Deuxième internationale

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L'Internationale ouvrière, ou Internationale socialiste, appelée rétrospectivement Deuxième internationale, est la grande organisation internationale du mouvement socialiste de 1889 à 1914. Elle fut marquée par un conflit interne entre son aile gauche marxiste et internationaliste et son aile opportuniste. La victoire  pratique de cette aile droite (malgré le rejet officiel de ses théories) mena à la trahison de l'Union sacrée en 1914, et à la dégénérescence de la social-démocratie.

L'histoire et les débats de l'Internationale ouvrière sont largement déterminés par ceux de son plus gros parti, le SPD allemand.

1 Contexte

L'écrasement de la Commune de Paris de 1871, puis la Grande dépression de 1873-1896, ouvrit une période de contre-révolution et de désorganisation du mouvement ouvrier. Nombre de militants de la Première internationale y sont physiquement éliminés, et l'organisation, déjà déchirée par le conflit entre "anarchistes" et "marxistes", disparaît totalement quelques années après.

Parallèlement dans le dernier quart du 19ème siècle, le capitalisme continue à transformer les moyens de production et la société. A côté des industries classiques (textile, charbon, sidérurgie) apparaissent de nouveaux secteurs (chimie, automobile, électricité), la grande industrie devient dominante. Le système gagne aussi du terrain géographique en Europe et en Amérique. De nouvelles couches de salariés (chemin de fer, gaziers, municipaux) apparaissent, tandis que le nombre de travailleurs industriels augmente (en Allemagne, entre 1882 et 1895 leur nombre augmente de 40%, passant de 7,3 millions à 10,2 millions). Le syndicalisme connaît un essor, au point de vue quantitatif : les effectifs ne cessent d’augmenter ; et qualitatif car les fédérations d’industries tendent à supplanter les fédérations de métiers.

L'Internationale ouvrière allait naître d'un rassemblement des partis socialistes, d'abord européens, fortement influencés par les idées marxistes. Dans le contexte d'alors, de tels partis étaient dit social-démocrates, ce qui était quasiment synonyme de révolutionnaire. Mort en 1883, Marx n'assista pas à la naissance de cette grande organisation. En revanche, son ami et collaborateur de toujours, Friedrich Engels, fut un des personnages principaux de sa fondation.

2 Historique

2.1 Congrès de Paris (1889)

Le congrès fondateur de l'Internationale fut le Congrès de Paris qui se tint en juillet 1889. Les partis socialistes d'Europe s'y sont réunis notamment à l'initiative de Friedrich Engels pour établir à quelles conditions ils pouvaient travailler ensemble. Quelques anarchistes étaient présents à ce congrès, mais les divergences profondes qui s'étaient cristallisées lors de la Première internationale étaient désormais claires et ils furent donc exclus : ceux-ci refusaient la politique qu'ils considéraient comme une source de division des travailleurs, et voulaient en rester uniquement à la lutte économique (syndicalisme).

Le congrès décide d’organiser le 1er mai 1890 une manifestation internationale en faveur de la journée de 8 heures (reprenant à son compte la campagne lancée aux Etats-Unis par le syndicat de la Fédération du Travail). La journée internationale des travailleurs est née.

2.2 Un puissant essor

A la fin du 19ème et au début du 20ème siècle, le mouvement ouvrier est puissant et de plus en plus massif et organisé. Pour la première fois dans l’histoire, des partis et des syndicats de masse apparaissent, et dont le principal (le SPD) se réclame de la révolution. La croissance des organisations entraîne une croissance des appareils. Ainsi, en Allemagne, le parti se dote de structures stables après l’abrogation des lois qui le contraignaient à la clandestinité. Les militants des années 1870-80, qui ont connu la clandestinité en Allemagne, ont résisté aux procès et à l’emprisonnement, voient leurs luttes couronnées de succès.

Pour une bonne part, ils accèdent aux postes de responsabilité, ils deviennent des permanents. Tous croient alors que la révolution est imminente, cette conviction est renforcée par les crises successives jusqu’en 1895, et par les progrès constants du mouvement ouvrier. Les raisons de se révolter contre le capital ne manquent pas : sauf exception, pas d’assurances sociales, de retraites, de congés payés...

2.3 Congrès de Bruxelles (1891)

Le congrès adopte la lutte des classes comme principe fondamental.

