Marxisme

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Le marxisme est le système des idées et de la doctrine de Karl Marx et de ceux qui ont continué à utiliser sa méthode.

Marx a continué et parachevé les trois principaux courants d'idées du XIXe siècle, la philosophie classique allemande, l'économie politique classique anglaise et le socialisme français. La logique et l'unité remarquables de ses idées sont des qualités reconnues même par ses adversaires, et aujourd'hui timidement et partiellement réhabilités par ceux qui se disent marxiens.

Le marxisme est la base du socialisme scientifique, qui est pour beaucoup de révolutionnaires l'acquis le plus précieux pour l'émancipation de l'humanité.

1 Les fondements

Le marxisme utilise comme fondements le matérialisme et la dialectique, réunis dans une même théorie de l'évolution qu'est le matérialisme dialectique.

1.1 Le matérialisme

Le marxisme part du principe matérialiste : le monde est matériel, et l'on doit chercher à expliquer la réalité à partir de la matière. 

1.2 La dialectique

La dialectique est en philosophie une manière de raisonner et d'interpréter le monde qui part des contradictions apparentes et cherche à les dépasser, c'est-à-dire à faire émerger de nouvelles thèses dans lesquelles les contradictions sont résolues.

2 Les acquis

2.1 La conception matérialiste de l'histoire

Se rendant compte que l'ancien matérialisme était inconséquent, incomplet et unilatéral, Marx conclut qu'il fallait « mettre lascience de la société... en accord avec la base matérialiste, et la reconstruire en s'appuyant sur elle ». Si, d'une manièregénérale, le matérialisme explique la conscience par l'être et non l'inverse, cette doctrine, appliquée à la société humaine,exigeait qu'on expliquât la conscience sociale par l'être social. « La technologie, dit Marx, met à nu le mode d'action de l'hommevis-à-vis de la nature, le procès de production de sa vie matérielle, et, par conséquent, l'origine des rapports sociaux et desidées ou conceptions intellectuelles qui en découlent » (Le Capital, livre I). On trouve une formulation complète des thèsesfondamentales du matérialisme appliqué à la société humaine et à son histoire dans la préface de Marx à son ouvrageContribution à la critique de l'économie politique, où il s'exprime comme suit : « ... dans la production sociale de leur existence,les hommes entrent en des rapports déterminés, nécessaires, indépendants de leur volonté, rapports de production quicorrespondent à un degré de développement déterminé de leurs forces productives matérielles. L'ensemble de ces rapports deproduction constitue là structure économique de la société, la, base concrète sur laquelle s'élève une superstructure juridique etpolitique et à laquelle correspondent des formes de conscience sociale déterminées. Le mode de production de la vie matérielleconditionne le processus de vie sociale, politique et intellectuelle en général. Ce n'est pas la conscience des hommes quidétermine leur être ; c'est inversement leur être social qui détermine leur conscience. A un certain stade de leur développement,les forces productives matérielles de la société entrent en contradiction avec les rapports de production existants, ou, ce quin'en est que l'expression juridique, avec les rapports de propriété au sein desquels elles s'étaient mues jusqu'alors. De formesde développement des forces productives qu'ils étaient, ces rapports en deviennent des entraves. Alors s'ouvre une époque derévolution sociale. Le changement dans la base économique bouleverse plus ou moins rapidement toute l'énormesuperstructure. Lorsqu'on considère de tels bouleversements, il faut toujours distinguer entre le bouleversement matériel - qu'onpeut constater d'une manière scientifiquement rigoureuse - des conditions de production économiques et les formes juridiques,politiques, religieuses, artistiques ou philosophiques, bref, les formes idéologiques sous lesquelles les hommes prennentconscience de ce conflit et le mènent jusqu'au bout. Pas plus qu'on ne juge un individu sur l'idée qu'il se fait de lui-même, on nesaurait juger une telle époque de bouleversement sur sa conscience de soi ; il faut, au contraire, expliquer cette conscience parles contradictions de la vie matérielle, par le conflit qui existe entre les forces productives sociales et les rapports deproduction... A grands traits, les modes de production asiatique, antique, féodal et bourgeois moderne peuvent être qualifiésd'époques progressives de la formation sociale économique". » (Voir la brève formule que Marx donne dans sa lettre à Engelsen date du 7 juillet 1866 : « Notre théorie de la détermination de l'organisation du travail par les moyens de production. ») Ladécouverte de la conception matérialiste de l'histoire, ou, plus exactement, l'application conséquente et l'extension dumatérialisme au domaine des phénomènes sociaux, a éliminé les deux défauts essentiels des théories historiques antérieures.En premier lieu, ces dernières ne considéraient, dans le meilleur des cas, que les mobiles idéologiques de l'activité historiquedes hommes, sans rechercher l'origine.de ces mobiles, sans saisir les lois objectives qui président au développement dusystème des rapports sociaux et sans discerner les racines de ces rapports dans le degré de développement de la productionmatérielle. En second lieu, les théories antérieures négligeaient précisément l'action des masses de la population, tandis que lematérialisme historique permet d'étudier, pour la première fois et avec la précision des sciences naturelles, les conditionssociales de là vie des masses et les modifications de ces conditions. La « sociologie » et l'historiographie d'avant Marxaccumulaient dans le meilleur des cas des faits bruts, recueillis au petit bonheur, et n'exposaient que certains aspects duprocessus historique. Le marxisme a frayé le chemin à l'étude globale et universelle du processus de la naissance, dudéveloppement et du déclin des formations économiques et sociales en examinantl'ensemble des tendances contradictoires, enles ramenant aux conditions d'existence et de production, nettement précisées, des diverses classes de la société, en écartantle subjectivisme et l'arbitraire dans le choix des idées « directrices » ou dans leur interprétation, en découvrant l'origine detoutes les idées et des différentes tendances, sans exception, dans l'état des forces productives matérielles. Les hommes sontles artisans de leur propre histoire, mais par quoi les mobiles des hommes, et plus précisément des masses humaines, sont-ilsdéterminés ? Quelle est la cause des conflits entre les idées et les aspirations contradictoires ? Quelle est la résultante de tousces conflits de l'ensemble des sociétés humaines ? Quelles sont les conditions objectives de la production de la vie matériellesur lesquelles est basée toute l'activité historique des hommes ? Quelle est la loi qui préside à l'évolution de ces conditions ?Marx a porté son attention sur tous ces problèmes et a tracé la voie à l'étude scientifique de l'histoire conçue comme unprocessus unique, régi par des lois, quelles qu'en soient la prodigieuse variété et toutes les contradictions.

