Survaleur

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La survaleur (anciennement traduite par plus-value) est l'excédent que récupère un capitaliste après vente de ses marchandises et paiement des salaires. C'est la réalisation en argent du surtravail. Elle est créée dans la sphère de la production et elle est à la base du profit dans le capitalisme. C'est un concept important présent dans l'économie classique (Smith, Ricardo...) et repris et développé par le mouvement socialiste, en particulier marxiste.

Le terme de plus-value a aussi en français un sens plus courant mais plus vague.

1 Définitions

1.1 Travail nécessaire et surtravail

Dans le mode de production capitaliste, le temps de travail du prolétaire se divise en temps de travail nécessaire et temps de surtravail. Le travail nécessaire est le travail que le travailleur effectue pour assurer la production et la reproduction de sa propre force de travail, c'est-à-dire le travail qu'il lui faut fournir pour satisfaire ses besoins et se reproduire. Le surtravail est le travail accompli au-delà du temps de travail nécessaire, donc effectué gratuitement pour le compte du détenteur du capital qui achète la force de travail.

Le travail vivant, à un certain niveau de productivité, est capable de créer et transférer plus de valeur qu’il ne lui en faut pour vivre ; c’est la raison pour laquelle l’employeur achète la force de travail, afin d’augmenter la valeur du capital. Le propriétaire des moyens de production achète la force de travail à une certaine valeur, inférieure à la valeur du travail total effectué. Le surtravail est donc du travail non payé accaparé par le détenteur des moyens de production sous forme de temps de travail et de produit. La fonction du travail productif est seulement, pour le capitaliste, de transférer la valeur du capital constant au produit final, et lui ajouter de la valeur.

1.2 Expression schématique

La survaleur s peut s'exprimer :  s = A' - A

où A est le capital investi et A' > A le capital obtenu à la fin du cycle de production.

Si l'on distingue les composantes (c = capital constant, v = capital variable), le capital s'exprime :   A = c + v   et A' = c + v'

Étant donné que c'est le capital variable v qui engendre un accroissement du capital, sa nouvelle valeur v' est supérieure et se décompose en v' = v + s

s représente ce qui est produit par les travailleurs, mais qui revient au capitaliste.

1.3 Taux de survaleur

Le taux de survaleur, ou taux d'exploitation, est le rapport s / v. Il représente l'augmentation ou la diminution de la part non payée du travail cristallisé dans les marchandises, et il est important pour comprendre la dynamique du capitalisme (ses périodes de "prospérité" ou de crise...)

1.4 Exemple

Le possesseur d'argent achète la force de travail à sa valeur, déterminée, comme celle de toute autre marchandise, par le temps de travail socialement nécessaire à sa production (c'est-à-dire en l'occurrence par le coût de l'entretien de l'ouvrier et de sa famille). Ayant acheté la force de travail, le possesseur d'argent est en droit de la consommer, c'est-à-dire de l'obliger à travailler toute la journée, disons, 12 heures. Or, en 6 heures (temps de travail « nécessaire »), l'ouvrier crée un produit qui couvre les frais de son entretien, et, pendant les 6 autres heures (temps de travail « supplémentaire »), il crée un produit « supplémentaire », non rétribué par le capitaliste, et qui est la survaleur. Le taux de survaleur est dans ce cas de 100% (6/6).

2 Origine de la survaleur

La survaleur ne peut provenir de la circulation des marchandises, car celle-ci ne connaît que l'échange d'équivalents ; elle ne peut provenir non plus d'une majoration des prix, étant donné que les pertes et les profits réciproques des acheteurs et des vendeurs s'équilibreraient ; or, il s'agit d'un phénomène social, moyen, généralisé, et non point d'un phénomène individuel. La survaleur provient de la sphère de la production, dans laquelle est consommée la seule marchandise qui produise de la valeur : la force de travail.

