Louis-Auguste Blanqui

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Portrait d'Auguste Blanqui peint par son épouse Amélie-Suzanne Serre, vers 1835

Louis-Auguste Blanqui (1805-1881) était un révolutionnaire républicain et socialiste français.

Il fut surnommé « l'Enfermé » en raison des nombreuses années passées en prison.

1 Biographie

Louis-Auguste Blanqui est né en 1805 dans les Alpes (à Puget-Théniers), où son père, ancien conventionnel girondin pendant la Révolution, était sous-préfet.

Sous la Restauration, il rejoint à Paris son frère Adolphe, le futur économiste libéral, dont il suivra un chemin radicalement différent.

Blanqui devient un jeune étudiant rebelle à l’affût de toutes les polémiques politiques. Il collabore au Courrier français et travaille comme précepteur. Il est de toutes les manifestations. Sténographe au Globe, il observe avec une méfiance croissante les « hommes du juste milieu » qui vont tirer profit des journées révolutionnaires de juillet 1830, auxquelles il a participé.


Désormais il se consacre entièrement à l’organisation des républicains. Il anime le Comité des Ecoles. Il adhère à la Société des Amis du Peuple et il connaît déjà la prison à plusieurs reprises. Il a été frappé du rôle des ouvriers parisiens en juillet 1830 et il subit l’influence de Raspail et de Buonarroti. Il est devenu socialiste. « Nous ne désirons une réforme politique que comme acheminement à une réforme sociale. »

Mais il reproche aux socialistes dont il apprend les idées de ne pas être très précis sur les moyens de transformer la société capitaliste en société communautaire.

Un peu comme Babeuf, mais plusieurs décennies plus tard, Blanqui décide de se lancer dans l’action révolutionnaire. Il est l’homme du refus de la conciliation entre capitalistes et travailleurs, entre « le parasite et sa victime ». Contrairement à un Proudhon, il ne croit pas à une république de petits propriétaires et vise l'abolition progressive de toute propriété privée, dans une république communiste.

Blanqui a été fortement influencé par la pratique du carbonarisme et autres sociétés secrètes. Ce qui le conduit à une conception insurrectionnaliste de la marche au communisme, le but étant de prendre le pouvoir à Paris afin de mettre en place un pouvoir révolutionnaire. Il a animé successivement la Société des Familles et la Société des Saisons qui a mis au point l’insurrection du 12 mai 1839. Cette « prise d’armes » est déjà spécifiquement « blanquiste » : organisation disciplinée de petits groupes armés, mesures rigoureuses de secret, préparation minutieuse de l’émeute (tout est prévu : ambulances, emplacement des barricades, liste des armuriers dont les boutiques serviront d’arsenal, etc.), subordination de l’impératif politique à l’impératif militaire. Sans doute convient-il de tenir compte de certaines conditions. Par exemple, au printemps 1839, la situation semble favorable. Le chômage se développe en raison de la crise économique. La crise ministérielle ouverte le 8 mars par la démission de Molé révèle à la fois l’impuissance de la Chambre, le jeu des clientèles parlementaires et l’aspiration au pouvoir personnel de Louis-Philippe.

Mais la conception blanquiste de la « prise d’armes » conduit à l’impasse. L’insurrection ne peut réussir que si le peuple suit mais, en raison du secret nécessaire au succès de ce type d’entreprise, ce peuple ne peut être ni informé, ni consulté. Ainsi, ce 12 mai 1839, le peuple assiste à la tentative d’insurrection sans comprendre de quoi il s’agit. Les chefs du mouvement étaient isolés des ouvriers parisiens. Même les participants ne savaient pas dans quel but on les avait convoqués.

Ces tentatives pour préparer secrètement des insurrections sont régulièrement des échecs et conduisent régulièrement Blanqui en prison. Il y passera plus de 30 ans de sa vie, par intervalles entre deux complots, et même 43 ans si l‘on compte les années passées en résidence surveillée.

Malheureusement, ce militant respecté dans le milieu ouvrier était la plupart du temps séparé de la classe ouvrière, même quand il n’était pas en prison, puisqu’il militait dans des groupes très secrets et minoritaires ; et lorsque la population travailleuse se révolta et prit le pouvoir à Paris en mars 1871 lors de la Commune, Blanqui se trouvait enfermé alors qu’il aurait pu être à la tête de cette révolution.