2.2 La lutte des classes

Chacun sait que, dans toute société, les aspirations de certains de ses membres se heurtent à celles des autres, que la viesociale est pleine de contradictions, que l'histoire nous révèle la lutte entre les peuples et les sociétés, ainsi que dans leurpropre sein, et qu'elle nous montre, en outre, une succession de périodes de révolution et de réaction, de paix et de guerre, destagnation et de progrès rapide ou de décadence. Le marxisme a donné le fil conducteur qui, dans ce labyrinthe et ce chaosapparent, permet de découvrir l'existence de lois : la théorie de la lutte des classes. Seule l'étude de l'ensemble des aspirationsde tous les membres d'une société ou d'un groupe de sociétés permet de définir avec une précision scientifique le résultat deces aspirations. Or, les aspirations contradictoires naissent de la différence de situation et de conditions de vie des classes enlesquelles se décompose toute société. « L'histoire de toute société jusqu'à nos jours, écrit Marx dans le Manifeste du Particommuniste [excepté l'histoire de la communauté primitive, ajoutera plus tard Engels], n'a été que l'histoire de luttes de classes.Homme libre et esclave, patricien et plébéien, baron et serf, maître de jurande et compagnon, en un mot oppresseurs etopprimés, en opposition constante, ont mené une guerre ininterrompue, tantôt ouverte, tantôt dissimulée, une guerre quifinissait toujours soit par une transformation révolutionnaire de la société tout entière, soit par la destruction des deux classesen lutte... La société bourgeoise moderne, élevée sur les ruines de la société féodale, n'a pas aboli les antagonismes declasses. Elle n'a fait que substituer de nouvelles classes, de nouvelles conditions d'oppression, de nouvelles formes de lutte àcelles d'autrefois. Cependant, le caractère distinctif de notre époque, de l'époque de la bourgeoisie, est d'avoir simplifié lesantagonismes de classes. La société se divise de plus en plus en deux vastes camps ennemis, en deux grandes classesdiamétralement opposées : la bourgeoisie et le prolétariat. » Depuis la grande Révolution française, l'histoire de l'Europe a,dans nombre de pays, révélé avec une évidence particulière cette cause réelle des événements : la lutte des classes. Déjà, àl'époque de la Restauration, on vit apparaître en France un certain nombre d'historiens (Thierry, Guizot, Mignet, Thiers) qui,dans leur synthèse des événements, ne purent s'empêcher de reconnaître que la lutte des classes était la clé permettant decomprendre toute l'histoire de France. Quant à l'époque moderne, celle de la victoire complète de la bourgeoisie, desinstitutions représentatives, du suffrage élargi (sinon universel), de la presse quotidienne à bon marché qui pénètre dans lesmasses, etc., l'époque des associations puissantes et de plus en plus vastes, celles des ouvriers et celles des patrons, etc., ellea montré avec plus d'évidence encore (bien que parfois sous une forme très unilatérale, « pacifique », « constitutionnelle ») quela lutte des classes est le moteur des événements. Le passage suivant du Manifeste du Parti communiste de Marx montre quecelui-ci exigeait de la science sociale l'analyse objective de la situation de chaque classe au sein de la société moderne, enconnexion avec les conditions de développement de chacune d'elles : « De toutes les classes qui, à l'heure présente,s'opposent à la bourgeoisie, le prolétariat seul est une classe vraiment révolutionnaire. Les autres classes périclitent etpérissent avec la grande industrie ; le prolétariat, au contraire, en est le produit le plus authentique. Les classes moyennes,petits fabricants, détaillants, artisans, paysans, tous combattent la bourgeoisie parce qu'elle est une menace pour leur existenceen tant que classes moyennes. Elles ne sont donc pas révolutionnaires, mais conservatrices ; bien plus, elles sontréactionnaires : elles cherchent à faire tourner à l'envers la roue de l'histoire. Si elles sont révolutionnaires, c'est enconsidération de leur passage imminent au prolétariat : elles défendent alors leurs intérêts futurs et non leurs intérêts actuels ;elles abandonnent leur propre point de vue pour se placer à celui du prolétariat. » Dans nombre d'ouvrages historiques (voirBibliographie), Marx donna des exemples brillants et profonds d'histoire matérialiste, d'analyse de la condition de chaque classeparticulière et parfois des divers groupes ou couches au sein d'une classe, montrant jusqu'à l'évidence pourquoi et comment« toute lutte de classes est une lutte politique ». Le texte que nous venons de citer montre clairement la complexité du réseaudes rapports sociaux et des transitions d'une classe à l'autre, du passé à l'avenir, que Marx analyse afin de déterminerexactement la résultante du développement historique. La théorie de Marx trouve sa confirmation et son application la plusprofonde, la plus complète et la plus détaillée dans sa doctrine économique.

