Spontanéisme

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Le spontanéisme est une doctrine de mouvements anarchistes ou d'ultra gauche qui pensent qu'il faut avant tout faire confiance à la spontanéité révolutionnaire des individus ou des masses, par opposition à la préparation et à l'organisation.

1 Origines du spontanéisme

Le spontanéisme peut avoir plusieurs sources :

  • Il peut venir d'une impatience révolutionnaire non spécialement théorisée. Par exemple lorsqu'une avant-garde très politisée ne réalise pas que ses actions radicales ne sont pas en phase avec la majorité.
  • Il peut venir d'un dégoût des bureaucraties du mouvement ouvrier (dans les partis et les syndicats), qui en viennent souvent à freiner les initiatives des masses.
  • Il peut venir de théories comme la propagande par le fait, selon lesquelles l'exemple donné peut servir d'étincelle pour embraser les masses.

2 Critiques

2.1 Fausse opposition spontanéité / organisation

Les marxistes révolutionnaires reconnaissent que les militant.e.s ne pourront jamais à eux seuls créer une situation révolutionnaire. Celles-ci sont toujours largement déterminées par des millions d'interactions entre individus qui se passent hors des milieux militants, qui accumulent des bribes élémentaires de conscience de classe pendant parfois de longues années, et qui finissent par éclater sous des formes prévues par personne.

En revanche les marxistes révolutionnaires considèrent que l'organisation est un processus non seulement inévitable (les premières organisations sont issus de décisions "spontanées" d'individus qui n'étaient pas "encartés") mais nécessaires. Nécessaires pour assurer que la conscience de classe et révolutionnaire progresse non seulement quand la dynamique spontanée fait obtenir des victoires et des acquis de luttes, mais aussi dans les périodes plus dures, de répression ou de démoralisation, où tous les réflexes et idées progressistes peuvent rapidement disparaître. Et nécessaires enfin pour parvenir à une révolution socialiste.

2.2 Révolution socialiste

Les historiens et les politiciens bourgeois admettent en général une certaine légitimité des insurrections “spontanées” contre les anciens régimes ou les dicatures. Ils ne sont généralement pas à l'initiative de ces insurrections, mais ils les considèrent comme des calamités qu'il faut accepter, voire dont il faut savoir profiter. « La véritable cause de cette indulgence, c'est que les insurrections [de ce type] ne peuvent sortir des cadres du régime bourgeois »[1].

« Renverser l'ancien pouvoir, c'est une chose. Prendre le pouvoir en main, c'en est une autre. La bourgeoisie, dans une révolution, peut s'emparer du pouvoir non point parce qu'elle est révolutionnaire, mais parce qu'elle est la bourgeoisie : elle a en main la propriété, l'instruction, la presse, un réseau de points d'appui, une hiérarchie d'institutions. Il en est autrement pour le prolétariat : (...) : il lui faut une organisation appropriée à cette tâche. »

En revanche les libéraux et les socialistes réformistes condament toute idée de préparation consciente d’une insurrection, de conspiration. Les anarchistes et certains autres communistes spontanéistes le refusent également, par opposition à l'organisation politique qu'il est nécessaire de construire pour cela. Or, pour les marxistes révolutionnaires, il est impossible qu'une insurrection spontanée renverse la bourgeoisie.

Dans la révolution russe, c'est la combinaison de la situation et du parti révolutionnaire (lui-même en grande partie forgé -difficilement- au cours de l'année 1917) qui a permis la victoire de l'insurrection d'octobre (malgré la bureaucratisation qui a suivi). A l'inverse, au cours de la vague révolutionnaire qui a parcouru l'Europe en 1917-1923, malgré des situations révolutionnaires parfois très avancées (comme en Allemagne, en Hongrie...), l'absence d'un parti révolutionnaire suffisamment prêt a été source de défaite.

3 Exemples

En 1924, Léon Trotski fait la remarque suivante à propos de Rosa Luxemburg et de la tendance spontanéiste que l'on retrouvait alors chez les communistes allemands :

« Rosa Luxembourg (...) s'était formée, pour ainsi dire, dans la lutte contre l'appareil bureaucratique de la social-démocratie et des syndicats allemands. Inlassablement elle avait démontré que cet appareil étouffait l'initiative du prolétariat. A cela elle ne voyait salut et issue que dans une irrésistible poussée des masses balayant toutes les barrières et défenses édifiées par la bureaucratie social-démocrate. La grève générale révolutionnaire débordant toutes les rives de la société bourgeoise était devenue pour Rosa Luxembourg synonyme de révolution prolétarienne. Cependant, quelle que soit sa puissance, la grève générale ne résout pas le problème du pouvoir, elle ne fait que le poser. Pour s'emparer du pouvoir il faut, s'appuyant sur la grève générale, organiser l'insurrection. Toute l'évolution de Rosa Luxembourg fait penser qu'elle aurait fini par l'admettre. Mais quand elle fut arrachée à la lutte, elle n'avait encore dit ni son dernier, ni son avant-dernier mot. Cependant il y avait encore récemment dans le parti communiste allemand un très fort courant vers le fatalisme révolutionnaire. La révolution approche, disait-on, elle apportera l'insurrection et nous donnera le pouvoir. Quant au parti, son rôle est dans ce moment de faire de l'agitation révolutionnaire et d'en attendre les effets. »[2]

4 Notes et sources