2.1 Échange marchand simple

Si l'on considère une société hypothétique de producteurs indépendants produisant chacun leur type de marchandises et le vendant sur le marché, la situation est très proche de celle du troc. L'argent n'y sert que d'équivalent universel pour faciliter l'échange. La formule de la circulation des marchandises est : M-A-M (Marchandise contre Argent contre Marchandise). La masse monétaire totale reste constante.

À noter qu'il est possible dans ce cadre qu'un marchand se spécialise dans l'achat-revente avec profit (capital commercial), en jouant sur l'offre et la demande (j'achète moins cher là ou tel produit est abondant, je le revends cher là où on en manque...). Pour de tels marchands le schéma est certes A-M-A' (avec A' > A), mais ces profits équivalent à des transferts d'argent des producteurs vers les marchands, et non pas à une survaleur.

2.2 Échange dans le cadre capitaliste

A un certain degré du développement de la production des marchandises, l'argent se transforme en capital[1]. Les conditions historiques préalables sont :

  1. l'accumulation d'une certaine somme d'argent entre les mains de particuliers, à un stade de la production marchande déjà relativement élevé ;
  2. l'existence d'ouvriers « libres » à deux points de vue : libres de toute contrainte et de toute restriction quant à la vente de leur force de travail, et libres parce que sans terre et sans moyens de production en général, d'ouvriers sans maîtres, d'ouvriers-« prolétaires » qui ne peuvent subsister qu'en vendant leur force de travail.

La formule générale du capital est quant à elle basée sur A-M-A', mais il y a création de valeur. La valeur est créée au niveau de la production, si bien qu'il faudrait utiliser le schéma A-M-P-M'-A' : un capital A est investi dans la production, au cours de cette production une marchandise M est transformée en une marchandise M' qui contient la valeur de la marchandise M augmentée d'une survaleur, et cette survaleur est récupérée par le capitaliste sous forme de profit, lors de la vente.

3 Maximisation de la survaleur

La maximisation de la survaleur peut passer par trois biais : l'augmentation absolue, relative, ou différentielle.

3.1 Survaleur absolue

Le premier procédé consiste simplement pour le capitaliste à obtenir davantage de travail et par conséquent davantage de survaleur. Par exemple :

  • Augmenter le temps de travail...
  • Faire travailler les enfants...
  • Diminuer les pauses des travailleurs...
  • Ouvrir d'autres entreprises identiques ailleurs...
  • Conquérir de nouveaux marchés...

Les exemples d'exploitation sauvage des travailleurs par le capitalisme ne manquent pas, que ce soit durant la première moitié du XIXème siècle en Europe ou un peu partout dans le "Tiers-Monde", là où les luttes ouvrières ne sont pas parvenues à imposer des "conditions décentes d'exploitation"...

3.2 Survaleur relative

L'augmentation de la survaleur relative consiste à faire diminuer la valeur de la force de travail. Cela équivaut donc à diminuer le temps de travail nécessaire à sa reproduction, ce qui peut s'obtenir par l'augmentation de la productivité dans les biens de première nécessité (agriculture notamment) ou par l'importation de ces biens à moindre coût (cantonnement de pays dominés dans les matières brutes et spécialisation dans les produits à forte valeur ajoutée...).

3.3 Survaleur différentielle

Quant au troisième procédé il s'agit de profiter d'une augmentation de productivité pour produire plus de marchandises au même prix. La diminution du temps de travail nécessaire pour produire une unité de marchandise diminue leur valeur, mais le temps de travail socialement nécessaire, qui définit le prix de marché, n'a pas encore changé. Le capitaliste peut donc vendre ses marchandises au même prix qu'avant, empochant une survaleur supplémentaire.

Ces gains de productivité peuvent être obtenus soit par la machinisation, soit par une "optimisation" de l'organisation du travail (taylorisme, division du travail, management...). Cependant, une fois que la nouvelle technique se généralise, le temps de travail socialement nécessaire diminue et l'avantage différentiel est perdu.

