Union de lutte pour la libération de la classe ouvrière

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Reunion du groupe Union de lutte pour la libération de la classe ouvrière, Saint-Pétersbourg, Février 1897. De gauche à droite : A.L. Malchenko (debout), P. K. Zaporozhets (debout), A. A. Vaneyev (debout), V. V. Starkov, G. M. Krzhizhanovsky, V. I. Oulianov (Lénine) et Julius O. Martov.

L'Union de lutte pour la libération de la classe ouvrière était un groupe marxiste de Saint-Petersbourg, fondé à l'automne 1895 par Lénine, Martov, Krijanovsky, Malchenko, Zaporojets, Vaneïev, Starkov. Il résulte de l'unification de 20 cercles d'études marxistes, le principal étant celui de Lénine.

1 Historique

1.1 Fondation

A la fin de 1894, Lénine et Krijanovsky rencontrèrent Gréchine-Kopelson, Nikitine-Sponti et Liakhovsky, qui à l’époque militaient respectivement dans les groupes marxistes de Vilna, Moscou et Kiev, mais qui avaient tous une expérience de première main du mouvement de grève de Vilna et acceptaient les thèses de base de la brochure Ob Agitatsii (« Sur l'agitation »). Cette brochure écrite en 1894 par Kremer et Martov visait à sortir des cercles limités à la propagande, en rappelant que « les larges masses sont amenées à la lutte, non pas par des considérations intellectuelles, mais par le cours objectif des événements ».

C'est suite à cette réunion que l'Union est fondée à l'automne 1895, avec un peu plus d'une vingtaine d'intellectuels et ouvriers. Elle joua un rôle crucial dans le démarrage de l’agitation social-démocrate dans la classe ouvrière de Saint-Pétersbourg. Martov et Lénine étaient les dirigeants reconnus de l'Union, et son activité principale était la distribution de tracts dans les usines. Dans la rédaction de ceux-ci, Lénine bénéficiait de l’aide efficace de Nadejda Kroupskaïa, la jeune femme qu’il avait rencontrée en 1894 et épousée quelques années plus tard.

1.2 Travail d'implantation

Kroupskaïa avait adhéré en 1890 au cercle marxiste de Brousnev et avait enseigné pendant cinq ans (1891-1896) dans ce qu’on appelait « l’Ecole du Dimanche soir » dans les faubourgs industriels de Saint-Pétersbourg. Tous les dimanches et deux soirs de semaine, elle apprenait aux ouvriers l’arithmétique, l’histoire et la littérature russe, du niveau primaire à un stade tout à fait avancé. L’école fournissait un contact avec des ouvriers sérieux, ce qui en était tout l’intérêt pour la jeune Kroupskaïa et les autres professeurs marxistes de la même école.

D'autres femmes apportaient une aide précieuse au groupe, comme Alexandra Kalmykova, une éditrice aisée, propriétaire d’une librairie populaire qui devait plus tard financer le premier journal immigré, l’Iskra ou Lydia Knipovitch, qui devint une des agent-e-s clandestin-e-s du même journal, et également Elena Stassova.

Pour obtenir les informations nécessaires à leurs tracts, les militants de l'Union commencèrent à distribuer des questionnaires individuels aux ouvriers avec lesquels le contact avait été établi par les enseignants. L’ajusteur Ivan Babouchkine raconte : « Nous recevions des listes avec des questions préparées, qui exigeaient de nous une observation attentive de la vie de l’usine… Ma boîte à outils était constamment bourrée de notices les plus diverses, et je m’employais à noter sans être observé les salaires journaliers payés dans notre atelier ».