2.4 Congrès de Zurich (1893)

Le Congrès de Zurich fixe les conditions d’admission :

« Le Congrès reconnaît comme membres du Parti socialiste démocratique révolutionnaire international toutes les organisations et sociétés qui admettent la lutte des classes et la nécessité de socialiser les moyens de production et qui acceptent les bases des congrès internationaux socialistes. »

Mais globalement, les déclarations votées en congrès n'ont qu'une valeur morale, et chaque section possède une autonomie totale.

2.5 Congrès de Londres (1896)

Au congrès de Londres en 1896, les deux sections polonaises s’affrontent sur la question de l’indépendance de la Pologne. Le Parti socialiste polonais (fondé en 1892 et dont le dirigeant le plus connu est Pilsudski) est pour, la SDKPiL est contre. Kautsky ajoute dans la résolution politique adoptée « le plein droit de libre détermination de toute les nations », qui fait office de compromis mais a été peu discuté.

2.6 Progrès de l'opportunisme et du révisionnisme

Mais l'Internationale n'est pas aussi révolutionnaire que ses déclarations le laissent paraître. La croissance capitaliste de la Belle Époque (1896-1914) fait aussi émerger des couches de travailleurs mieux lotis que la majorité prolétarienne. Ce sont ce que Lénine appèlera l'aristocratie ouvrière. Parmi ces couches, un certain conservatisme se développe, puisqu'il leur semble qu'une simple collaboration avec les capitalistes, avec parfois un peu de pression, peut suffire à améliorer leur sort. Les masses de l'Internationale ouvrière sont organisées dans les entreprises, les coopératives, les municipalités, les doumas autour de dirigeants qui sont en voie de “domestication”, et mènent une politique de plus en plus opportuniste et réformiste.

Cette domestication passe aussi plus largement par le renforcement progressif des États bourgeois, et la puissance de l'idéologie dominante s'insinue au coeur de l'idéologie ouvrière qui tente de se constituer. Ainsi, l’ouvrier va être instruit par l’école laïque et obligatoire ; va être dressé par le non moins obligatoire service militaire pour défendre, le cas échéant, la Patrie, l’Empire, bref l’Etat dont il va avoir l'illusion de devenir un citoyen à part entière par le bulletin de vote.

La pratique réelle, c'est que les campagnes électorales devenaient de plus en plus un but en soi et servaient de moins en moins à défendre une propagande révolutionnaire. C'est également que les syndicats étaient de moins en moins offensifs et de plus en plus enclins à collaborer avec le patronat. Dans ce contexte, plusieurs voix ont tenté de réviser la théorie marxiste pour abandonner l'idée révolutionnaire qui n'était plus vivante. Les congrès, dominés par la direction du SPD (plus tard caractérisée par les révolutionnaires comme "centriste") condamnait toujours officiellement ces écarts, mais souvent mollement et sans tirer aucune conséquence.

2.7 Congrès de Paris (1900)

Le Congrès de Paris de 1900 créé le Bureau Socialiste International, composé de deux délégués par pays. Il ne tiendra sa première réunion que le 30 décembre 1901. Cet organe a pour but de raffermir les liens entre les divers partis sociaux-démocrates constituant la Seconde Internationale qui restait une fédération très souple. Le secrétariat du Bureau fut confié à Victor Serwy puis à Camille Huysmans à partir de 1906. Les journalistes comme les parlementaires des partis ont leurs commissions internationales.

Lors de ce congrès, le révisionnisme de droite est rejeté. Les délégués sont amenés à se prononcer sur le "ministérialisme" (le socialiste français Millerand est devenu ministre d'un gouvernement bourgeois). C’est Kautsky qui trouve la formule de compromis, la participation au gouvernement de socialistes ne peut être qu’un expédient, car « la lutte des classes interdit toute espèce d’alliance avec une fraction quelconque de la classe capitaliste ». Il est « admis que des circonstances exceptionnelles peuvent rendre nécessaires par endroits des coalitions (bien entendu sans confusion de programme ou de tactique) ».


