Rock

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Le rock est genre musical développé après la Seconde guerre mondiale.

1 Naissance et développement

1.1 La source

Le rock’n’roll, terme utilisé la première fois en 1951 par un animateur radio (Alan Freed)[1], est né de plusieurs sources. Le blues, issu des esclaves noirs américains, le jazz/swing, musique déstructurée de Noirs récupérée elle aussi par des Blancs, et la country, musique de Blancs qui trouve son origine dans le folklore irlandais.

Son développement coïncide avec l’électrification des instruments de musique, en particulier des guitares auxquelles des créateurs de légendes ont donné leurs noms (Fender, Gibson etc).

En arrière plan du rock un phénomène culturel et social est présent : Le blackface[2]. Ressembler à un noir sans l’être. Le spectacle en est imprégné bien avant la 2e guerre mondiale. L’apparence physique, la voix. Il faut ressembler à un noir idéalisé et intemporel, sublimé. Mais l’inverse n’est pas vrai et reste un interdit absolu. C’est ainsi que le rock naît en deux rameaux. L’un est noir (Chuck Berry, Little Richard), l’autre est blanc (Buddy Holly, Eddie Cochran) mais voudrait être noir.

John Lennon disait que dans l’histoire du rock, il y avait « avant et après Presley »[3]. Elvis Presley constitue la rupture majeure. Chauffeur de camion, il est issu d’une famille pauvre. C’est sa mère seule qui l’élève. Après un enregistrement resté célèbre son ascension est fulgurante. Sa voix, ses trémolos, sa puissance vocale, ses déhanchements le distinguent et feront école.

La machine industrielle capitaliste va alors se déchaîner sous plusieurs formes. Une évolution technique. Le microsillon 45 tours avec deux faces puis le 33 tours d’une écoute plus longue devient le support. Le lecteur, c’est l’électrophone, peu encombrant et portable, et puis pour la balade, le transistor qui permet d‘écouter ses tubes préférés. Suivront la bande magnétique et les K7 pour enregistrer. Mais c’est surtout l’ère des éditeurs, maisons de production massive de disques et l’essor des imprésarios, les commerciaux et exploiteurs des créateurs de musiques. Presley deviendra une légende faite d’images et d’objets de business.

1.2 Deux pôles principaux

1.2.1 Le rock américain

Le rock est d’abord américain, et même du sud. Nashville est au coeur du rock sound. Les studios, les groupes y fleurissent. Un des groupes phares est Creedence Clearwater Revival qui puise sa musique dans un mélange rock/country. La filière reste bien vivante.

Le rock se développe très tôt en Californie. The Doors est symboliquement le groupe majeur, même s’il n’est pas toujours reconnu sur le plan musical. Jim Morrison devient une star incontournable. Ouvert à une culture universelle, il crèe poèmes et textes imprégnés de révolte, de contestation de l’ordre établi. Ses concerts constituent une des premières formes de remise en cause d’un système idéologique coincé, dans lequel la jeunesse de l’après guerre ne se reconnaît plus. Un des premiers à succomber à 27 ans par ses excès de consommation de drogues, il reste vénéré partout et particulièrement au cimetière du Père Lachaise où des fans continuent à le fêter régulièrement. Le rock californien est toujours un foyer vivace et créateur (des Beach Boys à Red Hot Chili Pepper, Guns’n’Roses etc).

Le rock New Yorkais est venu dès l’origine concurrencer le western rock. La légende Velvet Underground, a suivi le même processus créatif : une icône intellectuelle, Andy Warhol, des mises en scènes spectaculaires, une remise en cause des valeurs des générations précédentes, une surconsommation de substances, une musique à sonorités nouvelles. Le rock newyorkais reflètera l’underground, tout ce qu’on aime est caché. Une filière sans fin avec des figures mythiques, telle Patti Smith. La branche reste solide des Ramones à Fun Lovin Criminals en passant par Sonic Youth.

