Syndicats en Russie

De Wikirouge
Aller à la navigation Aller à la recherche

Cette page traite principalement de la naissance des syndicats en Russie et de leur rôle dans la Révolution de 1917 et dans le nouveau régime.

1 Naissance des syndicats ouvriers russes

Contrairement aux pays occidentaux où les libertés démocratiques ont été conquises progressivement, en même temps que le développement de la classe ouvrière, les syndicats étaient sous l'Empire tsariste quasiment aussi réprimés que le parti social-démocrate.

Les premiers syndicats un peu stables et de quelque importance se sont formés à partir de 1905.

2 Les syndicats en 1917

Après la révolution de Février, la répression tsariste s'effondre, et les masses populaires s'organisent partout dans tous types de structures, dont des syndicats ouvriers. Mais les soviets et les comités d’usine sont d'emblée plus représentatifs et épousent bien mieux l'auto-activité des masses. Si bien que les syndicats n’ont joué dans les événements de 1917 qu’un rôle secondaire, même lorsqu’ils étaient puissants comme le syndicat des métallurgistes de Pétrograd, fort de 200 000 membres. Ils étaient fortement politisés et largement dominés par les social-démocrates.

Au lendemain de la révolution de Février, les syndicats ont donc assez largement accepté la direction politique des soviets, comme la majorité de la classe ouvrière. Des frictions existaient néanmoins[1]. À Moscou, la première réunion organisationnelle de l’Union des syndicats se tient le 2 mars avec les représentants de 25 unions syndicales et deux représentants du comité du parti SD de Moscou. Les syndicats décident d'accepter la subordination au Soviet seulement si celui-ci pratique une politique « internationaliste » (par opposition aux défensistes). Ils proposaient même de n’élire au Soviet que des internationalistes. Lors de la réunion suivante des syndicats de Moscou, il est décidé concernant le rapport avec les partis :

« En ce qui concerne l’attitude vis-à-vis des partis socialistes, il a été décidé que, formellement, les syndicats sont indépendants des partis (bes-partii). Ils doivent se trouver en pleine union, tant du point de vue organisationnel que du point de vue de leur plate-forme, avec les partis qui se placent sur le terrain de la lutte des classes. En ce qui concerne les partis bourgeois, le syndicat juge leur conduite ambiguë, les considère comme des ennemis politiques de la classe ouvrière et juge indispensable que les syndicats démarquent nettement leur ligne politique de la leur, les soutenant seulement quand leurs exigences coïncident avec les exigences de la classe ouvrière. »

Un autre exemple de conflit fut lorsque le Soviet de Simbirsk (qui avait émané des comités d’usine) voulut prendre le contrôle du syndicat du textile et nommer une autre direction, au nom du fait que l'ancienne direction aurait eu des liens avec la Douma d'Etat et avaient des pratiques non démocratiques. En réaction, les ouvriers d'une usine votèrent une protestation, réaffirmant que « dans les institutions démocratiques il y a, à l’origine, l’élection ; la nomination d’une Direction viole les principes démocratiques élémentaires [et que] c’est l’assemblée qui contrôle la Direction, (...) tout autre contrôle est une gifle à l’assemblée ».[1]

L’anarcho-syndicaliste Voline souligne : « quant au syndicalisme, aucun mouvement ouvrier n’ayant existé en Russie avant la Révolution de 1917, la conception syndicaliste – quelques intellectuels érudits mis à part – y était totalement inconnue (…) cette forme russe d’une organisation ouvrière, le "Soviet", fut hâtivement trouvée en 1905 et reprise en 1917, justement à cause de l’absence de l’idée et du mouvement syndicalistes ». Voline ajoute que « sans aucun doute, si le mécanisme syndical avait existé, c’est lui qui aurait pris en mains le mouvement ouvrier. »[2]

Une exception de ce point de vue a été le Vikjel, Comité exécutif pan-russe du syndicat des travailleurs du rail, l’une des plus fortes organisations syndicales, représentant un secteur très imprégné de ses particularités corporatives et qui, par rapport aux ouvriers d’usine, constituait une sorte d’« aristocratie ouvrière ».

La direction du syndicat des cheminots est notamment connue pour sa tentative conciliatrice au lendemain de l’insurrection d’Octobre : alliée alors avec l’aile droite de la direction bolchevique (Kamenev, Zinoviev, Rykov), elle avait tenté d’imposer un gouvernement composé de « toutes les tendances socialistes », c’est-à-dire commun avec celles (mencheviks, socialistes-révolutionnaires de droite) qui ne reconnaissaient pas le pouvoir des soviets et dont certains membres n’allaient pas tarder à œuvrer de concert avec la contre-révolution bourgeoise et impérialiste. Le Vikjel s’est ensuite comporté comme une force d’opposition au nouveau pouvoir soviétique, allant jusqu’à menacer de paralyser le transport des troupes envoyées sur le front des premiers combats avec la contre-révolution.

Le Vikjel était contrôlé par des forces politiques hostiles aux bolcheviks : à l’été 1917, sur ses 40 membres, il y avait 3 bolchéviks, 2 interrayons, 14 SR, 7 mencheviks, 3 troudoviks, et 11 « indépendants » parmi lesquels en réalité beaucoup soutenaient le parti KD.

