Mouvement étudiant

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Affiche de Mai 68

Les mouvements étudiants jouent souvent un rôle majeur en politique. Leur situation objective, du temps dédié à l'étude, potentiellement donc à la formation d'un certain esprit critique, en fonction des idées novatrices de la période, peut les prédisposer à participer à des mouvements de contestation, notamment au mouvement ouvrier socialiste.

L'alliance du mouvement étudiant et du mouvement ouvrier pose cependant des questions d'ordre stratégique. La situation sociale des étudiants est souvent proche de celles des intellectuels, bien que les étudiants connaissent en général davantage de précarité. Par ailleurs même si leur origine est bourgeoise ou petite-bourgeoise, leur jeunesse fait que la socialisation dans leur milieu d'origine n'est pas encore figée.

La situation sociale des étudiants dépend bien entendu de la période et du lieu. Pendant longtemps, l'origine sociale de l'immense majorité des étudiants était bourgeoise. Depuis la massification des universités vers le milieu du 20e siècle, dans les pays centraux du capitalisme, le milieu étudiant est beaucoup plus divers. Aujourd'hui en France, environ la moitié d'une classe d'âge poursuit des études supérieures.

Ernest Mandel s'est intéressé à la question et a écrit en 1979 un livre à ce sujet.[1]

1 Quelques mouvements d'étudiants dans le monde

  • Mouvement d'étudiants en Hongrie en 1956, qui marqua le début de l'Insurrection de Budapest.
  • Manifestations estudiantines au Portugal en 1962 en réaction à la répression des associations estudiantines surtout composées d'opposants au régime Estado Novo.
  • Début des manifestations d'étudiants, aux États-Unis d'Amérique, contre la guerre du Viêt Nam, à partir de 1963.
  • Mouvement de la « génération Zenkyōtō » (全共闘世代, Zenkyōtō-sedai), Zenkyōtō, signifiant littéralement « Combat tous ensemble », au Japon entre 1965 et 1972, du nom du principal, du plus actif et du plus radical des syndicats d'étudiants, la Réunion des luttes d'étudiants (全学共闘会議, Zen-gaku kyōtō kaigi) . Ils protestent tant contre la hausse des frais d'inscription, le système éducatif jugé élitiste, la signature de l'accord nippo-coréen du 18 décembre 1965 rétablissant des relations diplomatiques et une coopération avec la Corée du Sud autoritaire de Park Chung-hee ou la présence de soldats et de bases américaines sur le sol japonais.
  • Grève des étudiants aux États-Unis en 1970, en réaction à l'invasion du Cambodge et à la Fusillade de Kent State University
  • Manifestation des étudiants en Chine, place Tian'anmen, le 4 juin 1989, contre la corruption du pouvoir dictatorial.
  • Mouvement étudiant en Italie de décembre 1989 jusque mai 1990 (appelé "mouvement Panthère" une panthère s'étant échappée d'un zoo à Rome au même moment ) : 150 universités occupées contre la possible privatisation de l'université et contre "la concentration monopoliste de l’information"
  • Mouvements étudiants de l'automne 1994 en Belgique contre les fusions d'établissements.
  • Mouvement d'Otpor contre le régime de Slobodan Milošević en Serbie.
  • Mouvement d'étudiants en Iran en 1999, contre la fermeture du journal réformiste Salam.
  • Mouvement d'étudiants en Communauté française de Belgique à l'automne 2004 contre la surpopulation dans les Hautes écoles, puis pour le refinancement de l'enseignement.
  • Mouvement d'étudiants au Québec en 2004-2005, se concluant par la Grève étudiante québécoise de 2005, contre la conversion de bourses d'études en prêts d'études.
  • Mouvement d'étudiants en Italie à l'automne 2005 contre la privatisation des universités.
  • Mouvement d'étudiants en Grèce de mars à juin 2006, contre la privatisation des universités et un contrat précaire similaire au CPE, puis de septembre à décembre 2006.
  • Mouvement d'étudiants au Pérou en juin 2006, contre la démission d'un professeur du Lycée franco-péruvien.
  • Mouvement d'étudiants au Royaume-Uni, et en Italie fin 2010 en réaction aux coupures de budget et à l'augmentation des frais de scolarité.
  • Mouvement d'étudiants au Porto Rico de décembre 2010 à février 2011.
  • Mouvement d'étudiant chiliens de 2011 pour une fortification du rôle de l'État dans l'éducation.
  • Mouvement d'étudiants au Québec en 2011-2012, contre le dégel des frais de scolarité. Face à l'indifférence du gouvernement s'ensuit la Grève d'étudiants québécoise de 2012.
  • Mouvement d'étudiants en Médecine au Maroc durant l’automne 2015, contre le texte de loi portant sur le service civil obligatoire.