1.2.2 Le rock anglais 

Le rock américain fait sa percée européenne dans sa tête de pont avancée, le Royaume Uni. Les Beatles constitue le groupe phare du rock. Les débuts sont fulgurants. Le look, les coupes de cheveux, les textes gentils destinés aux ados, les mélodies vont construire une véritable machine musicale, entretenue par un impresario inspiré (George Martin) et une maison de disque (Apple Corps). John Lennon est le plus créatif et le plus ouvert aux différentes cultures musicales. Il est aussi l’intellectuel militant qui n’hésite pas à faire référence aux héros de la classe ouvrière (Working Class Heroes). Par la suite le genre musical evoluera vers un hybride pop (populaire) rock proche de la variété internationale.

Les Rolling Stones se présentent comme l’alter ego mauvais garçons des Beatles. Une musique plus percutante, inspirée du rhythm and blues et des textes plus agressifs (« let it bleed » en réponse à « let it be ») marqueront une différence fondamentale. C’est aussi le point de départ de genres musicaux différents dans une même culture. On trouve aussi dans ce groupe la figure pensante dans la personne de Brian Jones, qui subira lui aussi le même sort que Jim Morrison et entrera dans le Club des 27 (les célébrités du rock mortes à 27 ans). A partir de la fin des années 1980, Les Rolling Stones se transforment en machine à fric, reproduisant inlassablement les mêmes tubes sur toutes les scènes.

On assiste à un foisonnement musical au Royaume-Uni durant les années 1960 avec des groupes qui restent marquants dans l’histoire du rock : The Who (Roger Daltrey), The Kinks (Ray Davis), The Animals (Eric Burdon), The Pretty Things, Them (Van Morrison) etc.

1.3 Un développement inégal et combiné

Comme certains genres musicaux qui l’ont précédé, tel le jazz, le rock s’est mué en phénomène planétaire. Il gagne d’abord l’Europe

Le rock allemand constitue véritablement une branche originale. Il trouve son identité avec un son qui lui est propre, basé sur l’utilisation d’instruments électroniques et une recherche musicale qui puise sa source dans une musique plus abstraite et dite « contemporaine » à partir des années 1970. On trouve ainsi des groupes comme Kraftwerk et Tangerine Dream qui vont être à l’origine d’un rock progressif dont les acteurs et adeptes sont aujourd’hui très actifs.

Le rock français suivra une trajectoire différente. John Lennon disait « le rock français c’est comme le vin anglais »[3] et donc n’existait pas. Dans les années 1960 fleurissent des groupes qui reproduisent des tubes américains dans une logique de copier/coller en y greffant des textes plus ou moins proches des versions originales, mais sans intéret. C’est l’ère des Johnny Halliday (dont il faut reconnaître le talent scénique), Chaussettes Noires (Eddy Mitchell), des Chats Sauvages (Dick Rivers) etc. Il faudra attendre les années 1980 avec Trust, Noir Désir, Berurier Noir pour écouter et voir un rock français revendicatif et original.

Les autres sources sont dispersées sur la planète. Le rock a essaimé en Australie par la voie de la langue anglaise: Inxs, Midnight Oil, et surtout AC/DC ont marqué les décennies 1980 et 1990. Mais on trouve des branches en Jamaïque, en Afrique et en Asie tant le phénomène est devenu universel.

2 Genres musicaux : signification politique.

Une culture rock se développe à partir de la fin des années 1960. Elle va générer des branches musicales nombreuses qui vont elles mêmes se subdiviser en multiples courants : le rock psychédélique, le punk, le hard rock etc. Mais cette culture va aussi se mixer avec d’autres courants musicaux, eux-mêmes issus d’autres cultures : le blues, la country, la musique folklorique, la musique traditionnelle, le jazz. Vont ainsi éclore d’autres ramifications dans lesquelles le rock va laisser son empreinte, jusqu’à la variété internationale.