Le 28 novembre se réunit le Conseil pan-russe du contrôle ouvrier, qui décide de subordonner les comités d'usine aux syndicats.

Le 20 décembre, les syndicats refusent d’être écartés des problèmes politiques du prolétariat.

Le premier congrès pan-russe des syndicats se réunit les 7-11 janvier 1918, avec des délégués bolcheviks, mencheviks et SR. Il adopte un texte qui revient largement sur la logique du décret sur le contrôle ouvrier. Il est affirmé que « pour que le contrôle ouvrier puisse apporter le maximum d’avantages au prolétariat, il est nécessaire de rejeter une fois pour toutes toute idée d’éparpiller ce contrôle en donnant aux ouvriers des entreprises le droit de prendre des décisions ayant valeur opératoire sur des questions qui affectent la vie même de leur entreprise ». Les comités d’usine doivent opérer sur « la base d’un plan général formulé par les instances supérieures du contrôle ouvrier et les organes qui décident de l’organisation de l’économie ». Enfin, il faut rendre « clair à leurs délégués le fait que le contrôle ne signifie pas le transfert de l’entreprise aux ouvriers, le contrôle ouvrier n’étant que le premier pas vers la socialisation ».

Le 2e congrès pan-russe des syndicats se réunit en janvier 1919. Un conflit commence à apparaître entre la direction des syndicats, en accord avec le pouvoir, et la base.

En décembre 1919, la 8e conférence du parti bolchévik déclare qu'un communiste dans un syndicat doit être « d'abord un communiste, ensuite un syndicaliste », pour réaffirmer le centralisme.

🚧 Cette section est vide, insuffisamment détaillée ou incomplète. Votre aide est la bienvenue !

3 1920-21 : « Militarisation du travail »

Entre fin 1920 et début 1921 eut lieu dans le parti bolchévik le débat sur la militarisation du travail, ou « débat sur les syndicats ».

Au milieu de 1920, le pays fait face à une crise très grave, qui se manifeste notamment dans les transports ferroviraires. Des ingénieurs prévoyaient que d'ici quelques mois, plus une seule voie de chemin de fer ne serait en état de marche. La direction bolchévique fit appel à Trotsky, qui répondit d'abord qu'il ne connaissait rien aux chemins de fer.

Par l'intermédiaire de ce qui devint le fameux ordre 1042, Trotsky plaça les chemins de fer et les cheminots sous la loi martiale et assura la remise en état des chemins de fer avant la date limite prévue. Cette expérience conduisit à sa proposition d'une « remise en ordre » des syndicats.

La pénurie de spécialistes était un des facteurs les plus graves de désorganisation de l'industrie. L'Etat soviétique recensait les spécialistes et les ouvriers qualifiés, et les obligeait (sauf autorisation expresse) à travailler sur un poste exploitant au mieux leur spécialisation. Bertrand Russel, qui s'est rendu en Russie en 1920 et qui est très critique du bolchévisme, justifie ces mesures :

« Il est évident que par de telles mesures les bolcheviques ont été contraints de s’éloigner pas mal de l’idéal qui inspira la révolution à ses débuts. Mais la situation est si désespérée que l’on ne pourrait les blâmer si leurs mesures aboutissaient. Dans un naufrage, tous les bras doivent être utilisés, et il serait ridicule de prêcher la liberté individuelle. » [3]

Cependant, les bolchéviks ont eu tendance à théoriser comme « socialistes » les mesures drastiques qu'ils prenaient. Ainsi une des résolutions votées par le 9e Congrès du PCR (mars 1920) déclare :

« Tout système social, qu’il soit basé sur l’esclavage, le féodalisme ou le capitalisme, a ses voies et moyens pour rendre obligatoire le travail dans l’intérêt des exploiteurs. Le système soviétique a le devoir de recourir à sa propre méthode de travail obligatoire pour obtenir une augmentation du rendement et de l’utilité du travail ; cette méthode doit être basée sur la socialisation de l’économie nationale dans l’intérêt de la nation tout entière. »

Sur la base de son expérience dans l'Armée rouge et dans le traitement de la question ferroviaire, Trotsky propose la « militarisation du travail », et la suppression de toute autonomie des syndicats. Il avançait que puisque l'URSS est un État ouvrier, il est absurde que les ouvriers puissent faire grève contre eux-mêmes. Il défend et théorise également ses positions dans Terrorisme et communisme[4]. Dans ce débat sur les syndicats de fin 1920 - début 1921, Boukharine se rallie à la plateforme de Trotsky. Ces positions soulèvent alors beaucoup de critiques parmi les bolchéviks, en particulier l'Opposition ouvrière.

Lénine défendra une position plus modérée que celle de Trotsky, maintenant une certaine autonomie des syndicats, même s'il était plus proche de la position de Trotsky que de celle de l'Opposition. A propos de la justification de Trotsky, il disait :

« on se trompe manifestement car cet État n'est pas tout à fait ouvrier, voilà le hic. [...] En fait, notre État n'est pas un État ouvrier, mais ouvrier-paysan, c'est une première chose. [...] Notre État est un État ouvrier présentant une déformation bureaucratique. »[5][6]

C'est la position de Lénine qui sera majoritaire au 10e congrès (mars 1921).

4 Notes et sources

NPA, Marxistes, populistes, anarchistes… Un mouvement ouvrier révolutionnaire,