2.3 La valeur

La marchandise est, en premier lieu, une chose qui satisfait un besoin quelconque de l'homme ; en second lieu, c'est une choseque l'on échange contre une autre. L'utilité d'une chose en fait une valeur d'usage. La valeur d'échange (ou valeur tout court)est, tout d'abord, le rapport, la proportion, dans l'échange d'un certain nombre de valeurs d'usage d'une espèce contre uncertain nombre de valeurs d'usage d'une autre espèce. L'expérience quotidienne nous montre que des millions et des milliardsde tels échanges établissent sans cesse des rapports d'équivalence entre les valeurs d'usage les plusdiverses et les plusdissemblables. Qu'y a-t-il donc de commun entre ces choses différentes, continuellement ramenées les unes aux autres dansun système déterminé de rapports sociaux ? Ce qu'elles ont de commun, c'est d'être des produits du travail. En échangeant desproduits, les hommes établissent des rapports d'équivalence entre les genres de travail les plus différents. La production desmarchandises est un système de rapports sociaux dans lequel les divers producteurs créent des produits variés (divisionsociale du travail) et les rendent équivalents au moment de l'échange. Par conséquent, ce qui est commun à toutes lesmarchandises, ce n'est pas le travail concret d'une branche de production déterminée, ce n'est pas un travail d'un genreparticulier, mais le travail humain abstrait, le travail humain en général. Dans la société étudiée, toute la force de travailreprésentée par la somme des valeurs de toutes les marchandises est une seule et même force de travail humain : desmilliards d'échanges le démontrent. Chaque marchandise prise à part n'est donc représentée que par une certaine portion detemps de travail socialement nécessaire. La grandeur de la valeur est déterminée par la quantité de travail socialementnécessaire ou par le temps de travail socialement nécessaire à la production d'une marchandise donnée, d'une valeur d'usagedonnée. « ... en réputant égaux dans l'échange leurs produits différents, ils [les producteurs] établissent par le fait que leursdifférents travaux sont égaux. Ils le font sans le savoir. » La valeur est un rapport entre deux personnes, a dit un vieiléconomiste ; il aurait dû simplement ajouter : un rapport caché sous l'enveloppe des choses. C'est seulement en considérant lesystème des rapports sociaux de production d'une formation historique déterminée de la société, rapports apparaissant dans lephénomène de masse de l'échange répété des milliards de fois, que l'on peut comprendre ce qu'est la valeur. « En tant quevaleurs, toutes les marchandises ne sont que du travail humain cristallisé. » Après une analyse approfondie du doublecaractère du travail incorporé dans les marchandises, Marx passe à l'examen de la forme de la valeur et de l'argent. Ce faisant,la principale tâche qu'il s'assigne est de rechercher l'origine de la forme monétaire de la valeur, d'étudier le processus historiquedu développement de l'échange, en commençant par les actes d'échange particuliers et fortuits (« forme simple, particulière ouaccidentelle de la valeur » : une quantité déterminée d'une marchandise est échangée contre une quantité déterminée d'uneautre marchandise) pour passer à la forme générale de la valeur, lorsque plusieurs marchandises différentes sont échangéescontre une seule et même marchandise, en terminant par la forme monétaire de la valeur, où l'or apparaît comme cettemarchandise déterminée, comme l'équivalent général. Produit suprême du développement de l'échange et de la productionmarchande, l'argent estompe, dissimule le caractère social du travail individuel, le lien social entre les divers producteurs reliésles uns aux autres par le marché. Marx soumet à une analyse extrêmement détaillée les diverses fonctions de l'argent, et ilimporte de souligner qu'ici aussi (comme dans les premiers chapitres du Capital) la forme abstraite de l'exposé, qui paraîtparfois purement déductive, reproduit en réalité une documentation extrêmement riche sur l'histoire du développement del'échange et de la production marchande. « Si nous considérons l'argent, nous constatons qu'il suppose un certaindéveloppement de l'échange des marchandises. Les formes particulières de l'argent : simple équivalent de marchandises,moyen de circulation, moyen de payement, trésor ou monnaie universelle, indiquent, suivant l'étendue variable et laprépondérance relative de l'une ou de l'autre de ces fonctions, des degrés très divers de la production sociale » (Le Capital,livre I).