2.1 Le folk rock et le combat anti guerre

Le folk et le rock se jumellent à partir des années 1960 et le folk rock est le genre le plus popularisé entre 1965 et 1967. Le son se rapproche des autres genres rock du moment mais un soin particulier est apporté au texte qui dans son contenu est ouvertement critique du gouvernement américain. La chanson culte de l’époque, « Eve of Destruction » de Barry Mc Guire, dénonçant le racisme et l’injustice aux Etats Unis, atteindra le sommet des charts en 1965[4]. Le sommet du genre est atteint par deux artistes cultes. Bob Dylan, dont les textes travaillés et imprégnés de poésies impactent une génération entière. Joan Baez qui fut un moment sa compagne, n’hésite pas à se mobiliser contre l’injustice sociale et la guerre. Elle s’implique aussi dans le mouvement des droits civiques aux côtés de Martin Luther King.

2.2 Le rock psychédélique et le mouvement hippie

Directement issu du folk rock, le rock psychédélique est lié au mouvement hippie et constitue la première contre culture d’importance dans la mouvance de la musique rock. On y retrouve des chanteuses (Janis Joplin) et groupes phares (Jefferson Airplane, Gratefull Dead). Si la musique a une part prépondérante, le texte véhicule des idées forces qui constituent un mouvement contestataire majeur à la fin des années 1960. Pacifisme, liberté sexuelle, vie en communauté, harmonie avec la nature, voyages, en sont les principales composantes. La recherche de spiritualité associée à la consommation de psychotropes constituent un but et un moyen indispensables à l’épanouissement de la personne. Le look général , les coupes de cheveux, les vêtements marqueront profondément toute la génération du babyboom. En 1969, le festival de Woodstock constitue l’un des plus grands moments de toute l’histoire du rock. Il rassemble les meilleurs groupes de rock de l’époque : Canned Heat, Country Joe, Jimi Hendrix Experience qui clôturera le festival avec une interprétation inoubliable de l’hymne américain.

Aujoud’hui le rock psychédélique est bien vivant et a de nombreux fans avec d’excellents groupes tels que Brian Jonestown Massacre.

2.3 L’anti rock : la soul, le funk et l’émancipation des noirs

La soul puise son essence dans le gospel, chant religieux de la communauté noire aux Etats Unis. Elle est l’émanation d’une réaction de la jeunesse noire face au rock’n’ roll de la communauté blanche. Ce genre musical est étroitement lié aux maisons de disque qui l’ont promue, Tamla Motown et Stax. Des Stars vont être propulsées au firmament du showbiz. Certaines connaîtront une gloire éphémère (Otis Redding, Marvin Gaye), d’autres seront érigées en véritables icones (Aretha Franklin portée aux nues par Barack Obama). L’influence des rythmes africains fera évoluer la soul vers le funk, plus syncopé, dont James Brown est la référence la plus aboutie. C’est de Sly and the Family Stone que viendra la réaction politique la plus percutante. Sly Stone est l’un des tous premiers à créer un groupe composé de noirs et de blancs. Il mène une bataille contre le racisme et la discrimination et donne aux femmes une place prépondérante sur scène ainsi qu’en témoigne sa remarquable prestation lors du Festival de Woodstock en 1969.

A partir des années 1980, la soul perd son caractère corrosif pour connaître une apogée avec Mickael Jackson, à l’incontestable talent, mais intégré, par sa création et son image à une immense machine commerciale.

2.4 Le rock esthétique et petit bourgeois

Dans sa diffusion planétaire le rock a parfois pris des formes purement esthétiques dominées par un confort et une jouissance de petits bourgeois. Ces formes ont pu connaître une existence éphémère. C’est le cas du glam rock ou l’apparence, le déguisement, la transformation en un ou plusieurs personnages deviennent primordiaux. La frime l’emporte sur le contenu du message. Pour autant, la qualité musicale est tout à fait présente et des groupes tels que Roxy Music ou des chanteurs tels que T Rex, Gary Glitter ou David Bowie ont signé de vrais chefs d’oeuvre.

C’est aussi le cas du jazz rock ou jazz fusion où se mêlent la recherche et l’improvisation issue du jazz avec des rythmiques issues du rock. Ce genre musical a connu son heure de gloire à la fin des années 70 avec des groupes tels que Weather Report ou des musiciens comme Frank Zappa et Miles Davis. Il finira par se diluer dans les arcanes subtils du jazz pour satisfaire les oreilles de petits bourgeois cultivés.

