Louis Kugelmann

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Louis Kugelmann (né le 19 février 1828 à Lemförde et mort le 9 janvier 1902 à Hanovre) était un gynécologue et socialiste allemand.

Proche de Karl Marx avec qui il entretint une longue correspondance, il fut membre de l'Association internationale des travailleurs puis du SPD.

1 Biographie

Probablement né dans une famille riche, il finit par devenir marchand.

Pendant la révolution de 1848, il participe au mouvement démocratique en tant que membre du Club Populaire Radical de Düsseldorf. Après la révolution il résida un temps en France et en Suisse. De retour en Allemagne, il quitte le commerce et se consacre à ses études de médecine à Goettingen.

Il découvre alors les œuvres de Marx, qui vont faire sur lui une impression profonde, parce qu'elles épousent parfaitement ses convictions matérialistes sur les sciences de la nature et sa foi dans la victoire finale du socialisme.

En 1862, il écrit une lettre à Freiligrath dans laquelle il s'intéresse à l'état d'avancement des écrits économiques que Marx avait en projet, en lui demandant de l'encourager à les poursuivre. Freiligrath transmet la lettre à Marx, qui répond à Kugelmann en décembre de la même année. C'est le début d'une abondante correspondance qui ne sera interrompue qu'en 1874.

Les encouragements de Kugelmann ont sans doute stimulé Marx dans ses travaux théoriques, même s'ils l'ont parfois aussi agacé : « Kugelmann m'agace quelquefois [...] par son enthousiasme. »[1]

Bien qu'il ait adhéré à l'Association internationale des travailleurs puis au Parti social-démocrate allemand, il n'a pas eu un rôle très actif dans le travail organisationnel du mouvement ouvrier. Il fut en relation avec des personnalités du socialisme comme Kautsky, à qui il confia la tâche de publier sa correspondance avec Marx après sa mort.

Son amitié avec Marx commence vraiment lorsqu'il l'héberge à Hanovre, du 17 avril à la mi‑mai 1867, pour qu'il puisse travailler à la correction de ses brouillons de la première édition du Capital.

Un deuxième séjour que Marx fait chez les Kugelmann en septembre 1869, cette fois en compagnie de sa fille aînée Jenny, rend les liens d'amitié plus étroits. Marx tutoie désormais Kugelmann qu'il appelle « cher Wenceslas » ou « cher empereur Wenceslas », tandis que Mme Kugelmann devient « Madame la Comtesse » en raison de ses allures élégantes et leur fille Franziska, « la petite chouette » ou « Petite Madame ». On se fait mutuellement des cadeaux et par exemple, Kugelmann envoie à son ami un buste de Zeus, qu'il avait dans son salon, et qui, disait‑on, n'était pas sans ressemblance avec Marx. Franziska Kugelmann publia ses souvenirs sur cette époque, mais ceux-ci ne sont sans doute pas fiable : elle avait huit ou neuf ans et écrit plus d'un demi-siècle après.[2]

Marx apprécie aussi les informations que Kugelmann peut lui fournir sur l'Allemagne, car du fait de ses longues années d'exil, il lui est plus difficile de saisir les évolutions de son pays d'origine (unification nationale par Bismarck, développement du courant lassallien...). Peu à peu Kugelmann devient pour Marx le correspondant n°1 en Allemagne. Il lui fait parvenir livres et coupures de presse, lui transmet le point de vue de milieux bourgeois et libéraux que Marx ne connaît pas ou connaît mal et, inversement, Marx le met en relation avec nombre de ses amis politiques sur le continent (J. Ph. Becker, Borkheim, Carl Hirsch, W. Liebknecht, etc.). Lorsqu'ils sont devenus intimes, Marx n'hésite pas à s'exprimer dans ses lettres avec la plus grande franchise, en particulier il porte à plusieurs reprises des jugements peu flatteurs sur Liebknecht (lors de la première publication de cette correspondance, Kautsky supprima soigneusement ces jugements).

Kugelmann a beaucoup fait pour populariser l'oeuvre de Marx en Allemagne. Son dévouement lui a valu les éloges de Marx : « S'il y avait en Allemagne six personnes de votre calibre, la résistance de la masse des philistins et la conspiration du silence des spécialistes seraient [...] vaincues »[3], ou encore : « Vous avez plus fait pour mon livre que l'Allemagne tout entière »[4]. L'éditeur du Capital était également ravi de la publicité de Kugelmann.[5] Médecin connu, Kugelmann avait de nombreuses relations dans la bourgeoisie hanovrienne et pouvait toucher et faire toucher des organes de presse libéraux. Il réussit effectivement à faire insérer dans plusieurs journaux des comptes rendus anonymes du Capital qu'Engels avait écrits à la demande de Marx. C'est à cette occasion qu'Engels à son tour est entré en relation épistolaires avec Kugelmann et cette correspondance, dont on trouvera plus loin quelques exemples, se poursuivra d'ailleurs jusqu'à la mort d'Engels.