2.8 Les premières scissions

L’opposition entre réformistes et révolutionnaires se manifeste dès 1903 en Russie, où le parti se divise entre mencheviks et bolcheviks, et en Bulgarie entre “ Larges ” et “ Etroits ”. En 1909, la scission se produit en Hollande. Ce sont des scissions qui paraissent alors mineures à l'échelle de l'Internationale, mais ce sont des symptômes du fossé qui se creuse. Cependant que ce soit pour Luxemburg ou Lénine (membre de l'Internationale depuis 1895), il ne saurait être question de quitter l’Internationale. Pour eux, le révisionnisme est un courant qui doit être combattu. Ils ne perçoivent pas que derrière les pratiques se dresse une couche sociale particulière. Selon l'expression du bolchévik Alexandre Bogdanov, les révolutionnaires dans la IIe Internationale se voyaient eux-mêmes comme « l’avant-garde de l’avant-garde ».

2.9 Congrès d'Amsterdam (1904)

En 1904, le Congrès d’Amsterdam « condamne de la manière la plus énergique les tentatives révisionnistes tendant à changer notre tactique éprouvée et victorieuse basée sur la lutte des classes. »

Bernstein appelle de ses vœux une « politique coloniale socialiste »

2.10 Congrès de Stuttgart (1907)

Le Congrès de Stuttgart a lieu dans la plus grande salle de Stuttgart, et 1000 délégués ainsi qu’une foule de cinquante mille personnes participèrent à la manifestation qui marqua son ouver­ture. Même le Japon et l’Inde furent représentés.

Dans une commission sur les questions concernant spécifiquement les travailleuses, l’un des débats les plus mouve­mentés opposa les socialistes autrichiens à ceux des autres pays sur la question du vote des femmes. Comme dans l’Autriche cléricale, les travailleurs masculins en étaient encore à réclamer le vote direct et secret, ils hésitaient à compromettre leur revendication en s’enga­geant dans une lutte pour le suffrage universel. Ils proposaient de différer cette lutte jusqu’à l’obtention du droit de vote pour les hommes. Ce point de vue, approuvé par les Autrichiennes, fut vivement critiqué par Clara Zetkin et la majorité des délégués.

Le Congrès de Stuttgart ouvre ses débats sur la question de la guerre et sur les moyens de s’y opposer. Face à la proposition des délégués français (sauf Guesde), qui prévoit la grève générale en cas de guerre, les Allemands, conduits par Bebel et Vollmar la rejettent. Bebel se refuse à envisager tout plan d’action précis. Il estime que la grève générale en Allemagne détruirait toutes les organisations. Finalement sur proposition de Rosa Luxemburg et de Lénine, entre autre, l’amendement suivant est adopté, avec les voix du centre :

« Au cas où la guerre éclaterait néanmoins, ils ont le devoir de s’entremettre pour la faire cesser promptement et d’utiliser de toutes leurs forces la crise économique et politique créée par la guerre pour agiter les couches populaires les plus profondes et précipiter la chute de la domination capitaliste. »

Au cours des discussions, le délégué anglais Harry Quelch, parlant des diplomates qui délibéraient à La Haye sur les moyens d’arrêter la guerre, qualifia la réunion d’« assemblée de voleurs ». Son discours parut dans les journaux locaux, et une heure après il recevait l’ordre de quitter immédiatement l’Allema­gne (par décret du gouvernement de Wurtemberg, sous la pression de Berlin).

« Bebel se sentit aussitôt mal à son aise. Le parti n'osa pas entreprendre quoi que ce fût contre l'expulsion. Il n'y eut même pas de manifestation pour protester. Le congrès international se conduisit comme une bande d'écoliers: le maître chasse de classe un élève insolent, et tous se taisent. »[1]

Quelch fut donc expulsé sans réelle réaction, après un dîner impromptu donné en son honneur. Les séances reprirent, avec son fauteuil couvert de fleurs.

En 1907, se tient la Première Conférence internationale des femmes socialistes. A cette occasion est formé un Bureau international à la tête duquel on retrouve Clara Zetkin. La même année se constitue la Fédération internationale de la Jeunesse socialiste, à l’initiative de Karl Liebknecht. Cependant, l’Internationale ne la reconnaît pas, et en Allemagne, les Jeunes socialistes sont considérés comme trop radicaux.