On évoquera encore le blues rock, interpénétration du rock et du blues qui traverse les décennies depuis les années 1960 (Eric Clapton), jusqu’aujourd’hui (Joe Bonamassa, Popa Chubby). Assez soft sur le plan musical, il s’adresse principalement à un public assez âgé, soucieux d’une écoute tranquille au coin du feu.

2.5 Le rock de la révolte: le punk rock et la culture punk

Le punk rock est incontestablement un des genres musicaux les plus revendicatifs.

Il se constitue de 1974 à 1976 principalement au Royaume Uni, aux Etats Unis et en Australie. Le Royaume Uni est marqué à cette époque par des grèves puissantes des mineurs qui feront dire au Premier Ministre Heath : « Qui gouverne le pays, nous ou les mineurs ? »[5]. Avec le thatcherisme, le pays entre dans une ère de régression sociale et politique.

Aux USA, la confusion du pouvoir politique est telle que Richard Nixon doit démissionner. Après le premier choc pétrolier, le taux de chômage atteint 8,3 % de la population active. Cette même année les USA mettent fin à la guerre du Vietnam qui aura coûté 113 milliards de dollars et 58177 morts côté américain[6].

Sur le plan de la musicalité le punk rock se manifeste par des arrangements musicaux simplifiés, prenant le contrepied du rock commercial. La virtuosité fait place a une voix rauque, la sophistication et les effets sont concentrés dans un son lourd et sec.

Sur le fond, les groupes n’hésitent pas à critiquer le système politique et ses errements (Sex Pistols), la représentation bourgeoise du sexe et de la sexualité (Voivoids). Mais à l’instar d’un cinéma qui dénonce la misère sociale (Ken Loach) des groupes vont dénoncer la violence infligée au prolétariat (The Exploited, The Clash).

Ce dernier est incontestablement le groupe le plus connu qui, par sa musique et ses textes, va le plus loin dans la revendication sociale. Joe Strummer, leader de ce groupe, va marquer toute une génération par son soutien aux grèves des mineurs et aux luttes sociales de l’époque. Curieux intellectuellement et assoiffé de culture, il est un des rares musiciens qui n’hésitait pas à citer Karl Marx lors de ses concerts. Les albums du groupe, en particulier « London calling » et « Sandinista » sont des références absolues dans l’histoire du rock. Le malheur voudra que Joe Strummer disparaîsse en 2002, suite à une malformation cardiaque.

Le punk, c’est aussi une attitude. On a souvent évoqué l’agressivité mais plus profondément il s’agit de provocation, d’invitation à s’interroger, à refuser et à partager.

Le style vestimentaire est de ceux qui laisse des traces profondes : le T-shirt, les tatouages, les percings, les cheveux taillés en crête iroquoise et de couleur flashy, l’allure androgyne en sont les principaux attributs. Le capitalisme dans sa perpétuelle quête de régénérescence récupérera et les récupère encore dans toutes ses manifestations de mode.

2.6 Le grunge : le rock du désespoir

Le grunge est une variante de rock alternatif dont la durée de vie fut courte, du milieu des années 1980 au milieu des années 1990. Effondrement des bureaucraties d’Europe de l’Est, structuration d’un nouvel ordre mondial, triomphe du libéralisme, génocide au Rwanda, la période est sombre, sans espoir. Dans ce contexte une génération vit l’angoisse d’une situation précaire. Simon Reynolds (critique musical britannique) déclare : « Il y a un sentiment d’épuisement dans la culture au sens large. Les enfants sont déprimés face à l’avenir ». Rien d’étonnant qu’émerge Nirvana et, en son sein, la personnalité de Kurt Cobain. Le grunge exprime la difficulté de vivre dans la précarité et donc manifeste un rejet du consumérisme, du show biz, de l’argent, du spectacle. Mais au lieu de revendiquer un combat, il s’enferme dans le repli du soi (« Think for yourself »)[7]. On connaît la fin tragique de Kurt Cobain. Son désespoir profond est aussi générateur d’une des créations majeures dans l’histoire du rock.