2.4 La plus-value

A un certain degré du développement de la production des marchandises, l'argent se transforme en capital. La formule de lacirculation des marchandises était : M (marchandise) ó A (argent) ó M (marchandise), c'est-à-dire vente d'une marchandisepour l'achat d'une autre. La formule générale du capital est par contre A-M-A, c'est-à-dire l'achat pour la vente (avec un profit).C'est cet accroissement de la valeur primitive de l'argent mis en circulation que Marx appelle plus-value. Cet « accroissement »de l'argent dans la circulation capitaliste est un fait connu de tous. C'est précisément cet « accroissement » qui transformel'argent en capital, en tant que rapport social de production particulier, historiquement déterminé. La plus-value ne peut provenirde la circulation des marchandises, car celle-ci ne connaît que l'échange d'équivalents ; elle ne peut provenir non plus d'unemajoration des prix, étant donné que les pertes et les profits réciproques des acheteurs et des vendeurs s'équilibreraient ; or, ils'agit d'un phénomène social, moyen, généralisé, et non point d'un phénomène individuel. Pour obtenir de la plus-value, « ilfaudrait que le possesseur d'argent pût découvrir... sur le marché même, une marchandise dont la valeur d'usage possédât lavertu particulière d'être source de valeur échangeable », une marchandise dont le processus de consommation fût en mêmetemps un processus de création de valeur. Or, cette marchandise existe : c'est la force de travail humaine. Sa consommation,c'est le travail, et le travail crée la valeur. Le possesseur d'argent achète la force de travail à sa valeur, déterminée, comme cellede toute autre marchandise, par le temps de travail socialement nécessaire à sa production (c'est-à-dire par le coût del'entretien de l'ouvrier et de sa famille). Ayant acheté la force de travail, le possesseur d'argent est en droit de la consommer,c'est-à-dire de l'obliger à travailler toute la journée, disons, 12 heures. Or, en 6 heures (temps de travail « nécessaire »),l'ouvrier crée un produit qui couvre les frais de son entretien, et, pendant les 6 autres heures (temps de travail« supplémentaire »), il crée un produit « supplémentaire », non rétribué par le capitaliste, et qui est la plus-value. Parconséquent, du point de vue du processus de la production, il faut distinguer deux parties dans le capital : le capital constant,dépensé pour les moyens de production (machines, instruments de travail, matières premières, etc.), dont la valeur passe tellequelle (d'un seul coup ou par tranches) dans le produit fini, et le capital variable, employé à payer la force de travail. La valeurde ce capital, ne reste pas immuable ; elle s'accroît dans le processus du travail, en créant de la plus-value. Aussi, pourexprimer le degré d'exploitation de la force de travail par le capital, faut-il comparer la plus-value non pas au capital total, maisuniquement au capital variable. Le taux de la plus-value, nom donné par Marx à ce rapport, sera, dans notre exemple, de 6/6 oude 100%. L'apparition du capital implique des conditions historiques préalables : 1) l'accumulation d'une certaine sommed'argent entre les mains de particuliers, à un stade de la production marchande déjà relativement élevé ; 2) l'existenced'ouvriers « libres » à deux points de vue : libres de toute contrainte et de toute restriction quant à la vente de leur force detravail, et libres parce que sans terre et sans moyens de production en général, d'ouvriers sans maîtres, d'ouvriers-« prolétaires » qui ne peuvent subsister qu'en vendant leur force de travail. L'accroissement de la plus-value est possible grâceà deux procédés essentiels la prolongation de la journée de travail (« plus-value absolue ») et la réduction du temps de travailnécessaire (« plus-value relative »). Examinant le premier procédé, Marx brosse un tableau grandiose de la lutte de la classeouvrière pour la réduction de la journée de travail et de l'intervention du pouvoir d'Etat pour la prolonger (XIVe-XVIIe siècles) oupour la diminuer (législation de fabrique au XIXe siècle). Depuis la publication du Capital, l'histoire du mouvement ouvrier danstous les pays civilisés a fourni des milliers et des milliers de faits nouveaux illustrant ce tableau. Dans son analyse de laproduction de la plus-value relative, Marx étudie les trois grands stades historiques de l'accroissement de la productivité dutravail par le capitalisme : 1) la coopération simple ; 2) la division du travail et la manufacture et 3) les machines et la grandeindustrie. L'analyse profonde de Marx révèle les traits fondamentaux et typiques du développement du capitalisme ; c'est ceque confirme, entre autres, l'étude de l'industrie dite « artisanale » en Russie, laquelle fournit une documentation trèsabondante illustrant les deux premiers de ces trois stades. Quant à l'action révolutionnaire de la grande industrie mécaniquedécrite par Marx en 1867, elle s'est manifestée, au cours du demi-siècle écoulé depuis cette date, dans plusieurs pays« neufs » (Russie, japon, etc.). Ensuite, ce qui est nouveau et extrêmement important chez Marx, c'est l'analyse del'accumulation du capital, c'est à-dire de la transformation d'une partie de la plus-value en capital et de son emploi non poursatisfaire les besoins personnels ou les caprices du capitaliste, mais à nouveau pour la production. Marx a montré l'erreur detoute l'économie politique classique antérieure (depuis Adam Smith), d'après laquelle toute la plus-value transformée en capitalva au capital variable. En réalité, elle se décompose en moyens de production plus capital variable. L'accroissement plus rapidede la part du capital constant (au sein du capital total) par rapport