2.11 Congrès de Copenhague (1910)

Le congrès réaffirme que « les guerres ne sont actuellement causées que par le capitalisme et particulièrement par la concurrence économique internationale des Etats capitalistes sur le marché du monde… », la solution passe donc par la révolution socialiste, car « la chute du capitalisme signifie la paix universelle  ».

En 1911, alors que la France et l’Allemagne s’affrontent diplomatiquement, à Berlin comme à Paris des foules ouvrières acclament les orateurs socialistes. Comme August Bebel, fondateur du parti socialiste allemand, député au Reichstag, qui menace ainsi les classes dirigeantes : « Je suis convaincu que cette grande guerre mondiale (à venir) sera suivie d’une révolution mondiale. Vous récolterez ce que vous avez semé. Le crépuscule des Dieux approche pour le régime bourgeois ».

L’année suivante, en 1912 la guerre éclate dans les Balkans, région où l’Autriche et la Russie sont en concurrence. La première est la « protectrice » de la Bulgarie, et la seconde soutient la Serbie . Le Bureau de l’Internationale appelle ses sections à organiser le dimanche 17 novembre 1912 une démonstration de force des travailleurs contre l’extension de la guerre balkanique. De grandes manifestations se déroulent alors à Londres, Berlin, Milan, Rome et Strasbourg (territoire allemand). Elles sont le prélude du Congrès extraordinaire de Bâle qui se tient les 24 et 25 novembre suivants.

2.12 Congrès de Bâle (1912)

Les délégués et le public, réunis dans la cathédrale, sont suspendus aux lèvres d’un des plus grands orateurs : Jaurès, le leader du parti socialiste français. Il prononce alors un de ses plus célèbres discours :

« J’appelle les vivants pour qu’ils se défendent contre le monstre qui apparaît à l’horizon ; je pleure sur les morts innombrables couchés là-bas vers l’Orient et dont la puanteur arrive jusqu’à nous comme un remords ; je briserai les foudres de guerre qui menacent dans les nuées. Oui, j’ai entendu cette parole d’espérance. Mais cela ne suffit pas pour empêcher la guerre. Il faudra toute l’action concordante du prolétariat mondial. »

Le 25 novembre, les délégués approuvent à l’unanimité le Manifeste qui s’adresse tant aux travailleurs qu’aux dirigeants:

« Le Congrès […] demande aux travailleurs de tous les pays d’opposer à l’impérialisme capitaliste la force de la solidarité internationale du prolétariat ; il avertit les classes dirigeantes de tous les pays de ne pas accroître encore, par des actions de guerre, la misère infligée aux masses par le mode de production capitaliste (…). Que les Gouvernements sachent bien que dans l’état actuel de l’Europe et dans la disposition d’esprit de la classe ouvrière, ils ne pourraient, sans péril pour eux-mêmes, déchaîner la guerre.»

Le rapporteur clôt alors le Congrès extraordinaire en lançant le fameux « Guerre à la guerre », puis la salle entonne les chants révolutionnaires dont L’Internationale.

3 La guerre de 1914 et l'Union sacrée

Après le déclenchement de la Première Guerre mondiale, les leaders socialistes (à l'exception des Russes, des Serbes et des Bulgares), votèrent les crédits militaires demandés par les gouvernements, et prônèrent la trêve sociale au nom du nationalisme (« Union sacrée »). Ils appelaient donc les prolétaires de chaque pays à faire bloc avec leur bourgeoisie contre les prolétaires des autres pays. Des pans entiers des partis socialistes répandaient même ouvertement des discours chauvins.

Les militants fidèles à l'internationalisme et au pacifisme dénoncent ce reniement de la majorité, et militent contre la guerre - ce qui leur vaut souvent d'être exclus de la Deuxième Internationale (c'est le cas par exemple de Rosa Luxemburg et de Karl Liebknecht en Allemagne).

L'Internationale cesse de fait d'exister pendant la guerre. Cependant beaucoup de dirigeants évoquent l'idée de relancer l'Internationale comme avant et comme si de rien n'était, quand cela sera possible.

Durant le conflit, deux conférences, celle de Zimmerwald et surtout celle de Kienthal, ont réuni les militants de la gauche de l'Internationale, parfois exclus, pour s'opposer à la guerre et aux dirigeants socialistes la soutenant. Mais parmi ces « zimmerwaldiens », les positions allaient de la gauche révolutionnaire (en faveur d'une nouvelle Internationale et appelant immédiatement à transformer le chaos de la guerre en révolution sociale) au centrisme pacifiste (plus modérés et croyant généralement plus à la possibilité de convaincre la majorité de la Deuxième internationale).

