée" en 1914.

2 Super-impérialisme

Peu avant le déclenchement de la Première guerre mondiale, un débat théorique a éclaté au sein de l'Internationale. Karl Kautsky soutenait que les économies capitalistes en étaient arrivées à un tel degré d'interpénétration qu'il était désormais impossible qu'éclate une guerre, c'est ce qu'il appelait le super-impérialisme.

Il faut noter que la vision de Jean Jaurès avait des points communs avec celle de Kautsky.  Il pensait  que « le capitalisme le plus moderne à l’état organisé »[1] était une des « trois forces actives qui travaillent pour la paix », les deux autres étant l’organisation internationale de la classe ouvrière et l’Amérique anglo-saxonne puritaine. A l’inverse de Rosa Luxemburg, il voyait dans l’internationalisation du capitalisme (« par-dessus les frontières des douanes travaillent les grandes coopérations du capitalisme industriel et financier ») un point d’appui pour garantir la paix. Il pensait aussi que « l’Allemagne » et « l’Angleterre » n’avaient aucun intérêt militaire et économique à la guerre. Jaurès estimait que Hilferding pensait de même dans Le capital financier[2].

Lénine et Boukharine ont combattu cette thèse. Lénine s'est attaché à étudier les changements survenus dans l'infrastructure du capitalisme, qui étaient effectivement majeurs, et en a tiré notamment son livre L'impérialisme, stade suprême du capitalisme qui expose sa théorie de l'impérialisme. Sa conclusion est que les blocs de capitaux restent structurés majoritairement autour des Etats, et que le partage du monde entre grandes puissances étant quasiment achevé, des grandes guerres ne manqueraient pas d'éclater.

La Première guerre mondiale fut effectivement un violent affrontement impérialiste, notamment entre le bloc qui voulait profiter de l'ascension de l'économie allemande, et celui qui voulait le contenir.

Le 20ème siècle a tragiquement confirmé que le capitalisme mondialisé était entré dans l'"ère des guerres et des révolutions" (Lénine).

3 Postérité du débat

3.1 Théorie de l'Empire (Negri et Hardt)

Toni Negri et Michael Hardt ont exposé dans leur ouvrage Empire en 2000 une vision du super-impérialisme des États-Unis pouvant rappeler les débats passés. Leur théorie est à la fois :

  • l'ultra-impérialisme : ce ne sont plus les États mais les transnationales qui font la loi
  • le super-impérialisme de l'empire des États-Unis (ce qui amènera Negri à appeler à voter oui au TCE en 2005 pour affaiblir l'« empire » !)

Il est certain que le capital est notablement plus mondialisé qu'auparavant, et que les bourgeoisies ont multiplié les alliances ou tentatives d'alliances qui dépassent les États-Nation. Des alliances régionales ont vu le jour (ALENA, Union européenne, Mercosur...) mais également des organisations (OMC, FMI...) qui dégagent dans une certaine mesure des points d'accord entre les États-Unis et la plupart des pays du monde.

Mais Hardt et Negri affirment que le « nouvel État global » aurait effacé la distinction entre États dominants et recolonisés. Pourtant, cette différence saute aux yeux lorsqu'on voit l'influence des bourgeoisies du Tiers-Monde sur toutes les décisions de l'ONU, du FMI, de l'OMC ou de la Banque mondiale. Les classes dominantes de la périphérie ne sont pas des victimes du sous-développement et gagnent largement en exploitant les travailleurs de leur pays. La thèse de l'empire ignore ce rôle marginal et méconnaît la persistance de la domination impérialiste dans les secteurs stratégiques de la périphérie.

Cette domination n'est pas exercée par un « pouvoir mondial » mystérieux, mais au moyen d'actions militaires et diplomatiques de chaque puissance dans ses aires d'influence principale. Même si États-Unis dominent tout le monde, il existe des différences entre l'Europe et le Japon et les pays périphériques... Et l'hégémonie politique et militaire nord-américaine n'implique pas pour autant sa suprématie économique structurelle à long terme.

3.2 Union européenne

Certains débats actuels peuvent faire penser à ce débat historique, comme celui sur l'Union Européenne. Certains pensent en effet que cette entité supranationale éloigne la perspective d'une guerre en Europe. Mais on peut constater qu'il n'y a pas réellement de bourgeoisie européenne, et qu'au contraire la crise actuelle met à rude épreuve l'UE et fait renaître des tensions nationales.

4 Notes et sources

Lénine, L'impérialisme, stade suprême du capitalisme, 1916

  1. Jaurès, Discours à l'Assemblée, 20 novembre 1911
  2. Le capital financier, Introduction