La musique est puissante, lancinante, répétitive. La guitare donne toujours l’impression de fausses notes, de mauvais accords, de mauvais musiciens. Et pourtant l’effet est poignant, la voix déchirante. On atteint des sommets dans l’émotion, en particulier dans le concert ultime donné à New York en 1993. La formation en quatuor avec violoncelle fait penser à un concert de musique classique, dans une ambiance feutrée, toute en retenue. Mais en même temps, ce cri lancé à l’humanité. Comme dans le cas du punk, le grunge aura aussi sa tenue vestimentaire minimaliste, le refus de la luxuriance. T-shirts décousus, jeans déchirés feront aussi le bonheur des entreprises de confection exploitant des travailleurs des pays pauvres dans des conditions épouvantables.

2.7 Le new wave : le rock des marchés mondialisés

Laurene Esposito dans son remarquable mémoire[8] de 2011-2012 dit que « Il est important de remarquer que l'émergence de la new wave correspond à l'émergence des marchés mondiaux. En effet, l'intensification des flux financiers à l'échelle mondiale dès les années 1970, directement lié au premier choc pétrolier de 1973, a rapidement débouché sur une globalisation des marchés. Cette globalisation a impliqué la mise en concurrence directe, à l'échelle mondiale, de toutes les entreprises, dont les sociétés productrices de biens culturels. Cette concurrence, couplée à la loi du profit, fut facilitée par les programmes libéraux de deux des plus grosses puissances mondiales : la reaganomics du président américain Ronald Reagan et les onze années de thatchérisme en Grande-Bretagne. Subséquemment, avec la chute de l'ex-bloc de l'Est, de l'URSS et l'ouverture de la Chine à partir de 1990, les frontières s'effacent : désormais, les flux marchants sont mondiaux, et ne font face à aucune résistance ».

La new wave part d’une multiplicité de groupes géographiquement situés dans le sud de l’Angleterre : Depeche Mode et Yazoo à Basildon, The Cure à Crawley, Tears for Fear à Bath. Elle gagne ensuite le Royaume Uni (Spandau Ballet, Talk Talk, Culture Club), elle est donc d’abord une culture britannique. C’est l’arrivée de la chaîne musicale américaine MTV qui va propulser et populariser le genre musical. Mais au fond quelle est l’identité de ce dernier ? Laurene Esposito nous donne la réponse : « Ce courant, caractérisé par l'utilisation massive de la technologie électronique, s'inscrirait ainsi dans une culture dont l'idéologie dominante – rendue de plus en plus légitime par les industries culturelles – est incarnée par des images et des sons qui appellent tout un style de vie ». C’est que contrairement aux courants musicaux précédents, et même si des tentatives ont été faites antérieurement, c’est la new wave qui va utiliser intensément les nouvelles technologies : ordinateurs, synthétiseurs, boîtes à rythmes et autres outils électroniques.

2.8 Le hard rock : la terreur des bourgeois catholiques

Un genre très controversé dont les origines remontent assez loin, à la fin des années 1960. On ne peut passer sous silence un des initiateurs principaux et groupe culte du rock, Led Zeppelin. Les musiciens qui le composent sont exceptionnels : Robert Plant (voix puissante qui monte dans les aigüs), Jimmy Page (virtuose de la guitare), John Paul Jones (basse), John Bonham (meilleur batteur de tous les temps pour la revue Rolling Stone). L’ensemble est explosif, un style vif et puissant, des chants lamentés et des distorsions vont donner sa marque de fabrique au genre. La musique deviendra lourde et noire avec des groupes célèbres (Black Sabbath, AC/DC, Scorpions). On peut ainsi résumer le genre :

