Quatrième internationale

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La Quatrième internationale est une organisation communiste (trotskiste) fondée en 1938 en France par Léon Trotsky, à la suite de l'exclusion violente des Oppositions communistes de la IIIe Internationale, à la répression qui s'est abattue sur les opposants en URSS et face au constat qu'il était impossible de militer dans le mouvement communiste officiel désormais verrouillé par la bureaucratie stalinienne.

1 Héritage historique

1.1 La continuité

La Quatrième internationale s'inscrivait dans une continuité du mouvement ouvrier révolutionnaire, successivement :

Léon Trotsky était à l'origine un militant « social-démocrate » de la Deuxième internationale (ce qui était alors synonyme de marxiste révolutionnaire), comme tant d'autres (Lénine, Luxemburg...). Tout comme les termes de marxisme et de léninisme, le terme de trotskisme a été créé par les autres courants : Lénine et Trotsky n'ont jamais prétendu avoir forgé une doctrine « différente » de celle du communisme scientifique défendu par Marx et Engels.

1.2 Trotskisme et léninisme

Dans le milieu social-démocrate russe des années 1903-1917, on parlait déjà de trotskisme pour désigner les idées particulières de Trotsky et de ses partisans. Trotsky avait collaboré à l'Iskra (avec Lénine) en 1902-1903, puis avait fait parti en 1903 de la minorité de Martov (ceux qui seront appelés plus tard les menchéviks), contre la conception du parti de Lénine, qu'il jugeait trop rigide. Trotsky s'est rapidement éloigné des menchéviks, se tenant « hors fractions » jusqu'en 1917, et militant pour la réunification du POSDR. Pendant l'épisode révolutionnaire de 1905 en Russie, il joue un rôle organisateur central (devenant président du Soviet ouvrier de Petersbourg), et développe la théorie-programme de la révolution permanente. Il critique alors aussi bien la position des menchéviks (révolution bourgeoise dirigée par la bourgeoisie) que celle des bolchéviks (révolution bourgeoise réellement populaire, dirigée par une dictature démocratique des ouvriers et des paysans), tout en reconnaissant que ces derniers sont de fait plus révolutionnaires. Pendant la révolution de 1917, Trotsky et Lénine défendent la même orientation stratégique : les Thèses d'avril de Lénine sont alors globalement vues comme un virage à gauche, et Lénine est taxé de « trotskisme » par nombre de vieux bolchéviks). Trotsky rejoint le parti bolchévik en août 1917, ce qui fera dire à Lénine : «Trotsky a compris que l’unité avec les mencheviks est impossible, et dès cet instant il n’y a pas de meilleur bolchevik que Trotsky »[1].

Dans le feu de la révolution, les anciens désaccords ne seront pas vraiment abordés. Néanmoins Trotsky a déclaré que selon lui, c'est Lénine qui avait eu raison sur la question du parti, et Lénine aurait reconnu que Trotsky avait eu raison sur la révolution permanente. Par ailleurs les premiers congrès de l'Internationale communiste adoptent des positions très proches de celles de Trotsky sur la révolution permanente.

Après la mort de Lénine (1924), le « léninisme » devient très vite un dogme et se retrouve sans cesse invoqué comme argument d'autorité dans le Parti bolchévik. De nombreux dirigeants comme Zinoviev ou Staline discréditent Trotsky en rappelant qu'il avait été menchévik, en extirpant des citations polémiques entre lui et Lénine, et en construisant un trotskisme opposé au « marxisme-léninisme ». A l'inverse, les partisans de Trotsky (Opposition de gauche) se dénommeront « bolchéviks-léninistes », accusant les staliniens de tourner le dos à tous les principes et méthodes que defendaient Lénine. Il est possible de trouver des nuances entre Trotsky et Lénine, mais il ne fait aucun doute que c'est la bureaucratie stalinienne qui s'est écarté toujours plus de la politque révolutionnaire des débuts du communisme. A sa fondation, la 4e internationale se réclame des 4 premiers congrès de l'Internationale communiste.

2 De l'Opposition de gauche à la Quatrième internationale

2.1 De la direction à l'opposition

Après sa création en 1919, l'Internationale communiste s'agrandit rapidement, profitant de la vague révolutionnaire qui suit la guerre de 1914-1918 et de l'aura qu'a la révolution d'Octobre sur les travailleurs du monde entier. L'Internationale cherche en premier lieu à assurer une rupture nette avec les courants réformistes et centristes, par exemple avec les 21 conditions.