2 Les marxistes russes et les étudiants

A propos de la lutte contre le tsarisme dans le début des années 1900, Trotski raconte : « C'étaient encore les étudiants qui préludaient à la lutte. Pris d'impatience, ils recoururent à des actes de terrorisme ».[2]

En 1899, un mouvement étudiant orageux éclata. Diverses organisations étudiantes furent formées et des conflits devinrent de plus en plus fréquents

En février 1899, les brutalités policières contre les étudiants de Saint-Pétersbourg provoquèrent une grève générale des universités dans tout le pays. Près de 5 000 étudiants y participèrent. Quelques mois plus tard, une manifestation étudiante de petite taille, causée par la déportation de certains collègues qui avaient pris la parole dans une réunion étudiante, défila à Kiev. A la suite de cette manifestation, 183 étudiants furent arrêtés et incorporés dans l’armée. A Saint-Pétersbourg, la procédure fut la même, 30 étudiants étant envoyés au service militaire comme punition.[3]

Le corps des étudiants dans son ensemble connut une agitation intense. Des réunions étaient tenues dans toutes les universités, et des tracts appelant à une protestation unifiée étaient distribués. Le 4 mars, lorsqu’un défilé d’étudiants dans les rues de Kharkov fut chargé par la police, une masse d’ouvriers se joignit aux étudiants, et toute la journée il y eut des affrontements avec la police dans les rues ; des chants révolutionnaires résonnaient et les slogans anti-gouvernementaux se faisaient entendre plus fortement. Quelques jours plus tard, des centaines d’étudiants moscovites ayant été arrêtés et emprisonnés à Marstall, d’immenses groupes d’ouvriers et de petits bourgeois se rassemblèrent devant le bâtiment, exprimant leur sympathie avec les étudiants.[4]

« Il fut un temps (de 1900 à 1905 surtout) où « étudiant » était synonyme de « révolutionnaire ». »[5]

L’échelle de l’action signifiait que la crise sociale allait en s’approfondissant, mais les masses laborieuses étaient encore lentes à se mouvoir. L’année 1900 se passa d’une façon relativement pacifique pour la classe ouvrière. Mais il y eut une grève générale à Kharkov le 1er mai, provoquée par l’agitation intensive des comités social-démocrates locaux. Dans cette grève, des revendications politiques furent avancées, ce qui, en un sens, fit de cette grève un tournant dans le développement du mouvement ouvrier russe.

Après cela, le mouvement grandit rapidement. A partir de 1901, des ouvriers de Kharkov, Moscou, Tomsk et d’autres grandes villes se mirent aussi à participer à des manifestations étudiantes, leur donnant un caractère plus combatif, plus volontaire. Des affrontements sanglants avec la police et les soldats devinrent de plus en plus communs. Le 1er mai 1901, une tentative de réprimer la grève de l’usine de munitions Oboukhov, dans le district de Vyborg de Saint-Pétersbourg, se transforma en siège militaire de l’usine, à la suite duquel 800 ouvriers furent arrêtés (beaucoup d’entre eux furent condamnés à des peines de travaux forcés par un tribunal militaire).

Durant l’hiver de 1901-1902, une grève générale mobilisa plus de 30.000 étudiants. Le 19 février 1901, jour du 40e anniversaire de l’émancipation des serfs, une manifestation de masse organisée par des étudiants fut rejointe par un grand nombre d’ouvriers.[6]

Au cours des années 1901-1903, les ouvriers, par leurs grèves de masse, devinrent les principaux opposants politiques actifs au tsarisme.

