Police et milice en 1917

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La police pendant la révolution russe de 1917 est profondément disloquée. Au coeur de la lutte des classes et de la dualité de pouvoir, l'enjeu de savoir qui dirige les « bandes d'hommes en armes » est crucial.

1 Février

Quand l'insurrection de Février 1917 éclate, la police tsariste était détestée. On surnommait les policiers les « pharaons ».

« Le mot d'ordre général est qu'il faut désarmer les pharaons. La police est l'ennemi farouche, inexorable, haï et haineux. Il ne peut être question de se la concilier. On assomme ses gens ou bien on les tue. »[1]

Les soldats, en majorité des paysans conscrits, refusent de tirer sur la foule et sympathisent avec les ouvriers de Petrograd. Ils se retournent même contre les policiers. Rapidement la police est complètement disloquée, et les commissariats de police saccagés. Avant que la révolution ne l'emporte définitivement, la police n'ose plus venir au contact mais « tire par les fenêtres, les balcons, de derrière des colonnes, du haut des greniers »[1].

Dans le premier gouvernement provisoire qui se met en place, le ministre de l'Intérieur, Karaoulov, promulgua le 1er mars un décret d'arrestation de tous les fonctionnaires de la police publique ou secrète et du corps des gendarmes.

« Ce terrible geste révolutionnaire avait un caractère tout platonique, étant donné que la police avait été mise en état d'arrestation avant toutes ordonnances et que la prison était pour elle le seul asile contre les représailles. Beaucoup plus tard, la réaction considéra l'acte démonstratif de Karaoulov comme le début de toutes les calamités. »[1]

Dans les usines et les quartiers ouvriers, des sections de garde rouge se mettent sur pied, à la fois pour assurer les tâches vacantes de lutte contre la criminalité ordinaire, et pour se protéger d'une éventuelle tentative contre-révolutionnaire. L'existence d'ouvriers en armes modifie immédiatement le rapport de force dans les usines, au détriment des patrons. Et réciproquement, le rapport de force à Petrograd permet aux ouvriers d'imposer la journée de 8 heures, qui leur laisse plus de temps pour se politiser... et participer à la garde rouge. Les volontaires étaient le plus souvent élus par leurs camarades ; quelquefois ils furent tirés au sort. Il y eut rapidement plus de miliciens volontaires qu’il n’y avait d’armes pour les équiper. Dans le quartier de Peterhof, par exemple, 4 000 miliciens disposaient de 200 fusils et 150 revolvers.

Le 6 mars, le Soviet de Saratov décida d'organiser « pour la défense du peuple et de l’ordre urbain une milice populaire recrutée dans les milieux ouvriers ». Le relevait de décision précise explicitement : « Les anciens fonctionnaires de la police qui étaient en service à Saratov et ailleurs, ne peuvent en aucun cas être acceptés dans les rangs de la milice. »[2]

Le compte-rendu de la création d'une milice à l'usine de câbles de Petrograd, le 1er mai, est le premier texte connu sur l’organisation d’une milice :

Un des membres du comité d’usine fait un rapport pour dire qu’il appartient maintenant au peuple lui-même d’assurer la garde et la sécurité des lieux, du pays. Dans le secteur de Gavan, il s’est formé un comité provisoire pour le maintien de l’ordre où entrent des marins du 2e équipage de la flotte ; ils ont été élus par leurs camarades. Ici doivent entrer des membres élus par les comités d’usine. Dans chaque usine il faut élire 100 hommes pour 1 000 ouvriers, ils y constitueront la milice populaire.
Le comité étudie cette question et décide de réunir l’assemblée générale, pour que s’inscrivent les volontaires. En outre, le comité décide de s’adresser : 1° aux ouvriers et employés, pour qu’ils fassent connaître les armes qu’ils ont afin de les mettre à la disposition du comité d’usine et de la milice populaire ; 2° au Soviet des députés ouvriers pour qu’il procure des armes à la milice ; 3° au comité du quartier, pour la même demande.
Le comité décide de s’adresser à l’administration de l’usine pour lui proposer de payer, au taux du salaire moyen, les ouvriers qui feront partie de la milice. Le comité décide d’assurer la garde des armes dans l’infirmerie. Provisoirement, sont élus au comité pour les liaisons avec le quartier, Jakovlev, Sergeev, Mutev.
Le comité décide de fixer à 18 ans l’âge à partir duquel on peut entrer dans la milice et octroie aux femmes le droit d’entrer dans la milice populaire.[2]

Parallèlement, sous l’égide de la Douma municipale, une milice urbaine s’était constituée : elle était composée d’éléments sociaux divers, mais les étudiants en formèrent l’ossature : pour eux, ce « service » tenait lieu d’appel aux armées. Ainsi, la réalité du double pouvoir s’exprimait jusque dans l’existence de ces deux milices ; l’une et l’autre exerçaient les fonctions et jouaient le rôle de l’ancienne police : la milice municipale dans le centre de la ville, les milices ouvrières dans les quartiers périphériques.

Dans les localités, il n'existait pas d'organes directs du pouvoir gouvernemental. La milice était gérée par les comtés de canton (volost) et les Doumas municipales. Les autorités y étaient encore moins fortes. De larges alliances d'organisations constituent des « Comités d'organisation » qui expulsent la police et autres fonctionnaires tsaristes, maintiennent l'ordre... En mars, 79 comités de ce type s'étaient formés au niveau provincial (goubernia), 651 au niveau des comtés (uezd) et plus de 9000 au niveau des volost.[3]

2 Double pouvoir et tentatives de normalisation

Par décret du 17 avril 1917, le gouvernement provisoire créé formellement une « milice » (militsiya).

Les socialistes conciliateurs (menchéviks et SR), qui dirigent les soviets, font tout pour inciter les ouvriers à rendre les armes et reconnaître la légitimité des institutions gouvernementales, dont la milice.

A Pétrograd, une minorité de milices ouvrières refusent leur intégration à la milice municipale. Le mouvement était d’inspiration bolchevik, mais, à la présidence du Soviet des milices ouvrières, les bolcheviks élirent un anarchiste, Neljubine.

Actives en juillet, ces milices furent victimes de la répression : elles disparurent peu à peu ; au moins en apparence, car leurs membres réapparurent sous le sigle de la Garde Rouge.

3 Octobre

Dans le quartier de Vyborg, forte concentration ouvrière, à la veille de l'insurrection la milice et la garde rouge ne font qu'un, et sont aux mains des bolchéviks.

Pendant l'insurrection, les quelques miliciens sont totalement impuissants.

Le 28 octobre 1917, le nouveau gouvernement soviétique créé la « milice des ouvriers et paysans ».

4 Notes