Cependant autour de 1921, quand la crise politique se fait moins aigue au niveau mondial, la direction de l'Internationale met en avant des tactiques pour continuer à progresser numériquement : front unique, parlementarisme révolutionnaire... Cela provoque une rupture avec des courants (« gauches communistes ») qui considèrent ces tactiques comme une dérive opportuniste. Des communistes de conseils créent en 1922 l'Internationale communiste ouvrière (Celle-ci fut parfois appelée à cette époque « Quatrième internationale » mais elle est sans lien avec le trotskisme). C'est contre ces courants que Lénine écrira La maladie infantile, et Trotsky sera en plein accord avec lui pour les caractériser comme « gauchistes ».

En 1923, Trotsky forme avec d'autres cadres bolchéviks l'Opposition de gauche en URSS. A ce moment-là, l'échec de la révolution allemande tend à créer un climat de repli sur l'URSS, que Staline justifiera bientôt par la ligne du « socialisme dans un seul pays ». L'Opposition critique le manque de démocratie interne et le bureaucratisme croissant dans le parti et l'État. Elle avance également qu'une révision de la NEP et une accélération de l'industrialisation est urgent. Un bloc contre Trotski se forme entre Staline, Kamenev et Zinoviev, ce dernier dirigeant alors l'Internationale et la soumettant de plus en plus à Moscou (« bolchévisation »).

Mais l'appareil bureaucratique qui se reconnaît en Staline se renforce et devient de plus en plus conservateur. En 1925, Staline se retourne contre Zinoviev et Kamenev, qui s'allient avec Trotsky (Opposition unifiée). Mais quand il apparaît rapidement que le rapport de force est toujours en faveur de Staline, Zinoviev et Kamenev lâchent Trotsky, fin 1927. En janvier 1928, Trotsky, exclu du parti, est assigné à résidence à Alma-Ata (dans l'actuel Kazakhstan). En 1929, il est exilé à Prinkipo (Turquie), puis de 1933 à 1936 il erre en Europe où aucun gouvernement ne veut lui accorder de vrai visa, avant de pouvoir finalement s'établir au Mexique.

En avril 1929, Trotsky écrivait : «  De divers côtés, on cherche à nous attribuer le projet de créer une IVe Internationale : c'est une idée entièrement fausse. (...) Entre le marxisme et le social-patriotisme, il n'y a pas de place pour le stalinisme. Après avoir traversé une série d'épreuves et de crises, l'Internationale communiste se libérera du joug d'une bureaucratie sans principes idéologiques, capable seulement d'opérer tiraillements, zigzags, répression et de préparer la défaite. Nous n'avons aucune raison de construire une IVe Internationale. Nous continuons et développons la ligne de la IIIe Internationale, que nous avons préparée pendant la guerre et à la fondation de laquelle nous avons participé avec Lénine, après la Révolution d'octobre.  »[2]

Pendant plusieurs années, il continuera à échanger avec ses partisans en URSS et à l'étranger, prônant le redressement de l'Internationale. Il affirmait son optimisme et se défendait de vouloir construire une autre internationale. En juillet 1929 il entame la publication d'un Bulletin de l'opposition. En avril 1930 il met sur pied un secrétariat international provisoire de l'Opposition communiste.

En 1930, un nouveau regroupement oppositionnel se forme dans l'Internationale communiste, autour de Boukharine, Brandler, Maurín... Il sera qualifié par les staliniens « d'opposition de droite ». En 1931, des exclus forment avec des courants rompant sur la gauche avec les socialistes le Centre marxiste révolutionnaire international (« Bureau de Londres »).

2.2 De l'opposition à la rupture

Mais les conditions pour mener un débat d'opposition dans la Troisième Internationale sous domination stalinienne sont de plus en plus difficiles. Les opposants sont persécutés, et qualifiés du terme infamant de trotskistes même s'ils n'ont rien à voir avec Trotsky.

La ligne de l'Internationale est de plus en plus insensée du point de vue des intérêts de la révolution (zigzags entre gauchisme de la troisième période[3], opportunisme avec les fronts populaires...), et toujours plus soumise aux intérêts diplomatiques de l'Etat bureaucratique d'URSS. Finalement c'est après l'écrasement du mouvement ouvrier allemand par Hitler (1932), facilité par la politique catastrophique du PC allemand, que Trotsky se convainc que la Troisième internationale ne peut plus être redressée.