4 La révolution russe et la scission

La Révolution russe de 1917 va ajouter un clivage de plus dans le mouvement ouvrier international : tandis que la révolution enthousiasmait de larges masses ouvrières, elle était globalement condamnée par les vieilles directions réformistes. La plupart du mouvement zimmerwaldien soutint la révolution russe, mais un certain nombre de dirigeants qui furent dans l'Union sacrée pendant la guerre finit aussi par s'y rallier.

En février 1919, les dirigeants de la Deuxième internationale se réunissent à la Conférence de Berne. Les délégués de l’aile droite et du centre s’étaient violemment affrontés, principalement sur la question de la Russie et des Bolcheviks et sur la reconstitution de la Seconde Internationale. Plusieurs partis socialistes — ceux d’Italie, de Suisse, de Serbie, de Roumanie et d’Amérique — s’étaient abstenus d’envoyer des délégués. Mais l’aile droite l’avait emporté, et l’on avait sévèrement condamné les méthodes de « dictature » employées en Russie.

Répondant directement à cette conférence, le congrès de fondation de la Troisième internationale a lieu à Moscou en mars 1919. Partout, de nombreux socialistes (majoritaires ou minoritaires selon les pays) quittent la Deuxième Internationale pour rallier l'Internationale communiste. A partir de cette rupture historique causée par la guerre et la révolution, on distinguera les « communistes » de leurs ex-camarades « socialistes ».

Mais un certain nombre de courants socialistes rompent avec les social-chauvins tout en voulant garder leurs distance avec les bolchéviks. Ils vont notamment former l'Union des partis socialistes pour l'action internationale, connu sous le nom « d'Union de Vienne », et raillée par les communistes comme « Internationale deux et demie ».

En 1923, les derniers partis membres de l'Internationale ouvrière se rassembleront avec ceux de l'Union de Vienne pour former l'Internationale ouvrière socialiste. Laquelle en 1951, après une nouvelle perte de contact pendant la guerre, se reformera en Internationale socialiste.

Selon beaucoup de léninistes, dont les trotskistes, la rupture entre la Deuxième internationale et l'Internationale communiste a été profonde, et le marxisme a été complètement repensé. Certains ont employé l’expression « marxisme de la IIe Internationale » (Karl Korsch et Georg Lukàcs notamment) par opposition au marxisme vivant de la IIIe Internationale. D'autres soulignent qu'en grande partie, la IIIe Internationale a plutôt maintenu les meilleures traditions militantes de la IIe Internationale, que celle-ci abandonnait :

« Nos techniques et nos pratiques, tout notre rapport au monde, sont plus proches de la IIe Internationale que nous le croyons. (...) [L]e terme même de « manifestation », pour désigner un rassemblement de masse ou quelque chose de similaire, provient de cette période et qu’il a été plus ou moins inventé par la gauche socialiste. Ainsi, la presse officielle de parti, les pétitions, les protestations, les placardages, les banderoles, à peu près tout ce que la gauche fait au quotidien, ont été élaborés et déterminés par la logique fondamentale selon laquelle la IIe Internationale se comprenait elle-même, à savoir : nous avons un but, l’enjeu est alors d’articuler la condition présente à ce but plus large. »[2]

5 Les congrès

Lieu Dates Notes
Premier congrès Paris 14-19 juillet 1889 Division dans la section française entre les "possibilistes" et les "marxistes"
Deuxième congrès Bruxelles 3-7 août 1891 Affirmation de la lutte des classes comme principe fondamental
Troisième congrès Zurich 9-13 août 1893 Création de la Fédération internationale des travailleurs de la métallurgie
Quatrième congrès Londres 26-31 juillet 1896 Affirme l'opposition à la colonisation et le droit des nations à l'auto-détermination
Cinquième congrès Paris 23-27 septembre 1900 Etablit un Bureau socialiste international
Sixième congrès Amsterdam 14-20 août 1904
Septième congrès Stuttgart 18-24 août 1907
Huitième congrès Copenhague 28 août-3 sept. 1910 Création de l'Internationale socialiste des femmes qui fixe le 8 mars comme Journée internationale des femmes.
Neuvième congrès Bâle 24-25 novembre 1912 Congrès extraordinaire contre le danger de guerre