à celle du capital variable est d'une importance considérabledans le processus du développement du capitalisme et de sa transformation en socialisme. En accélérant l'éviction des ouvrierspar la machine et en créant à un pôle la richesse et à l'autre la misère, l'accumulation du capital donne aussi naissance à ceque l'on appelle l'« armée ouvrière de réserve », l'« excédent relatif » d'ouvriers ou la « surpopulation capitaliste », qui revêt desformes extrêmement variées et permet au capital de développer très rapidement la production. Cette possibilité, combinée avecle crédit et l'accumulation du capital en moyens de production, nous donne, entre autres, l'explication des crises desurproduction, qui surviennent périodiquement dans les pays capitalistes, environ tous les dix ans d'abord, puis à des intervallesmoins rapprochés et moins fixes. Il faut distinguer entre l'accumulation du capital sur la base du capitalisme et l'accumulationdite primitive : séparation par la violence du travailleur d'avec les moyens de production, expulsion des paysans de leurs terres,vol des terres communales, système colonial, dettes publiques, tarifs protectionnistes, etc. L'« accumulation primitive » crée, àun pôle, le prolétaire « libre », à l'autre, le détenteur de l'argent, le capitaliste. La « tendance historique de l'accumulationcapitaliste » est caractérisée par Marx dans ce texte célèbre : « L'expropriation des producteurs immédiats s'exécute avec levandalisme le plus impitoyable, et sous la poussée des passions les plus infâmes, les plus sordides, les plus mesquines et lesplus haineuses. La propriété privée, acquise par le travail personnel [du paysan et de l'artisan], et fondée, pour ainsi dire, sur lafusion du travailleur isolé et autonome avec ses conditions de travail, est supplantée par la propriété privée capitaliste quirepose sur l'exploitation du travail d'autrui qui n'est libre que formellement... Ce qui est maintenant à exproprier, ce n'est plus letravailleur indépendant, mais le capitaliste qui exploiteun grand nombre d'ouvriers. Cette expropriation s'accomplit par le jeu deslois immanentes de la production capitaliste elle-même, par la concentration des capitaux. Chaque capitaliste élimine nombred'autres capitalistes. Corrélativement à cette centralisation, ou à cette expropriation, du grand nombre des capitalistes par unepoignée d'entre eux se développent la forme coopérative, sur une échelle toujours plus grande, du procès de travail,l'application consciente de la science à la technique, l'exploitation méthodique de la terre, la transformation des instrumentsparticuliers de travail en instruments de travail utilisables seulement en commun, l'économie de tous les moyens de productionutilisés comme moyens de production d'un travail social combiné, l'entrée de tous les peuples dans le réseau du marchémondial, d'où le caractère international imprimé au régime capitaliste. A mesure que diminue le nombre des potentats du capitalqui usurpent et monopolisent tous les avantages de ce procès de transformation, s'accroissent la misère, l'oppression,l'esclavage, la dégradation, l'exploitation, mais aussi la résistance de la classe ouvrière. . . de plus en plus disciplinée, unie etorganisée par le mécanisme même du procès de production capitaliste. Le monopole du capital devient une entrave pour lemode de production qui a grandi et prospéré avec lui et sous ses auspices. La centralisation des moyens de production et lasocialisation du travail arrivent à un point où elles ne peuvent plus tenir dans leur enveloppe capitaliste. Cette enveloppe sebrise en éclats. L'heure de la propriété privée capitaliste a sonné. Les expropriateurs sont à leur tour expropriés » (Le Capital,livre I). Ensuite, ce qui est extrêmement important et nouveau, c'est l'analyse faite par Marx, dans le livre II du Capital, de lareproduction de l'ensemble du capital social. Ici encore, il envisage non un phénomène individuel, mais un phénomène général,non une fraction de l'économie sociale, mais la totalité de cette dernière. En rectifiant l'erreur des économistes classiquesmentionnée plus haut, Marx divise toute la production sociale en deux grandes sections : I) la production des moyens deproduction et II) la production des biens de consommation ; après quoi, opérant sur des chiffres, il étudie minutieusement lacirculation de l'ensemble du capital social, tant dans la reproduction qui existait dans ses anciennes dimensions que dans le casde l'accumulation. Dans le livre III du Capital se trouve résolu, d'après la loi de la valeur, le problème du taux moyen du profit.L'oeuvre de Marx constitue un progrès considérable dans la science économique du fait que son analyse part des phénomèneséconomiques de masse, de l'ensemble de l'économie sociale et non pas de cas isolés ou de l'aspect extérieur superficiel de laconcurrence, auxquels se bornent souvent l'économie politique vulgaire ou la moderne « théorie de l'utilité marginale ». Marxexamine tout d'abord l'origine de la plus-value, et n'envisage qu'ensuite sa décomposition en profit, intérêt et rente foncière. Leprofit est le rapport de la plus-value à l'ensemble du capital engagé dans une entreprise. Le capital à « composition organiqueélevée » (c'est-à-dire où le capital constant dépasse le capital variable dans une proportion supérieure à la moyenne sociale)donne un taux de profit inférieur à la moyenne. Le capital à « composition organique basse » donne un taux de profit supérieurà la moyenne. La concurrence entre les capitaux et leur libre passage d'une branche à l'autre ramènent, dans les deux cas, letaux de profit au taux moyen. La somme des valeurs de toutes les marchandises dans une société donnée