En octobre 1933, le Bulletin de l'opposition publie un appel signé du parti ouvrier socialiste allemand, du parti socialiste indépendant de Hollande, du parti socialiste révolutionnaire de Hollande, de l'opposition bolchevique russe, en faveur de la prochaine constitution d'une Quatrième Internationale, appel que Trotsky commente ainsi : « Il n'y a plus de parti bolchevik. La réforme du parti communiste russe est devenue une impossibilité... L'Etat ouvrier ne peut être sauvé que par le mouvement révolutionnaire mondial... L'Internationale communiste est morte pour la révolution. »

Et dans la préface qu'il écrira pour une réimpression de Terrorisme et Communisme, il précisera sa pensée : « Après la capitulation honteuse de l'Internationale communiste en Allemagne, les bolcheviks se sont écriés : "La Troisième Internationale est morte !.." Les deux Internationales, non seulement la Deuxième mais aussi la Troisième sont atteintes jusqu'à la moelle... Les grands événements (Chine, Angleterre, Allemagne, Autriche, Espagne) ont rendu leur verdict... Il s'agit non de "proclamer" d'une façon artificielle la Quatrième Internationale mais de la préparer systématiquement. »

La "proclamation" n'aura lieu que 5 ans plus tard. Trotsky a essayé un moment de faire du Bureau de Londres la base organique d'une future Quatrième Internationale, mais ses propositions ont été rejetées par les principaux partis. Des groupes favorables aux idées de Trotsky existent partout, en Europe, en Amérique, en Asie, dans l'Afrique du Sud, mais sont numériquement faibles. Beaucoup disent qu'il est trop tôt, qu'ils n'ont pas encore réussi à montrer aux travailleurs que l'Internationale communiste a perdu tout caractère internationaliste et prolétarien. A ceux-là, mais surtout aux détracteurs socialistes et staliniens, Trotsky répond :

« La Quatrième Internationale se hisse sur les épaules de ses trois devancières. Elle reçoit des coups, de front, de flanc et par-derrière. Les arrivistes, les poltrons et les philistins n'ont rien à faire dans ses rangs. Une portion inévitable au début, de sectaires et d'aventuriers s'en ira au fur et à mesure que le mouvement grandira. Laissons les pédants et les sceptiques hausser les épaules au sujet des " petites organisations " qui publient de " petits journaux " et lancent des défis au monde entier. Les révolutionnaires sérieux passent à côté d'eux avec mépris. La révolution d'octobre, elle aussi, a commencé à marcher dans des souliers d'enfant.»

2.3 Fondation de la Quatrième internationale

Cette Quatrième Internationale sera officiellement fondée le 3 septembre 1938, avec 25 délégués de 11 pays. dans une maison près de Paris prêtée par Alfred Rosmer. Elle adopte un document programmatique appelé Programme de transition.

Trotsky pensait que la nouvelle Internationale devait à terme se trouver à la tête de millions de travailleurs dans le monde, car la nouvelle guerre mondiale allait amener une crise sociale profonde dont le capitalisme ne pourrait pas sortir, en corrélation avec la désintégration du stalinisme en URSS. Mais au sortir de la Seconde Guerre mondiale, l'URSS sort renforcée idéologiquement, politiquement et économiquement, affermissant son pouvoir sur les principaux Partis communistes du monde et décuplant son influence. L'histoire de la Quatrième internationale est alors celle de petites organisations, de centaines ou parfois de quelques milliers de personnes.

3 La Quatrième internationale après Trotsky

La Quatrième Internationale a subi plusieurs scissions au cours de son histoire, la première en 1940 (en France exclusivement), et la principale en 1953 (au niveau international)[4]. Malgré une réunification en 1963, plusieurs regroupements internationaux se réclament de la Quatrième Internationale et de l'héritage trotskiste.

La scission en 1952 du Parti communiste internationaliste (PCI) a de nombreuses répercussions au niveau de la Quatrième Internationale dès 1953.

La tendance majoritaire du PCI, dirigée par Marcel Bleibtreu, Pierre Lambert[5] et Michel Lequenne refusant alors l'entrisme au sein des partis communistes affiliés au Kominform - dans le cadre d'un refus international exprimé par le Comité International de la Quatrième Internationale) (CIQI), qui comprend la tendance de James P. Cannon du "Socialist Workers Party" aux États-Unis et le groupe de Gerry Healy au Royaume-uni - est exclue de la Quatrième Internationale et se regroupe dans l'Organisation communiste internationaliste (OCI) en 1965.