« En faisant appel autant au physique qu’aux émotions, le hard rock a produit quelques albums cultes, qui méritent l’attention de tout amateur de rock. Agression, technicité et mélodie y jouent à cache-cache… Qu’on le veuille ou non, le hard rock, grâce aux multiples dérivés qu’il a engendrés depuis une trentaine d’années, est l’un des genres musicaux les plus créatifs. Peut-être parce qu’il est resté banni du grand public et des médias. Le hard s’enrichit de tout ce qui lui tombe sous la main : blues, classique, jazz, progressif, hip-hop, techno, gothic, extrême… Des rythmes hypra lents du doom au terrorisme auditif du black-metal, pas facile de s’y retrouver ».[9]

Le hard rock est un genre où prime émotion et esthétisme. Dans sa forme classique il s’adresse principalement à une cible de jeunes alors que le blues rock est davantage l’apanage des plus âgés.

Depuis la naissance du hard beaucoup de sous catégories se sont développées et font l’objet de discussions entre spécialistes. Des sous-genres rassemblent des fans à l’échelle internationale : le heavy metal, qui se caractérise, entre autres, par un son plus métallique (Iron Maiden, Judas Priest), le death metal plus guttural (Death, Venom), le black metal, effayant par ses hurlements (Immortal, Marduk). Ces catégories sont tellement vivaces aujourd’hui qu’on peut presque considérer qu’elles constituent des genres musicaux à part entière et sont défendues comme tels par leurs fans respectifs. Les festivals, en particulier Hellfest en Vendée, témoignent d’une intense activité musicale, et rassemblent des dizaines de milliers de spectateurs.

Alors, tous les ans revient une question récurrente, véhiculée par les médias et certains hommes politiques : cette musique est-elle dangereuse et faut-il l’interdire ?

Cette musique fait peur aux bourgeois défenseurs de la chrétienté. Elle est bruyante presque toujours (ça dérange une tranquillité), elle peut donner dans le spectacle gore et satanique (Marilyn Manson), elle donne lieu a des apparences vestimentaires effrayantes (gothiques ou autres), elle manifeste une forme de violence. Tout cela n’est qu’apparence et fait partie de la culture du genre.

Mais des accusations plus graves sont portées : cette musique est-elle fascisante ?

S’il est vrai qu’ont été vus quelques saluts nazis, ces manifestations et les groupes qui véhiculent cette idéologie sont très marginaux et ne sont aucunement le reflet du genre.

3 Les contradictions du rock, reflet du capitalisme

3.1 Musique qui vient des classes populaires

La musique n’est pas déconnectée des classes sociales. Nos connaissances de la musique sous l’antiquité est limitée. En revanche on connaît bien la musique au temps des croisades. Jean Claude Malgoire a publié avec La Grande Ecurie et la Chambre du Roy un album intitulé Airs de la Cour et des Villages. Sur le plan musical la différence de classe est ainsi très marquée. Plus tard la musique dite « classique » est l’apanage de l’aristocratie puis de la bourgeoisie à partir du 19e siècle, tandis que se propage une musique populaire souvent critique et moqueuse du pouvoir.

Le rock vient d’une génération de l’après 2e Guerre Mondiale. Il trouve sa source des classes populaires.

La mère d’Elvis Presley est ouvrière, les parents de Paul Mc Cartney sont respectivement infirmière et ouvrier. On peut multiplier les exemples, les rockers sont le plus souvent issus du prolétariat des grandes villes, parfois des classes moyennes, rarement de la bourgeoisie, du moins dans les années 1960.

3.2 Musique de rupture mais aussi de consommation de masse

Le rock se veut une musique de rupture. A l’origine il est l’expression de jeunes épris de liberté individuelle et de plaisir, le contrepied des années de souffrance et de privations de leurs parents. Il se veut aussi une musique de remise en cause des valeurs bourgeoises. Le leitmotiv des rockers, « Sex, drogs and rock’n’roll » est significatif d’un profond changement d’attitude.