2 Pensée de Blanqui

2.1 La lutte des classes

Comme théoricien, Blanqui ne fait pas preuve d’originalité et doit beaucoup aux socialistes contemporains. La société apparaît divisée en deux classes : « les classes aisées ou opulentes » qui détiennent le pouvoir politique et « les masses pauvres et ignorantes ». L’origine de cette division est dans l’appropriation individuelle du sol par une minorité. Cette appropriation a été obtenue « par ruse ou par violence » et s’est étendue « par déduction logique, du sol à d’autres instruments, produits accumulés du travail, désignés par le nom générique de capitaux ». Or les capitaux, de même que la terre ne pouvant fructifier que par la main-d’œuvre, « la majorité qui est exclue de leur possession se trouve condamnée aux travaux forcés, au profit de la minorité possédante ».

Il reprend des formules saint-simoniennes : « Les instruments ni les fruits du travail n’appartiennent pas aux travailleurs, mais aux oisifs. Les branches gourmandes absorbent la sève de l’arbre, au détriment des rameaux fertiles. Les frelons dévorent le miel créé par les abeilles. »

« Il y a une guerre à mort entre les classes qui composent la nation. Cette vérité étant bien reconnue, le parti vraiment national, celui auquel les patriotes doivent se rallier, c’est le parti des masses. »

Blanqui a une définition très large du prolétaire. C’est, dit-il, face au tribunal en 1832 « l’état de trente millions de Français qui vivent de leur travail et sont privés de leurs droits politiques ». Il y a donc chez lui assimilation entre « peuple » et « prolétaire ». D’autre part, Blanqui tend (tout au moins dans ses premières affirmations) à considérer le prolétaire comme exploité avant tout par la fiscalité. Puis, allant plus avant, il dénonce la spoliation du prolétaire par le salaire.

2.2 Contre la propriété privée

Il est partisan de la « terre mise en commun, de l’association substituée à la propriété individuelle ». C’est un républicain communiste et, pour lui, la république doit accoucher d’une Réforme sociale complète.

La lutte pour l’égalité contre le privilège est une constante du mouvement de l’histoire. « L’égalité est notre foi ; nous marchons avec ardeur et confiance sous sa bannière sainte. »

La solution, c’est « la terre commune », « l’association substituée à la propriété individuelle ». L’égalité, en effet, ne peut être obtenue par le partage de la propriété, car « la richesse provenant de la possession des instruments du travail plutôt que du travail lui-même, le génie de l’exploitation resté debout sauraient bientôt, par la reconstruction des grandes fortunes, restaurer l’inégalité sociale ». « Le règne de la justice par l’égalité » ne peut être fondé que par« l’association substituée à la propriété individuelle ».

2.3 Contre l'utopisme

Blanqui tenait à se démarquer du socialisme utopique du début du 19e siècle en disant : « le communisme de l’avenir n’est pas une utopie. Il est le développement normal de tout un processus historique et n’a aucune parenté avec les trois ou quatre systèmes sortis, tout équipés, de cervelles fantaisistes ».

Blanqui n'était pas totalement idéaliste et ne pensait pas que la révolution ne s'appuyait sur rien. Il disait par exemple que la révolution était comme l'éclosion d'une chrysalide après une phase de croissance. Mais sur la nature des contradictions du capitalisme et les types d'organisation ouvrières nécessaires, sa réflexion reste floue.

2.4 Plutôt la grève que les coopératives

Il ne croyait pas à la constitution de sociétés coopératives sur le mode proudhonien, mais à « la grève, qui est, malgré ses inconvénients le moyen naturel à la portée de tous, auquel tous participent, la seule arme vraiment populaire dans la lutte contre le capital ».

2.5 Pour la révolution

Blanqui pensait qu’un gouvernement révolutionnaire devrait commencer par placer sous le contrôle de l’État les grandes entreprises industrielles et commerciales, et organiser des associations industrielles et agricoles, développer une éducation populaire laïque luttant contre les préjugés religieux. Ainsi on pourrait parvenir avec le temps au communisme par la disparition progressive de l’État.

2.6 Avant-gardisme et substitutisme

Par rapport à un socialiste gradualiste comme Proudhon, on peut dire que Blanqui était un révolutionnaire. Mais son rejet du gradualisme le conduit à négliger la nécessité d'une organisation de masse pour exercer réellement le pouvoir (sans substitutisme). Il négligeait le potentiel de la classe ouvrière. Blanqui considérait que l'important était le travail de petits groupes clandestins de révolutionnaires pour préparer une insurrection et prendre le pouvoir central, exercer une dictature temporaire, et rendre le pouvoir au peuple.

