Reproduction sociale

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La reproduction sociale désigne le fait que très majoritairement, les enfants d'une classe ou d'une couche sociale continueront à faire partie de la même classe ou couche.

1 Généralités

Ce terme décrit une pratique sociale relative à la famille, consistant à maintenir une position sociale d'une génération à l'autre par la transmission d'un patrimoine, qu'il soit matériel ou immatériel.

La reproduction sociale est particulièrement forte si l'on considère les deux grandes classes sociales de la société capitaliste : le prolétariat et la bourgeoisie. Des enfants d'ouvriers peuvent devenir employés, voire professeurs, mais n'ont qu'une chance infime de devenir bourgeois.

On peut également observer ce phénomène, de façon plus ou moins forte, au sein de couches sociales à l'intérieur du prolétariat (ou de la bourgeoisie). Par exemple, des enfants d'enseignants ont plus de chance de devenir enseignants ou cadres, qu'ouvrier non qualifié.

2 Mécanismes

La reproduction sociale repose sur des mécanismes économiques et culturels. Karl Marx est un de ceux qui a le premier théorisé la reproduction sociale, mais d'autres avant lui avaient analysé la société en termes de classes. Marx s'est surtout attaché à décrire l'accumulation et à la reproduction du capital. Toutefois, on peut tout à fait considérer que l'étude des facteurs culturels s'inscrit pleinement dans l'analyse marxiste des classes.

2.1 Capital économique

La transmission du capital aux enfants de la bourgeoisie est le facteur premier qui explique que la concentration de la propriété des moyens de production reste aux mains de la même classe.

Dans une moindre mesure, la transmission de la propriété d'une maison par une famille de travailleurs peut constituer un mécanisme de reproduction sociale pérénisant leur appartenance à une couche "plus aisée" du prolétariat, par rapport notamment aux travailleurs locataires.

2.2 Capital culturel

🔍 Voir : Capital culturel.

Le phénomène de reproduction sociale est notamment étudié et décrit par Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron dans Les Héritiers. Les étudiants et la culture, paru en 1964. Ils montrent par l'exemple des étudiants comment la position sociale des parents constitue un héritage pour les enfants. Certains héritant de bonnes positions sociales : d'où Les Héritiers tandis que d'autres au contraire sont les déshérités.

Dans La reproduction, ces mêmes auteurs s'efforcent de montrer que le système d’enseignement exerce un « pouvoir de violence symbolique », qui contribue à donner une légitimité au rapport de force à l’origine des hiérarchies sociales.

2.3 Evolutions

Les mécanismes de la reproduction sont dynamiques : ils peuvent connaître des évolutions, profondes ou marginales.

Par exemple, l'industrialisation a engendré la prolétarisation de la paysannerie, ce qui a quasiment fait disparaître cette classe dans les pays capitalistes centraux. On peut donc dire que la reproduction sociale a été enrayée pour la paysannerie (en France, particulièrement après la Seconde guerre mondiale).[1]

3 Observations

3.1 Données sur très longues périodes

La reproduction sociale est étayée par de nombreuses études sociologiques pour l'époque contemporaine (sous le capitalisme), mais fait remarquable, elle est aussi observée sur de très longues périodes.

Ainsi il a été montré que les élites anglaises s'étaient globalement conservées entre 1 170 et 2012.[2]

De même pour les élites de la ville de Florence entre 1 427 et 2011.[3]

3.2 France

Selon le sociologue Camille Peugny, la reproduction sociale n’a pas diminué en France entre le début des années 1980 et la fin des années 2000 : 70 % des enfants de cadre exercent un emploi d’encadrement tandis que 70 % des enfants d’ouvrier occupent un emploi d’exécution.[4]

Les statistiques concernant l'éducation sont éloquantes :

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L'augmentation générale du taux d'obtention du bac donne l'impression générale qu'il n'y a une large "classe moyenne" avec l'égalité des chances. Or on constate que même si le taux d'obtention du bac a augmenté pour toutes les catégories sociales, l'écart est quasiment inchangé.[5]

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4 Notes et sources

  1. L'héritage refusé. La crise de la reproduction sociale de la paysannerie française 1950-2000, Patrick Champagne, Paris, Seuil, 2002
  2. Clark, Gregory & Cummins, Neil. (2014). Surnames and Social Mobility in England, 1170–2012. Human nature (Hawthorne, N.Y.). 25. 10.1007/s12110-014-9219-y.
  3. Barone, Guglielmo and Mocetti, Sauro, Intergenerational Mobility in the Very Long Run: Florence 1427-2011 (April 28, 2016). Bank of Italy Temi di Discussione (Working Paper) No. 1060
  4. Camille Peugny, Le destin au berceau : inégalités et reproduction sociale, Seuil,‎ 2013
  5. Observatoire des inégalités, L’inégal accès au bac des catégories sociales, 2014