« Le capitaliste qui emploie le mode de production perfectionné s'approprie par conséquent sous forme de surtravail une plus grande partie de la journée de l'ouvrier que ses concurrents. Il fait pour son compte particulier ce que le capital fait en grand et en général dans la production de la survaleur relative. Mais d'autre part, cette survaleur extra disparaît dès que le nouveau mode de production se généralise et qu'en même temps s'évanouit la différence entre la valeur individuelle et la valeur sociale des marchandises produites à meilleur marché. »[2]

4 Devenir de la survaleur

La survaleur est ce qui permet le profit et l'accumulation du capital.

Mais le capitalisme est un système social complexe et chaque capitaliste n'empoche pas exactement la valeur qu'il a lui même créée à l'issue d'un cycle de production. La survaleur est distribuée[3] entre :

En particulier, Marx a montré l'erreur de l'économie politique classique antérieure (depuis Adam Smith), d'après laquelle toute la survaleur transformée en capital va au capital variable.

5 Traduction : plus-value ou survaleur ?

Dans les premières traductions en français des œuvres de Marx, c'est le terme de plus-value qui a été utilisé.

On trouve page XLV, dans l'introduction à la traduction de 1983 du Livre I du Capital, dirigée par Jean-Pierre Lefebvre (aux Éditions sociales, reproduite aux PUF dans la collection Quadrige depuis 1993, révisée en 2016, aux Éditions sociales de nouveau), une discussion détaillée des termes plus-value et survaleur. La thèse défendue est que l'emploi de survaleur est à préférer à celui de plus-value (utilisé à l'origine par Joseph Roy dans la 1re traduction française du Livre I), car il fait pendant à la notion de surtravail et traduit mieux les termes employés par Marx, Mehrwert pour survaleur et Mehrarbeit pour surtravail.

6 Loi de la valeur dans le marxisme

Cette explication selon laquelle la survaleur est la différence entre la valeur des marchandises produites par les travailleur·ses et la valeur de la force de travail de ces mêmes travailleur·ses, est généralement nommée « loi de la valeur » parmi les marxistes.

Il s'agit d'un des apports que Marx considérait lui-même comme le plus important à la critique de l'économie politique.

Dans l'Anti-Dühring, Engels résume ainsi le mécanisme de la survaleur :

« Quelle est l'origine de cette survaleur ? Elle ne peut ni venir du fait que l'acheteur a acheté les marchandises au-dessous de la valeur, ni du fait que le vendeur les a revendues au-dessus de la valeur. Car, dans les deux cas, les gains et les pertes de chaque individu se compensent, puisque chacun est tour à tour acheteur et vendeur. Elle ne peut provenir non plus du dol [tromperie], puisque le dol peut sans doute enrichir l'un aux dépens de l'autre, mais il ne peut pas augmenter la somme totale possédée par l'un et l'autre, non plus, par conséquent, que la somme des valeurs circulantes en général. »[4]

Lénine écrit que « la théorie de la plus-value constitue la pierre angulaire de la théorie économique de Marx ». Il écrit au sujet du surtravail :

« Le salarié vend sa force de travail au propriétaire de la terre, des usines, des instruments de production. L'ouvrier emploie une partie de la journée de travail à couvrir les frais de son entretien et de celui de sa famille (le salaire) ; l'autre partie, à travailler gratuitement, en créant pour le capitaliste la plus-value, source de profit, source de richesse pour la classe capitaliste. »[5]

7 Notes et sources

  1. On retrouve la notion dialectique de transformation de la quantité en qualité.
  2. Le Capital Livre I, IVème section, Karl Marx
  3. Karl Marx, Salaire, prix et profit, juin 1865
  4. Friedrich Engels, Anti-Dühring, 1878
  5. Lénine, Les trois sources et les trois parties constitutives du marxisme, 1913