Taux de syndicalisation

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Le taux de syndicalisation est le pourcentage des travailleurs qui sont syndiqués. Les instituts de statistique utilisent la formule suivante pour le calculer : nombre de membres d'un syndicat / nombre total de salariés. Il se distingue notamment du taux de présence syndicale (nombre de personnes visées par une convention collective / nombre total de salariés).

1 Tendances générales

Le taux de syndicalisation a toujours fluctué. Il est fortement déterminé par les cycles de l'économie capitaliste, et aussi par les idées politiques des directions syndicales et leur volontarisme plus ou moins grand pour renforcer le mouvement ouvrier. En particulier les crises économiques et sociales provoquent toujours des changements, mais qui peuvent être très différents : si les syndicats des travailleurs prouvent leur capacité à résister, elles peuvent se renforcer très vite, si au contraire les défaites sont cuisantes, il arrive souvent que la concurrence entre travailleurs les affaiblisse fortement.

La tendance générale a été au recul de la syndicalisation à partir des années 1980. On peut y avoir à la fois les effets de la réorganisation néolibérale du travail, source de désolidarisation des salariés, et l'effet des défaites ouvrières sous la direction de bureaucraties syndicales pratiquant la collaboration de classe à outrance.

Dans certains pays, la syndicalisation a augmenté de façon plus ou moins importante dans les années 1970, suite à un regain momentané des luttes sociales.

Les disparités sont toutefois importantes, entre un pays comme la France (un des taux de syndicalisation les plus bas au monde), les pays anglo-saxons, traditionnellement plus syndiqués mais aussi qualitativement assez différent (trade-unionisme) et les pays scandinaves qui plafonnent à plus de 50% de syndicalisation.


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2 Interprétation

2.1 Poids des syndicats

Le taux de syndicalisation un indicateur du poids des syndicats, mais il ne suffit pas et peut donner des impressions fausses. L'Espagne et la France sont parmi les pays où ce taux est le plus bas, or il serait erroné d'en déduire que les syndicats n'y ont pas d'écho. En Espagne, par exemple, celui-ci se reflète dans la forte participation aux élections des comités d’entreprise. En France, malgré de faibles taux de syndicalisation, les syndicats ont démontré à maintes reprises leur capacité à mobiliser avec succès les travailleurs dans des grèves et des manifestations de masse.

2.2 Combativité ou intégration

L'évolution du taux de syndicalisation est souvent en rapport avec l'évolution de la combativité des travailleurs, mais les comparaisons entre pays sont généralement faussées.

En particulier, dans certains pays (Suède, Belgique...) un travailleur doit adhérer à un syndicat pour recevoir des allocations chômage ou autres, ce qui leur donne une forte composante institutionnelle, qui se superpose à la composante combative, et souvent influe en sens inverse.

Dans les pays où le syndicalisme de lutte a été historiquement présent, comme la France, on peut voir un lien assez net entre le taux de syndicalisation et le nombre de grèves.

Dans tous les cas, il est important de garder une vision dialectique : si la combativité tend à être favorisée par un syndicalisme fort, la combativité peut surgir d'événements extérieur et en retour être la cause d'un renforcement du syndicalisme. Par exemple en 1934, le mouvement ouvrier était en crise, et le taux de syndicalisation était tombé à 7% des travailleurs, mais cela n'a pas empêché que 2 ans plus tard, la combativité fasse un bond lors du mouvement de Juin 1936.


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3 Public / privé

Par ailleurs, le taux de syndicalisation est plus élevé dans le secteur public que dans le secteur privé.

En France, par exemple, les chiffres officiels pour la période allant de 2001 à 2005 montrent que 15,2 % des travailleurs directement employés par l’État étaient syndiqués, contre 5,0 % dans le secteur privé. En Pologne, une étude menée en 2008 a démontré que les domaines de l’éducation, de la recherche scientifique et de la santé, qui relèvent largement du secteur public, comptaient le taux de syndicalisation le plus élevé avec 25 %. De même, en Suède, les taux de syndicalisation les plus élevés se rencontrent dans le secteur public, à savoir les administrations locales et régionales - 85 % pour les travailleurs non manuels et 83 % pour les travailleurs manuels - tandis que les taux les plus faibles ont été enregistrés dans le secteur tertiaire privé, plus précisément le commerce de détail et de gros - 57 % pour les travailleurs non manuels et 59 % pour les travailleurs manuels.[1] Aux Pays-Bas, le taux de syndicalisation en 2009 était, là aussi, plus important dans l’administration publique (36 %, alors qu’il n’était que de 11 % dans le secteur de l’hôtellerie et de la restauration).[2]

Mais là encore, il y a la plupart du temps une composante corporatiste plus développée qui tend à rendre l'adhésion à un syndicat implicite, et qui ne peut pas être directement traduite en combativité.