coïncide avec lasomme des prix des marchandises, mais, dans chaque entreprise et dans chaque branche de production prise à part, laconcurrence fait que les marchandises sont vendues non à leur valeur, mais au prix de production, lequel est égal au capitaldépensé augmenté du profit moyen. Ainsi, l'écart entre le prix et la valeur et l'égalisation du profit, faits incontestables et connusde chacun, sont parfaitement expliqués par Marx grâce à la loi de la valeur, car la somme des valeurs de toutes lesmarchandises est égale à la somme de leurs prix. Toutefois, la réduction de la valeur (sociale) aux prix (individuels) ne s'opèrepas de façon simple et directe, mais d'une manière fort complexe ; il est tout naturel que, dans une société de producteursdispersés de marchandises, qui ne sont reliés entre eux que par le marché, les lois ne puissent s'exprimer que sous une formemoyenne, sociale, générale, par la compensation réciproque des écarts individuels de part et d'autre de cette moyenne.L'augmentation de la productivité du travail implique un accroissement plus rapide du capital constant par rapport au capitalvariable. Or, la plus-value étant fonction du seul Capital variable, on conçoit que le taux du profit (le rapport de la plus-value àl'ensemble du capital, et pas seulement à sa partie variable) ait tendance à baisser. Marx analyse minutieusement cettetendance, ainsi que les circonstances qui la masquent ou la contrarient. Passons sur les chapitres extrêmement intéressants dulivre III consacrés au capital usuraire, au capital commercial et au capital-argent, et abordons l'essentiel : la théorie de la rentefoncière. La surface du sol étant limitée, et, dans les pays capitalistes, entièrement occupée par des propriétaires, le prix deproduction des produits agricoles est déterminé d'après les frais de production sur un terrain non de qualité moyenne, mais dela qualité la plus mauvaise, et d'après les conditions de transport au marché non pas moyennes, mais les plus défavorables. Ladifférence entre ce prix et le prix de production sur un terrain de qualité supérieure (ou dans de meilleures conditions) donne larente différentielle. Par l'analyse détaillée de cette rente, en démontrant qu'elle provient de la différence de fertilité des terrainset de la différence des fonds investis dans l'agriculture, Marx mit à nu (voir également les Théories de la plus-value, où lacritique de Rodbertus mérite une attention particulière) l'erreur de Ricardo prétendant que la rente différentielle ne s'obtient quepar la conversion graduelle des meilleurs terrains en terrains de qualité inférieure. Au contraire, des changements inverses seproduisent également, les terrains d'une certaine catégorie se transforment en terrains d'une autre catégorie (en raison duprogrès de la technique agricoles de la croissance des villes, etc.), et la fameuse « loi de la fertilité décroissante du sol » estune profonde erreur qui tend à mettre sur le compte de la nature les défauts, les limitations et les contradictions du capitalisme.Ensuite, l'égalisation du profit dans toutes les branches de l'industrie et de l'économie nationale en général suppose une libertécomplète de concurrence, le libre transfert du capital d'une branche à une autre. Mais la propriété privée du sol crée unmonopole et un obstacle à ce libre transfert. En vertu de ce monopole, les produits de l'agriculture, qui se distingue par unecomposition organique inférieure du capital et, de ce fait, par un taux de profit individuel plus élevé, n'entrent pas dans le librejeu d'égalisation du taux du profit ; le propriétaire peut user de son monopole foncier pour maintenir le prix au-dessus de lamoyenne, et ce prix de monopole engendre la rente absolue. La rente différentielle ne peut être abolie en régime capitaliste ;par contre, la rente absolue peut l'être, par exemple avec la nationalisation du sol, lorsque celui-ci devient propriété d'Etat. Cepassage du sol à l'Etat saperait le monopole des propriétaires privés et ouvrirait la voie à une liberté de concurrence plusconséquente et plus complète dans l'agriculture. Voilà pourquoi, dit Marx, les bourgeois radicaux ont, plus d'une fois dansl'histoire, formulé cette revendication bourgeoise progressive de la nationalisation du sol, qui effraie néanmoins la majorité de labourgeoisie, car elle « touche » de trop près à un autre monopole, lequel, de nos jours, est particulièrement important et« sensible » : le monopole des moyens de production en général. (Cette théorie du profit moyen rapporté par le capital et de larente foncière absolue a été exposée par Marx en un langage remarquablement populaire, concis et clair dans sa lettre àEngels en date du 2 août 1862. Voir Correspondance, tome III, pp. 77-81. Voir aussi sa lettre du 9 août 1862, ibidem, pp. 86-87.) Il importe également de signaler, à propos de l'histoire de la rente foncière, l'analyse de Marx montrant la transformation dela rente-travail (lorsque le paysan crée un surproduit en travaillant la terre du seigneur) en rente-produit ou rente-nature (lorsquele paysan crée sur sa propre terre un surproduit qu'il remet au propriétaire en vertu d'une « contrainte extraéconomique »), puisen rente-argent (cette même rente-nature se transformant en argent ó dans l'ancienne Russie, l'« obrok » ó par suite dudéveloppement de la production marchande), et enfin en rente capitaliste, lorsque, à la place du paysan, intervient dansl'agriculture l'entrepreneur, qui fait cultiver sa terre en utilisant le travail salarié. A l'occasion de cette analyse de la « genèse dela rente foncière capitaliste », signalons quelques pensées profondes de Marx (particulièrement importantes pour les paysarriérés tels que la Russie) sur