Le capital a (presque) parfaitement récupéré le rock selon un processus mis en place au départ : émergence d’un groupe, captation par un imprésario, production/diffusion par une maison de disques. La plupart du temps les musiciens n’y voient que du feu, deviennent acteurs et victimes de leurs succès. Ce dernier peut être éphémère (Patrick Hernandez, « Born to be alive », 27 millions d’albums vendus), ou durable (50 ans d’existence des Rolling Stones).

Le rock est donc aussi générateur d’une musique commerciale qui reproduit l’idéologie dominante où il est essentiellement question d’argent, des femmes, du plaisir, de la facilité de vivre. On y trouve la pop music, le disco, puis sa version moderne, l’electro, où le DJ se met en scène face à des dizaines de milliers de fans pour produire un spectacle où se confondent rythmes dansants et éblouissements visuels à des tarifs défiants toute concurence (le concert de David Guetta à Marseille le 23 juin 2013 a été financé par une subvention municipale de 400 000 €)[10].

3.3 Actions revendicatives et récupération bourgeoise

Les rockers peuvent constituer aussi les meilleurs vecteurs, non seulement de la production commerciale à laquelle ils contribuent mais aussi de l’idéologie dominante.

On a vu aux Etats Unis Elvis Presley rencontrer Richard Nixon le 21 Décembre 1970 après lui avoir demandé d’intégrer le Narcotic Bureau[11]. Paul Mc Cartney et Mick Jagger ont été décorés et anoblis par Elizabeth II. Johnny Halliday a soutenu Nicolas Sarkozy durant la campagne électorale de ce dernier en 2007 etc.

Le rock a été le plus souvent dominé par les hommes. Dans les groupes de musiciens les femmes sont quasi inexistantes. Aux yeux des rockers, elles sont des groupies et réduites à l’état d’objets sexuels. Certaines femmes, par leur talent et leur personnalité, parviennent à s’imposer et constituent de véritables stars. C’est le cas de Janis Joplin dans les années 1960, Patti Smith dans les années 1970, Nina Hagen dans les années 1980. Plus récemment elles ont réussi à créer leurs groupes composés exclusivement de femmes (Savages) ou à s’imposer auprès de stars masculines (3rdeyegirl avec Prince)

Les gays ont mis longtemps eux aussi à y trouver leur place. Les homosexuels se sont longtemps cachés dans cet univers. Ils se sont manifestés à travers des icônes (Gloria Gaynor avec « I will survive », Freddie Mercury, David Bowie, Elton John etc) jusqu’à revendiquer ouvertement la lutte LGBT (Lady Gaga par sa chanson « Born this way » et la création de l’association qui en porte le nom, « Born this way Foundation »).

En dehors des noirs américains, qui furent dès l’origine à la fois dans et hors du rock, les minorités ethniques n’ont pas été clairement représentées dans le genre. Un rock alternatif latino a été lancé par The Clash avec l’album « Sandinista ». Il sera prolongé par un groupe français, La Mano Negra et son leader Manu Chao, un des rares chanteur français ayant une véritable audience à l’échelle internationale[12].

Le rock ne fait pas que subir des apports, il impacte aussi d’autres genres musicaux. On peut citer à cet égard le ska (Toots and the Maytals mixe le funk et la musique traditionnelle jamaïcaine dans son album « Funky Kingston »), le reggae (érigé en religion par Bob Marley) et l’afro-beat (son plus remarquable représentant fut Fela Kuti opposant à la dictature, la corruption et les multinationales au Nigeria. Sa propriété sera rasée par l’armée et il mourra du sida en 1997).

Quid du rock dans le Bloc de l'Est ? Avant l’effondrement du mur de Berlin le genre musical est considéré comme pur produit de la culture américaine, donc rejeté et de fait interdit. Avec la Perestroika de Mikhail Gorbatchev certains groupes, de forte notoriété, feront une apparition officielle, tel Queen en 1986. A partir de 1990, suite au rétablissement du capitalisme en URSS, une partie de la jeunesse, désillusionnée, va se réapproprier le punk rock et en faire une arme de combat politique. « A la suite d’une exhibition jugée profanatoire (« prière punk ») dans une église orthodoxe trois membres du groupe Pussy Riots sont condamnées le 17 août 2012 à deux ans d’emprisonnement en camp de travail pour vandalisme et incitation à la haine religieuse »[13].