En 1981, l'OCI reprend le nom de Parti Communiste Internationaliste lors de la fusion avec une tendance minoritaire de la LCR.

De 1984 à 1991 il constitue le Mouvement pour un parti des travailleurs (MPPT), qui crée en 1991 le Parti des travailleurs, le PCI s'intégrant alors au PT en tant que Courant communiste internationaliste (CCI).

Enfin, le PT se dissout en 2008 pour fonder le Parti ouvrier indépendant (POI). Le Courant communiste internationaliste (CCI) du POI est membre de la Quatrième Internationale (dite "lambertiste").

Cette tendance se présente comme la continuité de la défense du programme de transition considéré par eux comme la base fondatrice de la Quatrième Internationale en 1938. Elle ne revendique pas l'étiquette "lambertiste" que lui donnent ses adversaires.

Le Secrétariat Unifié de la Quatrième Internationale est le fruit de la réunification de 1963. Elle a eu - entre autres - comme dirigeants Joseph Hansen, Michel Pablo, Ernest Mandel et Pierre Frank. Dans les faits elle est la plus grande en termes de militants et de pays couverts par ses sections. La Ligue communiste révolutionnaire a été sa section française jusqu'à sa dissolution en 2009 dans le NPA.

Depuis les années 1990, la Quatrième Internationale - Secrétariat unifié poursuit ses combats historiques au cœur des nouvelles et anciennes formes de militantisme : auprès des insurgés du Chiapas, des grévistes du mouvement social de l'hiver 1995, du mouvement altermondialiste jusqu'à sa participation à la campagne s’opposant au traité établissant une Constitution pour l'Europe lors du référendum organisé en France en 2005.

En plus du Secrétariat Unifié et la Quatrième Internationale (dite "lambertiste"), et du Comité International de la Quatrième Internationale, il existe près d'une vingtaine d'organisations, de tailles très diverses, se réclamant de la Quatrième Internationale. Notamment :

Certaines tendances, comme celle à laquelle appartient Lutte ouvrière, estiment que la Quatrième Internationale n'existe plus de fait, et qu'il faut la reconstruire. Certains estiment qu'elle n'a jamais été construite, et qu'elle est donc simplement à construire. D'autres groupes appellent à la création d'une Cinquième Internationale.

3.1 La IVe Internationale - Secrétariat unifié

3.2 Quatrième Internationale dite « Lambertiste »

(qui a rompu avec le groupe lambertiste en 1971).

3.3 Ligue Internationale des Travailleurs - Quatrième Internationale (LIT-QI)

La Ligue Internationale des Travailleurs - Quatrième Internationale (LIT-QI) est principalement implantée en Amérique latine, son principal parti membre étant le Partido Socialista dos Trabalhadores Unificado (PSTU) au Brésil.

3.4 Fraction Trotskyste - Quatrième Internationale (FT-QI)

La Fraction Trotskyste - Quatrième Internationale est principalement implantée en Amérique latine, son principal parti membre étant le Partido de los Trabajadores Socialistas (PTS) en Argentine.

4 Notes et références

  1. Rapport de la première réunion légale du comité de Petrograd du parti bolchevique, le 1er novembre 1917, reproduit fac simile dans The Stalin School of Falsification, Léon Trotsky, Pathfinder Press, New York, 1971, pp. 103.104.
  2. Léon Trotsky, Préface à L'Internationale Communiste après Lenine, 15 avril 1929
  3. Trotsky, La troisième période d'erreurs de l'Internationale Communiste, 8 janvier 1930
  4. Encyclopædia Universalis‎, « TROTSKI LÉON ET TROTSKISME », sur Encyclopædia Universalis (consulté le 7 juin 2018)
  5. Encyclopædia Universalis‎, « PIERRE LAMBERT », sur Encyclopædia Universalis (consulté le 7 juin 2018)

5 Voir aussi

5.1 Bibliographie

  • Pierre Broué, «  Les trotskystes et le problème de la guerre [Bilan historiographique] », in Les Internationales et le problème de la guerre au XXe siècle. Actes du colloque de Rome (22-24 novembre 1984), Rome, Publications de l'École française de Rome, 1987, p. 51-64, [lire en ligne].
  • Livio Maitan, "Per una storia della Quarta Internazionale", Roma 2006, ed. Alegre.

5.2 Liens externes