l'évolution du capitalisme dans l'agriculture. Avec la transformation de la rente en nature enrente-argent, il se constitue nécessairement en même temps, et même antérieurement, une classe dejournaliers nonpossédants et travaillant contre salaire. Pendant que cette classe se constitue et qu'elle ne se manifeste encore qu'à l'étatsporadique, les paysans aisés, astreints à une redevance, prennent tout naturellement l'habitude d'exploiter à leur proprecompte des salariés agricoles, tout comme, sous le régime féodal, les paysans serfs ayant du bien disposaient eux-mêmesd'autres serfs. D'où, pour ces paysans aisés, la possibilité d'amasser peu à peu une certaine fortune et de se transformer enfuturs capitalistes. Parmi les anciens exploitants, possesseurs du sol, il se crée ainsi une pépinière de fermiers capitalistes, dontle développement est conditionné par le développement général de la production capitaliste hors de l'agriculture » (Le Capital,livre III, p. 332)... (L'expropriation et l'expulsion d'une partie de la population rurale non seulement rendent disponibles, pour lecapital industriel, les ouvriers et leurs moyens de subsistance et de travail, mais encore créent le marché intérieur » (Le Capital,livre Ier, p. 778). La paupérisation et la ruine de la population des campagnes jouent un rôle, à leur tour, dans la création d'unearmée ouvrière de réserve à la disposition du capital. Dans tout pays capitaliste, « une partie de la population des campagnesse trouve donc toujours sur le point de se convertir en population urbaine ou manufacturière (c'est-à-dire non agricole)... Cettesource de la surpopulation relative ne tarit donc jamais... l'ouvrier agricole touche un salaire réduit au minimum et a toujours unpied dans la fange du paupérisme » (Le Capital, livre Ier, p. 668). La propriété privée du paysan sur la terre qu'il cultiveconstitue la base de la petite production, la condition de sa prospérité et de son accession à une forme classique. Mais cettepetite production n'est compatible qu'avec le cadre primitif étroit de la production et de la société. En régime capitaliste,« l'exploitation des paysans ne se distingue que par la forme de l'exploitation du prolétariat industriel. L'exploiteur est le même :le capital. Les capitalistes pris isolément exploitent les paysans pris isolément par les hypothèques et l'usure. La classecapitaliste exploite la classe paysanne par, l'impôt d'Etat » (Les Luttes de classes en France). « La parcelle du paysan n'estplus que le prétexte qui permet au capitaliste de tirer de la terre profit, intérêt et rente et de laisser au paysan lui-même le soinde voir comment il réussira à se procurer son salaire » (Le 18-Brumaire). Ordinairement, le paysan livre à la société capitaliste,c'est-à-dire à la classe des capitalistes, même une partie de son salaire et tombe ainsi « au degré du tenancier irlandais ; et toutcela sous le prétexte d'être propriétaire privé » (Les Luttes de classes en France). Quelle est 1'« une des raisons qui font que leprix des céréales, dans les pays où prédomine la propriété parcellaire, est plus bas que dans les pays à productioncapitaliste ? » (Le Capital, livre III, p. 340). C'est que le paysan livre gratuitement à la société (c'est-à-dire à la classe descapitalistes) une partie du surproduit. « Ce prix moins élevé [des céréales et des autres produits agricoles] résulte parconséquent de la pauvreté des producteurs et nullement de la productivité de leur travail » (Ibidem). En régime capitaliste, lapetite propriété agraire, forme normale de la petite production, se dégrade, s'étiole et périt. « La propriété parcellaire exclut depar sa nature même le développement des forces productives sociales du travail, l'établissement de formes sociales de travail,la concentration sociale des capitaux, l'élevage à grande échelle, l'application progressive de la science à la culture. L'usure etles impôts la ruinent partout fatalement. Le débours de capital pour l'achat de la terre fait qu'il ne peut être investi dans laculture. Les moyens de production sont éparpillés à l'infini, le producteur lui-même se trouve isolé. [Les coopératives, c'est-àdireles associations de petits paysans, qui jouent un rôle progressif bourgeois des plus considérables, ne peuvent qu'affaiblircette tendance, mais non la supprimer ; il ne faut pas oublier non plus que ces coopératives donnent beaucoup aux paysansaisés, et très peu ou presque rien à la masse des paysans pauvres, et qu'ensuite ces associations finissent par exploiter ellesmêmesle travail salarié.] Le gaspillage de force humaine est immense. La détérioration progressive des conditions deproduction et le renchérissement des moyens de production sont une loi inéluctable de la propriété parcellaire. » Dansl'agriculture comme dans l'industrie, la transformation capitaliste de la production semble n'être que le « martyrologe desproducteurs ». « La dissémination des travailleurs agricoles sur de plus grandes surfaces brise leur force de résistance, tandisque la concentration augmente celle des ouvriers urbains. Dans l'agriculture moderne, capitaliste, comme dans l'industriemoderne, l'accroissement de productivité et le rendement supérieur du travail s'achètent au prix de la destruction et dutarissement de la force de travail. En outre, chaque progrès de l'agriculture capitaliste est un progrès non seulement dans l'artde dépouiller le travailleur, mais encore dans l'art de dépouiller le sol... La production capitaliste ne développe donc la techniqueet la combinaison du procès de production sociale qu'en épuisant simultanément les deux sources d'où jaillit toute richesse : laterre et le travailleur » (Le Capital, livre I, fin du 13e chapitre).