3.4 No Future ?

On pourrait penser que le rock en tant que culture de rupture allait constituer un vecteur puissant pour les luttes sociales et leur manifestation politique. Ce serait ignorer non seulement la puissance dominatrice du capital sur les plans économique, social et idéologique mais aussi sa capacité à rebondir pour se régénérer tel un phénix.

Il existe un rock de combat, il s’est manifesté à différentes époques : le mouvement anti guerre à la fin des années 1960, la critique sociale à l’ère du thatchérisme. On l’a connu en France dans les années 1980 avec des groupes tels que Trust (« Antisocial »). Dans les années 1990 et 2000 le groupe Noir Désir exprime des orientations altermondialistes (« The Holy Economic War », « L’homme pressé »). Lors des Victoires de la Musique en 2002, il fustige JM Messier, Président de Vivendi, et n’hésite pas à refuser tout concert en Israel pour protester contre l’occupation des territoires palestiniens. Durant la même période le groupe anglais Arctic Monkeys est un des rares à se faire l’écho de la classe ouvrière et à dénoncer la misère de la prostitution.

Dans une époque contemporaine où l’internet et les réseaux sociaux ont permis la multiplication et la diffusion des chanteurs, groupes et formations de tous ordres à l’échelle planétaire, le rock s’est fondu dans une interpénétration des genres musicaux.

Le rock est-il mort ? C’est la question récurrente posée par un des mensuels les plus anciens, Rock and Folk, qui fête en 2016 ses 50 ans. Non il existe encore des jeunes qui produisent un copier/coller de leurs ainés (Ty Segall, Jacco Gardner etc.) et des labels indépendants qui assurent la « tradition » d’un rock marginal. Mais l’époque d’une musique porteuse d’idées révolutionnaires reste à construire.

4 Notes

  1. « Histoire du rock », wikipedia.org
  2. « Blacking up : une histoire du rock au prisme du blackface ». Keivan Djavadzadeh, transatlantico.revues.org.
  3. 3,0 et 3,1 « Citations de John Lennon », citations.rock.free.fr
  4. « Folk rock », wikipedia.org
  5. « Dossier : les années Thatcher la défense inconditionnelle de la classe », npa2009.org
  6. « 1975 aux Etats-Unis », wikipedia.org
  7. « Grunge », wikipedia.org
  8. « New wave 1978-1984 un produit culturel globalisé ? ». Laurene Esposito, 20 Avril 2014, memsic.ccsd.cnrs.fr
  9. « Une brève histoire du hard rock des 60’s à la fin des 90’s », annu-art.perso.neuf.fr
  10. « La municipalité de Marseille devait-elle subventionner le concert de David Guetta », next.liberation.fr
  11. « Ce jour historique où Elvis Preley rencontra Richard Nixon », lefigaro.fr
  12. « Musique : Manu Chao sur la playlist de l’été d’Obama », 12 Août 2016, leparisien.fr
  13. « Pussy Riot », wikipedia.fr

5 Bibliographie

  • Rock & Folk de Novembre 1966 à nos jours.
  • Les Inrocks de 1986 à nos jours.
  • « Les 1001 albums qu’il faut avoir écoutés dans sa vie ». Ouvrage sous la direction de Robert Dimery. Préface Michka Assayas. Flammarion.
  • « New wave 1978-1984 un produit culturel globalisé ? ». Laurene Esposito, memsic.ccsd.cnrs.fr
  • « Blacking up : une histoire du rock au prisme du blackface ». Keivan Djavadzadeh. Transatlantico.revues.org.
  • Les pages consacrées à l’histoire du rock et ses sous-genres musicaux sur wikipedia.org
  • « L’Odyssée du rock ». Florent Mazzoleni. Hors Collection
  • « Une histoire musicale du rock ». Florent Pirenne. Fayard
  • « Histoire du rock ». François Jouffa et Jacques Barsamain. Tallandier