Vol

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Robin des bois, figure de voleur populaire

Le vol est le fait de s'emparer d'un bien qui, en droit, est la propriété d'un autre.

1 Considérations historiques

Le vol s'est développé à mesure du développement de la propriété. Que le vol ait existé dans les sociétés communistes primitives ou non, il n'y avait que peu d'intérêt à voler, l'essentiel de la production étant consommée en commun.

Avec le développement de la richesses et des inégalités, apparaissent plusieurs phénomènes :

  • Le vol devient une option pour augmenter significativement sa richesse à l'échelle individuelle. Une invasion d'un peuple voisin peut être motivé par une volonté de pillage, sorte de vol collectif.
  • Les échanges marchands sont particulièrement victimes de vol, puisque les transports de marchandises destinées à la vente sont des richesses concentrées (capital commercial), qui valent particulièrement le coup d'être saisies, et puisqu'il est souvent plus facile d'attaquer un convoi de marchands qu'un seigneur. Certains groupes d'individus vont se spécialiser dans le banditisme ou la piraterie.
  • Le taux de vols se met à augmenter en Europe au 19e siècle, en lien direct avec l'essor du capitalisme. Dans certains cas on peut observer une corrélation très forte entre crises, prix du pain, et taux de vols.[1]
  • Les classes possédantes, qui ont le plus à perdre, vont réprimer le vol, et le condamner légalement et moralement. La défense physique (policière) et idéologique (droit, religion...) de la propriété va être au fondement de l’État.
  • Une des forces de l'idéologie est de faire globalement accepter aux masses une distinction nette entre vol (visible, pointé du doigt, condamné) et exploitation (moins visible, plus diffuse, légitimée).
  • Malgré la force de l'idéologie dominante, certaines figures de voleurs s'en prenant aux riches sont populaires, comme Robin des Bois ou Arsène Lupin. Ces exemples sont néanmoins l'exception parmi les vols : il est bien plus facile de s'en prendre à un voisin qu'à un riche, souvent bien plus protégé.

2 Le mouvement ouvrier et le vol

Le mouvement ouvrier, face aux inégalités qui explosaient avec la révolution industrielle, s'est mis à analyser la question du vol. Il a notamment vu émerger des explications sociologiques du vol comme conséquence inéluctable des inégalités et de la pauvreté.

Une des armes idéologiques du mouvement ouvrier est d'avoir retourné la charge morale de condamnation du vol contre l'exploitation. Pierre-Joseph Proudhon est célèbre pour sa formule « la propriété, c'est le vol », qui pointe du doigt la richesse des bourgeois comme illégitime.

Dans son analyse économique du capitalisme, Karl Marx a cependant mis en lumière que si l'on se base sur les lois du marché, le mécanisme de l'exploitation capitaliste est à distinguer du vol. Ce n'est pas que les capitalistes « payent le travail en dessous de sa vraie valeur » (ce qui serait une escroquerie du même ordre qu'un marchand vendant un produit plus cher que sa valeur), c'est que le travail se décompose en fait entre « force de travail » et « marchandises produites par le travail », chacune ayant un prix de marché déterminé séparément. Tant que la concurrence règne (entre capitalistes et entre travailleurs), l'exploitation sera structurellement inévitable.

Dans le mouvement ouvrier, certains courants de l'anarchisme ont prôné le vol comme mode d'action politique, et plus généralement l'illégalisme. On peut aussi citer l'exemple des bolchéviks dans les années 1900 qui parfois braquaient des banques (dans un contexte de clandestinité et de lutte contre une monarchie absolue).

Dans un ouvrage de vulgarisation du marxisme, Boukharine écrivait :

« [L]es communistes ne défendent pas du tout l'intangibilité absolue de la propriété, privée. La nationalisation des entreprises constitue l'expropriation de la bourgeoisie ; on la dépouille sans indemnité. La classe ouvrière s'empare « de ce qui ne lui appartient pas », porte atteinte au droit de la propriété privée « fait despotiquement irruption dans le domaine des rapports de propriété » (Marx). En second lieu, les communistes sont contre le vol, pourquoi ? Parce que si l'ouvrier isolé s'emparait des choses appartenant aux capitalistes, dans son intérêt personnel, il ne pourrait pas mener une lutte générale et se transformerait lui-même en bourgeois. Des voleurs de chevaux et des cambrioleurs ne seront jamais des éléments actifs de la lutte de classe, même s'ils sont de la plus pure origine prolétarienne. Si un grand nombre de prolétaires devenaient des voleurs, la classe elle-même se désagrégerait et s'affaiblirait. Voilà pourquoi les communistes ont adopté cette règle : ne vole pas, pour ne pas déchoir. Cela ne constitue pas une norme de défense de la propriété privée, mais un moyen de conserver l'intégrité de la classe ouvrière, de la protéger contre la « démoralisation », contre la décomposition, le moyen de l'avertir contre les procédés irréguliers, de diriger les prolétaires dans leur voie propre. »[2]

3 Notes

  1. Renée Zauberman, La délinquance contre les biens : réflexions sur les travaux européens, Revue Criminologie, Volume 43, Numéro 2, Automne 2010, p. 219–246
  2. Boukharine, La théorie du matérialisme historique, 1921