En 1867, Kugelmann prit part au Congrès international de l'AIT à Lausanne et un peu plus tard au Congrès de la paix qui se tint à Genève : il réussit à y contrer le vieil ennemi de Marx, l'agent de Napoléon III, Karl Vogt; ce qui lui valut un satisfecit de Marx.[6]

En mars 1870, Marx charge Kugelmann de transmettre à la direction du parti social‑démocrate (Bracke et Cie) la « Communication confidentielle » qui établit, preuves à l'appui, le travail de sape de Bakounine au sein de l'AIT et prépare son exclusion.[7]

Au congrès du congrès de l'AIT qui eut lieu à La Haye en 1872, Kugelmann défend les positions de Marx dans sa confrontation avec Bakounine, mais contrairement à lui, il considérait que la rupture serait dommageable.

La relation entre Marx et Kugelmann se refroidit, et les deux hommes rompent définitivement au cours d'un séjour passé en commun dans la station thermale de Karlsbad. Marx écrira à Engels : « Ma patience a finalement manqué quand je fus forcé de soutenir leurs problèmes familiaux ». Aucun des deux n'a vraiment explicité les raisons de la rupture.

Le 14 juillet 1895, Kugelmann écrira à Engels à propos de Bebel et de Liebknecht : « Je ne comprends pas pourquoi ils soulignent toujours que la social‑démocratie est un parti révolutionnaire et nullement un parti de réformes. » Il pense qu'il faudrait « organiser, éduquer, améliorer le sort du prolétariat, en attendant [...] que l'évolution ait atteint un point tel qu'on vole apparaître dans les nuages le Sub hoc signo vinces[8] ». Kugelmann avait tendance à négliger l'importance de l'action révolutionnaire des masses, et à croire à un certain automatisme de la victoire du socialisle, voire à penser que la puissance de la théorie marxiste pourrait suffire à convaincre la bourgeoisie...

2 La correspondance entre Marx et Kugelmann

L'ensemble formé des 58 lettres entre Marx et Kugelmann entre 1862 et 1874 a été publié et est connu comme les Lettres à Kugelmann. Elles ont d'abord été publiées en 1902 par Kautsky dans la Neue Zeit. Quand Marx écrivait à Engels, beaucoup de propos étaient seulement allusifs. Il existait une telle connivence entre eux que beaucoup de choses allaient de soi. A l'inverse, non seulement Kugelmann pose beaucoup de questions, mais il émet souvent des jugements que Marx trouve erronnés, et qui le conduisent à préciser sa pensée. D'où l'intérêt de cette correspondance pour les marxistes.

Ces lettres sont beaucoup étudiées pour leur intérêt politique. Elles abordent notamment :

Les lettres traitant de la Commune de Paris ont particulièrement intéressé Lénine, qui a rédigé une préface à l'édition russe (1907)[9], en qui en a fait un fameux commentaire dans L'Etat et la Révolution (1917), où il réaffirme l'importance de la rupture révolutionnaire avec l'Etat bourgeois.[10]

Les lettres renseignent également beaucoup sur la vie de Marx, notamment sur les conditions économiques et sanitaires douloureuses dans lesquelles Marx a écrit Le Capital. Il joint également une notice biographique sur lui dans une lettre de 1868.[11]

3 Liens externes

Lettres de Marx à Kugelmann sur Marxists.org. Avant-propos de Gilbert Badia.

  1. Lettre de Marx à Engels du 24 avril 1867
  2. Franziska Kugelmann, Mohr und General
  3. Lettre de Marx à Kugelmann du 7 décembre 1867
  4. Lettre de Marx à Kugelmann du 12 octobre 1868
  5. Lettre de Marx à Kugelmann du 11 février 1869
  6. Lettre de Marx à Kugelmann du 11 octobre 1867
  7. Lettre de Marx à Kugelmann du 28 mars 1870
  8. « Sous ce signe tu vaincras » : inscription que, selon certains chroniqueurs, l'empereur romain Constantin aurait vu briller sur une croix à la veille de sa bataille contre Maxence.
  9. Lettres à L. Kugelmann - Préface de Lénine à l'édition russe de 1907
  10. Lénine, L'État et la révolution (extraits), 1917
  11. Lettre de Marx à Kugelmann du 30 janvier 1868