Blanqui le théorisait : le peuple ayant été maintenu par ses exploiteurs dans un état d’ignorance il est nécessaire que quelques hommes assurent la direction du mouvement. Ces hommes sont plus instruits, entièrement dévoués à la cause de l’insurrection. Ce seront souvent des intellectuels qui ont rompu avec leur classe d’origine. Pour les mêmes raisons une dictature sera nécessaire. Le formulaire d’initiation à la Société des Saisons contient une affirmation caractéristique. « L’état social étant gangrené, pour passer à un état sain, il faut des remèdes héroïques ; le peuple aura besoin pendant quelque temps d’un pouvoir révolutionnaire pour le mettre à même d’exercer ses droits. » Ce pouvoir sera confié à un triumvirat à qui mission sera donnée d’abroger les lois existantes, d’organiser les services publics, de nommer les juges et d’élever le peuple à l’esprit communautaire.

« Blanqui est essentiellement un révolutionnaire politique ; il n'est socialiste que de sentiment, par sympathie pour les souffrances du peuple, mais il n'a pas de théorie socialiste ni de projets pratiques de transformation sociale. Dans son activité politique il fut avant tout un "homme d'action" qui croyait qu'une petite minorité bien organisée pourrait, en essayant au bon moment d'effectuer un coup de main révolutionnaire, entraîner à sa suite, par quelques premiers succès la masse du peuple et réaliser ainsi une révolution victorieuse. (...) De l'idée blanquiste que toute révolution est l'œuvre d'une petite minorité dérive automatiquement la nécessité d'une dictature après le succès de l'insurrection, d'une dictature que n'exerce naturellement pas toute la classe révolutionnaire, le prolétariat, mais le petit nombre de ceux qui ont effectué le coup de main et qui, à leur tour, sont soumis d'avance à la dictature d'une ou de plusieurs personnes. L'on voit que Blanqui est un révolutionnaire de la génération précédente ».[1]

Par ailleurs, Blanqui était révolutionnaire à une époque où l'on pouvait facilement réaliser des insurrections par des barricades dans les rues étroites des capitales. A la fin du 19e siècle, les rues principales des villes modernes rendent pratiquement impossible ce type d'insurrection à l'ancienne, comme Engels le soulignait en 1895.[2]

Ce que Trotski résume : « En principe, l'erreur du blanquisme consistait à identifier la révolution avec l'insurrection. L'erreur technique du blanquisme consistait à identifier l'insurrection avec la barricade. ».[3]

3 Les blanquistes

Des blanquistes étaient présents dans la Première internationale jusqu'à sa dislocation. Lors de la conférence de Londres de septembre 1871, ils font front avec Marx sur la participation aux élections, contre Bakounine. Ils quittent l’Internationale au congrès de La Haye (septembre 1872) avec le sentiment d’avoir été utilisés. Les blanquistes souhaitaient que l’Internationale constitue une avant-garde pour le prolétariat révolutionnaire et qu’en son sein, le Conseil général soit une sorte d’état-major.

4 Utilisation de l'accusation de blanquisme

Par le suite le terme de blanquisme a surtout servi à critiquer les organisations révolutionnaires qui prétendraient agir indépendamment de la masse des travailleurs. C'est par exemple un des reproches que fait Rosa Luxemburg à Lénine et aux bolchéviks.

Lorsque Lénine cherche à convaincre de la ligne « tout le pouvoir aux soviets » en avril 1917, beaucoup l'interprêtent comme une volonté de passer immédiatement à une révolution ouvrière, alors que les ouvriers sont encore très minoritaires et que la conception social-démocrate (y compris des bolchéviks) table sur une révolution bourgeoise. Lénine doit alors se défendre de l'accusation de blanquisme.[4]

Anton Pannekoek a aussi critiqué en 1920 l'orientation de Radek et de l'Internationale communiste comme du néo-blanquisme.[5]

5 Notes et sources

  1. Friedrich Engels, Le programme des émigrés blanquistes de la Commune, 1873
  2. Préface d'Engels de 1895 au livre de Marx, Les Luttes de classes en France (1850)
  3. Trotski, Histoire de la révolution russe, 1930
  4. Lénine, Lettres sur la tactique, Écrit entre le 8 et le 13 (21 et 26) avril 1917
  5. Anton Pannekoek, The New Blanquism, 1920