Lénine passa des mois à étudier la législation du travail, afin de pouvoir expliquer clairement les lois en vigueur et les pratiques dominantes dans les usines, et formuler les revendications que les ouvriers devaient présenter à la direction. Il raconte également :

J’ai toujours présente à l’esprit ma première expérience, que je n’aurais jamais recommencée. Durant des semaines, je questionnai « de parti pris » un ouvrier qui venait chez moi, sur tous les détails du régime de la grande usine où il travaillait Je parvins, à grand’ peine il est vrai, à faire la description de cette usine (d’une seule usine !). Mais parfois, à la fin de notre entretien, l’ouvrier en essuyant la sueur de son front, me disait avec un sourire : « Il m’est plus facile de faire des heures supplémentaires que de répondre à vos questions ! » ».[1]

Lénine et 5 autres membres de l'Union furent arrêtés en décembre 1895, et plusieurs autres, parmi lesquels Martov, début 1906. Ils tentèrent néanmoins de continuer à diriger depuis leur prison. En termes de résultats concrets, l’effet des appels et des proclamations rédigés par les stariki [vétérans : Lénine, Martov, etc.] en novembre et au début de décembre fut pratiquement nul. Mais il permit de faire connaître l'organisation.

Fin de 1895, une circulaire confidentielle du ministère des finances à l’inspection des usines déclarait : « En Russie, heureusement, il n’y a pas une classe ouvrière au même sens et de la même importance qu’en Occident ; et par conséquent nous n’avons pas non plus de question ouvrière, et ni l’une ni l’autre ne trouvera et ne peut trouver chez nous un terrain où pousser »

1.3 La propagande clandestine

A la fin des années 1890 le groupe faisait entrer sa propagande en Russie via la Finlande et la Suède, avec l'aide du suédois Branting, du norvégien Carder et de l'ouvrier suisse A. Weidel qui s'installa en Finlande dans ce but. L'arrestation de Garder en 1900 coupa l'approvisionnement via la Finlande, mais une nouvelle route fut relancée en 1901 entre Stockholm et Åbo[2].

1.4 La première grande grève et l'économisme

Mais seulement quelques mois plus tard, en mai 1896, la première grève de masse de Russie se produisit sous la bannière de la social-démocratie. C’était une grève des ouvriers du textile de Saint-Pétersbourg. Elle commença sous la forme d’une protestation contre le non-paiement des salaires pour le congé de trois jours célébrant le couronnement de Nicolas II. Mais elle se transforma bientôt en lutte pour une réduction des heures de travail et une augmentation des salaires et se propagea à 20 des plus grandes usines de Russie, employant 30 000 ouvriers. Ceux-ci poursuivirent la lutte pour la journée de 10 heures ½ pendant trois semaines, et lorsqu’ils décidèrent finalement de reprendre le travail, ils le firent comme un seul homme dans toutes les usines en même temps. Ce n’avait pas seulement été la plus grande grève de Russie jusque-là. C’était aussi la première à aller au-delà des limites d’un seul établissement industriel, et l'Union avait joué un rôle de premier plan dans cette convergence.

Le succès du mouvement provoqua cependant une grave crise interne. Le mouvement social-démocrate commença à se diviser en deux courants, l’un « économiste » et l’autre « politique ». La lutte contre l'écueil propagandiste des cercles (kroujkovchtchina) mena à l'écueil opposé, « l’économisme ». Ce danger était déjà implicite dans Ob Agitatsii, comme Lénine et d’autres le notèrent rétrospectivement en 1898. L’arrestation de Lénine, de Martov et des autres accéléra la dérive vers « l’économisme » dans la Ligue de Saint-Pétersbourg, les nouveaux camarades qui adhéraient au groupe ayant moins d’expérience théorique.

Kroupskaïa témoigne : « On devait se donner tout entier à l’agitation. Quant à la propagande, il ne fallait plus y songer… La grève des tisserands en 1896 eut lieu sous l’influence des social-démocrates et tourna la tête à bien des gens. Le terrain était propice à l’éclosion de l’économisme. »

1.5 Fin du groupe

Les économistes prirent le contrôle du groupe et publièrent la Rabotchaïa Mysl de 1897 à 1902.

Le groupe contribua à organiser le premier congrès du Parti ouvrier social-démocrate russe en 1898.

A l'automne 1900, l'Union fusionne avec l'Organisation ouvrière de Saint-Petersbourg.[3]

2 Sources

  1. Lénine, Que Faire ?, 1902
  2. Lénine, Lettre à F. I. Dan, 22 mars 1901
  3. Lénine, Lettre à Noguine, 2 novembre 1900