2.5 Le socialisme

On voit par ce qui précède que si Marx conclut à la transformation inévitable de la société capitaliste en société socialiste, c'estentièrement et exclusivement à partir des lois économiques du mouvement de la société moderne. La socialisation du travail quiprogresse toujours plus rapidement sous mille formes diverses et qui, pendant le demi-siècle écoulé depuis la mort de Marx,s'est surtout manifestée par l'extension de la grande production, des cartels, des syndicats et des trusts capitalistes, ainsi quepar l'accroissement immense des proportions et de la puissance du capital financier ; et c'est là que réside la principale basematérielle de l'avènement inéluctable du socialisme. Le moteur intellectuel et moral, l'agent physique de cette transformation,c'est le prolétariat éduqué par le capitalisme lui-même. La lutte du prolétariat contre la bourgeoisie, revêtant des formesdiverses et de plus en plus riches de contenu, devient inévitablement une lutte politique tendant à la conquête du pouvoirpolitique (« dictature du prolétariat »). La socialisation de la production ne peut manquer d'aboutit à la transformation desmoyens de production en propriété sociale, à « l'expropriation des expropriateurs ». L'augmentation énorme de la productivitédu travail, la réduction de la journée de travail, la substitution du travail collectif perfectionné aux vestiges, aux ruines de lapetite production primitive et disséminée, telles sont les conséquences directes de cette transformation. Le capitalisme romptdéfinitivement la liaison de l'agriculture avec l'industrie, mais il prépare en même temps, par son développement à un niveausupérieur, des éléments nouveaux de cette liaison : l'union de l'industrie avec l'agriculture sur la base d'une applicationconsciente de la science, d'une coordination du travail collectif, d'une nouvelle répartition de la population (mettant un terme àl'isolement de la campagne, à son état d'abandon et d'inculture, de même qu'à l'agglomération contre nature d'une populationénorme dans les grandes villes). Les formes supérieures du capitalisme moderne préparent une nouvelle forme de la famille, denouvelles conditions quant à la situation de la femme et à l'éducation des nouvelles générations ; le travail des femmes et desenfants et la dissolution de la famille patriarcale par le capitalisme prennent inévitablement, dans la société moderne, les formesles plus terribles, les plus désastreuses et les plus répugnantes. Toutefois, « la grande industrie, par le rôle décisif qu'elleassigne aux femmes, aux adolescents et aux enfants des deux sexes, dans les procès de production socialement organisés endehors de la sphère familiale, crée une nouvelle base économique sur laquelle s'élèvera une forme supérieure de la famille etdes relations entre les deux sexes. Il est naturellement aussi absurde de considérer comme absolue tant la forme germanochrétiennede la famille que les anciennes formes romaine, grecque, orientale, qui constituent, d'ailleurs, une série dedéveloppements historiques successifs. Il est également évident que la composition du personnel ouvrier, regroupant desindividus de tout âge des deux sexes, constitue, dans sa forme capitaliste primitive et brutale pour laquelle l'ouvrier n'existe quepour le procès du travail et non pas ce dernier pour l'ouvrier, une source pestilentielle de corruption et d'esclavage qui doitinversement se transformer, dans des conditions adéquates, en une source de développement humain » (Le Capital, livre I, findu 13e chapitre). Le système de fabrique nous montre « le germe de l'éducation de l'avenir, éducation où le travail productifs'unira, pour tous les enfants au-dessus d'un certain âge, à l'instruction et à la gymnastique, et cela non seulement commeméthode destinée à accroître la production sociale, mais comme la seule et unique méthode pour produire des hommescomplets » (Ibidem). C'est sur la même base historique que le socialisme de Marx pose les problèmes de la nationalité et del'Etat, non seulement pour expliquer le passé, mais aussi pour prévoir hardiment l'avenir et entreprendre une action audacieuseen vue de sa réalisation. Les nations sont un produit et une forme inévitables de l'époque bourgeoise de l'évolution dessociétés. La classe ouvrière n'aurait pu se fortifier, s'aguerrir, se former, sans « s'organiser dans le cadre de la nation », sansêtre « nationale » (« quoique nullement au sens bourgeois du mot »). Mais le développement du capitalisme brise sans cesseles barrières nationales, détruit l'isolement national, substitue les antagonismes de classes aux antagonismes nationaux. C'estpourquoi, dans les pays capitalistes développés, il est parfaitement vrai que « les ouvriers n'ont pas de patrie » et que, tout aumoins dans les pays civilisés, leur « action commune » « est une des premières conditions de l'émancipation du prolétariat »(Manifeste du Parti communiste)". L'Etat, cette violence organisée, a surgi inévitablement à un certain degré d'évolution de lasociété lorsque celle-ci, divisée en classes inconciliables, n'aurait pu subsister sans un « pouvoir » placé prétendument audessusde la société et séparé d'elle jusqu'à un certain point. Né des antagonismes de classes, l'Etat devient « l'Etat de laclasse la plus puissante, de celle qui domine au point de vue économique et qui, grâce à lui, devient aussi classe politiquementdominante et acquiert ainsi de nouveaux moyens pour mater et exploiter la classe opprimée. C'est ainsi que l'Etat antique étaitavant tout l'Etat des propriétaires d'esclaves pour mater les esclaves, comme l'Etat féodal fut l'organe de la noblesse pour materles paysans serfs et corvéables, et comme l'Etat représentatif moderne est l'instrument de l'exploitation du travail salarié par lecapital » (F. Engels : L'Origine de la famille, de la propriété privée et de l'Etat, où il expose ses vues et celles de Marx). La formemême la plus libre et la plus progressive de l'Etat bourgeois, la république démocratique, n'élimine nullement ce fait, mais enmodifie seulement l'aspect (liaison du gouvernement avec la Bourse, corruption directe et indirecte des fonctionnaires et de lapresse, etc.). Le socialisme, en menant à la suppression des classes, conduit par là même à la suppression de l'Etat. « Lepremier acte dans lequel l'Etat apparaît réellement comme représentant de toute la société, ó la prise de possession desmoyens de production au nom de la société, ó est en même temps son dernier acte propre en tant qu'Etat. D'un domaine àl'autre, l'intervention d'un pouvoir d'Etat dans les rapports sociaux devient superflue et entre alors naturellement en sommeil. Legouvernement des personnes fait place à l'administration des choses et à la direction des opérations de production. L'Etat n'estpas , il s'éteint » (F. Engels : Anti-Dühring). « La société, qui réorganisera la production sur la base d'une association libre etégalitaire des producteurs reléguera toute la machine de l'Etat là où sera dorénavant sa place : au musée des antiquités, à côtédu rouet et de la hache de bronze » (F.Engels : L'Origine de la famille, de la propriété privée et de l'Etat). Enfin, en ce quiconcerne la position du socialisme de Marx à l'égard de la petite paysannerie, qui existera encore à l'époque où lesexpropriateurs seront expropriés, il importe de mentionner cette déclaration d'Engels, qui exprime la pensée de Marx :« ...lorsque nous serons au pouvoir, nous ne pourrons songer à exproprier par la force les petits paysans (que ce soit avec ousans indemnité), comme nous serons obligés de le faire pour les grands propriétaires fonciers. Notre devoir envers le petitpaysan est, en premier lieu, de faire passer sa propriété et son exploitation individuelles à l'exploitation coopérative, non en l'ycontraignant, mais en l'y amenant par des exemples et en mettant à sa disposition le concours de la société. Et ici les moyensne nous manquent pas pour faire entrevoir au petit paysan des avantages qui lui sauteront aux yeux dès aujourd'hui » (F.Engels : La Question paysanne en France et en Allemagne, édit. Alexéïéva, p. 17. La traduction russe contient des erreurs. Voirl'original dans la Neue Zeit).

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