4 Europe

Dans l’ensemble de l’Union, le taux de syndicalisation moyen, pondéré par le nombre de travailleurs des différents États membres, est de 23 %.  Les trois plus petits États - Chypre, Luxembourg et Malte - affichent des taux très supérieurs à la moyenne.

Seuls sept pays sur les 27 membres de l’UE plus la Norvège - Belgique, Chypre, Italie, Luxembourg, Malte, Norvège et Espagne - ont vu le nombre de syndiqués augmenter au cours des dernières années et même dans ces pays, cette hausse est inférieure à la croissance globale de l’emploi, ce qui implique une diminution du taux de syndicalisation.

4.1 Europe de l'Ouest

Lle taux de syndicalisation a connu une baisse globale. En Allemagne, par exemple, la principale confédération syndicale, le DGB (Deutscher Gewerkschaftsbund, Confédération allemande des syndicats), a perdu 48 % de ses membres depuis 1991. Au Royaume-Uni, où le taux de syndicalisation a fortement diminué dans les années 80 et dans la première moitié des années 90, le nombre de membres s’est plus ou moins stabilisé, avec néanmoins une baisse du taux de syndicalisation.

En Belgique, le taux de syndicalisation est également supérieur à la moyenne européenne, et les allocations sont souvent prises en charge par les syndicats.


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L’Irlande a également enregistré une augmentation du taux de syndicalisation ces dernières années, même s’il a accusé un recul suite à la crise économique de 2009. Mais comme l’emploi a diminué plus rapidement, le taux de syndicalisation est passé de 32 % à 34 % entre 2007 et 2009.

4.2 Europe de l'Est

En Europe de l'Est, la tradition de syndicats indépendants des travailleurs a été brisée par des décennies de stalinisme, et la répression syndicale est souvent forte même actuellement. En conséquence les taux de syndicalisation se situent généralement dans le peloton de queue européen.

Dans sept de ces dix États, dont la Pologne, où l’on estime le pourcentage de travailleurs syndiqués à 16 %, le taux de syndicalisation est inférieur à la moyenne européenne. Il est toutefois à noter que la Slovénie, avec un taux de syndicalisation de 41 %, et la Roumanie, où ce taux est estimé à 34 % (mais à 50 % environ selon des sources syndicales), occupent clairement le haut du tableau.

4.3 Scandinavie

En Danemark, Suède et Finlande, le chômage et d'autres allocations sont traditionnellement versées au travailleur par le syndicat auquel il appartient, ce qui est un facteur essentiel qui explique que ces pays aient le record du monde du taux de syndicalisation (de récents changements dans le système de prestations de chômage suédois l'ont fait chuter).

Cela dit, le niveau de syndicalisation dans les pays nordiques traduit également une conception selon laquelle l’adhésion à un syndicat est une composante naturelle de l’emploi, comme le montre la proportion relativement élevée de travailleurs syndiqués - environ 53 % - en Norvège, où les prestations de chômage ne sont pas versées par les syndicats.


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5 Asie et Océanie

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6 Amérique

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6.1 États-Unis

Le taux de syndicalisation a atteint son apogée en 1954, quand 34,7% des salariés américains étaient affiliés à une organisation. Aujourd'hui, ils ne sont plus que 10,8%. Si l'on ne prend en compte que le privé, le taux se situe sous les 7%. Selon un sondage de 2015, 45% des états-uniens pensent que le déclin des syndicats est une mauvaise chose et 43% s'en réjouissent[3].

Aux États-Unis, il y a eu une vraie politique anti-syndicale ces dernières années, qui a fait chuter le syndicalisme encore plus qu'ailleurs :

  • Depuis les années 1980, les cabinets de conseil pour éviter la formation de syndicats (" Union Avoidance ") se sont multipliés.
  • De nombreuses lois sur le " droit de travailler " (" Right-to-Work Laws ") ont été prises pour flexibiliser le marché du travail : elles interdisent les accords syndicaux avec les employeurs et privent les organisations des cotisations versées par les salariés. La moitié des Etats américains ont introduit ce type de loi.
  • La loi sur les faillites permet à une entreprise de se réorganiser et d'annuler tous les accords négociés précédemment avec les syndicats.

Entre 1973 et 2007, alors que le taux de syndicalisation perdait 26 points, les inégalités de salaires dans le privé bondissaient de 40%. Selon certains chercheurs, le déclin des syndicats serait responsable d'un tiers de cet accroissement des inégalités chez les hommes et un cinquième chez les femmes.[3]

7 Notes et sources

  1. Mats Larsson, Facklig anslutning år 2009, LO, 2009.
  2. Organisatiegraad van werknemers 1995-2009, CBS, 2010 : http://www.cbs.nl/nl-NL/menu/themas/arbeid-sociale-zekerheid/cijfers/incidenteel/maatwerk/2010-organisatiegraad-werknemers-cm.htm
  3. 3,0 et 3,1 Le Monde, Le déclin inexorable des syndicats américains, 30 avril 2015