Vote des travailleurs

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Le vote des travailleurs, ou "vote ouvrier" est un reflet indirect de leur conscience de classe.

1 Généralités

Les élections sous la démocratie bourgeoise moderne ont une caractéristique : elles sont un reflet déformé de la lutte des classes et de la conscience de classe. C'est assez flagrant du côté de la bourgeoisie qui vote en majorité pour les candidats de droite, et c'est plus indirect au sein du prolétariat, où les idéologies dominantes engendrent de fortes distorsions et poussent la majorité à voter pour leurs intérêts de leurs exploiteurs. Le vote des travailleurs pour des partis plus ou moins socialistes, voire pour des révolutionnaires, indique pour partie la conscience de classe moyenne. Une des distorsions majeures entre la lutte de classe et le vote est l'abstention. En effet, puisque celle-ci tend à être plus élevée parmi les travailleurs les plus jeunes et les plus pauvres, notamment les immigrés, elle affecte bien plus le vote pour les partis ouvriers que pour les partis bourgeois.

Les sociologues ont montré que l'on vote le plus souvent de façon en fonction de son réseau, et cela est vrai en particulier des travailleur-se-s. Les discussions sur les lieux de travail, où l'on passe le plus clair de son temps, sont déterminantes. Cela permet de comprendre pourquoi les expériences de la lutte des classes, vécues par les travailleur-se-s, peuvent se traduire en changements rapide du vote ouvrier.[1]

2 Historique

2.1 Commune de Paris de 1871

Entre les élections du 8 février et celles du 26 mars, on passe de 9% d'élus révolutionnaires à 100%. Une telle transformation est le fruit d'une révolution sociale qui transforme les rapports sociaux et aiguise la conscience de classe, et qui ne pourrait jamais découler d'un processus "normal" de campagne électorale dominée (matériellement, idéologiquement, médiatiquement...) par la bourgeoisie.

La participation, de 50% en moyenne, masque en fait le fait que c'est une élection parmi le prolétariat uniquement : 76% de participation dans le 20e arrondissement, autour de 25% dans les arrondissements de l'Ouest désertés.

2.2 Révolution russe de 1917

Trotsky témoigne de l'attention que portait Lénine aux résultats électoraux, pour évaluer l'évolution des rapports de forces, sans jamais perdre de vue que c'était toujours un indicateur déformé.

« Lenine compulse très attentivement toute les élections dans le pays, recueillant soigneusement les chiffres qui peuvent jeter quelque lumière sur le réel rapport des forces. L'indifférence à demi anarchique à l'égard de la statistique électorale ne rencontrait de sa part que du mépris. En même temps, Lenine n'identifiait jamais les indices du parlementarisme aux réels rapports de forces : il apportait toujours un correctif pour l'action directe. »[2]

2.3 Après-guerre

Dans l'après-guerre, le mouvement ouvrier est globalement organisé et puissant, malgré sa domination par les forces staliniennes et social-démocrates. En France, le PCF et le PS se partagent l'essentiel du vote ouvrier : ceux-ci votent plus pour ces partis que la moyenne de l'électorat, de 15 à 20 points. Aux Etats-Unis, le mouvement ouvrier n'a revanche aucune indépendance, mais il est significatif que les travailleurs votent plus que la moyenne pour le Parti démocrate, qui est davantage en faveur de la redistribution.

2.4 Tournant néolibéral

Après les années 1970, ce vote ouvrier va se transformer rapidement. C'est le fruit, d'abord des nombreuses trahisons des réformistes et des staliniens (la chute de l'URSS venant s'y ajouter), puis de l'offensive néolibérale qui a beaucoup désorganisé, atomisé, démoralisé la classe laborieuse. Le vote pour les directions socialistes traditionnelles va s'éroder, remplacé en grande partie par l'abstention, et pour certaines franges par un vote pour l'extrême-droite. En 1973, 40% des ouvriers votaient pour le PCF ; en 2002 ils n'étaient plus que 4%.

Beaucoup de commentateurs parlent de "droitisation des couches populaires", en expliquant notamment que les ouvriers ou petits employés sont plus conservateurs sur les questions de moeurs, d'immigration ou d'environnement. C'est pourtant loin d'être généralisable, si l'on se souvient combien la bourgeoisie était réactionnaire au XIXème siècle ou il y a seulement quelques décennies. En revanche, il est vrai que de nombreux partis de droite ou d'extrême droite ont su profiter de la déroute du mouvement ouvrier et de la dégradation sociale pour avancer leurs thèmes et diviser le prolétariat. Face à une gauche qui a trahi les espoirs d'émancipation du travail, la droite a beau jeu regagne assez facilement du terrain en prétendant que ses valeurs conservatrices sont un rempart contre la "décadence".

En France, les premiers pans de l'électorat ouvrier qui se radicalisent à l'extrême-droite dans les années 1980 sont ceux qui votaient déjà à droite. Il arrive, de façon plus rare, que certains ouvriers qui votaient PCF se retrouvent à voter FN, mais le plus souvent par étapes, en passant par le vote PS ou l'abstention. En 2007, les ouvriers sont pour la première fois plus nombreux à voter à droite (FN et UMP) qu'à gauche.

Aux Etats-Unis, cette évolution a été encore plus rapide et brutale, le parti démocrate abandonnant rapidement son électorat populaire. Les républicains, particulièrement depuis Reagan, ont eux réussi à récupérer une grande partie du vote ouvrier en désignant des boucs-émissaires ("étrangers latinos, criminels noirs, déviants homosexuels"...).

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3 Notes et sources

Le vote des ouvriers, de l’alignement à gauche à une « droitisation » ? Note du Cevipof, 2012
Pour qui votent les ouvriers ? Février 2012
Qui sera le candidat des catégories populaires ? Délits d'opinion, Avril 2012