Les étudiants et les intellectuels en général restaient cependant prépondérants dans les cadres social-démocrates. Ainsi à Saint-Pétersbourg en janvier 1905 , « les 15 agitateurs et les 10 propagandistes que comptaient les bolcheviks étaient "exclusivement des étudiants" ».[7]

En 1907, un groupe de jeunes bolcheviks, que dirigent les étudiants Boukharine et Sokolnikov, convoque un congrès pan-russe des étudiants social-démocrates.

A l’automne de 1910, des manifestations étudiantes se déroulèrent en liaison avec la mort de l’ancien président libéral de la 1ère Douma, Mouromtsev, et celle de Tolstoï. Elles étaient aussi une réaction aux brutalités infligées aux prisonniers politiques dans la prison de Zérentoui[8]. Des meetings furent tenus dans les universités, des résolutions de protestation votées, et on tenta d’organiser des manifestations. Une grève générale étudiante fut déclenchée au début de 1911 en protestation contre les mesures répressives prises par le gouvernement, et se répandit dans toute la Russie. Lénine salua le réveil des étudiants avec enthousiasme. Il critiqua clairement la lettre d’un groupe d’étudiants social-démocrates qui tentaient de minimiser l’importance du mouvement parce qu’il n’était pas lié à une action de masse des ouvriers. La lettre des étudiants disait : « Nous estimons qu’un mouvement étudiant n’est concevable que s’il est coordonnée à une action politique d’ensemble. C’est pourquoi nous nous opposons à cette action académique. » [9] Lénine commenta vivement :

Cette façon de raisonner est fondamentalement erronée. Avec cette argumentation, en effet, le mot d’ordre révolutionnaire selon lequel il faut s’efforcer de coordonner l’action politique des étudiants avec celle du prolétariat, etc., cesse d’être un guide vivant pour une agitation de plus en plus large, de plus en plus générale, de plus en plus combative, et se transforme en dogme mort appliqué mécaniquement aux différentes étapes des différentes formes du mouvement. Il ne suffit pas de proclamer qu’une action politique coordonnée est nécessaire et de répéter le « dernier mot » des leçons de la révolution. Il faut savoir faire de la propagande en faveur de l’action politique et utiliser pour cela toutes les possibilités, toutes les conditions, et, en premier lieu, plus que tout, tous les conflits de masse qui opposent tels ou tels éléments d’avant-garde à l’autocratie…

Il se peut que, dans certaines conditions, un mouvement académique provoque une baisse du niveau du mouvement politique, le morcelle ou empiète sur lui. Dans ce cas, les groupes d’étudiants social-démocrates doivent naturellement diriger toute leur propagande contre un tel mouvement. Mais, à l’heure actuelle, tout le monde peut voir que les conditions politiques sont différentes : aujourd’hui, le mouvement académique marque le début du mouvement d’une nouvelle « génération » d’étudiants qui s’est déjà plus ou moins habituée à une certaine autonomie, si étroite fût-elle ; d’autre part, ce mouvement a lieu à un moment où il n’existe aucune autre forme de lutte des masses, dans une période d’accalmie

En revanche, de 1917 à 1920, le gros des étudiants fut opposé à la Révolution d'Octobre.[5]

3 Notes

  1. Ernest Mandel, Les étudiants, les intellectuels et la lutte des classes, 1979
  2. Léon Trotski, Ma vie, 1930
  3. Tony Cliff, Lénine : 1893-1914. Construire le parti, 1975
  4. J. Martov, Geschichte der russischen Sozialdemokratie, Berlin 1926, pp. 49-50.
  5. 5,0 et 5,1 Grigori Zinoviev, Histoire du Parti Bolchevik, 31 mars 1924
  6. Lénine, Le rôle des ordres et des classes dans le mouvement de libération, 1913
  7. D. Lane, The Roots of Russian Communism, Assen 1969
  8. https://encyclopedia2.thefreedictionary.com/Zerentui+Prison
  9. Lénine, Le mouvement étudiant et la situation politique actuelle, 3 (16) octobre 1908