6 Implantation

Ll’Internationale ouvrière a des sections nationales dans plus de vingt pays. En 1912, elle enregistrait 3 372 000 adhérents ; en outre son influence s’exerçait sur 7 315 000 coopérateurs, 10 830 000 syndiqués, 11 à 12 millions d’électeurs et les lecteurs de 200 grands quotidiens.[3]

6.1 Europe

Le SPD est le premier parti de l'Internationale, mais aussi le plus grand parti de masse au monde. Autour du parti et des syndicats, des myriades d’associations et de coopératives se sont créées, l’ensemble forme une véritable contre-société.

Pays Parti Fondation
Allemagne Parti social-démocrate d'Allemagne (SPD) 1863
Danemark Parti social-démocrate danois 1871
Portugal Parti socialiste portugais 1875
Espagne Parti socialiste ouvrier espagnol 1879
Belgique

Parti ouvrier belge

1885
Norvège

Parti travailliste norvégien

1887
Suisse Parti socialiste suisse 1888
Autriche

Parti ouvrier social-démocrate d'Autriche

1889
Suède

Parti social-démocrate suédois des travailleurs

1889
Hongrie Parti social-démocrate de Hongrie 1890
Italie

Parti socialiste italien

1892
Pologne Social-démocratie du Royaume de Pologne 1892
Pays-Bas Parti social-démocrate des ouvriers 1893
Roumanie Parti social-démocrate des travailleurs de Roumanie 1893
Bulgarie Parti social-démocrate ouvrier bulgare 1894
Lituanie Parti social-démocrate lituanien 1896
Russie

Parti ouvrier social-démocrate de Russie

Parti socialiste-révolutionnaire (à partir de 1902)

1898
Finlande

Parti social-démocrate de Finlande

1899
Royaume-Uni

Parti travailliste
Le parti rejette d'emblée le marxisme.

1900
Luxemburg

Parti ouvrier socialiste luxembourgeois

1902
Lettonie Parti social-démocrate du travail letton 1904
France Section française de l'internationale ouvrière 1905
Irlande

Parti travailliste d'Irlande

1912

6.2 Amérique du Nord

Parti socialiste d'Amérique, fondé en 1901

6.3 Amérique Latine

Parti socialiste d'Argentine, fondé en 1896

Parti socialiste d'Uruguay, fondé en 1910

6.4 Océanie

Parti socialiste du Victoria, fondé en 1905

7 Caractéristiques

7.1 Fédéralisme

Ses congrès se réunissaient tous les 2 ou 4 ans. Ils étaient utiles comme lieux de rencontre, d’échanges d’idées ; chaque parti national pouvait y rendre compte de sa situation. Mais, organisme purement fédératif (en deçà du fonctionnement et des statuts de la première internationale de ce point de vue), les résolutions du Congrès étaient des déclarations parfois ronflantes ou théoriques qui n’engageaient pas les membres de l’Internationale.

7.2 Place des syndicats

L’Internationale entend à l'origine regrouper les syndicats avec les partis, comme la Première internationale. Cependant, dès 1893, certaines organisations syndicales, dont les trade-unions anglais, se réunissent séparément. Sur proposition de ces derniers se met en place une Internationale syndicale. A partir de 1902, un Secrétariat international des syndicats est formé, sous la houlette des syndicats allemands. La division du travail entre parti (action politique) et syndicat (action économique) a pour conséquence de favoriser l’orientation réformiste des dirigeants syndicaux, et de favoriser un électoralisme du parti qui concçoit de moins en moins son action comme fondée sur un rapport de force extra-parlementaire.

8 Notes et sources

La deuxième internationale, sur Marxists.org : français | anglais

HAUPT Georges, La Deuxième Internationale 1889-1914

HAUPT Georges, Bureau Socialiste International

Socialisme international, La trahison de la Deuxième internationale

  1. Léon Trotsky, Ma vie, 16. Deuxième émigration - le socialisme allemand, 1930
  2. Lire Lénine. Entretien avec Lars Lih, 2013
  3. Les Marxistes, Kostas Papaioannou, J’ai lu, 1965